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Décisions

CA Aix-en-Provence, 5e ch., 13 avril 1993, n° 93-306

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Ellul

Substitut :

général: M. Ceccaldi

Conseillers :

Mmes Aubecq, Mc Coux

Avocat :

Me Grisoli.

TGI Marseille, ch. corr., du 20 févr. 19…

20 février 1991

Attendu que B Jean-Claude a été cité devant le Tribunal correctionnel de Marseille:

1°) par citation directe du 17 janvier 1989 sous la prévention:

- d'avoir à Marseille courant 1986 importé d'Italie et mis en vente des denrées servant à l'alimentation de l'homme (fromages) qu'il savait falsifiés par l'addition d'acide sorbique et d'acide benzoïque dans des conditions contraires à la réglementation en vigueur

- d'avoir à Marseille courant 1986 étant ou non partie au contrat, trompé ou tenté de tromper le contractant par quelque moyen ou procédé, que ce soit même par l'intermédiaire d'un tiers sur la nature, l'espèce, l'origine les qualités substantielles, la composition ou ta teneur en principe utile d'une marchandise, sur l'aptitude à l'emploi les risques inhérents à l'utilisation du produit, les contrôles effectués, les modes d'emplois sur les précautions à prendre en l'espèce en proposant à la vente des fromages italiens additionnés d'acides benzoïque et sorbique alors que ces additifs étaient prohibés (sic);

faits prévus et réprimés par les articles 1 et 4 de la loi du 1er août 1905 et par le décret du 15 avril 1912 modifié;

2°) par ordonnance du juge d'instruction du 27 août 1986 sous la prévention:

- d'avoir à Marseille et sur le territoire national courant 1982 exposé, vendu des denrées servant à l'alimentation de l'homme qu'il savait être falsifiées ou toxiques (présence d'un conservateur illicite) (sic)

- dans les mêmes circonstances de temps et de lieu vendu des denrées alimentaires additionnées de produits chimiques autres que ceux dont l'emploi est déclaré licite par les arrêtés pris de concert par le ministre de l'Agriculture et du Développement rural, le ministre de l'Economie et des Finances, le ministre du développement industriel et scientifique et le ministre de la Santé publique sur l'avis du Conseil supérieur d'hygiène publique de France et de l'Académie de Médecine (sic)

articles 1-3 alinéa 2, 13 de la loi du 1er août 1905, 1er du décret du 15 avril 1912;

Attendu que par jugement contradictoire du 20 février 1991 le Tribunal correctionnel de Marseille, après avoir joint les deux poursuites, "considérant que les faits reprochés à B Jean-Claude ne sont pas suffisamment caractérisés et établis par les pièces du dossier et les débats" l'a relaxé des fins des poursuites;

Attendu que le Procureur général, a, en application de l'article 505 du Code de procédure pénale, interjeté appel de cette décision;

Attendu que ce recours régulièrement notifié à B Jean-Claude le 16 avril 1991 doit être déclaré recevable;

Attendu que régulièrement cité à personne le 6 octobre 1992, et comparant en personne assisté de son conseil, B Jean-Claude a déposé des conclusions au terme desquelles il sollicite la confirmation de la décision déférée en s' attachant essentiellement à faire valoir que dans le cadre général de la libre circulation des marchandises à l'intérieur de la Communauté Economique européenne, l'article 30 du traité de Rome, interdit aux Etats membres toute restriction quantitative à l'importation ou toute mesure d'effet équivalent;

Attendu que le Ministère public s'en est rapporté à justice;

Attendu que la Direction de la Consommation et de la Répression des Fraudes a conclu à l'infirmation du jugement de relaxe;

Sur ce, LA COUR

Attendu qu'il échet de rappeler que B Jean-Claude, gérant de la société X de Marseille a fait l'objet de poursuites pour fraude à la suite de la découverte par des agents de la Répression des Fraudes, chez des commerçants, de produits qu'il avait importés d'Italie et qui comportaient selon eux des substances nocives en l'occurrence de l'acide sorbique et de l'acide benzoïque E 210 non autorisées par la législation française;

Attendu qu'en effet un premier contrôle effectué le 5 octobre 1982 au supermarché Y, <adresse>à Nice, permettait d'établir qu'il y était mis en vente des produits de viennoiserie fabriqués en Italie sous la dénomination "Panettone" dont l'étiquetage révélait d'une part qu'il avait été importé d'Italie par "X" et d'autre part qu'il contenait notamment de l'acide sorbique; que l'analyse de ce produit opérée par le laboratoire du service de la Répression des Fraudes à Marseille révélait une teneur en acide sorbique de 25,2 mg/kg;

qu'un second contrôle entrepris courant juin 1986 dans les Entrepôts des Transports Frigorifiques au MIN des Arnavaux à Marseille mettait à jour l'existence d'autres produits encore importés d'Italie par la société X, savoir du fromage "Mozzarella" du fromage au lait de vache "Caccetto" du fromage "Grana Padano", du fromage "Provolone" autant de produits dans leur emballage d'origine comportant leurs caractéristiques et compositions;

que les analyses desdits produits effectuées par le laboratoire de Montpellier révélaient pour la présence d'acide sorbique savoir pour la Mozzarella une teneur de 800 mg/kg, pour le Cacetto une teneur de 50 mg/kg, pour le Grana Padano une teneur de 3,5 mg/kg et pour le Provolone une teneur de 250mg/kg;

Que d'autres produits importés par la société X repérés au Centre Service Frais à Sathonay- Camp, savoir du fromage "Grana Super Parma" râpé et Pecorino comportaient respectivement une teneur en acide benzoïque de 55 mg/kg et 88 mg/kg;

Attendu que dans un "mémoire introductif" la Direction de la Consommation et de la Répression des Fraudes, faisant observer que l'addition d'acide sorbique et d'acide benzoïque (notamment dans les fromages) n'étant pas prévue par la réglementation en vigueur a considéré que le fait d'importer et de détenir de tels produits en vue de la vente, constitue une tentative de tromperie sur les qualités substantielles et la composition de la marchandise;

Attendu que B qui n'a pas contesté la présence dans les produits qu'il a importés d'Italie d'additifs tels que relevés par la Direction de la Consommation et de la Répression des Fraudes a fait valoir pour sa défense que les autorités françaises ne peuvent s'opposer à la libre circulation en France de denrées légalement produites et commercialisées dans un autre Etat de la Communauté européenne au seul motif qu'elles contiennent de l'acide sorbique et de l'acide benzoïque;

Attendu que l'acide sorbique et l'acide benzoïque décelés dans les produits importés par B sont des agents conservateurs dont la directive communautaire 64-54 du 5 novembre 1963 autorise l'emploi dans les denrées destinées à l'alimentation humaine;

Attendu que si selon la Cour de justice des Communautés européennes, les articles 30 et 36 du traité de la CEE ne s'opposent pas à ce qu'un Etat membre interdise la commercialisation d'une denrée alimentaire importée d'un autre Etat membre où elle est légalement produite et commercialisée à laquelle une des substances énumérées à la directive ci-dessus visée a été ajoutée, il lui appartient cependant de démontrer que l'interdiction est justifiée par des raisons de protection de la santé de leur population;

Attendu que pour tenter de justifier les poursuites exercées à l'encontre de B, le Directeur régional de la Concurrence de la Consommation et de la Répression des Fraudes a indiqué dans une note du 26 avril 1991 adressée au Procureur général près la cour d'appel de céans que la procédure d'autorisation que le prévenu n'a pas respectée est la "seule qui permette de garantir la sécurité des consommateurs étant donné que le fait d'admettre dans un pays sans aucun contrôle a priori tous les aliments contenant des additifs légalement élaborés dans un autre Etat équivaudrait à prendre le risque d'augmenter d'une manière inconsidérée le niveau d'ingestion des additifs par la population dudit pays et, en conséquence, de remettre en cause les critères retenus lors de l'évaluation toxicologique par les experts scientifiques;

Attendu qu'une telle affirmation de principe non corroborée par des éléments concrets établissant la nocivité des produits importés n'est pas de nature à démontrer que la réglementation prétendument transgressée par B est nécessaire pour protéger effectivement les intérêts visés à l'article 36 du traité de la CEE.

qu'en tout état de cause la mauvaise foi de B n'est pas suffisamment établie; qu'il échet en conséquence de confirmer la décision) déférée l'ayant relaxé;

Par ces motifs: LA COUR, Statuant publiquement, par arrêt contradictoire en matière correctionnelle, En la forme: Déclare l'appel recevable; Au fond confirme le jugement querellé; le tout conformément aux articles visés au jugement, au présent arrêt et aux articles 512 et suivants du Code de procédure pénale.