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Décisions

CA Caen, ch. corr., 12 janvier 1996, n° 96-00003

CAEN

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Deroyer

Conseillers :

M. Lepaysant, Mme Bliecq

Avocat :

Me Damecourt.

TGI Cherbourg, ch. corr., du 28 juin 199…

28 juin 1995

Rappel de la procédure:

Le jugement:

Saisi de poursuites dirigées contre H Gérard de s'être rendu coupable de:

Tromperie sur la nature, la qualité, l'origine ou la quantité d'une marchandise, le 26 octobre 1993, à Tourlaville, infraction prévue et réprimée par l'article L. 213-1 du Code de la consommation

Défaut de remise du procès-verbal de visite technique, infraction prévue et réprimée par l'article 5 bis du décret 78-993 du 4 octobre 1978, 3 de l'arrêté du 18 juin 1991 et L. 214-2 du Code de la consommation.

Le Tribunal correctionnel de Cherbourg par jugement en date du 28 juin 1995 a déclaré le prévenu coupable des infractions et l'a condamné à 10 000 F d'amende pour le délit de tromperie sur la nature, la qualité, l'origine, ou la quantité de la marchandise, et à 1 000 F d'amende pour défaut de remise du procès-verbal de la visite technique.

Les appels:

Appel a été interjeté par:

Monsieur H Gérard, le 26 juin 1995

M. le Procureur de la République, le 26 juin 1995

Madame Moroni David, le 29 juin 1995

Le 26 novembre 1993 David Moroni a acquis à la société X <adresse>, dont Gérard H est le gérant, une voiture Lada Niva, mise en circulation le 22 avril 1986, affichant 92 622 KM, proposée à la vente pour le prix de 18 000 F réduit, après négociation à 16 000 F.

Le rapport de contrôle technique a été remis avec un rapport de contre-visite, daté du 28 octobre 1993, soit deux jours après la vente.

M. Moroni estimant que le moteur de cette voiture était défectueux a pris contact avec le service des fraudes; il a déclaré que, lors de l'achat, le véhicule avait un bruit anormal s'accentuant au fil du temps et qu'il fumait beaucoup; par la suite il a consulté un expert automobile, M. Gilles qui a établi le 26 novembre 1993 un rapport dont il sera retenu que le moteur présente d'importantes fuites d'huile, qu'il existe un bruit de bielle au démarrage à froid et un refoulement important des compressions dans le carter, que la consommation d'huile est importante 1 litre pour 200 KM, que M. Moroni qui pensait que l'huile pouvait être consommée par son passage dans les guides des soupapes a fait procéder à la réfection de la culasse, mais le contrôle de pression d'huile à la remise en route a démontré que les travaux n'avaient rien amélioré; l'expert conclut, sans avoir effectué de démontage, que le moteur est hors d'usage, que l'acquéreur ne pouvait s'en rendre compte qu'à l'utilisation, alors que le vendeur, professionnel, ne pouvait l'ignorer; il ajoute que l'état du moteur permet d'émettre des doutes sur son kilométrage véritable.

Le bon de commande porte la mention manuscrite suivante: "je reconnais avoir pris connaissance de l'état du véhicule et l'accepte donc dans l'état où il se trouve".

M. H demande à la cour de constater que la contravention de non remise du rapport de visite technique est amnistiée et sollicite sa relaxe pour le délit de tromperie.

Il fait valoir qu'il n'est pas démontré que le moteur ait été hors d'usage et que le jugement n'a pas caractérisé la tromperie.

Il convient de constater l'amnistie de la contravention, en application de l'article 1er de la loi du 3 août 1995.

Sur le délit de tromperie il sera relevé que si le rapport de M. Gilles n'est pas contradictoire, il ressort des déclarations concordantes de M. Moroni, comme de celles de M. Evrard, salarié de la société X et qui a réalisé la vente que le moteur faisait "un bruit" que s'il n'est pas contesté qu'avant de donner son consentement l'acquéreur a demandé l'avis d'un professionnel, cette consultation a été rapide, et la mention inscrite sur le bon de commande ne pouvait porter que sur l'état apparent du véhicule et non sur les défauts apparus à l'usage.

Si l'intention frauduleuse est un élément constitutif du délit de tromperie, celle-ci est appréciée de façon rigoureuse lorsqu'il s'agit, comme en l'espèce, d'un vendeur professionnel, que M. H admettait, lors de son audition par les enquêteurs, n'avoir effectué ou fait effectuer aucune vérification sérieuse du véhicule puisqu'il déclarait "qu'il lui était impossible de savoir quel était le problème exact du moteur" alors qu'il lui appartenait de le faire avant de le proposer à la vente, ou alors à défaut d'en avertir précisément son client avant la vente et en portant une mention claire et exacte à cet égard. La mention sibylline portée sur le bon de commande n'établit en effet pas que le vendeur avait clairement averti l'acquéreur potentiel du véhicule de l'état exact du moteur qu'en sa qualité de professionnel de l'automobile, il ne pouvait ignorer.

Le jugement dont appel sera confirmé sur la culpabilité.

Il en sera de même de la peine, celle-ci étant adaptée aux faits comme à la personnalité du prévenu.

M. Moroni partie civile demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré sa demande irrecevable et de condamner M. H à lui payer la somme de 22 807,29 F en réparation de leur dommage.

La Confédération syndicale des familles CSF prie la cour de condamner M. H à lui payer la somme de 3 000 F à titre de dommages et intérêts.

Il convient d'infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevable la constitution de partie civile des époux Moroni, la cour disposant d'éléments suffisants d'appréciation pour réparer son préjudice par une indemnité de 8 000 F au vu des différentes factures produites.

En effet c'est par une interprétation erronée de la lettre portant constitution de partie civile, additionnant à tort le total exact du préjudice allégué et le total arrondi, que le tribunal a déclaré la demande des époux Moroni irrecevable.

L'indemnisation du préjudice subi par la CSF a été exactement appréciée par le jugement dont appel qui sera confirmé sur ce point.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Reçoit les parties en leurs appels; Vu les articles L. 213-1, L. 213-6 2, L. 216-3 du Code de la consommation; Constate l'amnistie de la contravention de non remise du procès-verbal de visite technique; Confirme le jugement sur la culpabilité du délit de tromperie, la peine, la constitution de partie civile de la Confédération Syndicale des Familles, et les dispositions civiles au profit de la partie civile; Le réformant pour le surplus; Reçoit les époux Moroni en leur constitution de partie civile et condamne Gérard H à leur payer la somme de 8 000 F à titre de dommages et intérêts; La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 800 F dont est redevable le condamné; Condamne M. H aux dépens de l'action civile.