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Décisions

Cass. crim., 7 février 1996, n° 95-81.727

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Simon

Rapporteur :

Mme Ferrari

Avocat général :

M. Galand

Avocats :

SCP Guiguet, Bachellier, Potier de la Varde.

Aix-en-Provence, 5e ch., du 25 janv. 199…

25 janvier 1995

LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par S Aorel, contre l'arrêt de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 5e chambre, du 25 janvier 1995, qui l'a condamné, pour tromperie, à 6 mois d'emprisonnement avec sursis, pour contraventions de fraudes, à 76 amendes de 500 francs et a prononcé sur les intérêts civils; - Vu le mémoire produit; - Attendu qu'en ce qui concerne les contraventions de fraude, l'action publique est éteinte par l'effet de l'article 1er de la loi du 3 août 1995 portant amnistie; - que cependant, aux termes de l'article 21 de cette loi, la juridiction de jugement saisie reste compétente pour statuer sur les intérêts civils; qu'il y a lieu d'examiner, dans cette limite, les moyens de cassation, relatifs aux contraventions, proposés par le demandeur;

Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 1er de la loi du 1er août 1905, 18 du décret du 7 décembre 1984, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale;

"en ce que Aorel S a été déclaré coupable du délit de tromperie sur les risques inhérents à l'utilisation du produit;

"aux motifs qu'il ne saurait être sérieusement contesté que l'ingestion par l'homme de denrées dont la date limite de consommation est dépassée peut entraîner des risques pour la santé; que dès lors de tels agissements tombent, contrairement à ce que soutient le prévenu, sous le coup de l'article 1er de la loi du 1er août 1905 qui réprime quiconque aura trompé le contractant sur les "risques inhérents à l'utilisation du produit";

"alors qu'à défaut de preuve de la dangerosité effective du produit, l'absence d'étiquetage d'une denrée constitue, la date limite de consommation de celle-ci serait-elle dépassée, la contravention prévue par l'article 18 du Décret du 7 décembre 1984, et non le délit que la cour d'appel a déclaré le prévenu coupable d'avoir commis; que dès lors, la cour d'appel, qui a déduit l'existence d'une tromperie sur les risques inhérents à l'utilisation du produit du seul dépassement de la date limite de vente, n'a pas donné de base légale à sa décision";

Attendu que, pour caractériser le délit de tromperie sur les risques inhérents aux produits vendus, l'arrêt attaqué relève que dans la vitrine du rayon boucherie d'un magasin à grande surface, étaient offertes à la vente, "en promotion", 32 cuisses de dinde ôtées de leur conditionnement et dépourvues d'étiquetage, dont la date limite de consommation figurant sur l'emballage d'origine était dépassée;

Attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués; d'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli;

Sur le troisième moyen de cassation pris de la violation des articles 1er, 11 et 13 de la loi du 1er août 1905, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale;

"en ce que Aorel S a été déclaré coupable du délit de tromperie prévu par l'article 1er de la loi du 1er août 1905 et de diverses contraventions;

"aux motifs que c'est à juste titre que le Tribunal correctionnel de Grasse a déclaré Aorel S, se disant au moment de l'interpellation directeur du magasin (ce qui a été confirmé par Patrice Guillaume président-directeur général du groupe) et qui n'allègue aucune délégation de ses pouvoirs à un tiers, coupable du délit de tromperie;

"alors que dans ses conclusions d'appel, Aorel S faisait valoir qu'il n'avait reçu de son employeur, en sa qualité de directeur de magasin, qu'une responsabilité générale d'administration et de gestion, mais qu'il ne disposait d'aucune délégation en matière technique et juridique, de sorte que les infractions en matière de fraude relevées dans ce magasin, à l'égard desquelles il ne disposait d'aucune délégation spécifique, ne pouvaient lui être pénalement imputées; qu'en se bornant à faire état de sa qualité de directeur de magasin, ne justifiant d'aucune délégation qu'il aurait lui-même donnée à un tiers, la cour d'appel, qui n'a pas répondu au chef péremptoire que présentaient sur ce point lesdites conclusions, n'a pas justifié par des motifs suffisants de la mauvaise foi du prévenu";

Attendu que, pour imputer au demandeur la responsabilité pénale des infractions de fraude relatives aux denrées vendues dans le magasin à grande surface, l'arrêt attaqué énonce que, directeur salarié de ce magasin, il n'allègue aucune délégation de ses pouvoirs;

Attendu qu'en l'état de ce motif, d'où il se déduit que le prévenu a manqué à l'obligation de vérification et de contrôle qui lui incombait personnellement en raison de sa fonction, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir le grief allégué; - que le moyen doit, dès lors, être écarté;

Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles 4 du Code pénal et 13-1 de la loi du 1er août 1905 (L. 214-3 du Code de la consommation);

"en ce que le règlement n° 2772-75 du Conseil des Communautés européennes concernant certaines mesures de commercialisation applicables aux oeufs que le prévenu a été déclaré coupable d'avoir enfreint ne constituait pas à la date des faits, à défaut de décret au Conseil d'Etat l'ayant prévu, une mesure d'exécution de l'article 11 de la loi du 1er août 1905";

Attendu que le prévenu est poursuivi pour avoir, au cours de l'année 1989, commercialisé des oeufs cassés et souillés, sans emballage ni identification du centre d'emballage, faits contrevenant d'une part aux articles 7, 8 et 9 du règlement CEE n° 2772-75 du 29 octobre 1975 et, d'autre part, à l'article 20 du même texte; qu'il a été déclaré coupable des deux contraventions;

Attendu que, contrairement aux allégations du demandeur, ces dispositions constituent, en ce qui concerne le commerce des oeufs, les mesures d'application prévues à l'article 11 de la loi du 1er août 1905 ainsi que l'a constaté l'article 2 du décret du 17 septembre 1969, alors en vigueur;

Attendu que ce règlement a été abrogé par le règlement CEE n° 1907-90 du 26 juin 1990 désormais applicable; que les dispositions de l'ancien article 20 ont été reprises dans le nouveau texte; qu'elles constituent, aux termes du décret du 27 juillet 1994, les mesures d'exécution prévues aux articles L. 214-1 et L. 214-3 du Code de la consommation et que leur méconnaissance est sanctionnée par l'article L. 214-2 du même Code;

Attendu que les articles 7, 8 et 9 du règlement CEE 2772-75 du 29 octobre 1975 ont été supprimés; qu'en déclarant le prévenu coupable d'une contravention à ces dispositions, l'arrêt attaqué a méconnu l'article 112-1 du Code pénal;

Attendu cependant que les condamnations civiles étant justifiées par la déclaration de culpabilité pour tromperie et 75 contraventions de fraude, le moyen doit être écarté;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme;

Par ces motifs: Déclare l'action publique éteinte en ce qui concerne les contraventions de fraude; Rejette le pourvoi pour le surplus.