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Décisions

Cass. crim., 13 octobre 1987, n° 86-94.091

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Présidents :

M. Bonneau, (faisant fonction)

Rapporteur :

M. Morelli

Avocat général :

M. Rabut.

Dijon, ch. corr. , du 13 juin 1986

13 juin 1986

LA COUR : - Cassation Partielle sur le pourvoi formé par le procureur général près la Cour d'appel de Dijon, contre un arrêt du 13 juin 1986 de ladite cour, chambre correctionnelle, qui a relaxé Antoine S et Charles S du chef de tromperie sur les qualités substantielles de la marchandise vendue et a débouté de leurs demandes Mireille Antoine ainsi que " l'Union départementale pour la défense et l'information des consommateurs de la Haute-Marne ", parties civiles. Vu le mémoire produit ; Sur le moyen de cassation pris d'une inexacte application des dispositions de l'article 2 du décret n° 78-993 du 4 octobre 1978 et d'une insuffisance de motifs quant aux éléments constitutifs de l'infraction poursuivie ; Vu ledit article ; Attendu, d'une part, que tout jugement ou arrêt doit être motivé ; que l'insuffisance des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu, d'autre part, que, selon les dispositions de l'article 2 du décret n° 78-993 du 4 octobre 1978, l'indication du kilométrage inscrit au compteur, suivie de la mention : " non garanti ", ne peut être utilisée, lors de la vente d'un véhicule d'occasion, que si le vendeur de celui-ci n'est pas en mesure de justifier ledit kilométrage ;

Attendu qu'il ressort de l'arrêt attaqué que Charles S et Antoine S, respectivement vendeur dans un garage et président-directeur général de la société exploitant cet établissement, ont vendu à Mireille Antoine, pour un prix supérieur à celui de la cote Argus, une voiture d'occasion sur le bon de commande de laquelle il était indiqué : " kilométrage au compteur non garanti : 32 500 " ; que cette acheteuse a ultérieurement découvert qu'aux mains de deux de ses précédents propriétaires cette automobile avait parcouru plus de 100 000 kilomètres, avant d'être revendue au garage précité qui la lui avait ensuite recédée ; que les prévenus ont été condamnés, pour tromperie sur les qualités substantielles de la marchandise, par le Tribunal qui s'est en outre prononcé sur les intérêts civils ;

Attendu que pour infirmer le jugement, relaxer les intéressés et débouter de leurs demandes les parties civiles la juridiction du second degré, après avoir souligné que " la fraude reprochée repose essentiellement sur la non-indication du kilométrage réel parcouru par la voiture vendue ", rappelle les dispositions de l'article 2 du décret n° 78-993 du 4 octobre 1978, puis, s'attachant à rechercher " si les prévenus se sont conformés ou non à ces prescriptions ", indique " qu'en l'espèce le garage Diderot, vendeur, n'a pas acquis neuve l'automobile litigieuse puisque celle-ci a successivement appartenu à Carrier puis à Fournier " ; que " même si, pendant quelque temps, ce garage a assuré l'entretien de la voiture, alors propriété de Fournier il apparaît à la Cour, au vu des éléments du dossier, que ledit vendeur était dans l'impossibilité de justifier le kilométrage réel parcouru par le véhicule depuis le 26 avril 1979, date de la première mise en circulation par Carrier et Fournier " ;

Attendu qu'à l'issue de cette analyse les juges énoncent que " le vendeur ne pouvait, comme il a fait, qu'indiquer le kilométrage affiché au compteur, en spécifiant que celui-ci n'était pas garanti " et " qu'en appliquant strictement le dernier alinéa de l'article 2 susvisé, texte édicté pour protéger les acheteurs de voitures automobiles, les prévenus n'ont pas commis le délit de tromperie à l'égard de Mme Antoine " ;

Mais attendu qu'après avoir elle-même relevé qu'à deux reprises les prévenus avaient eu en leur possession la voiture litigieuse et avaient par ailleurs assuré, pendant un certain temps, l'entretien de celle-ci, la cour d'appel ne pouvait sans contradiction estimer pour admettre que les intéressés avaient employé à bon droit la mention précitée et relaxer ceux-ci des fins de la poursuite que ces professionnels de l'automobile n'avaient pas été à même de justifier le kilométrage réel du véhicule concerné ; qu'en se prononçant ainsi alors au surplus qu'elle ne s'est pas expliquée sur l'existence, relevée par les premiers juges, de plusieurs documents antérieurs à la vente incriminée, émanant du garage tenu par les prévenus, et indiquant un kilométrage très supérieur à celui annoncé lors de cette vente, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et que la cassation est dès lors encourue ;

Par ces motifs : Casse et annule, l'arrêt susvisé de la Cour d'appel de Dijon en date du 13 juin 1986 et renvoie la cause et les parties devant la Cour d'appel de Reims.