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Décisions

CA Paris, 13e ch. A, 24 juin 1997, n° 97-00424

PARIS

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Petit

Avocat général :

M. Blanc

Conseillers :

MM. Guilbard, Paris

Avocat :

Me Lecussan.

CA Paris n° 97-00424

24 juin 1997

Rappel de la procédure:

La prévention:

G Gilbert

G Philippe

sont poursuivis pour avoir à Paris du 21 juin au 3 novembre 1994 trompé le contractant par la livraison de marchandise autre que celle objet du contrat, l'aptitude à l'emploi, les risques inhérents à l'utilisation, les contrôles effectués en proposant à la vente et en vendant des sièges-auto pour enfants non conformes au règlement européen n° 44 et dangereux

Le jugement:

Le tribunal, par jugement contradictoire, a relaxé

G Gilbert et G (du chef de tromperie sur la nature, la qualité, l'origine ou la quantité d'une marchandise, faits commis du 21 juin 1994 au 3 novembre 1994, à Paris, infraction prévue et réprimée par l'article L. 213-1 Code de la consommation

Les appels:

Appel a été interjeté par:

- M. le Procureur de la République, le 3 Juin 1996 contre Monsieur G Gilbert, Monsieur G Philippe

Décision:

Rendue par défaut à l'égard de G Gilbert, contradictoirement à l'égard de G Philippe et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant sur l'appel relevé par le seul Ministère public à l'égard des deux prévenus, à l'encontre du jugement précité auquel il convient de se référer pour l'exposé des faits et de la prévention;

Monsieur l'Avocat général, reprenant à son compte l'argumentation développée par Monsieur le Procureur de la République près le TGI de Paris, dans sa requête d'appel, requiert la cour, par infirmation, de retenir Gilbert et Philippe G dans les liens de la prévention, s'en rapportant à la sagesse de la cour sur les peines à infliger;

Il fait observer qu' il résulte de l'analyse des produits faite par le Laboratoire de Massy, que les sièges-auto pour enfants de marque Travel Safety importés de Belgique par les prévenus ne sont pas conformes à la réglementation sur trois points:

- sangles: configuration dangereuse de la sangle avant, étroitesse de l'intervalle des sangles de retenue des épaules

- boucles: deux au lieu d'une

- essai dynamique: rupture d'une pièce de fixation de la sangle avant

Que les prévenus n'ont pas contesté le résultat des analyses;

Que cependant le tribunal a cru devoir retenir la bonne foi des prévenus tout en constatant que l'élément matériel du délit de tromperie était constitué par la mise sur le marché d'un matériel dangereux et non conforme;

Qu'il constate cependant que les deux prévenus ont reconnu n'avoir fait procéder à aucune vérification ou contrôle complémentaire tant sur les informations offertes aux utilisateurs que sur l'aptitude à l'emploi des sièges, s'étant contentés d'un certificat de conformité émis par le Laboratoire VCA sis à Bristol;

Qu'il résulte toutefois de ce certificat que les clauses du règlement n° 44 n'ont pas systématiquement fait l'objet d'observations visuelles ou d'essais, notamment pour les sangles et le nombre des boucles;

Il indique que Monsieur le Procureur de la République soutient dans sa requête que l'importateur est tenu de vérifier la conformité des produits aux normes françaises à chaque livraison; que l'élément intentionnel du délit de tromperie résulte en l'espèce de l'absence de vérification de la marchandise importée, obligation qui incombe à un importateur professionnel; qu'il en est notamment ainsi lorsque le certificat de conformité est rédigé en langue étrangère et s'avère incomplet;

Pour sa part, Monsieur l'Avocat général expose qu'à son sens, eu égard à l'existence du marché unique, les prévenus, en la présente espèce, ne peuvent plus maintenant être considérés comme "importateurs" mais comme "introducteurs de manière successive en France et sur l'ensemble du territoire européen de produits provenant d'un pays de la Communauté";

Il indique qu'en conséquence la cour se doit de dire si" l'introducteur" en France a l'obligation de contrôler ou faire contrôler à nouveau un produit déjà homologué par un autre pays européen;

Il estime qu'en la présente espèce, les prévenus doivent être déclarés coupables des faits tels que visés à la prévention dans la mesure où il leur appartenait de vérifier par eux-mêmes la qualité des tests britanniques alors qu'en l'espèce, ils se sont contentés de recevoir le certificat de conformité de VCA qui n'était établi qu'en langue anglaise et que par ailleurs ils se sont bien gardés de procéder à toute vérification matérielle sur les produits incriminés lors de leur introduction sur le territoire français alors qu'ils avaient lancé la campagne publicitaire bien avant leur réception;

Il s'en rapporte à la sagesse de la cour sur la peine à infliger.

Assisté de son conseil, Philippe G sollicite la confirmation du jugement qui l'a renvoyé des fins de la poursuite; il fait valoir, essentiellement, qu'en sa qualité de directeur commercial de la SARL X International, il s'est fié au certificat de conformité de VCA, autorité administrative compétente en matière d'homologation pour le Royaume-Uni, qui attestait de la conformité des sièges-auto gonflables pour jeunes enfants, au règlement européen n° 44;

Que ce document, bien que rédigé en langue anglaise, était facilement compréhensible; que sa seule obligation, en tant qu'introducteur sur le marché français, était d'obtenir ce certificat et qu'il n'était pas tenu de procéder à des vérifications matérielles ultérieures, notamment sous forme de nouveaux tests;

Bien que régulièrement cité, Gilbert G ne comparaît pas; il n'est pas établi qu'il ait eu connaissance de la citation. Il sera statué à son encontre par défaut.

Considérant qu'il convient de rappeler que le 8 juin 1994, la SARL X dont le gérant était Gilbert G et le directeur commercial son fils Philippe, a introduit en France 100 sièges-auto gonflables pour jeunes enfants, de marque Y, achetés auprès de la société belge Z, qui s'était elle-même fournie auprès de la société fabricante américaine; que la société X a édité des tracts publicitaires et fait paraître des encarts, notamment en juillet 1994 dans le journal SNCF "Grandes Lignes", qui vantaient auprès des consommateurs potentiels la simplicité et la sécurité du nouveau produit;

Qu'en définitive, 19 sièges ont été revendus à des détaillants au prix de 490 F à 650 F, 17 sièges étaient vendus à des particuliers pour le prix de 835 F HT et 4 sièges étaient offerts à titre d'échantillons;

Considérant que, sur plainte de l'association UFC - Que Choisir, la DGCCRF prélevait 18 articles qui étaient soumis à des tests effectués par l'UTAC, laboratoire français régulièrement habilité à pratiquer des essais de conformité au règlement européen n° 44, en vue de l'homologation des systèmes de retenue pour enfants à bord des véhicules à moteur;

Que les résultats de ces tests faisaient apparaître que le règlement européen n'avait pas été respecté, le dispositif présentant, en outre, un caractère dangereux;

Considérant que les dirigeants de la SARL X ont justifié de vérifications et contrôles par eux effectués pour s'assurer de la conformité des produits au règlement européen n° 44 en transmettant à la DGCCRF puis en versant aux débats devant les premiers juges et aujourd'hui devant la cour un certificat de conformité en date du 24 décembre 1993, émanant de VCA (Vehicule Certification Agency), autorité administrative compétente en matière d'homologation pour le Royaume-Uni;

Que ce document attestait de la conformité du dispositif au règlement européen précité et l'homologuait sous le n° 02-44 091 au vu d'essais effectués le 13 décembre 1993 par BSI Testing, laboratoire anglais;

Qu'après vérifications linguistiques portant sur le compte-rendu intégral des essais britanniques, la DGCCRF constatait qu'il s'agissait bien d'un test de conformité au règlement européen n° 44;

Considérant que la cour, comme précédemment le tribunal, relève que les résultats français et britanniques sont en complète opposition concernant les normes G 2721 et 7144 ainsi que précisément détaillé par les premiers juges dans leur décision;

Considérant que devant la cour, Philippe G, qui ne conteste pas les résultats des essais en France et qui reconnaît n'avoir pas demandé de contre-expertise, reprend l'argumentation par lui précédemment développée et fait valoir sa bonne foi;

Considérant qu'il soutient essentiellement que le dispositif de sécurité litigieux n'a été déclaré dangereux qu'en France; que l'homologation a été demandée en Grande-Bretagne pour des raisons de commodité, la société Z étant seulement distributeur pour l'Europe et la société américaine qui fabrique ces dispositifs s'étant adressée de préférence à un pays de langue anglaise; que dans ces conditions, rien ne pouvait laisser supposer que te certificat de conformité et d'homologation délivré par l'autorité administrative compétente, visant le règlement 44 et se référant à des essais de conformité effectués dans un organisme agréé, ne garantissait pas le respect des prescriptions en vigueur;

Considérant que la cour considère que c'est par des motifs pertinents qu'elle fait siens et par une juste appréciation des faits et circonstances particulières de la cause, exactement rapportés dans la décision attaquée, que les premiers juges ont à juste titre renvoyé G Gilbert et G Philippe des fins de la poursuite;

Considérant en effet que la cour estime, comme le tribunal, que si force est de constater que l'élément matériel du délit est constitué par la mise sur le marché d'un matériel dangereux et non conforme à la norme européenne selon les experts français, il n'en demeure pas moins qu'en l'espèce l'élément intentionnel fait défaut;

Qu'il ne peut en effet être reproché aux prévenus de s'être contentés, dans un premier temps, du certificat d'homologation sans exiger le compte-rendu des tests auquel il se référait; que si l'on peut exiger des professionnels une bonne connaissance générale des produits qu'ils vendent, les laboratoires d'essais agréés sont précisément destinés à garantir la sécurité des utilisateurs par des vérifications fines exigeant un matériel et une technicité particulières; qu'on ne saurait exiger ni du fabricant ni du vendeur, tenus de se soumettre à leurs conclusions lorsqu'elles sont négatives, qu'ils les soumettent à un examen critique lorsqu'elles sont favorables;

Considérant en conséquence que la cour estime que Philippe et Gilbert G, détenteurs du certificat de conformité VCA n'avaient pas â procéder à de nouveaux essais de laboratoire sur le sol français et ce dans la mesure où dans le cadre du marché unique, ils ne procédaient pas à "l'importation en France de produits fabriqués à l'étranger" mais où ils "introduisaient de manière successive en France et dans la Communauté européenne des produits en provenance d'un pays faisant partie précisément de ladite Communauté";

Qu'en l'espèce, le laboratoire VCA a sanctionné sans réserve les résultats britanniques en délivrant l'homologation sollicitée; qu'au regard de ces éléments, les prévenus ne sauraient être taxés de mauvaise foi, de négligence ou d'imprudence dans la mesure où ils n'avaient pas l'obligation de procéder à de nouvelles vérifications étant en possession d'un certificat de conformité émanant d'un laboratoire agréé de la Communauté;

Qu'en conséquence, le délit de tromperie à l'égard des consommateurs ne peut leur être reproché;

Considérant que par ces motifs et par adoption de ceux pertinents des premiers juges, la cour confirmera le jugement dont appel qui a renvoyé Gilbert et Philippe G des fins de la poursuite;

Par ces motifs et ceux non contraires des premiers juges qu'elle adopte expressément : LA COUR, Statuant publiquement, par défaut à l'égard de Gilbert G contradictoirement à l'égard de Philippe G et sur le seul appel du ministère publie; Confirme le jugement dont appel qui a renvoyé Philippe et Gilbert G des fins de la poursuite.