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Décisions

CA Besançon, 2e ch. com., 5 janvier 2000, n° 98-00419

BESANÇON

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Renault (SA)

Défendeur :

Morales

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Rastegar

Conseillers :

Mme Vignes, M. Polanchet

Avoués :

Mes Lévy, Economou

Avocats :

Mes Nakache, Brulin-Lang.

T. com. Besançon, du 15 déc. 1997

15 décembre 1997

Faits et prétentions des parties

Monsieur Morales, garagiste indépendant à Thise a signé le 24 décembre 1992 avec la succursale Renault Besançon un contrat d'agent de service dénoncé par cette dernière par courrier du 28 décembre 1994 avec effet pour l'exercice 1996.

Estimant qu'il avait droit à une indemnité compensatrice conformément à la loi du 25 juin 1991, Monsieur Morales a saisi le Tribunal de commerce de Besançon d'une demande tendant à la condamnation de la régie Renault au paiement de 500 000 F.

Par jugement rendu le 15 décembre 1997, le tribunal a condamné la Régie Renault au paiement de 167 536,50 F à titre d'indemnité, aux dépens et au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. La décision a été rectifiée par jugement rendu le 5 janvier 1998 sur l'indemnité au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par déclaration remise au greffe de la cour les 13 et 21 janvier 1998, la SA Renault France Automobiles (SA Renault) a interjeté appel de ces décisions.

Les affaires ont été jointes par ordonnance du 4 mars 1998.

La SA Renault conclut à l'infirmation du jugement entrepris, au rejet de la demande de Monsieur Morales et à la condamnation de celui-ci au paiement de 50 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Elle expose en substance:

- que le contrat signé en 1992 excluait l'application de la loi du 25 juin 1991,

- que cette renonciation n'est pas nulle comme le soutient Monsieur Morales qui doit démontrer que son activité d'agent Renault a été exercée à titre prépondérant,

- qu'il n'apporte pas cette preuve mais au contraire le chiffre d'affaires sur la vente des véhicules neufs était dérisoire,

- qu'elle n'a pas agi avec mauvaise foi alors que c'est Monsieur Morales qui avait demandé à ne plus figurer sur la publicité,

- qu'à titre subsidiaire, l'indemnité allouée ne peut tenir compte des activités de garagiste indépendant.

Monsieur Morales conclut à la confirmation du jugement entrepris et à la condamnation de la société Renault au paiement de 15 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Il expose en substance:

- que si le contrat écarte l'application de la loi du 25 janvier 1991, il peut rapporter la preuve que l'activité d'agent commercial a été exercée à titre déterminant,

- que la succursale le reconnaît elle-même dans son courrier du 28 décembre 1994,

- que son échec allégué a motivé la rupture,

- que la succursale a écouté de facto le préavis en ne le fournissant pas en documentation,

- que la société Renault a eu un comportement fautif à son égard en ne le mentionnant pas Code de procédure pénale agent dans sa publicité, en fournissant des renseignements erronés ou en tolérant les empiétements de son homologue sur la zone d'achalandise,

- que l'indemnité doit réparer son entier préjudice et notamment la perte du bénéfice des investissements strictement liés à la marque Renault.

Vu les pièces de la procédure et les écrits des parties auxquels il est fait référence pour plus ample exposé de leurs moyens et arguments;

La recevabilité de l'appel n'est pas contesté en la forme.

Au fond

Contrairement à ce qu'a indiqué le tribunal, les parties avaient convenu dans le contrat d'agent service signé le 24 décembre 1992, d'exclure l'application des dispositions de la loi du 25 juin 1991 excepté si l'exécution du contrat faisait apparaître que l'activité de vente de véhicules neufs est exercée à titre principal ou déterminant, ce qui rendrait applicables les dispositions de la loi.

Cette renonciation ne peut être nulle que s'il est établi que l'activité d'agent a été exercée à titre principal ou déterminant.

Or Monsieur Morales a une très curieuse interprétation de ces dispositions. Contrairement à ce qu'il soutient, le caractère principal ou déterminant ne doit pas être recherché au regard de la succursale puisqu'il est évident que tout agent a un rôle déterminant pour le constructeur qui peut ainsi bénéficier d'une meilleure pénétration sur le marché, mais en fonction de sa propre activité.

Il ressort des documents comptables produits par l'intimé que son chiffre d'affaires pour la vente de véhicules neufs était dérisoire par rapport à celui réalisé en tant que garagiste.

En 1993, il a perçu 16 473,49 F de commission pour la vente de véhicules neufs pour un chiffre d'affaires de 1 515 343,68 F et en 1994, 12 184,83 F pour un chiffre d'affaires de 1 675 111,15 F.

Dès lors, il ne saurait de bonne foi prétendre que la qualité d'agent représente pour lui une activité principale ou déterminante.

Au surplus, il ne conteste pas qu'il se fournissait pour l'essentiel en pièces détachés chez d'autres fournisseurs autres que la succursale Renault et que pour les lubrifiants, il ignorait totalement cette dernière.

Il ne saurait reprocher aucun manquement dans l'exécution du contrat à la société Renault alors qu'il ressort d'un courrier de la succursale daté du 19 décembre 1995 qu'il pouvait disposer de toute la documentation jusqu'au 31 décembre 1995.

Par contre, il ne peut être contesté que lui-même ne souhaitait pas faire apparaître sa qualité d'agent. Selon l'attestation de Monsieur Emonin, chef comptable, il n'a été destinataire d'aucune facturation au titre de la publicité groupée entre mars 1993 et février 1994 et les publicités produites aux débats du garage Morale ne font aucunement mention de la qualité d'agent Renault.

Dès lors, Monsieur Morales n'exerçait pas son activité d'agent Renault à titre principal ou prépondérant etque la société Renault a respecté le préavis de 6 mois contractuellement prévu entre les parties, il ne peut prétendre à aucune indemnité.

Le jugement entrepris sera infirmé.

Succombant, Monsieur Morales sera condamné aux dépens des deux instances, il ne peut prétendre à aucune indemnité au titre de ses frais irrépétibles.

Par contre, il est équitable d'allouer de ce chef à la SA Renault, une indemnité de 15 000 F.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré, Déclare l'appel recevable et bien fondé; Infirme le jugement entrepris; Et statuant à nouveau, déboute Monsieur Jacky Morales de sa demande, Le condamne aux dépens des deux instances avec possibilité de recouvrement direct au profit de Me Lévy, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, Le condamne en outre à payer à la SA Renault France Automobiles la somme de quinze mille francs (15 000 F) au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.