CCE, 13 décembre 2000, n° 2001-521
COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Décision
Aides que le Royaume des Pays-Bas a mis à exécution en faveur de six entreprises de traitement du lisier
LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,
Vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 88, paragraphe 2, premier alinéa, vu l'accord sur l'Espace économique européen, et notamment son article 62, paragraphe 1, point a), vu le règlement (CE) n° 659-1999 du Conseil du 22 mars 1999 portant modalités d'application de l'article 93 du traité CE, après avoir invité les intéressés à présenter leurs observations conformément auxdits articles (1), considérant ce qui suit:
I. Procédure
(1) Depuis 1994, plusieurs plaintes ont attiré l'attention de la Commission sur des aides en faveur de projets portant sur le traitement du lisier, octroyées dans le cadre du régime d'aides intitulé "Bijdrageregeling Proefprojecten Mestverwerking" (régime d'aides en faveur de projets pilotes dans le domaine du traitement du lisier), ci-après dénommé "régime BPM". La Commission avait autorisé ce régime jusqu'en 1994 (2). Selon les plaintes, des aides ont encore été accordées après cette date.
(2) Par lettre du 15 juillet 1999 [SG (99) D-5241], la Commission a invité les Pays-Bas à lui communiquer, dans un délai de vingt jours ouvrables à compter de la réception de la demande, toutes les informations nécessaires afin de déterminer si les aides en cause relevaient du régime BPM tel qu'il avait été approuvé par la Commission et de lui indiquer si d'autres aides avaient également été versées en faveur de projets analogues.
(3) Par lettres du 15 octobre (A-37878) et du 26 octobre 1999 (A-38181), les autorités néerlandaises ont communiqué un certain nombre de documents, sans toutefois fournir les précisions demandées par la Commission dans sa demande de renseignements.
(4) Par lettre du 17 mai 2000 [SG (2000) D-103702], la Commission a informé les Pays-Bas de sa décision d'engager la procédure prévue à l'article 88, paragraphe 2, à l'égard de six aides accordées après l'arrivée à expiration du régime.
(5) La décision de la Commission d'engager la procédure a été publiée au Journal officiel des Communautés européennes (3). La Commission a invité les parties intéressées à présenter leurs observations au sujet des aides.
(6) La Commission n'a pas reçu d'observations en réaction à cette publication.
II. Description détaillées des aides
(7) Le 6 juillet 1989, la Commission a approuvé le régime BPM (N 137-89) pour la période 1989/1990. Par décision du 14 décembre 1990, ce régime a été prorogé jusqu'à fin 1994 (C 17-90, ex N 88-90). La prorogation ayant été approuvée, les autorités néerlandaises étaient autorisées à octroyer des aides à l'investissement à concurrence de 35 % des coûts admissibles en faveur d'une vingtaine d'installations de traitement du lisier à grande échelle.
(8) Le régime visait à encourager la création de débouchés utiles pour les excédents de lisier aux Pays-Bas. Les autorités néerlandaises entendaient avant tout soutenir les initiatives destinées à prévenir la surproduction de lisier et à assurer un traitement écologiquement sain des excédents.
(9) En ce qui concerne le traitement du lisier, des aides à l'investissement ont été accordées à des installations d'essai (dans lesquelles de nouvelles méthodes de traitement du lisier sont expérimentées), à des usines pilotes (couvrant tous les stades du traitement, du lisier au produit commercialisable), à des installations de prépurification (où sont extraits des effluents relativement purs) et à des installations de stockage et de traitement à grande échelle de fientes de volaille (stockage souvent opéré à l'air libre, avec émission d'ammoniac).
(10) Après l'arrivée à expiration du régime BPM, les autorités néerlandaises ont accordé des aides d'un montant total de 2 501 089 euros aux usines de traitement du lisier suivantes: Ferm-o-Feed BV, Fleuren Compost BV, Vloet Oploo BV, Smith Markelo, Arev Venhorst et Memon KPI.
(11) Enfin, l'une des ces usines - Ferm-o-Feed - a bénéficié d'aides d'États à deux reprises, sans qu'il soit prouvé que ces aides étaient liées à deux projets pilotes différents.
Montants octroyés après l'expiration du régime BPM
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(12) La Commission a engagé la procédure prévue à l'article 88, paragraphe 2, du traité CE parce qu'il existait des doutes sérieux quant à la question de savoir si les six aides en cause relevaient du régime BPM et si elles pourraient, le cas échéant, bénéficier des dérogations prévues à l'article 87, paragraphes 2 et 3, du traité CE, étant donné que ni l'une ni l'autre ne semblait applicable. En ce qui concerne la première de ces dérogations, qui est prévue à l'article 87, paragraphe 3, point c), du traité CE, la Commission estimait que les conditions prévues par l'encadrement communautaire des aides d'État pour la protection de l'environnement (4) n'étaient pas remplies, étant donné que, d'une part, il n'avait pas été prouvé que les aides à l'investissement permettaient d'atteindre des niveaux de protection de l'environnement sensiblement plus élevés et que, d'autre part, les intensités d'aide prévues dépassaient les seuils indiqués dans l'encadrement. L'encadrement communautaire des aides d'État aux petites et moyennes entreprises (5) (ci-après dénommé "l'encadrement des aides aux PME)" ne semblait pas non plus applicable, étant donné que l'octroi d'aides à des grandes entreprises et le dépassement des intensités d'aide maximales autorisées par l'encadrement n'étaient pas exclus.
III. Observations des Pays-Bas
(13) Selon les autorités néerlandaises, l'octroi d'aide (steunverlening) ou la décision d'accorder un soutien (beslissing omtrent de toekenning van een bijdrage) est l'acte juridiquement contraignant pour l'octroi d'une aide publique. Il s'agit, en effet, d'une décision par laquelle l'autorité compétente s'engage à verser l'aide au demandeur à concurrence du montant maximal prévu, pour autant que le bénéficiaire satisfasse à toutes les conditions prévues par le régime d'aides. Cette décision devait avoir été prise avant le 31 décembre 1994 et les bénéficiaires en étaient informés par une lettre notifiant l'octroi (toekenningsbrief).
(14) À un stade ultérieur de la procédure, les autorités néerlandaises ont fait valoir que les aides d'État qui avaient été accordées après l'arrivée à expiration du régime BPM relevaient également de ce régime lorsque la "lettre de confirmation" (bevestigingsbrief) avait été envoyée avant l'arrivée à expiration du régime.
(15) Les autorités néerlandaises ont en outre soutenu que seuls les projets de traitement du lisier à grande échelle devaient faire l'objet d'une notification individuelle et que telle était la raison pour laquelle elles n'avaient pas notifié les projets en cause.
(16) Enfin, en ce qui concerne Ferm-o-Feed, le Gouvernement néerlandais a fait observer que le régime n'empêchait pas les autorités d'accorder des aides pour deux projets différents présentés par une même entreprise.
IV. Appréciation des aides
A. Applicabilité du régime BPM
(17) Pour déterminer si les aides aux six entreprises concernées doivent être considérées comme des aides existantes, la Commission a d'abord examiné dans quelle mesure le régime BPM était applicable aux projets en question.
(18) La question juridique la plus importante que soulèvent ces six affaires est celle de la différence d'interprétation quant à la nature de l'acte devant être considéré comme la décision juridiquement contraignante d'octroyer une aide. Tout en soutenant que c'est la lettre notifiant l'octroi (toekennningsbrief) qui constitue l'acte juridiquement contraignant par lequel l'autorité compétente s'engage à accorder l'aide, les autorités néerlandaises estiment que toutes les aides en cause pour lesquelles une lettre notifiant l'octroi a été envoyée après le 31 décembre 1994 relèvent du régime étant donné que la lettre de confirmation (besvestigingsbrief) avait été envoyée avant cette échéance.
(19) Après avoir procédé à un examen approfondi des documents relatifs à la procédure administrative concernant les affaires en cause, la Commission estime que l'acte juridiquement contraignant est la lettre notifiant l'octroi (toekenningsbrief). La lettre de confirmation (besvestigingsbrief) est un simple accusé de réception de la demande d'aide, qui est envoyé sans examen préalable de la conformité du projet aux conditions prévues par le régime. En outre, l'octroi des aides était subordonné à l'appréciation du projet par un comité consultatif composé de représentants de différents ministères. Ce n'est qu'après consultation de ce comité que le ministère de tutelle, en l'occurrence le ministère de l'Agriculture, de la Pêche et de l'Environnement (Ministerie van Landbouw, Visserij en Natuurbeheer), envoyait une lettre notifiant l'octroi (toekenningsbrief), dans laquelle étaient spécifiés le montant des coûts admissibles ainsi que le montant de l'aide et les conditions auxquelles elle était accordée. L'analyse des étapes de la procédure a donc montré que l'aide n'était pas accordée systématiquement à tous les demandeurs, mais seulement sur décision des autorités compétentes.
(20) La Commission estime par conséquent que la date de l'envoi de la lettre notifiant l'octroi (toekenningsbrief) doit être considérée comme la date d'octroi de l'aide, comme les autorités néerlandaises l'avaient du reste elles-mêmes indiqué dans un premier temps. Les aides accordées à ces six usines de traitement du lisier ne relèvent par conséquent pas du régime et elles doivent être considérées comme des mesures d'aide illégales mises à exécution en violation de l'article 88, paragraphe 3, du traité CE.
B. Aides au sens de l'article 87 du traité CE
(21) Les aides à l'investissement accordées par les autorités néerlandaises étaient destinées à permettre et à encourager l'investissement dans des installations de traitement du lisier et elles favorisaient par conséquent les entreprises concernées. Une fois traité, le lisier est, pour l'essentiel, commercialisé comme fumier sec sous forme granulée. Les usines de traitement du lisier sont en concurrence avec d'autres producteurs d'engrais organiques et chimiques. Ces incitations financières, en améliorant la situation financière des bénéficiaires, menacent de fausser la concurrence dans le marché intérieur, étant donné que le fumier de ferme, lorsqu'il est utilisé comme engrais, concurrence d'autres engrais organiques.
(22) Selon une étude sur les débouchés possibles pour les effluents d'élevage traités provenant des Pays-Bas (6) qui a été réalisée en 1990 pour le compte du ministère néerlandais compétent, la concurrence dans le secteur des engrais animaux et végétaux ne s'exerce pas seulement au niveau local, mais aussi sur les marchés français, espagnol, portugais, italien et grec. Au cours de la période 1988/1990, la part des Pays-Bas dans les échanges intracommunautaires totaux de ces produits a varié de 44 à 60 %. Il est prévu que les exportations néerlandaises de fumier animal traité vers d'autres États membres augmentent, surtout du fait des projets en cause.
(23) Malgré l'injonction de fournir des renseignements qui leur a été adressée, les autorités néerlandaises n'ont pas communiqué les informations nécessaires concernant la position sur le marché des différentes entreprises concernées. Ces informations auraient permis d'apprécier l'incidence de chacune de ces entreprises sur les marchés du traitement du lisier et des engrais. La Commission a par conséquent fondé son appréciation sur les données concernant le marché dans son ensemble.
(24) En conséquence, les aides sont susceptibles d'affecter les échanges entre États membres dans ce secteur et elles constituent des aides d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE.
C. La compatibilité des aides avec l'article 87 du traité CE
(25) Les aides ne relevaient pas d'un régime approuvé et encore en vigueur, puisque le régime BPM est arrivé à expiration en 1994. En conséquence, contrairement à ce que soutiennent les autorités néerlandaises, les aides en faveur des entreprises de traitement du lisier concernées auraient dû faire l'objet d'une notification individuelle, quelle que soit la taille des entreprises bénéficiaires. Les autorités néerlandaises n'ont pas respecté l'obligation qui leur incombe en vertu de l'article 88, paragraphe 3, du traité CE. La Commission a apprécié la mesure en tant que nouvelle mesure d'aide en application de l'article 88, paragraphe 3, du traité CE, en appliquant pour ce faire les principes énoncés à l'article 87 du traité CE.
(26) Les aides ne pourraient être jugées compatibles avec le marché commun qu'à condition que l'une des dérogations prévues à l'article 87, paragraphes 2 et 3, du traité CE leur soient applicables.
(27) Pour les raisons exposées ci-dessous, les dérogations prévues à l'article 87, paragraphe 2 et paragraphe 3, points a), b), c) (7), et d), du traité CE ne sont pas applicables en l'espèce.
(28) Il ne s'agit pas, en l'espèce, d'aides à caractère social octroyées aux consommateurs individuels ni d'aides destinées à remédier aux dommages causés par les calamités naturelles; il ne s'agit pas non plus d'aides octroyées à l'économie de certaines régions de la République fédérale d'Allemagne affectées par la division de l'Allemagne. Les dérogations prévues à l'article 87, paragraphe 3, point a), du traité CE ne sont pas davantage applicables dans la présente affaire, étant donné qu'il ne s'agit pas d'aides destinées à favoriser le développement économique de régions dans lesquelles le niveau de vie est anormalement bas ou dans lesquelles sévit un grave sous-emploi. En ce qui concerne l'exemption prévue à l'article 87, paragraphe 3, point b), du traité CE, la Commission estime que les aides n'étaient manifestement pas destinées à promouvoir la réalisation d'un projet important d'intérêt européen commun ni à remédier à une perturbation grave de l'économie d'un État membre. L'aspect régional de la dérogation prévue à l'article 87, paragraphe 3, point c), du traité CE n'est pas applicable, étant donné que les entreprises ne sont pas établies dans des régions assistées. Enfin, les aides ne sont pas destinées à promouvoir la culture ou la conservation du patrimoine au sens de l'article 87, paragraphe 3, point d), du traité CE.
(29) Les autorités néerlandaises n'ont du reste pas cherché à justifier les aides en faisant valoir l'une des dérogations susmentionnées.
D. La compatibilité des aides avec l'article 87, paragraphe 3, point c), du traité CE
(30) En ce qui concerne la seconde partie de la dérogation prévue à l'article 87, paragraphe 3, point c), du traité CE - aides destinées à faciliter le développement de certaines activités économiques - la Commission a fondé son appréciation sur le fait que le régime BPM institué en 1989/1990 était avant tout destiné à aider des entreprises moyennes à mettre en place des installations expérimentales de traitement du lisier en vue d'assurer un traitement du lisier excédentaire écologiquement sain, conformément à la législation néerlandaise qui limite depuis 1987 la production de lisier et à la directive 91-676-CEE du Conseil du 12 décembre 1991 concernant la protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles (8), ci-après dénommée "la directive nitrates".
(31) En 1990, la Commission a autorisé la prorogation du régime BPM à titre exceptionnel pour permettre aux autorités néerlandaises de stimuler l'introduction d'une technologie innovatrice. Le succès de ces projets dépendait de la bonne volonté des éleveurs, qui devaient accepter de contribuer au coût du traitement du lisier produit dans leur exploitation. La Commission avait déjà précisé à cette occasion que si ces projets devaient se révéler non viables, elle adopterait une position a priori défavorable à l'égard de toute nouvelle aide en faveur du traitement du lisier aux Pays-Bas (9). Il était donc clair pour les autorités néerlandaises que la Commission avait fondamentalement revu son approche à l'égard du régime BPM. Les autorités néerlandaises ne pouvaient donc plus s'attendre à ce que de nouveaux projets mis en œuvre dans les mêmes conditions que celles prévues par le régime BPM soient compatibles avec l'article 87 du traité CE.
(32) La Commission a d'abord examiné la compatibilité des aides au regard de l'encadrement des aides aux PME.
(33) Conformément au point 4.2.1 dudit encadrement, la Commission peut autoriser des aides à des petites et moyennes entreprises situées en dehors des régions éligibles aux aides nationales à finalité régionale, dont l'intensité en équivalent-subvention brut ne dépasse pas 15 % pour les petites entreprises et 7,5 % pour les entreprises moyennes. Cela implique que l'encadrement des aides aux PME n'est pas applicable dans cinq des affaires en cause. En effet, même en admettant que les entreprises concernées remplissent les critères énoncés au point 3.2 de l'encadrement des aides aux PME, les aides accordées dépassent largement les plafonds autorisés.
(34) L'intensité d'aide n'était inférieure au maximum fixé par l'encadrement des aides aux PME que dans le cas de Fleuren Compost BV. Les autorités néerlandaises n'ont cependant pas démontré que cette entreprise remplissait les critères prévus au point 3.2 de l'encadrement, en dépit des doutes concernant la taille des entreprises concernées émis par la Commission dans la demande de renseignements qui accompagnait sa décision d'engager la procédure.
(35) Les autorités néerlandaises n'ont donc pas fourni la preuve que ces six entreprises remplissaient les critères de définition des petites et moyennes entreprises prévus par l'encadrement des aides aux PME. Elle n'ont du reste pas invoqué ledit encadrement pour justifier les aides. En outre, elles n'ont pas prouvé que les principes généraux énoncés au point 4.1 de l'encadrement des aides aux PME ont été respectés. La Commission estime par conséquent que l'encadrement des aides aux PME n'est pas applicable.
(36) La Commission a également examiné les projets au regard de l'encadrement communautaire des aides d'État pour la protection de l'environnement.
(37) Elle a d'abord vérifié si les mesures en cause remplissaient les conditions applicables aux aides à l'investissement qui sont énoncées au point 3.2 dudit encadrement.
(38) La Commission estime que cette partie de l'encadrement des aides pour la protection de l'environnement n'est pas applicable étant donné que les obligations en matière d'environnement qui découlent de la directive "nitrates" incombent aux éleveurs, l'objectif étant de réduire la production de lisier, tandis que les bénéficiaires des aides ne sont pas visés par ces obligations.
(39) Toutefois, même si l'encadrement des aides pour la protection de l'environnement était applicable, il est prévu à son point 3.2.3 B - Aides destinées à inciter les entreprises à aller au-delà de ce que leur imposent les normes obligatoires - que seules peuvent être autorisées les aides aux investissements permettant d'atteindre des niveaux de protection de l'environnement très nettement supérieurs à ceux imposés par les normes obligatoires. Les autorités néerlandaises n'ont pas prouvé que tel était le cas des mesures en cause. La Commission doute que les installations de traitement du lisier puissent contribuer à aller au delà des objectifs fixés par la directive 91-676-CEE, étant donné qu'au moins quatre des usines pilotes qui ont bénéficié de subventions lorsque le régime était encore en vigueur ont dû fermer par la suite. Selon la Commission, il est donc exclu que l'on puisse encore invoquer, pour justifier les aides qui ont été accordées après l'arrivée à expiration du régime, les considérations qui ont conduit, à titre exceptionnel, à la prorogation dudit régime.
(40) La Commission a également examiné les mesures au regard des dispositions concernant les aides destinées à aider les entreprises à s'adapter aux nouvelles normes obligatoires. Sur la base des informations dont elle dispose, la Commission estime que les critères prévus au point 3.2.3 A de l'encadrement des aides en faveur de l'environnement ne sont pas remplis. Selon ces dispositions, des aides peuvent être autorisées à concurrence d'un niveau maximal de 15 % brut des coûts éligibles, et cela uniquement pour une durée limitée et pour des installations fonctionnant depuis deux ans au moins au moment de l'entrée en vigueur des normes ou des obligations nouvelles. Les aides n'ont pas été accordées conformément à ces conditions puisqu'elles l'ont été à de nouvelles usines et que leur intensité a atteint 35 %.
(41) En ce qui concerne les deux aides accordées à Ferm-o-Feed BV, la Commission estime que l'octroi d'une seconde aide est contraire au principe prévu par le régime BPM selon lequel les aides doivent être accordées exclusivement à des projets pilotes dans le but de promouvoir des systèmes de traitement du lisier écologiquement sains. La Commission se fonde, dans son appréciation, sur le fait que, selon un article paru dans le Agrarisch Dagblad du 26 novembre 1997, Ferm-o-Feed BV s'est vu retirer son permis environnemental (milieuvergunning) par les autorités néerlandaises compétentes parce qu'elle ne respectait pas la législation néerlandaise sur la protection de l'environnement. Une aide a néanmoins été accordée, sans que l'on ait vérifié si les conditions énoncées dans la lettre de notification de l'octroi étaient toujours remplies.
(42) En outre, selon les dossiers correspondants, la seconde subvention a été accordée pour la rénovation et l'extension de la capacité de production des installations pilotes qui avaient été construites grâce à la première aide publique accordée en 1988. Les autorités néerlandaises n'ont pas pu prouver le caractère innovateur du second projet par rapport au premier.
(43) En conséquence, la Commission estime que l'octroi d'une seconde aide à Ferm-o-Feed BV n'est pas compatible avec l'encadrement des aides pour la protection de l'environnement, et cela pour les mêmes raisons que celles exposées ci-dessus au sujet des autres cas de versement d'aides après l'arrivée à expiration du régime.
(44) En second lieu, la Commission a vérifié si le point 3.4 de l'encadrement des aides pour la protection de l'environnement était applicable. Des aides au fonctionnement pour la protection de l'environnement ne peuvent être autorisées que si elles ne servent qu'à compenser les surcoûts de production par rapport aux coûts de production traditionnels. En outre, ces aides doivent être temporaires et en principe dégressives.Lorsque la Commission a décidé, en décembre 1990, de ne pas soulever d'objections à l'encontre du projet des autorités néerlandaises d'accorder des aides d'une intensité de 35 % pour la construction d'usines de traitement du lisier à grande échelle jusqu'à fin 1994, cette décision était justifiée par l'objectif environnemental des projets et le risque commercial élevé qui y était associé.
(45) En ce qui concerne le risque commercial, il convient de noter que les investissements dans des usines de traitement du lisier à grande échelle ont été considérés comme des projets pilotes, qui devaient, par leur effet d'incitation, permettre la construction de ces usines dans les délais prévus et démontrer la viabilité de ce type d'installations.
(46) La Commission est consciente du fait que, en subventionnant les usines de traitement du lisier concernées, les autorités néerlandaises visaient principalement à promouvoir un système de traitement du lisier écologiquement sain, de manière à éviter les coûts environnementaux, principalement liés à la pollution des eaux et à l'émission de gaz et de résidus de métaux lourds. Le simple fait qu'il n'a pas été possible d'approuver un nombre suffisant de projets pendant la durée de validité du régime BPM illustre clairement les difficultés inhérentes à la mise en place d'installations de traitement du lisier viables. Il convient de rappeler ici que le traitement du lisier n'est pas en soi une activité rentable et que de telles installations ne peuvent être viables que si les éleveurs sont disposés à livrer le lisier produit dans leur exploitation et à payer des frais de traitement. Ces incertitudes concernant la viabilité économique des usines de traitement du lisier à grande échelle sont confirmées par une plainte (10) et des questions écrites d'un membre du Parlement européen (11), selon lesquelles le traitement du lisier est trop coûteux et nécessite des subventions permanentes.
(47) Un certain nombre d'usines ont éprouvé des difficultés financières que seules de nouvelles aides au fonctionnement leur ont permis de surmonter. En 1992, conformément à son attitude en principe négative à l'égard des aides au fonctionnement, la Commission a rendu une décision interdisant ce type d'aides pour le traitement du lisier (12).
(48) Quatre usines de traitement du lisier qui avaient bénéficié de subventions dans le cadre du régime BPM ont dû fermer parce qu'elles n'étaient pas viables. La Commission en conclut que les usines qui ont bénéficié d'aides après l'arrivée à expiration du régime - pour mettre en œuvre la même technologie que dans le cadre de celui-ci - doivent bénéficier d'aides en permanence pour pouvoir poursuivre leur production, ce qui ôte tout caractère temporaire et dégressif aux aides en cause. Aucune des deux conditions énoncées au point 3.4 de l'encadrement des aides pour la protection de l'environnement n'est donc remplie.
(49) Comme les mesures en cause ne satisfont ni aux conditions prévues par l'encadrement des aides aux PME ni à celles prévues par l'encadrement des aides pour la protection de l'environnement, elles ne peuvent être considérées comme facilitant le développement d'activités économiques sans altérer les conditions des échanges entre les États membres dans une mesure contraire à l'intérêt commun. Étant donné que les aides en cause ne peuvent bénéficier de la dérogation prévue à l'article 87, paragraphe 3, point c), du traité CE, le principe d'interdiction édicté à l'article 87, paragraphe 1, du traité CE est pleinement applicable. Les autorités néerlandaises n'ont du reste pas fait valoir d'arguments démontrant la compatibilité des aides avec le traité CE.
(50) Lorsqu'il apparaît qu'une aide est incompatible avec le marché commun, la Commission doit, conformément à l'arrêt de la Cour de justice dans l'affaire 70-72 (13), qui a été confirmé dans les affaires 310-85 (14) et C-5-89 (15), inviter l'État membre à récupérer toute aide illégalement versée auprès de son bénéficiaire. Ce remboursement est nécessaire pour rétablir la situation antérieure en annulant, à compter de la date d'octroi de l'aide, tous les avantages financiers illégaux dont a bénéficié l'entreprise ayant perçu une aide illicite. La Commission est tenue d'exiger la récupération des aides incompatibles et illégales en application du règlement (CE) n° 659-1999.
(51) La récupération doit avoir lieu sans délai conformément aux procédures du droit néerlandais, pour autant qu'elles permettent l'exécution immédiate et effective de la présente décision. Les aides à récupérer incluent des intérêts à partir de la date à laquelle elles ont été mises à la disposition des bénéficiaires, jusqu'à la date de leur récupération. Les intérêts sont calculés sur la base du taux de référence utilisé pour le calcul de l'équivalent-subvention dans le cadre des aides à finalité régionale.
E. Conclusions
(52) Les aides accordées aux six usines de traitement du lisier concernées constituent des aides qui ont faussé la concurrence et affecté les échanges entre États membres au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE. La dérogation prévue à l'article 87, paragraphe 3, point c), n'est pas applicable car les aides ne remplissent pas les conditions prévues par l'encadrement communautaire des aides d'État pour la protection de l'environnement ou de l'encadrement communautaire des aides d'État aux petites et moyennes entreprises.
(53) Les aides en cause sont par conséquent incompatibles avec le marché commun. La Commission constate que les Pays-Bas ont illégalement mis les aides à exécution en violation de l'article 88, paragraphe 3. Les aides doivent être récupérées,
A arrêté la présente décision:
Article premier
Les aides d'État mises à exécution par les Pays-Bas en faveur des usines de traitement du lisier Ferm-o-Feed BV, Fleuren Compost BV, Vloet Oploo BV, Smith Markelo, Arev Venhorst et Memon KPI, pour un montant de 2501089 euros, sont incompatibles avec le marché commun.
Article 2
1. Les Pays-Bas prennent toutes les mesures nécessaires pour récupérer auprès de leurs bénéficiaires les aides visées à l'article 1er et déjà illégalement mises à leur disposition.
2. La récupération a lieu sans délai conformément aux procédures du droit national, pour autant qu'elles permettent l'exécution immédiate et effective de la présente décision. Les aides à récupérer incluent des intérêts à partir de la date à laquelle elles ont été mises à la disposition des bénéficiaires, jusqu'à la date de leur récupération. Les intérêts sont calculés sur la base du taux de référence utilisé pour le calcul de l'équivalent-subvention dans le cadre des aides à finalité régionale.
Article 3
Les Pays-Bas informent la Commission, dans un délai de deux mois à compter de la date de la notification de la présente décision, des mesures qu'ils ont prises pour s'y conformer.
Article 4
Le Royaume des Pays-Bas est destinataire de la présente décision.
(1) JO C 272 du 23.9.2000, p. 22.
(2) Autorisation accordée le 6 juillet 1989.
(3) Voir note 1 de bas de page.
(4) JO C 72 du 10.3.1994, p. 3.
(5) JO C 213 du 23.7.1996.
(6) Booz-Allen & Hamilton, Afzetmogelijkheden voor verwerkte dierlijke mest, La Haye, 1990.
(7) Dérogation en faveur des aides à finalité régionale.
(8) JO L 375 du 31.12.1991.
(9) Aide C 17-90 (JO C 82 du 27.3.1991, p. 3).
(10) Stichting Natuur en Milieu a déposé plainte par lettre du 30 novembre 1994.
(11) Questions écrites E-2746-94 et E-2782-94 de Nel van Dijk, publiées au JO C 103 du 24.3.1994.
(12) Décision 92-316-CEE (JO L 170 du 25.6.1992, p. 34).
(13) Commission contre Allemagne, Recueil 1973, p. 813.
(14) Deufil contre Commission, Recueil 1987, p. 901.
(15) Commission contre Allemagne, Recueil 1990, p. I-3437.