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Décisions

CA Paris, 13e ch. A, 25 mars 1996, n° 95-05621

PARIS

Arrêt

Infirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Petit

Conseillers :

MM. Guilbaud, Paris

Avocat :

Me Gillot.

TGI Paris, 31e ch., du 28 juin 1995

28 juin 1995

Rappel de la procédure:

La prévention:

P Michel est poursuivi du chef de tromperie sur la nature, la qualité, l'origine ou la quantité d'une marchandise, en l'espèce des meuleuses d'angle et des pistolets à colle déclarés dangereux et non conformes ainsi que des chargeurs de batterie déclarés non conformes.

Faits commis du 1er septembre 1993 au 31 octobre 1993, à Paris,

Infraction prévue et réprimée par l'article L. 213-1 Code de la consommation

Le jugement:

Le tribunal, par jugement contradictoire, a:

Vu l'article 470 du Code de procédure pénale, relaxé P Michel des fins de la poursuite,

Les appels:

Appel a été interjeté par M. le Procureur de la République, le 5 juillet 1995 contre Monsieur P Michel.

Décision:

Rendue contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant sur le seul appel relevé par le Ministère public à l'encontre du jugement précité auquel il convient de se référer pour l'exposé de la prévention;

Par voie de conclusions Michel P sollicite la confirmation du jugement de relaxe entrepris, faute d'élément intentionnel avéré ou démontré;

Monsieur l'Avocat général reprenant pour son compte les motivations de la requête de Monsieur le Procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Paris requiert l'infirmation de la décision critiquée;

II fait essentiellement valoir que l'importateur est tenu de vérifier la conformité de produits aux normes françaises non seulement lors de la première mise sur le marché mais aussi ultérieurement. Que le prévenu ne saurait plaider l'exonération de toute responsabilité au seul motif qu'il a effectué un contrôle à l'origine. Qu'il se devait ensuite de contrôler périodiquement les produits qu'il importait;

Que par ailleurs l'élément intentionnel du délit de tromperie résulte en l'espèce d'une absence de vérification régulière de la marchandise importée, obligation qui incombe à un importateur professionnel;

Il demande en conséquence à la cour de déclarer le prévenu coupable des faits tels que visés à la prévention et de le condamner à une peine d'amende de 5 000 F;

Considérant qu'il convient de rappeler que les fonctionnaires de la Direction Générale de la Concurrence de la Consommation et de la Répression des Fraudes ont procédé le 22/09/1993 à un contrôle au [magasin X] de la zone commerciale <adresse>à Niort; qu'ils ont prélevé une meuleuse d'angle sans marque vendue 349 F, un pistolet à colle sans marque vendu 35 F, et un chargeur universel sans fil pour batterie sans marque vendu 169 F; que les analyses effectuées les 26/10 et 18/11/1993 ont révélé que ces 3 produits n'étaient pas conformes à la réglementation relative au matériel électrique, 2 d'entre eux, la meuleuse d'angle et le pistolet à colle, étant qualifiés de dangereux;

Considérant que Michel P, Président du conseil d'administration de Z, société d'importation des [magasins à l'enseigne Y], a reconnu être le responsable de la première mise sur le marché de ces produits; qu'il expose toutefois avoir fait pratiquer, avant importation, une analyse détaillée de la marchandise par le laboratoire Pourquery, expert près la Cour d'appel de Lyon; que ces vérifications préalables ont donné lieu à 3 rapports en date des 26/06/1992 (meuleuse d'angle), 19/05/1993 (pistolet à colle), et 22/07/1993 (chargeurs de batterie), qui ont conclu à la conformité de ces produits; qu'en faisant procéder à un auto-contrôle préalable à la commercialisation par un laboratoire qui présentait toutes les garanties de sérieux, il ne peut lui être reproché une quelconque négligence ou un manque de vigilance susceptible d'engager sa responsabilité pénale;

Considérant que la cour ne saurait suivre le prévenu en son argumentation;

Considérant en effet que la cour constate qu'aux termes de l'article L. 212-1 du Code de la consommation, "dès la première mise sur le marché, les produits doivent répondre aux prescriptions en vigueur relatives à la sécurité et à la santé des personnes... et à la protection des consommateurs", qu'ainsi, "le responsable de la première mise sur le marché d'un produit est donc tenu de vérifier que celui-ci est conforme aux prescriptions en vigueur";

Considérant qu'il est établi que, préalablement à l'importation des lots litigieux, il a été procédé à des tests sur des échantillons adressés au laboratoire Pourquery, et ce à l'initiative de Z;

Considérant toutefois que le contrôle préalable portant sur de simples échantillons ne saurait suffire à répondre aux exigences de l'article L. 212-1 du Code de la consommation; qu'il convenait, en l'espèce de procéder au contrôle des lots importés dès leur arrivée sur le territoire national, ce d'autant plus que le laboratoire préalablement saisi n'avait pas capacité à délivrer des certificats pour ce type de produits;

Qu'ainsi donc et contrairement à ce qui est soutenu par la défense le prévenu s'est bien rendu coupable des faits tels que visés à la prévention étant observé par ailleurs que l'élément intentionnel du délit de tromperie résulte en l'espèce de ce que P Michel s'est abstenu de tout contrôle de la marchandise après l'arrivée de celle-ci en France;

Considérant en conséquence que le jugement entrepris sera infirmé et le prévenu déclaré coupable du délit de tromperie;

Considérant que les conclusions du Laboratoire Interrégional de la Répression des Fraudes sont dénuées d'équivoque, qu'elles retiennent non seulement la non-conformité des produits en cause mais également la dangerosité de la meuleuse d'angle et du pistolet à colle; que la faute professionnelle imputée au prévenu revêt donc un caractère de particulière gravité, qu'il échet, en répression de le condamner à une amende de 50 000 F; qu'il convient, à titre de peine complémentaire, d'ordonner la confiscation des objets saisis aux fins de destruction;

Par ces motifs: LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement sur le seul appel du Ministère public, Rejette les conclusions de relaxe de Michel P; Infirme le jugement dont appel en ce qu'il a renvoyé Michel P des fins de la poursuite; Déclare Michel P coupable d'avoir à Paris et sur le territoire national, courant septembre - octobre 1994, trompé le contractant sur les qualités substantielles, l'aptitude à l'emploi, les risques inhérents à l'utilisation, les contrôles effectués, en l'espèce des meuleuses d'angle et des pistolets à colle déclarés dangereux et non conformes, ainsi que des chargeurs de batterie déclarés non conformes, faits prévus par l'article L. 213-1 du Code de la consommation, et réprimés par les articles L. 213-1, L. 216-2 et L. 216-3 dudit Code; En répression, condamne Michel P à la peine de 50 000 F d'amende; Ordonne la confiscation des objets saisis aux fins de destruction; La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 800 F dont est redevable chaque condamné.