Cass. crim., 27 janvier 1987, n° 85-95.759
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Présidents :
M. Bruneau, (faisant fonction)
Rapporteur :
M. Morelli
Avocat général :
M. Galand
Avocats :
MM. Defrénois, Vuitton
LA COUR : - Rejet du pourvoi formé par B Paulette, épouse T, contre un arrêt de la Cour d'appel de Poitiers, chambre correctionnelle, en date du 31 octobre 1985 qui, pour tromperie sur les qualités substantielles de la marchandise vendue, l'a condamnée à 5 000 francs d'amende, a ordonné l'affichage et la publication de la décision et s'est prononcé sur les intérêts civils. Vu les mémoires produits en demande et en défense ; Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 1er de la loi du 1er août 1905, 485 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Mme T coupable du délit de tromperie sur les qualités substantielles de la chose vendue ;
" aux motifs qu'il résulte de la procédure et des débats que Mme T, gérante de la SARL des établissements T, a vendu le 30 mai 1984 à M. Massias un véhicule Fiat break 131 pour un montant de 35 000 francs tout en manoeuvrant pour lui dissimuler, aussi longtemps qu'il était possible de le faire sans mensonge grossier, que le véhicule avait, avant sa remise en état, subi un accident d'une gravité telle qu'il avait été réduit à l'état d'épave et que les formalités étaient en cours pour son nécessaire examen par le service des Mines préalablement à l'obtention d'une nouvelle carte grise ; que le comportement de la prévenue est constitutif du délit de tromperie sur les qualités substantielles de la marchandise vendue, même si la remise en état du véhicule était, comme il semble, satisfaisante ;
" alors que, d'une part, le véhicule ayant été passé au marbre et remis parfaitement et entièrement à neuf, avec remplacement de toutes les pièces accidentées par des pièces neuves, ce qui n'est pas contesté par l'arrêt attaqué, les juges du fond ne pouvaient, sans s'en expliquer davantage, affirmer que l'absence d'accident constituait, pour ce véhicule d'occasion, une qualité substantielle ;
" alors que, d'autre part, après avoir constaté que le véhicule, acquis par la demanderesse au prix de 11 000 francs, avait été réparé à neuf conformément aux règles de l'art , remise en état qui a duré dix mois et dont le coût s'est élevé à 31 389 francs , les juges du fond ne pouvaient pas condamner Mme T du chef de tromperie sur les qualités substantielles, pour avoir omis d'indiquer que le véhicule avait été accidenté, sans rechercher si l'entière remise à neuf n'avait pas pour effet d'effacer toute atteinte aux qualités substantielles du véhicule résultant de ce que celui-ci avait été antérieurement accidenté et rendait en conséquence sans intérêt cette dernière circonstance " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du jugement dont il adopte les motifs non contraires que Paulette T a vendu, pour un prix de 35 000 francs, une automobile d'occasion sans révéler que celle-ci avait été accidentée ; que l'acheteur n'a connu cette circonstance qu'après la transaction, par un renseignement obtenu du service des Mines ;
Attendu que pour déclarer la prévenue coupable de tromperie sur les qualités substantielles de la marchandise vendue, la juridiction du second degré retient que si la voiture avait été remise en état, il n'en est pas moins vrai que la prévenue, " qui prétend avoir indiqué au client que le véhicule litigieux avait subi des réparations importantes, s'est refusée à révéler à celui-ci la nature des dégâts ayant entraîné des réparations d'une importance aussi considérable " ;
Attendu que les juges ajoutent que l'intéressée avait dissimulé " aussi longtemps qu'il était possible de le faire sans mensonge grossier que ce véhicule avait, avant sa remise en état, subi un accident d'une gravité telle qu'il avait été réduit à l'état d'épave et que les formalités étaient en cours pour son nécessaire examen par le service des Mines préalablement à l'obtention d'une nouvelle carte grise " ; qu'ils soulignent qu'il appartenait à Paulette T " d'avertir l'acquéreur, quand bien même les dégâts importants causés audit véhicule avaient été normalement réparés, que par ailleurs, même si l'obligation d'information ne résulte d'aucun texte légal, elle est commandée par la bonne foi " et " que la tromperie est d'autant plus certaine que le prix réclamé confirmait l'acheteur dans sa conviction que le véhicule proposé n'avait antérieurement pas subi un choc diminuant sa valeur " ;
Attendu que par ces énonciations qui relèvent, sans insuffisance ni contradiction, tous les éléments constitutifs du délit poursuivi, la cour d'appel a justifié sa décision ; qu'en effet l'existence d'un accident antérieur ayant gravement endommagé, au point de le réduire à l'état d'épave, un véhicule d'occasion est de nature à écarter certains acheteurs et doit être révélée par le vendeur même si les dégâts causés audit véhicule ont été normalement réparés ; d'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
Rejette le pourvoi.