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Décisions

CA Paris, 9e ch. A, 12 juillet 1983, n° 83-1759

PARIS

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Castres

Conseillers :

MM. Pean, Kuhn

Avocat :

Me Leveque.

TGI Evry, du 24 janv. 1983

24 janvier 1983

Rappel de la procédure

Le jugement a déclaré A Jacques coupable de pratique de prix illicites, faits commis le 12 décembre 1978 à M (91),

Et par application des articles 37-1er § C de l'ordonnance 45-1483 du 30 juin 1945 et l'article 1er § 2e, 40, 48 à 51, 56 de l'ordonnance 1484 du 30 juin 1945,

A condamné A Jacques à la peine de 15 000 F d'amende,

Le jugement a condamné le prévenu aux dépens liquidés à la somme de 181,50 F.

La durée de la contrainte par corps a été fixée au minimum.

Les appels

Appel a été interjeté par:

1°) A Jacques, le 27 janvier 1983,

2°) M. le Procureur de la République près le Tribunal de grande instance d'Evry, le 28 janvier 1983.

Décision:

LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Considérant que A Jacques et le Ministère public ont régulièrement interjeté appel d'un jugement prononcé le 24 janvier 1983 par le Tribunal de grande instance d'Evry, 5e chambre, qui a condamné le prévenu à une amende de 15 000 F pour délit assimilé à la pratique de prix illicites par subordination de la vente d'un produit à l'achat d'une quantité imposée.

Considérant que A Jacques est prévenu d'avoir à M, le 12 décembre 1971, "commis une infraction assimilée à la pratique de prix illicites en offrant à la vente des marchandises en lots, notamment des produits de boucherie et de pâtisserie de telle sorte que l'acheteur était dans l'impossibilité de fractionner l'emballage afin de n'acheter qu'une unité des produits contenus dans ces emballages et d'avoir ainsi subordonné la vente desdits produits à l'achat d'une quantité imposée".

Considérant que de l'ensemble des éléments de l'espèce soumis à l'appréciation de la cour résultent les faits suivants:

Le 12 décembre 1978, des agents de la Direction Générale de la Concurrence et de la Consommation constataient que dans le magasin à l'enseigne "X", à M, exploité par la SA société des supermarchés Y dont A Jacques était alors le président du conseil d'administration, étaient mis en vente des produits alimentaires présentés sous un conditionnement regroupant plusieurs unités identiques.

Les agents relevaient ainsi que, pour la pâtisserie, le conditionnement comprenait:

- 10 unités pour les croissants beurre,

- 5 unités pour les pains aux raisins,

- 6 unités pour les pains au chocolat,

- 4 unités pour les chaussons aux pommes,

- 4 unités pour les petits pains.

pour la boucherie, les produits étaient présentés ainsi:

- 2 unités pour le beefsteak 1re catégorie,

- 2 unités pour les côtes de porc,

- 2 unités pour les côtes échines,

- 3 unités pour les côtes de mouton.

Ils constataient également que, dans les locaux de vente, il n'existait:

- aucune présentation à l'unité des produits ainsi conditionnés,

- aucune possibilité de fractionner l'emballage pour permettre un achat à l'unité,

- aucune indication signalant la faculté de l'achat à l'unité des produits concernés.

Le 18 février 1979, les agents dressaient procès-verbal de leurs constatations.

Considérant que pour se délier de la prévention, A Jacques, qui ne conteste pas les constatations rapportées dans ledit procès-verbal expose dans ses écritures à la cour:

d'une part, que le choix, réalisé par l'entreprise de distribution, qu'il dirige, du nombre de produits conditionnés ensemble dans un emballage unique est effectué en fonction d'une appréciation objective des besoins moyens de la clientèle du magasin et correspondrait ainsi aux désirs de celle-ci qui, de façon générale, entendrait grouper ses achats nécessaires à sa consommation pour une période déterminée, généralement égale ou supérieure à une semaine;

que d'autre part, si l'article 37-1°, C de l'ordonnance n° 1383 du 30 juin 1945 tend à protéger l'acheteur d'un produit contre l'abus que peut constituer le fait, notamment, de subordonner la vente à l'achat d'une quantité imposée, aucune disposition législative ou réglementaire n'interdit cependant la mise en vente, par un distributeur, de produits présentés en lots, si en même temps, le distributeur réserve à l'acheteur la possibilité soit du fractionnement de l'emballage, soit de l'achat à l'unité du même produit;

Que, selon les écritures du prévenu, " pour démontrer une infraction à l'article 37-1 C, le Ministère public doit en conséquence apporter la preuve que le distributeur aurait refusé de satisfaire aux éventuelles demandes de vente à l'unité "; que cette preuve n'était pas rapportée par les constatations complémentaires des agents, consignées au procès-verbal relatives à l'impossibilité, selon eux, de l'achat à l'unité d'un des produits concernés, lesdites constatations étant insuffisantes pour démontrer une violation des dispositions législatives retenues par la prévention;

Considérant que l'argumentation du prévenu selon laquelle le procédé de la vente par lots correspondrait aux exigences de la clientèle moyenne de son établissement ne peut qu'être écartée en raison de son manque de pertinence;

Qu'en ce qui concerne celle relative à l'insuffisance des constatations des agents de la Direction de la Concurrence et de la Consommation quant à la preuve du refus de vente à l'unité reprochée au prévenu, la cour ne peut que les rejeter également;

Qu'en effet, comme la cour l'a déjà rappelé, dans les locaux de vente, les agents verbalisateurs, dont les constatations matérielles font foi jusqu'à l'inscription de faux, ont relevé l'absence de présentation à l'unité des produits concernés, l'impossibilité de fractionnement de l'emballage de conditionnement et le défaut de toute indication permettant à un client de demander un achat à l'unité;

Qu'en outre, les agents ont noté au procès-verbal que le responsable du rayon pâtisserie, interrogé par eux, avait déclaré qu'aucune vente des produits de pâtisserie qui ont fait l'objet du contrôle n'avait lieu à l'unité;

Considérant qu'il est ainsi établi que la SA société des supermarchés Y a, dans son magasin de X, subordonné la vente de produits de pâtisserie et de boucherie à l'achat d'une quantité imposée;

Que la cour confirmera en conséquence la déclaration de culpabilité prononcée par les premiers juges, la peine d'amende étant également confirmée;

Par ces motifs, et ceux non contraires des premiers juges: Statuant publiquement, contradictoirement et en second ressort; en la forme: reçoit les appels de A Jacques et du Ministère public; au fond: déclare A Jacques coupable d'infraction assimilée à la pratique de prix illicites par la subordination de la vente d'un produit à l'achat d'une quantité imposée, le condamne à 15 000 F d'amende. Le condamne aux frais et dépens envers l'Etat, de première instance et d'appel, liquidés à la somme de 456,99 F. Fixe à la moitié du minimum, en raison de l'âge du condamné la durée de la contrainte par corps s'il y a lieu de l'exercer. Le tout par application des articles 37-1° C de l'ordonnance n° 1383 du 30 juin 1945, 1er § 2, 40 de l'ordonnance n° 1384 du 30 juin 1945, 473, 749, 751 du Code de procédure pénale.