CA Aix-en-Provence, 15e ch., 24 mai 1995, n° 93-17738
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
DDCCRF Alpes de Haute-Provence
Défendeur :
Inko (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Roman
Conseillers :
M. Rosello, Mme Braizat
Avoués :
Me Jauffrès, SCP Blanc
Avocats :
Mes Molco, Dazi Nasmi.
I - Faits et procédure:
Le 20 juillet 1993, les agents de la Direction Départementale de la Concurrence de la Consommation et de la Répression des Fraudes des Alpes de Haute-Provence ont procédé à la consignation de l'ensemble des produits "Inkotaurine" stockés dans les locaux de la société Inko.
C'est dans ces conditions que cette société a, le 29 juillet suivant, fait assigner en référé cette administration pour faire juger que celle-ci avait commis une voie de fait à son encontre et pour faire ordonner la déconsignation immédiate des marchandises.
Par ordonnance du 11 août 1993, le juge des référés de Digne a fait droit à sa demande.
La Direction Départementale de la Concurrence de la Consommation et de la Répression des Fraudes des Alpes de Haute-Provence a interjeté appel de cette décision.
Elle demande à la cour de réformer l'ordonnance entreprise et de débouter la société Inko de ses demandes.
Au soutien de son recours, elle fait valoir:
- que la consignation a été effectuée conformément aux dispositions légales,
- que le procès-verbal de consignation, qui est un acte préalable à une instance judiciaire et indissociable de celle-ci, n'avait pas à être motivé,
- que le procès-verbal, conformément à la loi, a été transmis au Procureur de la République qui pouvait donner mainlevée à tout moment de la mesure de consignation,
- que cette règle de compétence est exclusive de celle du juge des référés.
La société Inko conclut à la confirmation de l'ordonnance déférée et à la condamnation de l'appelante au paiement de 30 000 F à titre de dommages-intérêts pour appel abusif et de 16 825 F en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'au remboursement du coût des échantillons prélevés.
Elle soutient:
- que le procès-verbal de consignation n'est pas motivé,
- que l'Inkotaurine est un extrait concentré d'huîtres qui contient naturellement de la Taurine et qu'il n'y a donc aucune falsification par addition de ce composant,
- qu'elle ne produit pas mais commercialise uniquement ce produit,
- que l'administration a agi en parfaite illégalité et a porté atteinte à la liberté du commerce.
II - Motifs de la décision
Sur la compétence:
Le juge des référés était bien compétent pour connaître du litige dès lors que la demande de la société Inko était fondée sur la voie de fait.
Sur la voie de fait:
Pour qu'une décision administrative puisse être considérée comme une voie de fait, il faut d'une part que le comportement de l'administration soit insusceptible de se rattacher à l'exécution d'un texte législatif ou réglementaire et d'autre part que l'atteinte portée à la propriété ou aux libertés fondamentales soit grave;
Il résulte de l'article 11-2 de la loi du 1er août 1905 que les autorités qualifiées pour rechercher et constater les infractions à cette loi pourront consigner, dans l'attente des résultats des contrôles nécessaires, les produits susceptibles d'être falsifiés, ou toxiques, ou impropres à la consommation ou présentant un danger pour la santé ou la sécurité des consommateurs.
En l'espèce, le produit Inkotaurine était présenté comme un produit amaigrissant, grâce à la taurine qu'il contenait.
L'utilisation de la Taurine en alimentation humaine n'étant autorisée que dans les aliments destinés aux nourrissons et enfants en bas âge, la Direction Départementale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes a fait procéder à un prélèvement du produit litigieux aux fins d'analyse puis a consigné, conformément à l'article 11-2 précité, l'ensemble du stock entreposé dans les locaux de la société Inko.
Puis elle a, dans les 24 h, transmis le procès-verbal établi à cette occasion - et indiquant que la marchandise consignée était susceptible d'être falsifiée, impropre à la consommation - au Procureur de la République, lequel a autorisé une prolongation de la consignation de 15 jours, comme l'y autorisait l'article 11-2 susvisé.
Il apparaît ainsi que l'appelante n'a fait qu'exercer un pouvoir qui lui était conféré par la loi et ce dans le strict respect des dispositions régissant son intervention.
Aucune voie de fait ne peut donc lui être reprochée. L'ordonnance déférée devra en conséquence être infirmée et la société Inko sera déboutée de ses demandes.
Succombant sur toutes ses prétentions, elle sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.
Par ces motifs: LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Déclare l'appel recevable; Infirme l'ordonnance déférée et statuant à nouveau; Déboute la société Inko de toutes ses demandes; La condamne aux dépens de première instance et d'appel, ces derniers pouvant être recouvrés directement par Me Jauffrès, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.