Cass. crim., 26 octobre 1987, n° 86-90.605
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M.Ledoux
Avocat général :
Mme Pradain
Conseiller :
Mme Guilhem
Avocats :
SCP Martin-Martinière, Ricard.
LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par : - L Jean-Marie, contre un arrêt de la Cour d'appel de Colmar, chambre correctionnelle, en date du 17 janvier 1986, qui, pour abus de biens sociaux et tromperie sur les qualités substantielles d'une marchandise, l'a condamné à 18 mois d'emprisonnement dont 12 mois avec sursis et mise à l'épreuve pendant 3 ans, à 50 000 francs d'amende ainsi qu'à des réparations civiles ; Vu le mémoire produit en demande, ainsi que le mémoire complémentaire ; Sur le moyen unique de cassation pris de la violation de l'article 1er de la loi du 1er août 1905, de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt a condamné le requérant pour tromperie sur les qualités substantielles de la marchandise ; "aux motifs qu'il est constant que, dès la fin de l'année 1979, les travaux d'isolation, réalisés par la SARL X suivant le procédé Y, inventé par L, ont donné lieu à de nombreux litiges dont certains ont été transigés et d'autres se sont poursuivis devant les tribunaux ; que les premiers juges ont retenu à bon droit que la répétition des malfaçons constatées, les conclusions des experts commis dans les diverses procédures, ou d'avis de techniciens spécialisés, ont révélé que le procédé d'isolation thermique inventé par L était loin d'être au point et qu'il est sans intérêt pour l'appréciation de la responsabilité pénale de ce dernier de dire qu'il est propriétaire de son invention et qu'il a fait une demande de brevet à l'Institut national de la propriété industrielle ;
"alors que l'intention frauduleuse est un élément essentiel du délit de tromperie sur les qualités substantielles de la marchandise ; que la cour ne pouvait en déduire cette intention frauduleuse de malfaçons constatées par des experts, qui n'avaient jamais reçu pour mission de rechercher si l'auteur de l'invention avait cherché à "tromper sa clientèle" sur la valeur du procédé "dont la cour constate elle-même, qu'il avait fait l'objet d'une demande de brevet, ce qui suffirait à exclure toute intention frauduleuse tant il n'apparaît pas concevable qu'un inventeur puisse déposer une demande de brevet tout en ayant connaissance de l'inefficacité de son invention qui entraînerait nécessairement des malfaçons" ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et du jugement dont il adopte les motifs et qu'il confirme que L, gérant de fait de la SARL X, a été poursuivi notamment du chef de tromperie au sens de l'article 1er de la loi du 1er août 1905 ;
Attendu que pour condamner le prévenu, pour avoir trompé le contractant sur l'aptitude et l'emploi d'un produit et de la délivrance d'une prestation de service portant en l'espèce sur la vente et la pose d'un produit d'isolation thermique dit "procédé Y" au préjudice de nombreux clients de l'entreprise X, les juges constatent que L, inventeur du procédé, n'avait aucune formation scientifique, que sa demande de brevet à l'Institut national de la propriété industrielle n'avait donné lieu à aucun titre officiel, que cinq experts judiciaires commis dans diverses procédures avaient souligné que le procédé Y ne pouvait remplir sa mission thermique, qu'il ne répondait à rien au niveau des règles de l'art et que les prétentions du prévenu sur la qualité de son invention avaient été totalement démenties ;
Attendu que les juges ont déduit de l'ensemble de ces éléments qu'ils ont analysés que la volonté de L en sa qualité de gérant de fait occulte de la SARL X de vouloir poursuivre l'exploitation au détriment de clients de cette entreprise un procédé qu' il savait inapte à son emploi, démontre sa mauvaise foi et est constitutive du délit de l'article 1er de la loi du 1er août 1905 ;
Attendu qu'en l'état de ces constatations et énonciations exemptes d'insuffisance et déduites d'une appréciation souveraine des éléments de preuve soumis aux débats contradictoires, la cour d'appel a justifié sa décision ; D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
Rejette le pourvoi.