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Décisions

CA Bordeaux, 1re ch. A, 28 mars 1996, n° 90004972

BORDEAUX

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Agent judiciaire du Trésor public

Défendeur :

Malaurie, Me Guérin (ès qual.), Produits Agroalimentaires d'Aquitaine (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bizot

Conseillers :

MM. Septe, Cheminade

Avoués :

SCP Rivel-Combeaud, SCP Lacampagne-Puybaraud

Avocats :

Mes Fournier-Blais, Jacoby.

TGI Bergerac, du 4 sept. 1990

4 septembre 1990

Faits

Par acte sous seing privé du 8 juin 1988, la société Produits Agroalimentaire d'Aquitaine (PAA) a vendu à la société Scapav France, membre du Groupement Intermarché, 333 252 bocaux de 190 grammes de foie gras d'oie entier, mi-cuit, en vue d'une opération de promotion nationale qui devait avoir lieu les 25 et 26 novembre 1988. La livraison devait intervenir dans des délais suffisants. Le marché a été conclu pour un prix non révisable de 79,80 F hors taxe par bocal.

La marchandise a été stockée, en attente de la livraison, dans les entrepôts frigorifiques de la société STEF à Brive, où elle a fait l'objet de prélèvements d'échantillons le 11 octobre 1988 par la Direction de la Concurrence de la Consommation et de la Répression des Fraudes de la Corrèze (DCCRF de la Corrèze), puis, dans les semaines qui ont suivi de trois mesures d'immobilisation successives:

- le 25 octobre 1988, la DCCRF de la Corrèze a consigné environ 240 000 bocaux, sur le fondement de l'article 11-2 de la loi du 1er août 1905, dans l'attente des résultats de l'analyse des échantillons prélevés précédemment; cette mesure a fait l'objet d'une autorisation de prolongation accordée le 9 novembre 1988 par le Procureur de la République de Brive; ce même magistrat en a donné main levée le 14 novembre 1988, et la DCCRF a autorisé la mise en vente des produits, à condition qu'elle ait lieu sous l'appellation "foie gras d'oie", et non celle de "foie gras d'oie entier";

- le 14 novembre 1988, la Direction des Services Vétérinaires de la Corrèze a saisi 263 440 verrines, par application de l'article 263 du Code rural, pour défaut de marque de salubrité; le 11 novembre 1988, le Procureur de la République de Bergerac a donné main levée de cette mesure à la requête de la société PAA, au motif que si au jour de la saisie, il pouvait être légitimement suspecté une intention frauduleuse dans l'absence de marque ou d'estampille constatée, rien, au jour de sa décision, ne permettait de confirmer cette suspicion;

- le 14 novembre 1988, la Direction des Services Vétérinaires de la Corrèze a à nouveau saisi 263 438 verrines par application de l'article 263 du Code rural, pour défaut de marque de salubrité, car des analyses effectués sur des échantillons prélevés au cours de la saisie précédente avaient fait apparaître la présence de staphylocoques dorés dans 5 échantillons et l'absence de vide partiel dans deux; le 23 novembre 1988, le Procureur de la République de Bergerac a donné main levée d'office de cette mesure au motif qu'à l'issue d'un examen par sondage, il apparaissait que le stock satisfaisait aux normes bactériologiques prévues pour ce type de produits; il a toutefois relevé qu'un certain nombre de verrines présentaient un défaut d'étanchéité "inadmissible pour des semi-conserves", et il a subordonné la main levée au fait qu'un tri soit effectué sous le contrôle des services vétérinaires, afin de séparer les produits conformes de ceux présentant un défaut d'étanchéité.

Les mesures d'immobilisation précitées ont donné lieu à des poursuites pénales contre Jean- Paul Malaurie, dirigeant de la société PAA:

- par jugement du Tribunal de police de Sarlat du 16 novembre 1989, confirmé par arrêt de cette cour du 15 mai 1990, l'intéressé a été déclaré coupable des contraventions de défaut de marque de salubrité et d'omission de demande d'autorisation de fabrication ou de reproduction de marques de salubrité, et a été condamné au paiement de 268 055 amendes de 0,20 F, représentant un total de 53 611 F, ainsi qu'à une amende de 3 000 F,

- par jugement du Tribunal correctionnel de Brive du 22 avril 1993, devenu définitif, il a été déclaré coupable du délit de tentative de tromperie "pour avoir tenté de vendre à la société Scapav sous l'appellation Foie gras d'oie entier des préparations qui étaient, en réalité du Foie gras d'oie", et il a été condamné à une amende de 5 000 F.

Par ailleurs, par jugement du 14 septembre 1989, le Tribunal de commerce de Sarlat a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société PAA et a désigné Maître René Martin en qualité de représentant des créanciers. Le 27 avril 1990, le tribunal a prononcé la mise en liquidation judiciaire de la société et a nommé Maître Martin en qualité de liquidateur.

Enfin, il convient de noter que la consignation opérée le 25 octobre 1988 par la DCCRF a donné lieu à une importante campagne de presse, d'ampleur nationale, fondée sur une dépêche de l'Agence France Presse du 5 novembre 1988 contenant des informations erronées. C'est ainsi que l'ensemble de la presse nationale a indiqué qu'il avait été saisi en gare de Brive un wagon entier de fausses boîtes de foie gras, qui ne contenaient que de la musse de fois gras, qu'un ersatz ou que du pâté amélioré. Par jugement du 4 juillet 1989, la 17e chambre correctionnelle du Tribunal de grande instance de Paris, statuant sur citation directe de la société PAA, a déclaré le correspondant de l'Agence France Presse à Limoges coupable du complicité du délit de diffamation publique envers particulier commis le 5 novembre 1988, à raison de la publication du communiqué de l'Agence France Presse intitulé "Fraude - Divers un wagon contenant plus de 50 tonnes de fausses boîtes de foie gras à Brive La Gaillarde", communiqué retenu dans son entier, et l'a condamné à payer la somme de 5 000 F à Maître Martin, ès qualités, à titre de dommages et intérêts.

Procédure

Le 9 mars 1990, Jean-Paul Malaurie, la société PAA, et Maître Martin, agissant à l'époque en qualité de représentant des créanciers du redressement judiciaire de cette personne morale, ont fait assigner à jour fixe l'agent judiciaire du Trésor Public (AJTP) devant le Tribunal de grande instance de Bergerac, en exposant que les interventions de l'administration avaient présenté un caractère fautif et qu'elles avaient causé un préjudice considérable à la société et à son dirigeant. Ils ont sollicite, à titre de dommages et intérêts la somme de 11 522 317 F pour la société PAA et celle de 3 000 000 F pour Jean-Paul Malaurie, outre, pour chacun d'eux, la somme de 50 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

L'AJTP a comparu et a demandé au tribunal de surseoir à statuer jusqu'à la solution des procédures pénales alors en cours.

Par jugement du 4 septembre 1990, le tribunal s'est déclaré compétent pour statuer sur les demandes de la société PAA et de Jean-Paul Malaurie, au motif que les mesures de consignation et de saisie prises par l'administration n'étaient pas détachables de la procédure pénale qui leur avait fait suite directement. Il a rejeté le demande de sursis à statuer présentée par l'AJTP, en relevant que celui-ci ne démontrait pas qu'une action publique était alors en cours. Sur le fond, il a dit que l'extrême lenteur mise à communiquer le résultat des contrôles ayant suivi la consignation du 25 octobre 1988 et l'inaction inexpliquée de l'administration à la suite de la saisie du 2 novembre 1988 constituaient des fautes de nature à engager la responsabilité de l'Etat. En revanche, il a indiqué qu'aucune faute ne pouvait être retenue au sujet de la saisine du 14 novembre 1988, les examens, qui avaient été réalisés sans lenteurs, ayant révélé la présence de défectuosités de nature à justifier le retrait de certains des bocaux saisis. Il a enfin précisé que l'administration avait commis une faute, en divulguant à la presse dès le 5 novembre 1988, des "informations nominatives et erronées". En ce qui concerne le préjudice, il a rejeté la demande de réparation concernant la réfection de l'étiquetage des bocaux saisis, au motif que cette réfection avait été due à la faute de la société PAA Il a condamné l'Etat à verser à Jean-Paul Malaurie, à titre personnel, une somme de 80 000 F en réparation de son préjudice moral. Statuant avant dire droit sur les autres postes de dommages, il a ordonné une expertise comptable aux frais avancés des demandeurs. Par ailleurs, il a ordonné l'exécution provisoire du chef des sommes allouées, et a réservé les dépens, ainsi que la décision fondée sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Le 15 octobre 1990, l'AJTP a relevé appel de cette décision.

Le 30 octobre 1995, Maître Guérin, agissant en qualité d'administrateur de l'étude de Maître Martin, lui-même agissant en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société PAA est intervenu volontairement aux débats en reprise d'instance, et a déclaré faire siennes les écritures antérieurement formalisées au nom de Maître Martin, ès qualités.

Moyens des parties

L'AJTP reproche au tribunal d'avoir rejeté se demande de sursis à statuer, alors qu'une instance pénale était en cous à l'encontre de Jean-Paul Malaurie. Sur le fond, il fait valoir que seule une faute lourde des services mis en cause serait de nature à engager la responsabilité de l'Etat, compte tenu du caractère judiciaire des consignations et saisies critiquées. Il soutient que la preuve d'une telle faute, et même d'une faute quelconque de l'administration, n'est pas rapportée en l'espèce. Il ajoute que l'existence d'un préjudice de la société PAA et de son dirigeant, en relation avec l'intervention de l'administration, n'est pas non plus démontrée.

Il demande en conséquence à la cour d'infirmer le jugement, de débouter ses adversaires de toutes leurs prétentions, et de les condamner in solidum à payer au Trésor public les sommes de 100 000 F à titre de dommages et intérêts et de 50 000 F par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les dépens de première instance et d'appel.

Maître Guérin, ès qualités, et Jean-Paul Malaurie reprochent à l'administration d'avoir pris des décisions de blocage au vu d'analyses partielles, officieuses et dont le caractère erroné a été ultérieurement reconnu, puisque les différentes mesures ont finalement dû être rapportées. Ils soutiennent que ce comportement a procédé d'une volonté de nuire et de mettre en péril leurs relations commerciales. Ils indiquant que les pièces versées aux débats démontrent la lenteur particulière de l'administration, différentes violations du droit de le défense, le refus de contre-expertise, l'absence de justificatifs aux saisies, des erreurs finalement reconnues dans deux télex reconnaissant la bonne qualité des produits et des dénonciations nominatives et erronées à l'AFP. Ils ajoutent que l'AJTP n'ayant pas exécuté la condamnation au paiement de la somme de 80 000 F prononcée par le tribunal avec exécution provisoire, s'étant opposé à la réalisation de l'expertise, et ayant multiplié les procédés dilatoires, eux-mêmes sont désormais fondés à obtenir directement l'indemnisation de leur préjudice, "sous peine d'un véritable déni de justice".

Ils prient en conséquence la cour de rejeter l'appel principal, et, faisant droit à leur appel incident, de condamner l'AJTP à payer à titre de dommages et intérêts, la somme de 11 522 317 F à la société PAA et celle de 3 000 000 F à Jean-Paul Malaurie, outre, à chacun d'eux, la somme de 50 000 F sur la base de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, de confirmer pour le surplus le jugement entrepris, et de condamner l'appelant aux dépens.

Discussion

Attendu que les consignations et saisines critiquées faisant partie intégrante d'une procédure judiciaire, c'est avec raison que le tribunal s'est déclaré compétent pour connaître des demandes de la société PAA et de Jean-Paul Malaurie; qu'il y a lieu de confirmer sa décision à ce sujet;

Attendu que c'est également avec raison que les premiers juges ont rejeté l'exception de sursis à statuer présentée par l'AJTP; qu'en effet, celui-ci, à qui incombait la charge de la preuve, ne leur démontrait pas qu'une procédure pénale était alors en cours; qu'il convient de confirmer leur décision sur ce point;

Attendu en revanche que c'est à tort que le tribunal a admis l'existence de diverses fautes de l'administration; qu'en effet, la preuve de ces fautes ne résulte pas des éléments versés aux débats;

Attendu, en ce qui concerne le grief de lenteur, qu'il convient de souligner que dès les prélèvements du 11 octobre 1988, la DCCRF a fait savoir au laboratoire central de recherches et d'analyse de Massy (91) que les produits étaient destinés aux magasins Intermarché pour les fêtes de fin d'année et que dans ces conditions, "une réponse rapide, permettant de débloquer éventuellement le marchandise en temps voulu m'obligerait" (lettre du 12 octobre 1988, communiqué par l'AJTP le 3 mars 1995, pièce 8); que par ailleurs, il ressort des télex échangés à l'époque entre les parties, que la société PAA, qui avait pris directement contact avec le laboratoire de Massy, a eu connaissance des résultats partiels des analyses, et a notamment été informée de la découverte dans les échantillons de lactoprotéines et d'ovalbumines, c'est-à-dire de substance non autorisé dans ce type de produit; que cette découverte a d'ailleurs entraîné des investigations complémentaires tant d'elle-même que de l'administration, afin de découvrir l'origine de ces substances, qui aurait pu provenir, selon la société PAA, de la gelée de marque La Bivida et du porto blanc dénaturé qui étaient utilisés dans le préparation;

que quoi qu'il en soit, compte tenu du nombre d'échantillons saisi, de la complexité des analyses entreprises, et des diverses investigations complémentaires qui ont été nécessaires pour déterminer avec suffisamment de précision si le produit pouvait être commercialisé et sous quelle appellation, le preuve de négligence ou de lenteurs de l'administration n'est pas rapportée, les premiers juges s'étant bornés à ce sujet, de même que les plaignants, à une simple affirmation;

Attendu, en ce qui concerne le grief de violation des droits de la défense, que les intimés font état du caractère inquisitoire de la procédure, et du refus systématique de l'administration de communiquer le résultat des analyses des produits consignés ainsi que les méthodes d'analyses de son laboratoire; que toutefois, ils n'allèguent aucune violation particulière des articles 7 et suivants du Décret du 22 janvier 1919, relatifs eux saisies opérées par les agents du service de la répression des fraudes; qu'il convient d'ailleurs de noter que devant les juridictions répressives, Jean-Paul Malaurie n'a pas critiqué le régularité des procédures de consignation et de saisie, dont la validité a été ainsi reconnue; qu'enfin, contrairement à ce qui est prétendu, il ressort des télex échangés entre les parties, que la société PAA a été tenue informée des résultats partiels des analyses, ainsi qu'il a été dit; qu'il s'ensuit que la preuve d'une violation des droits de la défense n'est pas rapportée;

Attendu, en ce qui concerne le grief du refus de contre-expertise, que les articles 24 et suivants du Décret du 22 janvier 1919 édictent des règles de procédures à observer pour la mise en œuvre de l'expertise contradictoire prévue par l'article 12 de la loi du 1er août 1905 sur les fraudes; qu'il résulte des énonciations du jugement du Tribunal correctionnel de Brive du 22 avril 1993 que cette expertise a été effectuée en l'espèce, sur ordonnance du juge d'instruction, au cours d'une information qui a suivi le dépôt d'un mémoire introductif de le DCCRF en date du 22 juin 1989 (page 4, dernier paragraphe du jugement); que l'administration ne pouvait mettre en œuvre aucune autre "contre expertise" que l'expertise contradictoire prévue par les textes précités; qu'il s'ensuit que les reproches des intimés à ce sujet ne sont pas fondés;

Attendu, en ce qui concerne le grief d'absence de justificatifs aux saisies, que le consignation du 25 octobre 1988 a été réalisée parce que les résultats partiels des analyses des échantillons prélevés le 11 octobre 1988 avait révélé qu'il existait un risque de falsification des marchandises par incorporation d'additifs non autorisés, tels que lactoprotéines et substances albuminoïdes, ce dont la société PAA avait été préalablement avisée, ainsi qu'en témoigne son télex du 24 octobre 1988 adressé à la DCCRF; que la saisie du 2 novembre 1988 a été effectuée en raison de l'absence de tout estampillage sanitaire des produits, ce qui, comme l'a indiqué le Procureur de la République de Bergerac dans son procès-verbal de main levée du 11 novembre 1988, pouvait légitimement faire suspecter alors une intention frauduleuse; qu'enfin, la saisie du 14 novembre 1988 a été pratiquée, non en raison d'un particulier "acharnement", ainsi qu'il est prétendu, mais parce que des analyses réalisées sur des échantillons prélevées au cours de la saisie précédente, avaient mis en évidence, pour certains bocaux, le présences de staphylocoques dorés et l'absence de vide partiel; que compte tenu de ces éléments, les intimés ne peuvent sérieusement soutenir que les consignations et saisies critiquées auraient été faites sans justification;

Attendu, en ce qui concerne le grief d'inaction inexpliqué de l'administration après la saisie du 2 novembre 1988, qu'il résulte des pièces versées aux débets que les services vétérinaires ne sont pas restés inactifs durant cette période, mais qu'ils ont procédé à des analyses bactériologiques dont les résultats ont permis le saisie du 14 novembre 1988, ainsi qu'il vient d'être dit; que par ailleurs, ils ont saisi à Sarlat, chez Jean-Pierre Malaurie, un lot de 4 517 verrines supplémentaires dépourvues de marque de salubrité, et ils ont établi que l'intéressé avait commencé l'étiquetage de 604 bocaux, également entreposés à Sarlat, avec des étiquettes reproduisant la marque de salubrité de la "Gilde du Manoir de Buzet" qu'il avait fait imprimer sans avoir sollicité d'autorisation administratives, ainsi qu'il ressort du jugement du Tribunal de police de Sarlat du 16 novembre 1989; qu'il apparaît ainsi que c'est par une mauvaise interprétation des éléments de le cause que les premiers juges ont estimé que l'administration avait fait preuve d'une "inaction inexpliquée" pendant la durée de la saisie du 2 novembre 1988;

Attendu que l'affirmation des intimés selon laquelle des erreurs auraient été finalement reconnues dans deux télex reconnaissant le bonne qualité des produits, est relative à un télex de la DCCRF du 14 novembre 1988 adressée à Jean-Paul Malaurie et à un télégramme officiel du 22 novembre 1988 du directeur des services vétérinaires adressé à la société PAA;

Attendu que s'il est exact que dans le télex du 14 novembre 1988, la DCCRF a admis que compte tenu du résultat des analyses, les produits consignés étaient propres à la consommation humaine, elle a également précisé qu'ils ne remplissaient pas les conditions de qualité annoncées, et elle a subordonné l'autorisation de la mise sur le marché à l'étiquetage sous l'appellation "foie gras.... 2e qualité", ceci sens préjudice des poursuites déjà entamées sur la base de le loi du 1er août 1905; que dans ces conditions, les intimés ne peuvent sérieusement prétendre que le télex dont s'agit constituerait la reconnaissance d'une erreur de la part de l'administration; que par ailleurs, il convient de souligner que le point de vue de celle-ci a été reconnu fondé au terme de l'instance pénale, puisque dans sa décision du 22 avril 1993, le Tribunal correctionnel de Brive a déclaré Jean-Paul Malaurie coupable du délit de tentative de tromperie pour avoir tenté de vendre "sous l'appellation Foie gras d'oie entier des préparations qui étaient, en réalité, du Foie gras d'oie"; qu'en outre, dans ses motifs, le tribunal a précisé que l'expertise réalisée sur ordonnance du juge d'instruction avait confirmé les résultats "relevés au cours de la phase administrative du contrôle", notamment en ce qui concerne la présence de substance interdites dans le foie gras entier, telles que de la lactose ou des lactoprotéines, ce qui témoigne, là encore, de ce que la DCCRF n'avait commis aucune erreur d'appréciation;

Attendu que s'il est exact que dans le télégramme officiel du 22 novembre 1988, le directeur des services vétérinaires a indiqué qu'après examen par sondage, il apparaissait que le stock satisfaisait aux normes bactériologiques prévues pour ce type de produits, il a aussitôt précisé qu'un certain nombre de verrines présentaient "un défaut d'étanchéité inadmissible pour des semi-conserves", et il a préconisé un tri, destiné à séparer les produits conformes des autres, ces derniers devant être retirés de la consommation en l'état; qu'il a ajouté que les produits conforme devraient recevoir la marque de salubrité dont ils étaient dépourvus; que les intimés ne peuvent sérieusement prétendre que ce télégramme constituerait la reconnaissance d'une faute de l'administration; que par ailleurs, il convient de rappeler que le Procureur de la République de Bergerac a subordonné la main levée de la saisine du 14 novembre 1988 au tri des marchandises préconisés par le directeur des services vétérinaires; que dans un rapport à l'AJTP du 6 novembre 1990, régulièrement communiqué le 3 mars 1985 (pièce n° 33), ce directeur précise que le tri qui a été ainsi effectué à permis "d'écarter de le consommation 7 000 conditionnements défectueux, dont 2 500 impropres à la consommation"; que les intimés ne contestent pas ces chiffres; qu'enfin la décision du Tribunal de police de Sarlat du 16 novembre 1989 démontre que les infractions relevées au sujet des marques de salubrité étaient fondées; qu'il apparaît donc que les services vétérinaires n'ont commis aucune erreur d'appréciation dans cette affaire;

Attendu, en ce qui concerne le grief de dénonciations nominatives et erronées à l'AFP, que même si l'AJTP reconnaît que les services administratifs ont informé l'AFP de la non-conformité des foies gras, rien ne démontre que les fausses informations contenues dans le communiqué du 5 novembre 1988 à partir duquel la campagne de presse s'est déclenchée sur le plan national, de même que le caractère diffamatoire de ce communiqué, soient imputables à des agents de l'administration; que par ailleurs, dans la revue de presse qu'ils versent aux débats, les intimés ne font état d'aucune déclaration précise d'un fonctionnaire concerné par l'affaire, susceptible de constituer une faute; qu'il n'est dont pas établi que l'administration ait déclenché la campagne de presse, ainsi qu'il est prétendu, ni que ses agents aient violé leur obligation de réserve en se livrant des déclarations publiques alors qu'ils ne disposaient pas de tous les éléments d'information nécessaires; que sur ce point, le tribunal a procédé par simple affirmation;

Attendu qu'il résulte de ce qui précède que le preuve d'une faute lourde, et même d'une faute quelconque de l'administration, n'est pas rapportée; qu'il y a donc lieu de réformer le jugement le jugement dans le surplus de ses dispositions, et de débouter les intimés de toutes leurs prétentions;

Attendu que l'AJTP, ne démontre que la présente instance lui ait causé un quelconque préjudice; qu'il convient en conséquence de le débouter de sa demande de dommages de dommages et intérêts; qu'en revanche, il serait inéquitable qu'il conserve à sa charge la totalité de ses frais irrépétibles; qu'il y a lieu de lui accorder une somme de 15 000 F en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Par ces motifs: LA COUR, Donne acte à Maître Guérin de son intervention en reprise d'instance, en qualité d'administrateur de l'étude de Maître René Martin, lui-même agissent en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société PAA; Reçoit l'AJTP en son appel, ainsi que Maître Guérin, ès qualités, et Jean-Paul Malaurie en leur appel incident; Confirme le jugement rendu le 4 septembre 1990 par le Tribunal de grande instance de Bergerac en ce qu'il s'est déclaré compétent pour statuer sur les demandes de la société PAA et de Jean-Paul Malaurie, et en ce qu'il a rejeté la demande de sursis à statuer présentée par l'AJTP; Le réforme pour le surplus, et statuant à nouveau, Déboute Maître Guérin, ès qualités, et Jean-Paul Malaurie de toutes leurs demandes à l'encontre de l'AJTP; Condamne Maître Guérin, ès qualités, et Jean-Paul Malaurie à payer à l'AJTP la somme de 15 000 F en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; Déboute l'AJTP du surplus de ses demandes; Condamne Maître Guérin, ès qualités, et Jean-Paul Malaurie aux dépens de première instance et d'appel, et dit que ces derniers seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.