CA Angers, ch. corr., 3 décembre 1996, n° 9600421
ANGERS
Arrêt
Infirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Chauvel
Conseillers :
MM. Gauthier, Liberge
Avocat :
Me Monpas.
LA COUR,
Le Ministère public a interjeté appel du jugement rendu le 15 mai 1996 par le Tribunal correctionnel d'Angers qui, dans le cadre des poursuites intentées contre Joël R des chefs de détention de produits propres à effectuer la falsification de denrées alimentaires et d'achat de produits sans facture, a prononcé la nullité des opérations de contrôle effectuées le 16 septembre 1993 par les agents de la Direction Générale de la Concurrence de la Consommation et de la Répression des Fraudes au domicile de Joël R à Saint Aubin de Luigne, du procès verbal établi par les mêmes agents le 28 octobre 1993 et des procès- verbaux de gendarmerie (BT de Chalones sur Loire) n° 985-94 des 28, 19 et 20 novembre 1994.
Il dépose des conclusions tendant à l'infirmation du jugement, à la condamnation du prévenu à une amende de 20 000 F et à la publication de l'arrêt à intervenir dans les journaux "Le Courrier de l'Ouest" et "Ouest France".
Régulièrement cité, Joël R est présent, assisté de son conseil, lequel conclut, au principal, à la confirmation du jugement pour les raisons de procédure invoquées en première instance et, subsidiairement, à l'octroi des plus larges circonstances atténuantes et au bénéfice d'une dispense de peine et d'une non-inscription de la condamnation à intervenir au bulletin n° 2 du casier judiciaire de son client.
Attendu qu'il résulte de la correspondance du directeur départemental de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes que ses agents, qui ne connaissaient pas Joël R et avaient choisi son exploitation pour y effectuer un contrôle de chai, se sont, dans un premier temps, présentés à son domicile personnel où ils ont cherché à le rencontrer; que l'un d'entre eux est allé voir à la porte du sous-sol, partiellement ouverte, et a fortuitement constaté, à cette occasion, la présence d'une palette de sucre; que, jusqu'à ce moment, leur présence sur les lieux se justifiait par le souci de rencontrer une personne susceptible de les renseigner sur l'adresse des locaux d'exploitation; qu'ils n'ont, en la circonstance, effectué aucune visite, ni constatation entrant dans le cadre de leur mission, les hypothèses avancées, après coup, par José de Brito-Sousa ("de l'endroit où je me trouvais, je n'ai pu voir s'ils sont rentrés dans le sous-sol, vu le temps qu'ils sont restés (...) ils avaient largement le temps de voir ce qu'il y avait à l'intérieur") et Andrée Billot ("je pense que ces personnes sont entrées dans le sous-sol. D'où j'étais, je ne voyais pas l'entrée du portail, mais comme les deux personnes sont sorties de la voiture c'est bien pour aller quelque part") étant dénuées, sur ce point, de caractère probant; que l'argument tiré d'une prétendue violation de domicile ou d'une visite irrégulière d'un local strictement privé ne peut, dans ces conditions, qu'être écarté.
Attendu que, par la suite, les agents de l'administration se sont rendus au chai de Joël R; qu'en présence de l'intéressé, ils ont procédé à l'inventaire des quantités détenues et ont effectué la balance des comptes pour établir le stock théorique résultant de la déclaration de stocks et des mouvements intervenus à la date du contrôle; qu'ayant constaté des discordances par natures de produits, ils s'en sont ouverts auprès du prévenu, lequel leur a signalé qu'il détenait dans le sous-sol de sa maison d'habitation des bouteilles en quantité importante qu'invité à présenter ces vins, Joël R les a conduits sur les lieux sans difficulté; qu'ainsi 1 150 bouteilles d'Anjou Rouge et du Coteau du Layon ont été inventoriées et qu'à cette occasion, les deux contrôleurs, avisant la palette de sucre entr'aperçue plus tôt, ont interrogé le viticulteur, lequel a bien voulu reconnaître qu'ils s'agissait là d'un achat déjà ancien, effectué sans facture et ne figurant pas sur le registre obligatoire d'entrée d'utilisation des produits enrichissants.
Attendu que, dans cette seconde phase de leur intervention, les agents de la Direction Générale de la Concurrence de la Consommation et de la Répression des Fraudes tenaient leurs pouvoirs d'investigations de l'article L. 215-3 al. 3 du Code de la consommation, lequel les autorisait, sans opposition de l'occupant, à pénétrer, de jour dans les locaux à usage d'habitation où, de l'aveu même de Joël R, se trouvait stockées 1 150 bouteilles de vin.
Attendu qu'avec le plein accord de l'intéressé les deux fonctionnaires ont pénétré dans un local dans lequel était parfaitement visible une palette de sucre haute d'environ deux mètres, laquelle n'a pas manqué de les intriguer et, partant, de provoquer leurs interrogations.
Attendu qu'ainsi et contrairement à ce qui avait été juge en première instance, les conditions de contrôle ont été parfaitement régulières; que les infractions de détention de produit propre à effectuer la falsification des boissons et d'achat sans facture, non contestées, sont établies et doivent valoir à leur auteur l'application d'une forte amende assortie d'une publication de la décision dans les journaux "Le Courrier de l'Ouest" et "Ouest France", cette dernière mesure apparaissant incompatible avec la demande de non-inscription sollicitée, laquelle sera rejetée.
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Infirme le jugement entrepris; Déclare Joël R coupable de détention de produits propres à effectuer la falsification de denrées alimentaires et d'achat de produits sans facture; En répression, Le Condamne à une amende de vingt mille francs (20 000 F); Ordonne la publication par extrait du présent arrêt dans les journaux "Le Courrier de l'Ouest" et "Ouest France" édition Angers sans que le coût de chaque insertion excède la somme de 4 000 F; la présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 800 F dont est redevable Joël R, conformément aux dispositions de l'article 1018 A du Code général des impôts.