Cass. crim., 25 octobre 1995, n° 94-86.064
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Simon
Rapporteur :
Mme Verdun
Avocat général :
M. Perfetti
Avocat :
SCP Gatineau.
LA COUR: - Statuant sur le pourvoi formé par L Gaston, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Douai, 6e chambre, en date du 15 septembre 1994, qui, pour altération des signes servant à identifier une marchandise, détention illicite de denrées alimentaires corrompues et infractions au Décret du 7 décembre 1984 et à l'arrêté du 12 avril 1979 portant règlement sanitaire départemental, l'a condamné, pour les délits, à 1 an d'emprisonnement assortis du sursis simple et, pour les contraventions, à 5 400 amendes de 30 francs chacune et à une amende de 250 francs, et a ordonné une mesure de publication; - Vu le mémoire produit; - Sur les contraventions: - Attendu que les infractions au Décret du 7 décembre 1984 et à l'arrêté du 12 avril 1979 portant règlement sanitaire départemental constituent des contraventions; qu'elles ont été commises avant le 18 mai 1995; que, dès lors, elles sont amnistiées par l'effet de l'article 1er de la loi du 3 août 1995
Sur les délits: - Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 1er de la loi du 24 juin 1928 et de la loi du 1er août 1905, 3 de l'ancien Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Gaston L coupable d'avoir supprimé, masqué, altéré ou modifié les signes apposés sur les marchandises et servant à les identifier;
"aux motifs adoptés des premiers juges que les agents de la Direction Générale de la Concurrence de la Consommation et de la Répression des Fraudes ont constaté dans les entrepôts du prévenu la présence de 37 palettes de "bricks" de soupe dont les dates limites d'utilisation étaient dépassées; qu'ils ont noté également diverses anomalies, telles la présence de trois dates limites d'utilisation différentes pour un même code de fabrication, ainsi que l'absence ou la surcharge du dernier chiffre de l'année de certaines dates limites d'utilisation; que s'agissant des soupes en bricks en fin de date limite d'utilisation, il est intéressant de relever que dans un courrier adressé au prévenu, il est fait état de marchandises destinées à l'Europe de l'Est et de la tentative de changer les dates sur les emballages; que les constatations opérées le 9 juillet 1992 ont mis en évidence un "surmarquage" de ces produits; 1°) alors que la loi du 24 juin 1928 incrimine seulement la suppression, l'altération ou la modification des signes apposés sur les marchandises afin de les identifier; que la détention de denrées alimentaires périmées n'entre pas dans les prévisions de ce texte; que dès lors en se fondant, pour entrer en voie de condamnation, sur la circonstance que les agents de la direction générale de la concurrence de la consommation et de la répression des fraudes ont constaté dans les entrepôts du prévenu la présence de soupes en conserve dont les dates limites d'utilisation étaient dépassées, les juges du fond ont méconnu le sens et la portée des dispositions de cette loi; 2°) alors que la loi du 24 juin 1928 incrimine seulement le fait de supprimer, altérer ou modifier les signes servant à l'identification des marchandises, et non la tentative de ces agissements; que dès lors en se fondant, pour retenir le prévenu dans les liens de la prévention, sur la circonstance qu'il aurait tenté de changer la date figurant sur les emballages de soupes en conserve destinées aux pays de l'Est, les juges du fond ont une nouvelle fois méconnu le sens et la portée des dispositions visées au moyen; 3°) alors que l'infraction prévue par la loi du 24 juin 1928 est une infraction intentionnelle; que dès lors en se bornant à relever l'absence ou la surcharge du dernier chiffre de la date limite d'utilisation sur certains articles, sans constater que le prévenu aurait agi frauduleusement, les juges du fond n'ont pas caractérisé l'élément moral de l'infraction reprochée et ont ainsi privé leur décision de base légale";
Attendu qu'il appert des énonciations de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme que Gaston L a conservé, dans des entrepôts qu'il louait, des boîtes de potage qu'il destinait à l'exportation, sur lesquelles figuraient des "dates limites d'utilisation optimales" (DLUO) surchargées, effacées ou altérées;
Attendu que, pour ces faits, l'arrêt attaqué, après avoir relevé que le prévenu était convenu, avec son fournisseur, de modifier les dates figurant sur les emballages des produits livrés, le déclare coupable du délit d'altération de signes servant à identifier une marchandise;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la date limite d'utilisation optimale d'une denrée alimentaire ne constitue pas un signe distinctif de la marchandise au sens de l'article 1er de la loi du 24 juin 1928, devenu l'article L. 217-2 du Code de la consommation, la cour d'appel a fait une fausse application de ce texte;
Attendu que, cependant, les faits retenus à la charge de Gaston L tels qu'exposés par les juges du fond, caractérisent une tentative de tromperie sur les qualités substantielles de la marchandise qu'ainsi, par application des dispositions de l'article 598 du Code de procédure pénale, l'erreur de qualification commise ne saurait entraîner la censure de l'arrêt dès lors que la peine prévue par la loi pour les deux délits était la même; d'où il suit que le moyen ne peut être accueilli;
Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation de l'article 4 de la loi du 1er août 1905, des articles 388, 551, 591 et 593 du Code de procédure pénale;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Gaston L coupable de s'être trouvé détenteur, sans motifs légitimes, dans des lieux de stockage, de denrées corrompues destinées à l'alimentation humaine ou animale, en l'espèce de la margarine;
"aux motifs adoptés des premiers juges que les enquêteurs (de la Direction de la Concurrence et de la Consommation) devaient constater à l'intérieur des entrepôts la présence de margarine, de beurre et de crème liquide avec des dates limites de consommation dépassées depuis les mois d'octobre et de novembre 1991; 1°) alors que les juges du fond ne peuvent statuer que sur les faits visés par la prévention; qu'en l'espèce le prévenu était poursuivi uniquement pour avoir détenu de la margarine corrompue dans des lieux de stockage; que dès lors en retenant à sa charge également la détention de beurre et de crème liquide périmés, les juges du fond ont excédé les termes de leur saisine et violé les textes visés au moyen; 2°) alors qu'en laissant sans réponse le chef des conclusions qui faisait valoir que la margarine litigieuse n'était destinée ni à l'alimentation humaine ni à l'alimentation animale, et par suite que l'infraction reprochée n'était pas constituée, les juges du fond n'ont pas légalement justifié leur décision au regard des textes visés au moyen; 3°) alors que l'article 4 de la loi du 1er août 1905 incrimine seulement la détention dans des lieux de stockage de denrées alimentaires "corrompues"; que dès lors en se bornant à relever que la margarine détenue par le prévenu dans ses entrepôts était périmée, ce qui n'implique pas nécessairement qu'elle était corrompue, les juges du fond n'ont pas caractérisé l'élément matériel de l'infraction reprochée et ont privé leur décision de base légale; 4°) alors que le délit de l'article 4 de la loi du 1er août 1905 n'est constitué que si le prévenu savait que les denrées détenues par lui dans des lieux de stockages étaient corrompues; qu'en s'abstenant de rechercher si Gaston L avait connaissance de ce que la margarine détenue dans ses entrepôts était corrompue, les juges du fond n'ont pas caractérisé l'élément intentionnel de l'infraction reprochée et ont privé leur décision de base légale; 5°) alors que le stockage de denrées corrompues n'est punissable que s'il est accompli sans motifs légitimes; qu'en délaissant le chef des conclusions qui faisait valoir que la détention de la marchandise litigieuse avait pour seule cause le refus du directeur du marché d'intérêt national de laisser le prévenu utiliser les bennes à ordures pour y jeter ses produits périmés, ce qui constituait un motif légitime au sens de l'article 4 de la loi du 1er août 1905, les juges du fond n'ont pas légalement justifié leur décision au regard des textes visés au moyen";
Attendu que, pour déclarer Gaston L coupable de détention sans motif légitime de denrées alimentaires corrompues, les juges du second degré relèvent que ce dernier, négociant en produits laitiers, a entreposé, dans des locaux insalubres et dépourvus de système de réfrigération, des stocks de margarine corrompue; qu'ils ajoutent que le prévenu, qui ne disposait d'aucun moyen de procéder à la transformation de ces stocks en produits destinés à l'alimentation animale, n'a de surcroît pas satisfait à un arrêté préfectoral prescrivant leur enlèvement; qu'en l'état de ces motifs, d'où il résulte que le prévenu, qui connaissait l'état du produit qu'il détenait, ne pouvait se prévaloir d'aucun motif légitime, au sens de l'article 4 de la loi du 1er août 1905 -devenu l'article L. 213-4 du Code de la consommation- la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués; que, dès lors, le moyen ne peut qu'être écarté;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme;
Par ces motifs : Sur les contraventions: Déclare l'action publique éteinte; Sur les délits : Rejette le pourvoi.