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Décisions

Cass. crim., 17 octobre 1991, n° 90-83.933

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. de Bouillane de Lacoste

Rapporteur :

M. Maron

Avocat général :

M. Libouban

Avocats :

SCP Lesourd, Baudin.

TGI Bobigny, 16e ch., du 9 nov. 1989

9 novembre 1989

Rejet du pourvoi formé par B Jacques, la société X, civilement responsable, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Paris, 13e chambre, en date du 23 avril 1990 qui, pour tromperie sur la composition de la marchandise vendue, a condamné le premier à 10 000 francs d'amende et a déclaré la seconde civilement responsable.

LA COUR: - Vu le mémoire produit; - Attendu que Jacques B a comparu devant la juridiction répressive pour répondre des poursuites du chef de tromperie sur la composition de tissus vendus; que les juges du premier degré, s'interrogeant sur la compatibilité des dispositions de l'article 11-4 de la loi du 1er août 1905 avec le principe édicté par l'article 30 du traité de Rome prohibant les restrictions quantitatives à l'importation ainsi que les mesures d'effet équivalent, ont saisi la Cour de justice des Communautés européennes d'une question préjudicielle;

Attendu que, par arrêt en date du 11 mai 1989, cette juridiction a dit qu'"en l'état actuel du droit communautaire, une disposition imposant au responsable de la première mise sur le marché national d'un produit de vérifier, sous peine d'engager sa responsabilité pénale, la conformité de ce produit aux prescriptions en vigueur sur ledit marché et relatives à la sécurité et à la santé des personnes, à la loyauté des transactions commerciales et à la protection des consommateurs, est compatible avec les articles 30 et 36 du traité instituant la Communauté économique européenne, à la condition que son application aux produits fabriqués dans un Etat membre ne soit pas assortie d'exigences qui dépassent ce qui est nécessaire pour atteindre l'objectif visé, compte tenu, d'une part, de l'importance de l'intérêt général en cause, d'autre part, des moyens de preuve normalement disponibles pour un importateur"; que "s'agissant, en particulier, de la vérification des informations sur la composition d'un produit, fournies aux consommateurs lors de la mise en vente de ce produit, l'importateur doit pouvoir se fier aux certificats délivrés par les autorités de l'Etat membre de production ou par un laboratoire reconnu à cet effet par ces autorités, ou, si la législation de cet Etat n'impose pas la production de tels certificats, à d'autres attestations présentant un degré de garantie analogue";

En cet état: - Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 1, 6, 7 et 11-4 de la loi du 1er août 1905 , de la directive n° 71-307-CEE du 26 juillet 1971 modifiée par la directive n° 8-623-CEE du 25 novembre 1983, 30 et 36 du traité instituant la Communauté économique européenne, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale:

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable de tromperie sur les qualités substantielles et la composition des marchandises et la société X civilement responsable;

"aux motifs que la condition posée à l'application de l'article 11-4 de la loi de 1905 par l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes, selon laquelle l'application de ce texte aux produits fabriqués dans un autre Etat membre ne doit pas être assortie d'exigences qui dépassent ce qui est nécessaire pour atteindre le but visé, est réalisée puisque la poursuite engagée contre le prévenu tend au respect de la loi du 1er août 1905 applicable à tous les produits de quelque origine qu'ils soient; que, s'agissant des modes de vérifications des informations sur la composition des produits, les documents fournis par les fabricants étrangers ne peuvent en aucune façon être assimilés à des certificats délivrés par des autorités de l'Etat membre ou par un laboratoire reconnu à cet effet par les autorités, ou à des attestations présentant un degré de garantie analogue puisqu'ils n'émanent pas d'une autorité neutre reconnue par l'Etat ou par tout organisme présentant un degré de garantie analogue mais par le producteur, partie directement intéressée à la production du produit, et dont les analyses pratiquées ont révélé le peu de fiabilité;

"alors, d'une part, que le juge correctionnel ne peut prononcer une peine en raison d'un fait qualifié délit qu'autant qu'il constate, dans sa décision, l'existence de tous les éléments constitutifs de l'infraction et en particulier spécifie les faits propres à caractériser l'élément matériel de celle-ci, que tel n'a pas été le cas en l'espèce où ni l'arrêt attaqué, ni le jugement qu'il confirme n'ont exposé les faits propres à caractériser les tromperies sur les qualités substantielles reprochées au prévenu ni son intention frauduleuse; qu'il s'ensuit que la déclaration de culpabilité n'est pas légalement justifiée;

"alors, d'autre part, que, lorsqu'un Etat membre des pays de production a édicté une législation relative à la composition des produits conforme à la directive du Conseil n° 71-307-CEE du 26 juillet 1971 modifiée par la directive n° 83-623-CEE du 25 novembre 1983, ainsi que les contrôles au niveau de la production permettant de s'assurer de son respect, les documents commerciaux délivrés par le fabricant sur lesquels figurent en application de cette directive la composition et la dénomination, doivent être considérés comme présentant un degré de garantie suffisant analogue à ceux qui émaneraient d'un organisme extérieur à celui-ci chaque fois que l'Etat membre n'a pas institué de tels organismes; qu'il s'ensuit que la détention par l'importateur de tels documents suffit à exonérer sa responsabilité pénale";

Attendu que Jacques B, poursuivi pour tromperie comme ayant apposé, sur des textiles importés par lui, des indications fausses relatives à leur composition, faisait valoir, en invoquant sa bonne foi, qu'il s'était fié aux mentions portées sur les factures accompagnant ces produits, des vérifications systématiques de ces énonciations constituant, selon lui, une charge excessive qui serait "de nature à faire disparaître tout intérêt commercial à l'opération d'importation" de ces marchandises en France;

Attendu que la cour d'appel expose que la mauvaise foi de cet importateur, distributeur de produits étrangers, "peut être déduite d'un défaut de vérification du bien ou du produit vendu" -ce qui, aux dires mêmes du prévenu, a été le cas en l'espèce- et précise que cette optique ne pourrait être modifiée, aux termes de la réponse donnée par la Cour de justice des Communautés européennes dans son arrêt du 11 mai 1989, que si les certificats auxquels l'importateur s'est fié avaient été "délivrés par les autorités de l'Etat membre de production, par un laboratoire reconnu à cet effet" ou sur des "attestations en provenance du pays producteur et présentant un degré de garantie analogue";

Attendu que les juges du second degré précisent que les "seuls documents en provenance du fabricant lui-même, telles ses factures et les analyses effectuées dans son propre laboratoire" ne sauraient constituer de telles justifications;

Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel qui a caractérisé le délit de tromperie en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, n'a encouru aucun des griefs du moyen qui doit, dès lors, être écarté;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme;

Rejette le pourvoi.