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Décisions

Cass. crim., 9 juillet 1987, n° 86-94.561

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Berthiau (faisant fonction)

Rapporteur :

M. Souppe

Avocat général :

Mme Pradain

Avocats :

SCP Guiguet, Bachellier, Potier de la Varde

TGI Bordeaux, ch. corr., du 29 janv. 198…

29 janvier 1986

LA COUR : - Rejet du pourvoi formé par B Madeleine, épouse H, contre un arrêt de la Cour d'appel de Bordeaux en date du 8 juillet 1986 qui l'a condamnée pour publicité de nature à induire en erreur et pour fraude en matière de services à 25 000 francs d'amende et a statué sur les réparations civiles. Vu le mémoire produit ; Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 44 de la loi du 27 décembre 1973, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Mme H coupable du délit de publicité mensongère ;

" aux motifs qu'il ressort des annonces publicitaires diffusées par Y que Mme H se présentait comme mandataire d'acheteurs qu'elle dépeignait comme attendant avec impatience, le mot " urgent " revenant très souvent, alors qu'ils n'existaient pas et que le travail de l'agence, après le contact, va justement consister à diffuser l'offre de vente aux personnes et organismes susceptibles de connaître d'éventuels acheteurs ; de plus Mme H ne sera jamais la mandataire des acheteurs ; qu'il ne s'agit pas d'une agence immobilière, que ses clients sont des vendeurs qu'elle se contentera de mettre, le cas échéant, en rapport avec d'éventuels acheteurs qui n'auront jamais de liens juridiques avec elle et ne sont pas ses clients, qu'en les représentant comme tels, alors qu'ils n'ont pas encore d'existence et en laissant entendre qu'elle était leur mandataire, Mme H a basé sa publicité sur des faits faux ;

" alors que dans ses conclusions Mme H avait fait valoir que si les publicités incriminées pouvaient objectivement faire induire aux lecteurs que l'annonceur avait dans sa clientèle des acheteurs effectifs, cette éventualité constituait une réalité à raison des acquéreurs potentiels dont Y avait dans son fichier les noms et adresses et qu'elle avait sollicité sur ce point une mesure d'instruction, que la Cour ne pouvait sans entacher sa décision d'un défaut de motifs se dispenser de répondre à ce moyen qui était de nature à exclure le caractère trompeur de la publicité " ;

Et sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 1er, 5 et 16 de la loi du 1er août 1905, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :

" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré Mme H coupable du délit de tromperie en trompant ou tentant de tromper les contractants notamment sur la nature, l'espèce, l'origine, le résultat à atteindre de la prestation de service, offerte sous le sigle X ;

" aux motifs que contrairement aux engagements pris par Mme H, les dossiers n'étaient pas envoyés systématiquement aux principales agences immobilières et études notariales, la diffusion se faisant par le biais du journal périodique et le dossier proprement dit n'était expédié que quand un acheteur se manifestait, que lorsque le client optait pour une diffusion sur les pays du Marché commun, la publicité n'était faite ni en Italie, ni au Danemark, ni en Irlande, ni en Grèce et que, pour les pays d'Afrique, six pays sur vingt-quatre étaient omis, que la diffusion réalisée dans les agences immobilières et les études notariales ne correspondait pas à celle promise, que les démarcheurs de la société ont trompé les clients en promettant des envois répétitifs alors que le journal n'était envoyé qu'une seule fois, que ces agissements sont bien constitutifs du délit de fraude, puisque les prestations ne correspondaient pas à ce à quoi l'agence s'était contractuellement engagée ;

" alors que l'intention frauduleuse est un élément constitutif du délit de tromperie , que faute d'avoir constaté la mauvaise foi de Mme H, l'arrêt attaqué n'est pas légalement justifié " ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du jugement dont il adopte les motifs non contraires que Madeleine B dirigeait une entreprise personnelle dénommée " Y " dont l'activité consistait à recueillir les offres de vendeurs d'immeubles ou de fonds de commerce, à rechercher grâce à une diffusion appropriée des éventuels acquéreurs et à rapprocher les parties ; qu'elle avait recours à des annonces dans la presse et faisait souscrire aux vendeurs ainsi attirés un contrat aux termes duquel elle s'engageait à des prestations de publicité contre versement d'une somme dont le montant variait selon l'ampleur de la diffusion convenue ; que sur plainte de plusieurs clients alléguant que les prestations effectivement fournies n'étaient pas conformes aux stipulations du contrat, elle a été poursuivie du chef de publicité de nature à induire en erreur et tromperie sur le résultat à attendre de la prestation de service offerte ;

Attendu que pour déclarer établie cette double prévention et faire droit à la demande des parties civiles, l'arrêt attaqué relève d'une part que des annonces publiées par Europe investissement et que les juges décrivent, il résulte que l'entreprise se présentait comme mandataire d'acheteurs pressés de réaliser une opération, alors qu'en réalité elle ne disposait d'aucun contact et que la prestation qu'elle proposait aux vendeurs attirés par cette publicité, consistait précisément à prospecter le marché à la recherche d'éventuels acquéreurs ; qu'en outre elle faisait état d'établissements en Suisse et à Paris alors qu'il ne s'agissait que de " boîtes aux lettres " ; que les juges constatent d'autre part en se référant à des exemples précis que les prestations fournies étaient loin de correspondre à celles qui étaient prévues au contrat ;que spécialement les modalités de la diffusion des offres étaient plus restreintes, son champ territorial plus limité et la fréquence de sa répétition réduite ;

Attendu qu' en l'état de ces constatations et énonciations, et alors que l'erreur dont ont été victimes les bénéficiaires des services relativement au résultat qu'ils pouvaient attendre de ces prestations procédait en l'espèce du fait personnel du prestataire volontairement défaillant, l'arrêt attaqué a, sans insuffisance, caractérisé tous les éléments tant matériels qu'intentionnel des délits dont la demanderesse a été déclarée coupable et ainsi justifié sa décision sans encourir aucun des griefs formulés aux moyens réunis, lesquels dès lors ne sauraient être accueillis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

Rejette le pourvoi.