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Décisions

CA Toulouse, 2e ch. sect. 2, 5 mars 1998, n° 32-01820

TOULOUSE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Espace Pneu (SA), Gaillard (Sté), Pons Pneu (Sté), Matignon (Sté), Toulouse Pneu (Sté)

Défendeur :

Autorens (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Brignol

Conseillers :

MM. Boyer, Rimour

Avoués :

SCP Boyer-Lescal-Merle, SCP Nidecker-Prieu

Avocats :

SCP Boyer-Gladin, Me Bouyssou-Courrech

CA Toulouse n° 32-01820

5 mars 1998

Faits constants et procédure antérieure:

Par décision du 16 juin 1992, la commission compétente a autorisé les propriétaires du centre commercial E. Leclerc à Saint-Orens à procéder à une extension de l'hypermarché et de la galerie marchande.

Un permis de construire a été accordé le 6 décembre 1995.

Du 18 mars au 12 avril 1997 la société Autorens a procédé à une vente de pneumatiques sous un chapiteau implanté sur le parking de ce centre commercial.

Elle a été assignée en référé par les appelants au motif qu'il s'agissait d'une vente au déballage dépourvue d'autorisation, mais le président du tribunal de commerce les a déboutés en relevant que la vente se déroulait sous un chapiteau ayant fait l'objet d'un bail commercial, implanté sur l'emprise du futur bâtiment, alors que le terme destiné n'implique pas une limite dans le temps et que les pneumatiques entrent bien dans la définition de marchandises pouvant être vendues dans une grande surface.

Prétentions et moyens des appelants:

Les appelants demandent d'infirmer l'ordonnance, de juger que la vente constitue bien une vente au déballage entachée d'illégalité par absence d'autorisation préfectorale, avec allocation de 12 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Ils font valoir que:

- la convention d'occupation conclue pour une durée du 17 mars au 15 avril 1997, donc précaire, et pour le prix modique de 4 000 F ne constitue pas un bail commercial, faute de fonds de commerce,

- les lieux loués ne peuvent pas constituer une extension de la surface de vente, laquelle ne pouvait s'entendre que des locaux bâtis,

- cette pratique nuit à la concurrence en ce qu'elle permet d'éviter les frais d'une installation durable aux matériaux solides,

- la loi de 1996 ayant modifié la définition de la vente au déballage ne retient plus que le critère de la localisation, ce qui nécessite une appréciation d'autant plus stricte de ce critère,

Prétentions et moyens des appelants:

L'intimée conclut à la confirmation avec allocation de 10 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Elle fait valoir que:

- ses bailleurs et elle-même ayant voulu qualifier le bail de commercial, et se soumettre au décret de septembre 1953, ce qui est légal, il importe peu de rechercher si les conditions d'application de ce décret sont remplies,

- une construction légère peut ressortir de ce décret,

- depuis la délivrance des autorisations administratives, l'emprise du bâtiment à construire est bien destinée à la vente,

- la vente au déballage correspond à une opération commerciale ponctuelle qui n'est pas réalisée dans un lieu habituellement destiné à l'exercice du commerce, et les surfaces ainsi occupées ne sont normalement pas prises en compte pour le calcul des mètres carrés de vente soumis à autorisation de la commission administrative,

- dans le cas présent, la vente s'est déroulée dans un emplacement bénéficiant de cette autorisation durable,

- l'anticipation sur la construction ne fait pas disparaître l'autorisation d'exploiter le commerce dans ce lieu.

Sur quoi LA COUR,

Attendu que l'article 27-1 de la loi du 5 juillet 1996 dispose: "Sont considérées comme des ventes au déballage les ventes de marchandises effectuées dans des locaux ou sur des emplacements non destinés à la vente au public de ces marchandises...";

que l'article 7-2 alinéa 5 du décret du 16 décembre 1996 prévoit le cas spécifique des ventes effectuées à proximité d'un magasin de commerce de détail d'une surface de vente supérieure à 300 m² ou d'un ensemble commercial, comme en l'espèce;

que la vente au déballage est donc expressément prévue dans des cas de vente à proximité d'un hypermarché;

Attendu que la vente "sur parking" constitue un des exemples classiques de vente au déballage;

Attendu que toutes les autres données étant certaines, la seule question est de savoir si l'autorisation de construire une extension du bâtiment destiné à la vente valait d'ores et déjà autorisation d'utiliser la surface au sol à cet effet durant cette période;

Attendu que l'autorisation comprend un motif déterminant : "Considérant que l'extension envisagée conduirait en ce qui concerne l'hypermarché à développer un rayon Sport Loisir actuellement peu représenté et de rouvrir une aire de jeux pour enfants appréciée des consommateurs et, en ce qui concerne la galerie marchande à élargir l'offre notamment au secteur de l'équipement de la maison";

qu'un chapiteau destiné à la vente de pneumatiques ne peut pas s'assimiler à une aire de jeu pour enfants, ni à une partie de galerie marchande, encore moins à une extension de l'hypermarché, bâti;

que la demande d'autorisation administrative, et notamment le détail du projet n'est pas versé au dossier; que l'on ne connaît pas non plus les conclusions de l'enquête publique; mais que l'obtention ultérieure du permis de construire et la lettre du magasin E. Leclerc accompagnant le plan de masse précisant "ce chapiteau est à l'intérieur de l'extension du bâtiment prévu côté Est", montrent bien que l'autorisation a été accordée sur présentation d'une étude nécessitant une construction;

que l'utiliser pour un commerce sous un chapiteau dénature l'autorisation donnée; que la société Autorens ne saurait donc pas s'en prévaloir utilement;

Attendu d'ailleurs que le sol, une fois dégagé du chapiteau, redevient un parking; que l'argumentation de la société Autorens signifierait qu'il se voit destiné alternativement à la vente et au stationnement;

que retenir l'argumentation de la société Autorens sur ce point supposerait donc l'admission de destinations alternatives; que cette alternance n'apparaît pas dans les termes de l'autorisation;

Attendu en conséquence que la société Autorens ne peut pas se prévaloir de l'autorisation de la commission d'urbanisme commercial;

Attendu que la mention du caractère commercial du bail précaire, dont on distingue d'ailleurs mal les effets, ne suffit pas à qualifier la destination administrative spécifique;

Attendu que les commerçants du secteur d'activité considéré sont en droit de le faire dire;

qu'il faut donc réformer l'ordonnance entreprise;

Attendu que l'appel était justifié; que les appelants ont dû supporter des frais non compris dans les dépens; que, en application de l'article 700 du NCPC, l'équité commande de leur allouer l'indemnité chiffrée dans le dispositif.

Par ces motifs, Réforme l'ordonnance rendue par le juge des référés du Tribunal de commerce de Toulouse le 27 mars 1997; Dit que la vente pratiquée constituait une vente au déballage irrégulière; Condamne la société Autorens à payer aux appelants une indemnité de 10 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; La condamne aux dépens dont distraction au profit de la SCP Boyer-Lescat-Merle, avoués.