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Décisions

Cass. crim., 22 mai 1996, n° 95-83.318

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Simon

Rapporteur :

Mme Ferrari

Avocat général :

M. Libouban

Avocat :

Me Blondel.

Besançon, ch. corr., du 11 mai 1995

11 mai 1995

LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par J Alain, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Besançon, chambre correctionnelle, du 11 mai 1995, qui, pour tromperie, l'a condamné à 20 000 francs d'amende et a prononcé sur les intérêts civils; - Vu le mémoire produit: - Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 213-1, L. 216-2 et L. 216-3 du Code de la consommation, 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable de tromperie sur les qualités substantielles d'un véhicule automobile et l'a condamné à 20 000 francs d'amende;

"aux motifs adoptés des premiers juges que les notions "d'année modèle" et de "millésime" d'un véhicule doivent être distinguées; qu'en effet, "l'année modèle" correspond aux caractéristiques physiques du véhicule neuf définies par le constructeur pour une année donnée, tandis que le "millésime est une caractéristique purement réglementaire du véhicule neuf, propre à la réglementation française, attribuée en suite d'une déclaration unilatérale du constructeur portant sur les numéros de châssis des véhicules concernés, et supposant que ces véhicules soient commercialisés entre le 1er juillet de l'année précédant le millésime considéré et le 30 juin de l'année de ce millésime; que la cotation du véhicule à l'argus dépend du millésime, lequel a donc une incidence directe sur le prix du véhicule à la revente en France, et constitue une qualité substantielle du véhicule; qu'en l'espèce, le véhicule vendu présentait certaines des caractéristiques physiques d'un "modèle 93" qui n'étaient pas celles d'une "modèle 92" en particulier la suspension hydroactive de série, alors que cet équipement était une option sur les modèles 92; que, toutefois, on ne saurait en déduire que ce véhicule était un "modèle 1993" dès lors qu'il s'agissait d'un modèle destiné à l'exportation, comportant notoirement des équipements supérieurs aux modèles destinés au marché français; qu'en toute hypothèse, quelle que soit "l'année modèle" du véhicule, il est certain qu'il s'agissait bien d'un "millésime" 1992; que le millésime résulte, en effet, sans contestation passible de l'attestation du constructeur en date du 27 mai 1993, établie au vu du numéro de châssis du véhicule; que, pour le consommateur moyen qui n 'est pas au courant des subtilités de la réglementation en matière de millésime, "année modèle" et "millésime" sont synonymes; que, dès lors, en acquérant un véhicule présenté par Alain J comme "année modèle 1993" Edouard Zakrewski pouvait penser qu'il s'agissait bien d'un "millésime" 1993; par ailleurs que, s'agissant d'un véhicule construit en France, vendu en France par un vendeur français et un acquéreur français, la notion française de "millésime" trouvait à s'appliquer, quelque soit la réglementation en vigueur en Belgique, pays par lequel le véhicule a transité; enfin que Main J ne saurait prétendre avoir été lui-même abusé par son fournisseur belge; qu'en effet, le fournisseur en question, interrogé sur commission rogatoire, a indiqué avoir modifié l'année du véhicule sur la facture adressée à Alain Zakrewski, à la demande expresse de celui-ci; qu'à supposer que Alain J ait pu être de bonne foi, cette modification grossière effectuée à la main sur la facture dactylographiée (le 2 de 1992 ayant été surchargé et remplacé par un 3) devait attirer son attention; qu'en qualité de professionnel spécialisé dans la vente de véhicules français neufs, exportés puis réimportés -ce qui permet de pratiquer des prix nettement inférieurs à ceux du réseau des concessionnaires-, en relation d'affaires habituelles avec des fournisseurs belges, Alain J ne pouvait ignorer les différences de réglementation entre la Belgique et la France, et se devait de vérifier que le véhicule qu'il vendait en France correspondait bien au millésime figurant sur la facture délivrée à son client;

"alors que, d'une part, pour être punissable, la tromperie sur les qualités de la chose vendue doit porter sur les qualités substantielles du produit; qu'en l'espèce, dès lors que le véhicule litigieux présentait toutes les caractéristiques techniques d'un véhicule modèle 1993, le millésime n'est pas un attribut nécessairement substantiel, qu'en refusant d'exercer son pouvoir d'appréciation sur l'importance des attributs considérés au regard du véhicule litigieux, la cour d'appel ne justifie pas légalement son arrêt au regard des textes cités au moyen;

"alors, d'autre part, que la cour d'appel a statué, tout à la fois, par des motifs insuffisants en relevant que le véhicule litigieux présentait bien les caractéristiques d'un modèle 93 qui n'étaient pas celles d'un modèle 92, que pour le consommateur moyen, année modèle et millésime sont synonymes pour en déduire que le millésime constitue une qualité substantielle du véhicule;

"et alors enfin que le délit de tromperie sur les qualités substantielles de la chose vendue au sens de l'article L. 213-1 du Code de la consommation doit, pour être punissable, résulter d'une intention frauduleuse; que la seule qualité de professionnel du prévenu ne saurait faire présumer une intention délictueuse alors que la réglementation française et belge différent sur le point litigieux; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel n'a pas davantage légalement justifié sa décision";

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'Alain J, qui commercialise des voitures d'origine française importées de divers Etats membres de l'Union européenne vers lesquels elles ont d'abord été exportées, a vendu un véhicule Citroën neuf présenté à l'acquéreur comme étant d'une "année modèle 1993"; que, sur plainte de ce dernier qui s'est prévalu d'une attestation du constructeur selon laquelle le véhicule était d'un millésime 1992, Alain J est poursuivi pour tromperie sur les qualités substantielles du bien vendu;

Attendu que, pour écarter le moyen de défense du prévenu qui soutenait que la voiture, initialement destinée à l'exportation, était techniquement conforme aux modèles 1993 commercialisés en France, et le déclarer coupable du délit poursuivi, les juges du second degré se prononcent par les motifs reproduits au moyen;

Attendu qu'en cet état, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués; qu'en effet, le millésime de l'année modèle d'une voiture, déterminé dans les conditions fixées par l'arrêté du 2 mai 1979 portant application du Décret du 4 octobre 1978, et obligatoirement indiqué à l'acquéreur selon les prescriptions de ce Décret est une qualité substantielle du véhicule vendu même lorsqu'il s'agit de vente de voitures neuves; qu'en outre la mauvaise foi de l'importateur, poursuivi pour tromperie, se déduit du fait qu'il n'a pas, avant la vente du bien importé, vérifié que celui-ci présentait les caractéristiques essentielles indiquées à l'acquéreur; d'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme: Rejette le pourvoi.