Cass. crim., 19 janvier 1993, n° 90-84.624
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Le Gunehec
Rapporteur :
Mme Batut
Avocat général :
M. Robert
Avocat :
Me Blondel.
Rejet du pourvoi formé par G Maurice, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Rennes, chambre correctionnelle, en date du 3 juillet 1990, qui, pour tentative de tromperie sur les qualités substantielles d'une marchandise, l'a condamné à 10 000 francs d'amende.
LA COUR: - Vu le mémoire produit; - Sur le second moyen de cassation pris de la violation par refus d'application des articles 2, 3 et 189 du traité instituant la Communauté économique européenne, violation par refus d'application du décret n° 85-712 du 11 juillet 1985 et par fausse application de l'article 1er de la loi du 1er août 1985 ensemble demande de mise en œuvre de l'article 177 du traité précité:
"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a retenu le prévenu dans les liens de la prévention et a rejeté sa demande tendant à ce qu'il soit sursis à statuer dans l'attente d'une décision de la Cour de justice des Communautés européennes interrogée par le canal des dispositions de l'article 177 du traité instituant la Communauté économique européenne;
"aux motifs que, si en application de l'article 177 du traité de Rome l'interprétation des textes communautaires est en principe réservé à la Cour de justice des Communautés européennes, il n'y a pas lieu pour la juridiction répressive nationale à surseoir à statuer dans une exception manifestement extérieure aux débats; qu'en effet, en l'espèce, le délit de tentative de tromperie reproché à Maurice G ne concerne en rien l'application du décret du 11 juillet 1985, s'agissant d'une tentative de tromperie reprochée par la non-information du contrevenant sur la nature, les qualités substantielles, l'aptitude à l'emploi, les règles inhérentes à l'utilisation des produits ou encore le mode d'emploi ou précautions à prendre;
"et aux motifs encore, qu'il résulte du dossier et des débats les éléments suivants: le 17 janvier 1989 les fonctionnaires de la Concurrence et des Fraudes se présentaient successivement au magasin Radielec et Force G à Rennes, tous deux tenus par Maurice G et constataient la présence de matériels téléphoniques à la vente, plusieurs d'entre eux n'étant pas agréés par les PTT, dans les vitrines les postes incriminés étaient mélangés à d'autres, conformes, sans que rien ne les distingue, certains appareils portant cependant une étiquette collée sous l'appareil attestant de leur conformité; que les enquêteurs notaient que l'entreprise qui avait livré aux deux établissements de Maurice G les matériels téléphoniques avaient expressément mentionné sur ces factures "appareils non homologués P et T, réservés à l'exportation"; que se refusant à toute déclaration lors de l'enquête, Maurice G indiquait au premier juge selon note d'audience qu'il ignorait que les postes n'étaient pas agréés et tout en ne contestant pas la matérialité des faits, il admettait ne pas avoir alerté sa clientèle sur les caractéristiques des postes; que si les faits ne sont pas contestés, il est cependant conclu à la relaxe par absence d'élément légal de l'infraction; que le délit est cependant établi et constitué en tous ses éléments, que le fait de proposer à la vente des appareils non homologués, mélangés à d'autres conformes, sans avertir la clientèle, cependant que le prévenu, professionnel de la vente de matériel téléphonique, était informé par les spécifications précises apportées par son propre vendeur sur les factures, constitue bien le délit de tentative de tromperie prévu à l'article 1er de la loi du 1er août 1905;
"alors que, d'une part, n'en déplaise à la cour d'appel le prévenu a été retenu dans les liens de la prévention ainsi que cela s'évince de l'arrêt parce qu'en fait il avait présenté du matériel téléphonique à la vente non agréé par les PTT; que la condition d'agrément était dès lors au coeur du débat et résultait des dispositions du décret n° 85-712 du 11 juillet 1985 à tort écarté et spécialement de son article 6 prévoyant un agrément délivré en application du Code des postes et télécommunications et au regard des exigences posées par les articles 3 et 4 dudit décret; qu'en refusant d'examiner si cette condition d'agrément n'était pas contraire à la lettre et à l'esprit de la directive n° 88-301 du 16 mai 1988 relative à la concurrence dans les marchés de terminaux de télécommunication, directive qui pouvait utilement être invoquée en raison de sa teneur, ensemble en n'examinant pas si ladite condition n'était pas contraire aux règles et principes qui s'évincent du traité de Rome et spécialement de ses articles 2 et 3a; la Cour méconnaît son office et partant viole lesdits textes, la Cour de cassation n'ayant pas été mise à même d'exercer son contrôle;
"et alors que, d'autre part, il y a aujourd'hui, en toute hypothèse, matière à question préjudicielle, question qui s'impose à la chambre criminelle à qui il est demandé de surseoir à statuer en application des dispositions de l'article 177 du traité de Rome jusqu'à ce que la Cour de justice se soit prononcée à titre préjudiciel sur l'interprétation des articles suivants du traité et de tout autre texte applicable: "- l'article 189 ne doit-il pas être interprété en ce sens que le prévenu pouvait se prévaloir de la directive n° 88-301 du 16 mai 1988; "- l'article 30 doit-il être interprété en ce sens qu'il serait applicable à des ventes de matériels téléphoniques soumises aux conditions semblables à celles prescrites par le décret du 11 juillet 1985 spécialement s'agissant de la condition relative à l'agrément délivré en application du Code des postes et télécommunications; "- en cas de réponse affirmative, l'exception tenant à l'ordre public, voire à la sécurité publique, prévue à l'article 36 du traité pourrait-elle être utilement invoquée ?";
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme que Maurice G, vendeur de terminaux de télécommunication, a proposé à la vente des appareils téléphoniques sans avertir la clientèle que certains d'entre eux n'étaient pas agréés; qu'il a été poursuivi pour tentative de tromperie sur les qualités substantielles d'une marchandise, en application de l'article 1er de la loi du 1er août 1905;
Attendu que, pour rejeter l'exception préjudicielle soulevée devant eux, et prise de la non-conformité du décret du 11 juillet 1985 incriminant le fait de vendre des appareils téléphoniques non homologués et que le prévenu prétendait applicable en l'espèce avec la directive n° 88-301 de la Commission des Communautés européennes en date du 16 mai 1988, relative à la concurrence dans les marchés de télécommunication, les juges du second degré énoncent que le délit reproché à l'intéressé, constitutif d'une tentative de tromperie fondée sur les seules dispositions de l'article 1er de la loi du 1er août 1905 , ne concerne en rien le décret précité, étranger à la prévention;
Attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel n'a pas encouru les griefs allégués; qu'en effet, la circonstance que la vente de matériels de télécommunication non agréés soit ou non pénalement sanctionnée est sans incidence sur la prévention de tentative de tromperie sur la nature et les qualités substantielles des objets exposés à la vente, dès lors que, comme en l'espèce, il est uniquement reproché au prévenu de n'avoir pas précisé à la clientèle ceux de ces objets qui avaient reçu l'agrément et ceux qui ne l'avaient pas obtenu; que, par voie de conséquence et alors au surplus que la directive du 16 mai 1988 n'a pas supprimé la procédure d'agrément relative aux appareils connectés à la terminaison d'un réseau public de télécommunication, il n'y a pas lieu de saisir la Cour de justice en interprétation des textes du traité instituant la Communauté économique européenne visés au moyen, lesquels sont sans incidence sur la prévention; d'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 1 et 11 de la loi du 1er août 1905 sur les fraudes et falsifications en matière de produits ou services tels que modifiés, violation par refus de mise en œuvre sous réserve de la légalité du décret n° 85-712 du 11 juillet 1985 portant application de la loi du 1er août 1905 et relatif aux matériels susceptibles d'être raccordés au réseau des télécommunications de l'Etat, ensemble violation des articles 2 et 3 du Code pénal:
"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré le prévenu coupable de tentatives de tromperie et l'a en répression condamné à une amende de 10 000 francs;
"aux motifs propres et adoptés, qu'il résulte du dossier et des débats que le 17 janvier 1989 les fonctionnaires de la Concurrence et des Fraudes se présentaient successivement au magasin Radielec et Force G à Rennes, tous deux tenus par Maurice G et constataient la présence de matériels téléphoniques à la vente, plusieurs d'entre eux n'étant pas agréés par les PTT, dans les vitrines les postes incriminés étaient mélangés à d'autres, conformes, sans que rien ne les distingue, certains appareils portant cependant une étiquette collée sous l'appareil attestant de leur conformité; que les enquêteurs notaient que l'entreprise qui avait livré aux deux établissements de Maurice G les matériels téléphoniques avaient expressément mentionné sur ces factures " appareils non homologués P et T, réservés à l'exportation "; que se refusant à toute déclaration lors de l'enquête, Maurice G indiquait au premier juge selon note d'audience qu'il ignorait que les postes n'étaient pas agréés et tout en ne contestant pas la matérialité des faits, il admettait ne pas avoir alerté sa clientèle sur les caractéristiques desdits postes; que si les faits ne sont pas contestés, il est cependant conclu à la relaxe par absence d'élément légal de l'infraction;
"et aux motifs encore que le délit est établi et constitué en tous ses éléments, que le fait de proposer à la vente des appareils non homologués, mélangés à d'autres conformes, sans avertir la clientèle, cependant que le prévenu, professionnel de la vente de matériel téléphonique, était informé par les spécifications précises apportées par son propre vendeur sur les factures, constitue bien le délit de tentative de tromperie prévu à l'article 1er de la loi du 1er août 1905;
"alors que, d'une part, le seul fait fût-ce pour un professionnel de haut niveau de proposer à la vente des terminaux de télécommunication (téléphones et répondeurs téléphoniques) non homologués parmi d'autres qui le seraient, ne peut, en l'absence d'autres circonstances relatives à l'aptitude à l'emploi ou aux risques inhérents à l'utilisation du produit, caractériser la tentative de tromperie au sens de l'article 1er de la loi du 1er août 1905 telle que modifiée; qu'en décidant le contraire, la Cour viole par fausse application ledit article, ensemble les articles 2 et 3 du Code pénal;
"et alors que, d'autre part, et en toute hypothèse, l'élément matériel de l'infraction ne pouvait être légalement retenu qu'au cas où le décret spécifique aux marchandises concernées avait été déclaré applicable et en tous cas mis en œuvre par la Cour, qu'en indiquant expressément que ledit décret n° 85-712 du 11 juillet 1985 était sans incidence, la Cour viole par refus d'application l'article 11 de la loi du 1er août 1905 et par fausse application l'article 1er de ladite loi";
Attendu que, pour déclarer Maurice G coupable de tentative de tromperie sur les qualités substantielles d'une marchandise, la cour d'appel relève que celui-ci a exposé à la vente des appareils téléphoniques non agréés, mélangés à d'autres appareils conformes à la réglementation nationale, sans aucune indication concernant l'absence d'agrément, alors que lui-même avait été informé par son fournisseur des spécificités de ces appareils; qu'elle retient également, par motifs adoptés, que les clients éventuels n'étaient pas avertis des inconvénients susceptibles de résulter de l'utilisation d'un matériel non agréé;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, les juges du fond, qui ont caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, la tentative du délit de tromperie retenue à la charge du prévenu, sur le fondement des seuls textes applicables aux faits incriminés, ont justifié leur décision sans encourir les griefs allégués; que, dès lors, le moyen ne peut être admis;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme;
Rejette le pourvoi.