Cass. crim., 7 octobre 1992, n° 91-85.926
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Souppe
Rapporteur :
M. Jean Simon
Avocat général :
M. Robert
Avocat :
Me Baraduc-Bénabent.
Rejet du pourvoi formé par M Roland, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Douai, 6e chambre, en date du 19 septembre 1991, qui, pour tromperie sur les qualités substantielles de la marchandise vendue, l'a condamné à 35 000 francs d'amende et a ordonné la publication de la décision.
LA COUR: - Vu le mémoire produit; - Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, 2 de la directive 89-398-CEE du 3 mai 1989, 4 du Code pénal, 1er de la loi du 1er août 1905 relative aux fraudes et falsifications en matière de produits et services, 32 de l'arrêté interministériel du 20 juillet 1977, 2, 11 du décret n° 81-574 du 15 mai 1981, 485 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale:
"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé la déclaration de culpabilité de Roland M, gérant de la société X, pour tromperie sur la qualité du produit dénommé biolight;
"1°) aux motifs que ledit produit ne correspond pas aux normes prescrites par l'article 32 de l'arrêté du 20 juillet 1977, auquel renvoie l'article 11 du décret n° 81-574 du 15 mai 1981 et qui ne présente aucune contrariété audit décret;
"alors que, d'une part, un arrêté implicitement abrogé ne saurait servir de base à une condamnation pénale; que l'arrêté du 20 juillet 1977 a été pris en application du décret n° 75- 65 du 24 janvier 1975 relatif aux produits diététiques et de régime; que ce décret a été expressément abrogé par l'article 11 du décret n° 81-574 du 15 mai 1981 lequel maintient en vigueur les arrêtés pris en application du décret abrogé dans la mesure où ils ne sont pas contraires aux dispositions du décret du 15 mai 1981; que les dispositions de l'arrêté du 20 juillet 1977, relatif aux produits diététiques et de régime, diffèrent de celles du décret n° 81- 574 du 15 mai 1981, relatif aux denrées alimentaires et boissons destinées à une alimentation particulière quant aux catégories juridiques des produits réglementés et quant aux règles d'étiquetage et de publicité; que, de plus, le décret du 15 mai 1981 prévoit de nouvelles règles sur la composition des produits; que dès lors, l'arrêté du 20 juillet 1977, entaché de contradiction avec le décret du 15 mai 1981, est implicitement abrogé; qu'en visant cependant la non-conformité du produit biolight aux règles de composition des produits qu'édicte l'article 32 de l'arrêté du 20 juillet 1977, sans autre précision, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés;
"alors que, d'autre part et subsidiairement, toute infraction doit être définie en termes clairs et précis pour exclure l'arbitraire; que le délit de tromperie sur les qualités substantielles des marchandises n'est constitué que si la composition réglementaire du produit n'est pas respectée; que d'une part, l'arrêté du 20 juillet 1977 régit les produits alimentaires présentés comme destinés aux régimes hypocaloriques ou comme favorisant l'amaigrissement en fonction de leur composition, et d'autre part, le décret n° 81-574 du 15 mai 1981 régit les denrées alimentaires et les boissons destinées à une alimentation particulière en fonction des besoins nutritionnels particuliers et prévoit que la composition de ces denrées sera fixée par un arrêté à ce jour inexistant; qu'il en résulte que la composition réglementaire qui est requise d'un produit n'est pas déterminée précisément par la réglementation en vigueur; que, dès lors, le délit de tromperie sur les qualités substantielles,
lequel est défini par référence à une composition réglementaire incertaine, ne saurait être légalement sanctionné par une peine de nature pénale;
"2°) aux motifs que ces textes sont compatibles avec la réglementation communautaire qui régit la matière;
"alors que l'infraction de tromperie sur les qualités substantielles résulte de la non-conformité de la qualification du produit incriminé à la composition réglementaire; que la directive 89- 398-CEE du 3 mai 1989, dans son article 2, alinéa 3, permet qu'une denrée alimentaire courante convenant à une alimentation particulière puisse faire état de son caractère diététique ou de régime et que le décret n° 81-574 du 15 mai 1981, dans son article 8, alinéa 4, reprend cette possibilité dans des conditions fixées par un arrêté inexistant; que l'arrêté du 20 juillet 1977 n'admet le caractère de régime hypocalorique ou favorisant l'amaigrissement qu'à condition que les produits comportent une teneur en protides ou en calories définie; que, dès lors, pour déterminer la matérialité de l'infraction se pose la question de savoir si le produit biolight constitue une denrée alimentaire courante convenant à une alimentation particulière et qui peut faire état de son caractère diététique ou de régime; qu'en s'abstenant de toute recherche sur ce point, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés";
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que la SARL X a mis en vente un produit dénommé biolight, présenté comme favorisant physiologiquement l'amaigrissement et accompagné d'une notice intitulée "la minceur par l'équilibre"; que, l'analyse ayant révélé que la composition de ce produit n'était pas conforme aux prescriptions des articles 32, 33 et 34 de l'arrêté du 20 juillet 1977 s'appliquant aux produits alimentaires présentés comme destinés aux régimes hypocaloriques ou comme favorisant l'amaigrissement, Roland M, gérant de ladite société, a été poursuivi pour tromperie sur les qualités substantielles de la marchandise vendue;
Attendu que pour déclarer le prévenu coupable de ce délit la juridiction du second degré retient que Roland M a mis en vente un produit dont le mode de présentation et l'étiquetage "évoquent un objectif nutritionnel, en l'espèce l'amaigrissement", alors que ce produit n'a pas les caractéristiques physicochimiques permettant de le classer comme un aliment appauvri en glucides ou en lipides et éventuellement enrichis en protides ou comme un aliment équilibré à 1 000 kilocalories et convenant aux régimes de l'amaigrissement au sens des articles 32 et 33 de l'arrêté du 20 juillet 1977;
Attendu que les juges énoncent en outre que les dispositions de ce texte ne présentent aucune contrariété avec le décret du 15 mai 1981 et sont compatibles avec la réglementation communautaire;
Attendu qu'en l'état de ces motifs la cour d'appel a justifié sa décision; qu'en effet, d'une part, le décret du 15 mai 1981 dispose en son article 11 que, dans la mesure où ils ne sont pas contraires aux dispositions du présent décret, les arrêtés pris en application du décret du 24 janvier 1975 abrogé demeurent en vigueur; que, d'autre part, les articles 33 et 34 de l'arrêté du 20 juillet 1977 qui fixent les conditions auxquelles doivent répondre, notamment par leur composition, les produits alimentaires présentés comme destinés aux régimes hypocaloriques ou comme favorisant l'amaigrissement ne sont contraires ni aux dispositions du décret du 15 mai 1981 ni à celles de la directive 89-398 du Conseil des Communautés européennes du 3 mai 1989 visant les denrées alimentaires et les boissons destinées à une alimentation particulière mais sont au contraire conformes aux objectifs de ces textes et de nature à les compléter; d'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme;
Rejette le pourvoi.