Livv
Décisions

Cass. crim., 30 octobre 1990, n° 89-83.827

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Le Gunehec

Rapporteurs :

M. Nivose, Avocat général: M. Perfetti

Avocat :

Me Ricard.

Dijon, ch. corr., du 8 juin 1989

8 juin 1989

LA COUR: - Statuant sur les pourvois formés par J Michel, la société "X", contre l'arrêt de la Cour d'appel de Dijon, chambre correctionnelle, du 8 juin 1989, qui, pour tromperie sur les qualités substantielles de la marchandise vendue et les risques inhérents à l'utilisation du produit, a condamné le premier à 10 000 francs d'amende, a ordonné la publication de la décision, a déclaré la société civilement responsable, et a prononcé sur les intérêts civils; - Joignant les pourvois en raison de la d connexité; - Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs; - Sur les faits: - Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué qu'alerté par un fabricant français de cycles, des agents de la direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ont saisi en trois points de vente, des bicyclettes pour enfants, importés d'Italie par la société X, dont Michel J est le président-directeur général, sur les emballages desquelles était portée la mention: "la conformité du présent produit aux normes françaises de sécurité obligatoires est garantie par l'importateur"; que les tests pratiqués par le laboratoire national d'essais ont révélé que les modèles ainsi prélevés n'étaient pas conformes aux exigences de la norme NF 5-51-202 quant au dispositif de freinage; que les résultats de ces examens ont été confirmés par l'analyse contradictoire qu'a sollicitée J; que celui-ci a été poursuivi du chef de tromperie sur les qualités substantielles de la marchandise vendue et les risques inhérents à l'utilisation du produit;

En cet état; - Sur le second moyen de cassation pris de la violation de l'article 1er de la loi du 1er août 1905, et de l'article 593 du Code de procédure pénale, 30 et 36 du traité de la Communauté économique européenne, 55 de la Constitution du 4 octobre 1958, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Michel J coupable du délit de tromperie sur les qualités substantielles des bicyclettes litigieuses, et l'a condamné in solidum avec les établissements X, civilement responsables, à payer à l'UDUC-UFC de Saône-et-Loire la somme de 5 000 francs de dommages-intérêts, en réparation du préjudice directement lié à l'infraction;

"aux motifs que "les tests réalisés par le laboratoire national d'essais ont révélé que les modèles de bicyclettes saisis étaient non conformes aux exigences de la norme NF 5-51-202 en ce qui concerne le dispositif de freinage; que les résultats de ces examens ont été confirmés par l'analyse contradictoire sollicitée par Michel J, importateur des bicyclettes litigieuses; que pour sa défense, l'importateur prévenu fait valoir que les modèles dont la conformité est contestée, avaient, avant leur commercialisation en France, été soumis au contrôle du laboratoire national d'essais qui avait établi des procès-verbaux de conformité à la norme NF 5-51-202, le 13 septembre 1982 pour le modèle Funny, le 8 octobre 1984 pour le modèle Turbo et le 29 mai 1986, pour les modèles Bunny et Sarco et que dès lors la mauvaise foi de l'importateur qui s'est fié aux analyses du laboratoire national d'essais qui a certifié la conformité aux normes du produit importé, ne peut être caractérisée; que l'Administration propose deux explications à ces différences dans les résultats des analyses: soit un manque d'homogénéité dans la fabrication des articles en cause, soit une manœuvre du fabricant consistant à envoyer intentionnellement au laboratoire un modèle, prototype préalablement réglé, et mis en conformité dans le but d'obtenir le procès-verbal d'essais conforme préalable, nécessaire à la commercialisation du produit, que ces hypothèses ne se trouvent confirmées par aucun élément du dossier et qu'aucune manœuvre frauduleuse ne peut être imputée à l'importateur, simple intermédiaire entre le fabricant italien et la centrale d'achat française à laquelle il remet les bicyclettes dans leur emballage d'origine; qu'il ne peut être ainsi démontré que les modèles contrôlés sont différents de ceux qui ont fait l'objet d'un certificat de conformité; que toutefois, l'élément intentionnel de la tromperie résulte non seulement de l'absence de vérification mais aussi d'un contrôle insuffisant de la conformité dont l'obligation professionnelle incombe personnellement à l'importateur; qu'en l'espèce, il suffit de constater qu'un seul test a été pratiqué sur un échantillon transmis par le fabricant italien en 1982 pour le modèle Funny, en 1984 pour le modèle Turbo et en 1986 pour les modèles Sarco et Bunny, aux fins de permettre l'accès desdits modèles au marché français, alors que pour l'année 1986 seulement 7 972 bicyclettes italiennes ont été mises sur le marché français par l'importateur J; que celui-ci semble avoir perdu de vue que sur chaque emballage, la conformité aux normes françaises était garantie par lui-même et que le procès-verbal initialement délivré au fabricant italien et seulement applicable à l'échantillon soumis au laboratoire ne l'exonérait pas définitivement de son obligation personnelle de veiller à la conformité du produit; que si le prévenu soutient qu'il ne peut être mis à sa charge une obligation systématique de contrôle de tous les produits manufacturés qu'il commercialise, mais qu'en l'espèce une vérification par sondage, telle que celle opérée par l'Administration, aurait permis à l'importateur de constater que les modèles achetés ne présentaient plus, lors de leur mise effective sur le marché, la sécurité suffisante au regard des normes françaises; qu'il ressort du droit positif que le responsable de la première mise en vente sur le marché d'un produit est tenu de vérifier que celui-ci est conforme aux prescriptions en vigueur; que l'annexe B de l'arrêté du 24 octobre 1984 portant mise en application obligatoire des normes précise que la conformité aux normes de sécurité est garantie par "le fabricant" lorsque les produits sont fabriqués en France, ou par "l'importateur" lorsqu'ils sont importés, sans qu'il soit fait une dérogation pour les Etats membres de la Communauté économique européenne; qu'en conséquence, Michel J, importateur de bicyclettes fabriquées en Italie, doit être considéré comme le responsable de la première mise sur le marché français desdits produits, même si ses cocontractants, centrale d'achats et Euromarché, sont également des professionnels de la distribution" (cf. arrêt p. 5 à 7);

"1°) alors que la loi du 1er août 1905 n'édicte aucune présomption de tromperie contre celui qui aurait négligé de procéder à toutes vérifications utiles avant de livrer la marchandise à la vente; que s'agissant de la vérification des informations fournies au consommateur lors de la mise en vente du produit, l'importateur doit pouvoir se fier aux certificats délivrés par les autorités de l'Etat membre de production ou par un laboratoire reconnu à cet effet par cette autorité; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés;

"2°) alors qu'en énonçant qu'il appartenait à l'importateur de vérifier au moins par sondage que chaque modèle de bicyclette importé présentait lors de sa mise effective sur le marché, la sécurité suffisante au regard des normes françaises, et que le procès-verbal initialement délivré au fabricant italien et seulement applicable à l'échantillon soumis au laboratoire, ne l'exonérait pas définitivement de son obligation personnelle de veiller à la conformité du produit, la cour d'appel a posé des exigences excessives, au regard de ce qui est nécessaire pour atteindre l'objectif visé, compte tenu d'une part, de l'importance de l'intérêt général en cause, d'autre part, des moyens de preuve normalement disponibles pour un importateur, et privé ainsi la loi française du 1er août 1905, qui constitue une mesure d'effet équivalent visée par l'article 30 du traité de Rome, comme telle interdite, de toute justification au regard de l'article 36 du même traité; de sorte qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a fait application d'un texte contraire aux règles fondamentales de la Communauté interdisant toute entrave ou mesure d'effet équivalent restreignant les importations, a méconnu le principe de la primauté du traité sur le droit national, et a privé sa décision de toute base légale au regard des textes susvisés";

Attendu que pour retenir la culpabilité du prévenu, la juridiction du second degré se prononce par les motifs reproduits au moyen;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, la cour d'appel, appréciant souverainement les faits contradictoirement débattus, a estimé à bon droit qu'en sa qualité d'importateur, le demandeur avait l'obligation de contrôler périodiquement la conformité avec la réglementation française des marchandises qu'il introduisait sur le marché national et qu'en s'abstenant de renouveler ces vérifications nécessaires, alors surtout qu'il continuait de garantir aux consommateurs le respect de ladite réglementation dans le domaine capital de la sécurité d'emploi, l'intéressé avait commis une négligence ne lui permettant pas d'exciper de sa bonne foi;

Attendu que, sans qu'il puisse leur être par ailleurs reproché d'avoir porté atteinte aux dispositions du traité de Rome prohibant les entraves aux importations, les juges ont ainsi caractérisé, en ses éléments matériel comme intentionnel, le délit poursuivi et qu'en conséquence le moyen ne saurait être accueilli;

Mais sur le premier moyen de cassation pris la violation des articles 1 et 2, 388 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, excès de pouvoir, manque de base légale;

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné les établissements X, civilement responsable, in solidum avec Michel J à payer à l'UDUC-UFC de Saône-et-Loire la somme de 5 000 francs de dommages-intérêts en réparation du préjudice directement lié à l'infraction;

"alors que commet un excès de pouvoir la juridiction qui statue à l'égard d'une personne qui n'est pas partie au procès; qu'il est constant que les établissements X n'ont été ni cités, ni poursuivis; qu'en condamnant, dès lors, cette société à réparer le préjudice subi par l'UDUC- UFC, la cour d'appel a entaché sa décision d'un excès de pouvoir au regard des textes susvisés";

Vu lesdits articles; - Attendu que nul ne peut être condamné s'il n'a été régulièrement cité ou s'il n'a accepté de comparaître volontairement;

Attendu qu'après avoir retenu la culpabilité de Michel J, président-directeur général de la société France plastique distribution, la cour d'appel a condamné ce dernier, in solidum avec cette société prise en sa qualité de civilement responsable, à payer divers dommages-intérêts aux parties civiles;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi alors que ladite société n'avait été citée à aucun titre et qu'il ne résulte pas de l'arrêt attaqué qu'elle ait accepté de comparaître volontairement, la cour d'appel a méconnu le principe ci-dessus rappelé; que la cassation est encourue de ce chef;

Par ces motifs: Sur le pourvoi de Michel J: Le rejette; Condamne le demandeur aux dépens; Sur le pourvoi de la société France plastique distribution: casse et annule, par voie de retranchement, l'arrêt de la Cour d'appel de Dijon, en date du 8 juin 1989, mais en ses seules dispositions relatives à la condamnation de cette société à divers dommages-intérêts; Dit n'y avoir lieu à renvoi.