CA Aix-en-Provence, 1re ch. D, 14 janvier 2004, n° 2004-15
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Corgna
Défendeur :
Renault France Automobiles (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Poirier-Chaux
Conseillers :
Mme Varlamoff, M. Farjon
Avoués :
SCP Ermeneux-Ermeneux-Champly-Levaique, SCP Cohen-Guedj
Avocats :
Mes Romain, Nakache.
Faits et procédure
Le 28 décembre 1992, Richard Corgna, garagiste indépendant, a signé avec la SA Renault France Automobiles un contrat d'agent service Renault. Le 24 juin 1996, cette société a dénoncé le contrat à effet au 31 décembre 1996.
Suivant exploit d'huissier en date du 16 mai 1997, Richard Corgna a fait assigner la SA Renault France Automobiles en paiement de la somme de 1 000 000 F à titre d'indemnité compensatrice, telle que prévue à l'article 12 de la loi du 25 juin 1991, ou, à titre subsidiaire, à titre de dommages et intérêts pour résiliation abusive du contrat.
Par jugement rendu contradictoirement le 13 mars 2000, le Tribunal de grande instance de Nice a débouté Richard Corgna de l'ensemble de ses demandes et a rejeté la demande de la SA Renault France Automobiles au titre des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Richard Corgna a interjeté appel de ce jugement par déclaration déposée le 17 avril 2000 et enrôlée le 24 mai 2000.
Les parties ont conclu.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 12 mai 2003.
Moyens et prétentions des parties
Richard Corgna, appelant, demande à la cour, dans ses écritures déposées le 28 juillet 2000:
- d'infirmer le jugement,
à titre principal,
- de condamner la SA Renault France Automobiles à lui payer la somme de 1 000 000 F au titre de l'indemnité compensatrice due à l'agent commercial en cas de cessation de ses relations avec son mandant,
à titre subsidiaire,
- de dire que la résiliation de son contrat d'agent de service est abusive,
- de condamner en conséquence la SA Renault France Automobiles à lui verser la somme de 1 000 000 F pour rupture abusive de leurs relations contractuelles,
en tout état de cause,
- de la condamner à lui verser la somme de 50 000 F à titre de dommages et intérêts outre celle de 30 000 F au titre des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Il fait valoir:
- que c'est à tort que le premier juge a cru devoir écarter l'application de la loi du 25 juin 1991,
- que s'il a dû renoncer au bénéfice de celle-ci dans le cadre de son contrat d'agent commercial, cette renonciation doit être considérée comme nulle dans la mesure où il apparaît que cette activité était exercée à titre principal,
- que même si en termes de chiffre d'affaires, le montant de ses commissions était inférieur aux sommes retirées de ses autres activités, le contrat d'agence était déterminant puisque le panneau de la marque permettait d'attirer la clientèle,
- qu'en tout état de cause, la SA Renault France Automobiles a résilié son contrat au motif qu'il n'avait pas atteint les objectifs fixés pour la vente de véhicules neufs alors même que cette situation était liée à la conjoncture économique générale et qu'aucune négligence particulière ne pouvait lui être reprochée,
- que dès lors cette résiliation est abusive et justifie l'allocation de dommages et intérêts.
La SA Renault France Automobiles, par ses conclusions déposées le 14 novembre 2000, demande à la cour de confirmer le jugement déféré et y ajoutant, de condamner Richard Corgna à lui verser la somme de 30 000 F au titre des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Elle soutient:
- qu'il ressort de l'examen du chiffre d'affaires global de Richard Corgna que les commissions perçues du fait de son activité de mandataire ne représentaient qu'environ 1 % de celui-ci,
- que d'ailleurs en 1997, bien que n'étant plus agent service Renault, il a réalisé un chiffre d'affaires similaires aux précédents,
- que c'est donc à juste titre que le tribunal a pu estimer que les parties avaient valablement écarté l'application de la loi du 25 juin 1991,
- que par ailleurs la résiliation du contrat est intervenue dans des conditions tout à fait régulières et conformes au contrat.
Motifs
Il sera statué par décision contradictoire en application de l'article 467 du nouveau Code de procédure civile.
L'appel doit être déclaré recevable en la forme au vu des pièces versées aux débats.
Sur les relations contractuelles ayant existé entre Richard Corgna et la SA Renault France Automobiles:
Le 28 décembre 1992, Richard Corgna, garagiste indépendant, exploitant une station-service, qui semble-t-il entretenait déjà des relations contractuelles avec la SA Renault France Automobiles, a signé avec celle-ci un contrat intitulé "Contrat agent service Renault".
Aux termes de ce contrat, il est prévu que l'agent service assure à titre principal certaines prestations (services après-vente, commercialisation des pièces de rechange.) et qu'à titre accessoire, il est habilité à agir soit en qualité d'indicateur, soit de mandataire du concessionnaire en vue de la vente des véhicules neufs des marques distribuées par la SA Renault France Automobiles.
Il est par ailleurs précisé à l'article 1.1 b) "si l'agent service en qualité de mandataire accessoire, pour négocier la vente de véhicules neufs, les parties conviennent conformément à l'article 15 de la loi du 25 juin 1991 que les dispositions de ladite loi ne seront pas applicables à cette activité".
Par courrier du 24 juin 1996, la SA Renault France Automobiles a notifié à Richard Corgna la résiliation de ce contrat au 31 décembre 1996.
Sur l'application de la loi du 25 juin 1991:
Sans contester la teneur du contrat, Richard Corgna soutient qu'il a droit à une indemnité compensatrice de fin de contrat conformément à l'article 12 de la loi du 25 juin 1991.
Il entend se prévaloir de l'article 15 de la loi du 25 juin 1991 en son second alinéa qui dispose "cette renonciation est nulle si l'exécution du contrat fait apparaître que l'activité d'agence commerciale est exercée, en réalité, à titre principal ou déterminant".
Il expose en effet que son contrat d'agent service Renault était déterminant par rapport à son activité générale dans la mesure où le panneau de la marque attirait une grande partie de sa clientèle.
Force est de constater cependant que Richard Corgna ne justifie nullement de cet état de fait et que tout au contraire, l'examen de son chiffre d'affaires pour les années concernées révèle le caractère tout à fait marginal de son activité d'agent service Renault qui ne lui a procuré que des sommes très modestes par rapport aux revenus tirés de ses autres activités:
- 1993: chiffre d'affaires 3 506 577 F, commissions vente de véhicules neufs 37 770 F,
- 1994: chiffre d'affaires 3 563 561 F, commissions vente de véhicules neufs 41 619,69 F,
- 1995: chiffre d'affaires 3 286 974 F, commissions vente de véhicules neufs 45 505,93 F,
- 1996: chiffre d'affaires 2 827 290 F, commissions vente de véhicules neufs 23 114 F.
Dès lors, en l'absence de tout élément susceptible de contredire ces chiffres, il apparaît que c'est à juste titre que l'activité de Richard Corgna en qualité de mandataire de la SA Renault France Automobiles a pu être qualifiée d'accessoire, justifiant l'exclusion du bénéfice du versement d'une indemnité compensatrice à l'issue des relations contractuelles avec le mandant.
Sur la rupture abusive du contrat:
Richard Corgna soutient encore que la rupture du contrat est intervenue dans des conditions abusives mais ne verse aux débats aucun élément pour en justifier.
Aux termes de l'article 9.1 du contrat, il est prévu que chacune des deux parties peut y mettre fin à charge d'en prévenir l'autre partie par lettre recommandée avec accusé de réception en respectant un préavis de 6 mois.
Il apparaît que la SA Renault France Automobiles a parfaitement respecté ce formalisme et ce délai.
Par ailleurs, l'examen du chiffre d'affaires pour l'année 1996 fait effectivement apparaître une diminution des ventes de véhicules neufs sans que l'appelant justifie d'une conjoncture particulière ainsi qu'il le prétend.
En conséquence, le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions.
Sur les frais irrépétibles
L'équité commande d'allouer à la SA Renault France Automobiles la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Richard Corgna qui succombe supportera les entiers dépens.
Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort et en matière civile, En la forme, reçoit Richard Corgna en son appel, Au fond, Le déboute de l'ensemble de ses demandes, Confirme le jugement du 13 mars 2000 en toutes ses dispositions, Y ajoutant, Condamne Richard Corgna à verser à la SA Renault France Automobiles la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Condamne Richard Corgna aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.