Cass. crim., 4 novembre 1993, n° 91-81.638
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Jean Simon
Rapporteur :
M. Blin
Avocat général :
M. Galand
Avocat :
Me Foussard.
LA COUR: - Statuant sur les pourvois formés par G Gabrielle, épouse R, L Jean-Claude, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Caen, chambre correctionnelle, n° 96, du 11 février 1991, qui, pour tromperie sur les qualités substantielles de la marchandise, mise en vente de denrées alimentaires dont la date limite de consommation était dépassée, mise en vente de produits dépourvus d'étiquetage et détention de produits surgelés conservés à une température trop élevée, les a condamnés chacun à 10 000 francs d'amende pour le délit et à 46 amendes de 600 francs chacune pour les contraventions et a ordonné la publication de la décision; - Joignant les pourvois en raison de la connexité; - Vu le mémoire produit commun aux demandeurs; - Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 1er de la loi du 1er août 1905, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Gabrielle G et L coupables du délit prévu et puni par l'article 1er de la loi du 1er août 1905;
"aux motifs que Jean-Claude L, chef de magasin stagiaire, a indiqué qu'il allait informer son employeur; que Gabrielle G précise qu'elle a, à de multiples reprises, avisé les vendeurs de veiller à appliquer la réglementation; que Gabrielle G, en sa qualité de président-directeur général de la société S, et L, en tant que chef de magasin, étaient tenus de veiller au strict respect de la loi;
"et aux motifs adoptés que les prévenus, par négligence, n'ont pas agi comme ils auraient du le faire en leurs qualités respectives;
"alors que, en l'absence de présomption quant à l'intention coupable, les juges du fond doivent constater que le prévenu a consciemment trompé ou essayer de tromper autrui, et indiquer les circonstances d'où ils déduisent l'intention coupable; qu'en s'abstenant de procéder à cette recherche, pour se borner à faire état d'une simple négligence, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard du texte susvisé";
Et sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1er de la loi du 1er août 1905, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré simultanément coupables du délit, prévu et puni à l'article 1er de la loi du 1er août 1905, Gabrielle G et L;
"aux motifs que Gabrielle G avait la qualité de président-directeur général de la société S et L, la qualité de chef de magasin;
"alors que faute d'avoir précisé les responsabilités respectives de Gabrielle G et de L, au sein de l'entreprise, en ce qui concerne la conservation et la vente des marchandises, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des textes susvisés";
Les moyens étant réunis; - Attendu que, pour déclarer Gabrielle G, président de la société S, qui exploite le magasin où ont été effectués les contrôles, et Jean-Claude L, responsable de ce magasin, coupables de tromperie sur les qualités substantielles de la marchandise mise en vente, la juridiction du second degré analyse les conditions dans lesquelles de la terrine de confit de foie de porc, provenant d'un lot dont la date limite de consommation était dépassée, était mise en vente "à la coupe" dans le magasin;
Attendu que les juges énoncent, par ailleurs, par motifs propres et adoptés, que l'un et l'autre des prévenus, par négligence, n'ont pas agi comme ils auraient dû le faire en leurs qualités respectives alors qu'il leur appartenait de veiller strictement au respect de la réglementation;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a caractérisé en tous ses éléments constitutifs, y compris l'élément intentionnel, le délit dont elle a déclaré les prévenus coupables; qu'en effet, si la loi du 1er août 1905, alors applicable, n'édicte aucune présomption de tromperie contre celui qui aurait négligé de procéder à toutes vérifications utiles avant de livrer la marchandise à la vente, les juges peuvent déduire la mauvaise foi du prévenu du fait que celui-ci s'est soustrait aux obligations, qui lui incombaient personnellement, d'exercer les contrôles nécessaires; d'où il suit que les moyens doivent être écartés;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 388, 591 et 593 du Code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, défaut de motifs;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Gabrielle G et L coupables de 46 contraventions;
"alors que le juge correctionnel n'est saisi que des faits visés à la prévention; qu'au cas d'espèce, et après avoir décrit des faits imputés à Gabrielle G et à L, la citation du 20 août 1990 énonçait: "ces faits constituent le délit prévu et puni par les articles 1 et 18 du décret n 84-1.147 du 7 décembre 1984, 1er du décret n° 64-949 du 9 septembre 1964"; que si la citation visait bien le délit retenu à la charge de Gabrielle G et de L, elle ne faisait nullement état des contraventions; qu'ainsi l'arrêt attaqué a été rendu en violation des textes susvisés";
Attendu que, contrairement aux allégations des demandeurs, les juges étaient saisis, non seulement du délit de tromperie, mais aussi des contraventions dont ils ont déclaré les prévenus coupables; qu'il n'importe que seul le mot "délit" ait figuré au bas de la citation délivrée par l'huissier dès lors que les infractions retenues étaient expressément visées par la prévention ainsi que les textes qui leur étaient applicables; d'où il suit que le moyen, qui repose sur une affirmation inexacte, ne saurait être accueilli;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme;
Rejette les pourvois.