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Décisions

Cass. com., 21 janvier 2004, n° 02-10.328

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Alter Finance (SA), Nicol et compagnie (Sté)

Défendeur :

HPC (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tricot

Rapporteur :

Mme Garnier

Avocat général :

M. Viricelle

Avocats :

SCP Célice, Blancpain, Soltner, SCP Delaporte, Briard, Trichet.

T. com. Paris, 15 ch., du 22 janv. 1999

22 janvier 1999

LA COUR: Sur le moyen unique pris en ses trois branches: - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 9 novembre 2001), que la société Nicol et compagnie, aux droits de laquelle se trouve la société Alter finance (société Alter), qui exerce l'activité de courtier sur le marché interbancaire et dispose d'un département spécialisé dans la négociation de contrats d'échange de taux d'intérêts dénommé "desk 2", a poursuivi judiciairement la société BBT Interbanques, aux droits de laquelle se trouve la société HPC, (société BBT) en concurrence déloyale par débauchage de salariés;

Attendu que la société Alter fait grief à l'arrêt du rejet de ses demandes, alors, selon le moyen: 1°) que l'aveu judiciaire fait pleine foi contre celui qui l'a fait; qu'en l'espèce, le Tribunal de commerce de Paris, dans son jugement du 22 janvier 1999, avait expressément relevé que "pour tenter de nier son comportement fautif, la société BBT Interbanques avance l'argument peu crédible que les embauches qu'elle a faites seraient consécutives à des annonces parues dans la presse les 2 et 3 juin 1997. Questionnée sur ce point à l'audience, elle admet, en contradiction avec ses écritures, que les contacts avec le desk 2 étaient antérieurs (et fait état) de contacts directs avec les candidats potentiels par l'intermédiaire de ses propres traders"; qu'en affirmant néanmoins que la preuve n'est pas rapportée que la société BBT a pris d'elle-même l'initiative de contacter les sept salariés de la société Nicol, sans s'expliquer sur cet aveu, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1356 du Code civil; 2°) que constitue un acte de concurrence déloyale, indépendamment de toute manœuvre de débauchage, le recrutement sur une période réduite de l'ensemble des salariés d'une société concurrente travaillant dans un même service, en sachant pertinemment que ces départs auront pour effet de désorganiser l'entreprise concurrente; qu'en l'espèce, il résulte des propres énonciations de la cour d'appel que la société BTT a embauché, sur une période de quelques semaines, la totalité des salariés de la société Nicol composant le département chargé du courtage dans le domaine des swaps de taux d'intérêts, et ce en ayant parfaitement conscience de la complète désorganisation que ce départ collectif provoquerait chez son concurrent; qu'en déboutant néanmoins la société Nicol de sa demande de dommages-intérêts pour concurrence déloyale au motif qu'il n'est justifié d'aucune démarche de débauchage de la part de la société BBT, la cour d'appel s'est fondée sur des motifs inopérants, violant ainsi l'article 1382 du Code civil; 3°) que les actes de concurrence déloyale consistant à désorganiser sciemment une entreprise concurrente impliquent nécessairement l'existence d'un préjudice pour la société qui en est victime; qu'en l'espèce, pour débouter la société Alter finance de sa demande en dommages intérêts pour concurrence déloyale, la cour d'appel a considéré que le lien de causalité entre le préjudice invoqué et l'embauche des salariés par BBT n'était pas établi; qu'en statuant ainsi, alors qu'il s'inférait nécessairement des actes déloyaux imputables à la société BTT l'existence pour la société Alter finance d'un préjudice résultant des procédés fautifs utilisés à son encontre, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil;

Mais attendu, en premier lieu, que la société Alter, en concluant à la confirmation du jugement, s'est appropriée les motifs relatifs à l'appréciation de la faute, dès lors qu'elle n'a présenté devant la cour d'appel aucun moyen tiré de l'aveu judiciaire allégué;

Attendu, en second lieu, que c'est par une appréciation souveraine des éléments de preuve qui lui étaient soumis que l'arrêt relève que la preuve n'est pas rapportée que la société BBT aurait pris l'initiative d'approcher les salariés de la société Alter et aurait tenté de les "séduire par des promesses de rémunérations plus élevées ou des conditions de travail meilleures";qu'il retient que les salariés en cause, qui avaient conçu des doutes sur la capacité de la société Nicol à leur assurer un avenir professionnel sûr et conforme à leurs aspirations, ont pris eux-mêmes la résolution de quitter la société Alter comme l'avaient fait avant eux plusieurs de leurs collègues;qu'il relève en outre que n'étant lié à la société Alter par aucun engagement de non-concurrence, et ayant exécuté leur préavis, ces salariés se trouvaient libres de rejoindre n'importe quel autre employeur cherchant à embaucher, et que la rencontre de ces deux volontés ne suffit pas à caractériser un projet concerté de débauchage;qu'il retient enfin que la société Alter ne démontre pas que la société Nicol se serait trouvée dans l'impossibilité de compenser les démissions de ses personnels par de nouvelles embauches;qu'en déduisant de ces constatations et appréciations l'absence de concurrence déloyale, la cour d'appel, abstraction faite du motif erroné mais surabondant critiqué à la troisième branche, a pu statuer comme elle a fait;d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches;

Par ces motifs: Rejette le pourvoi.