CA Toulouse, 3e ch. corr., 7 novembre 2002, n° 01-01160
TOULOUSE
Arret
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Selmes
Substitut général :
M. Chazottes
Conseillers :
Mme Belieres, M. Couste
Avocat :
Me Credot
Rappel de la procédure :
Le jugement :
Le tribunal, par jugement en date du 22 octobre 2001, a :
- reçu M Céline et A Patrick en leur opposition et a déclaré non avenu le jugement de défaut en date du 27/03/2000;
Statuant à nouveau :
*déclaré A Patrick coupable de tromperie sur la nature, la qualité, l'origine ou la quantité d'une marchandise, mars 1997 et juin 1997, à Muret, infraction prévue par l'article L. 213-1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 213-1, L. 216-2, L. 216-3 du Code de la consommation
*déclaré M Céline coupable de tromperie sur la nature, la qualité, l'origine ou la quantité d'une marchandise, mars 1997 et juin 1997, à Muret, infraction prévue par l'article L. 213-1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 213-1, L. 216-2, L. 216-3 du Code de la consommation
Et par application de ces articles, a condamné :
* A Patrick à 10 000 F d'amende,
* M Céline à 10 000 F d'amende.
Les appels :
Appel a été interjeté par :
Mademoiselle M Céline, le 31 octobre 2001
Monsieur A Patrick, le 31 octobre 2001
M. le Procureur de la République, le 31 octobre 2001 contre Mademoiselle M Céline, Monsieur A Patrick
Décision :
Céline M et Patrick A ont relevé appel le 31 octobre 2001 et le Ministère public à sa suite le même jour à titre incident d'un jugement contradictoire n° 2001-1142 rendu le 22 octobre 2001 par le Tribunal correctionnel de Toulouse sur opposition d'un précédent jugement rendu par défaut le 27 mars 2000.
Ces appels réguliers en la forme et interjetés dans le délai légal sont recevables.
L'appel des prévenus porte sur l'ensemble des dispositions pénales du jugement
Aux termes de la citation, la prévention intégralement retenue par le tribunal visait le délit, commis à Muret courant mars et juin 1997 de tromperie sur les qualités substantielles de la marchandise an l'espèce le kilométrage réel de deux véhicules automobiles Renault 19 immatriculés respectivement 818 RT 13 (devenu 7463 YZ 31) et 6787 MD 33 (devenu 8231 ZJ 31)
Le 14 mars 1996, Céline M exploitant en nom personnel l'entreprise X a acheté aux enchères publiques moyennant le prix de 4 497,25 euro plus 545,30 euro de frais de vente soit au total 5 042,56 euro un véhicule d'occasion de marque Renault 19 portant 139 306 kilomètres au compteur, non garantis.
Le 14 avril 1997, elle a cédé la voiture au concessionnaire Opel à Muret en échange de l'achat d'un autre véhicule sur la base d'une évaluation de reprise en date du 19 mars 1997 de 5 110,09 euro pour un kilométrage de 87 000, sans indication de kilométrage sur la facture mais avec une attestation du 3 avril 1997 établie à son nom certifiant un kilométrage réel de 88 202.
Le 20 mars 1997, elle a fait l'acquisition dans les mêmes conditions au prix de 4 497,25 euro plus 488,13 euro de frais de vente d'un véhicule de marque Renault 19 dont le compteur affichait un kilométrage de 113 944 non garanti qui n'était plus que de 67 360 lorsque la voiture a été confiée le 2 juin 1997 pour transformation de véhicule utilitaire en véhicule particulier au garage TMA et revendue immédiatement à sa sortie à Pascaline Gigez avec la date du 1er juin 1997 portée sur le certificat de cession et un prix de 2 286,74 euro, vu son mauvais état consécutif à des actes de vandalisme.
Céline M a indiqué aux enquêteurs que les compteurs des deux véhicules avaient été changés pour le premier à la suite d'une panne, pour le second (ainsi que le tableau de bord) à la suite d'un vol avec dégradations.
Patrick A a confirmé qu'il avait lui-même procédé aux deux changements de compteurs.
Devant le tribunal, ils ont soutenu à l'appui de leur demande de relaxe que dès lors que le kilométrage des deux véhicules achetés aux enchères n'était pas garanti, il n'y avait aucune infraction à les revendre sans indiquer le nombre de kilomètres parcourus; Céline M a contesté, en outre, être l'auteur de l'attestation du 3 avril 1997 relative au premier véhicule.
A l'audience devant la cour, Céline M et Patrick A persistent dans leurs déclarations antérieures estimant n'avoir trompé personne en changeant le compteur de véhicules pour lesquels aucun kilométrage n'a jamais été garanti.
Céline M conteste avoir apposé sa signature sur l'attestation de revente du 3 avril 1997 relative au premier véhicule dont elle ignorait l'existence ; elle affirme n'être pour rien dans cette situation, Patrick A s'étant occupé de tout.
Patrick A indique que le premier véhicule a été cédé dans le cadre d'une reprise et que le garagiste savait que le kilométrage n'était pas garanti ainsi qu'indiqué sur la fiche d'estimation.
Il précise que l'acquéreur du second véhicule, qui était une amie, connaissait son état pour avoir utilisé la voiture avant son achat.
Le Ministère public requiert la confirmation du jugement déféré; il souligne que deux façons de signer apparaissent pour Mme M, différentes sur les procès-verbaux d'audition et les chèques et que la supposition d'une troisième personne signataire de l'attestation du 3 avril 1997 ne repose sur rien.
Céline M et Patrick A par leur avocat sollicitent la relaxe, en l'absence de toute tromperie.
Ils font valoir, au sujet du premier véhicule, que le document d'estimation de reprise du 19 mars 1997 en date du 19/03/1997 signé de Patrick A au nom de Céline M et avec l'accord de cette dernière a été entièrement rédigé par l'employé du concessionnaire Opel de Muret et précise bien que le kilométrage compteur de 87 000 n'est pas garanti.
Ils soulignent que la facture de vente du 14/04/1997 émanant de Céline M ne mentionne pas le kilométrage parcouru, que l'attestation sur l'honneur établie au nom de celle-ci et certifiant un kilométrage réel de 88 202 doit émaner du concessionnaire Opel car elle ne porte ni son écriture ni sa signature.
Ils ajoutent que ce professionnel n'a jamais prétendu ignorer le kilométrage réel de la voiture et en déduisent l'absence d'élément intentionnel de l'infraction.
Ils soulignent, à propos du second véhicule, que le kilométrage de 67 300 inscrit manuellement sur la copie de la carte grise à l'occasion de la demande d'attestation de changement de genre à la SA Renault a été relevé par le garage et non par eux-mêmes étant restés étrangers à cette démarche administrative.
Ils soutiennent que l'absence de tromperie est encore plus évidente en raison de la revente de la voiture à une personne de leur entourage qui connaissait l'état de la voiture pour l'avoir plusieurs fois emprunté, notamment avant l'acte de vandalisme et donc le changement de compteur.
Subsidiairement, ils sollicitent un complément d'information pour déterminer l'auteur de l'attestation de garantie de kilométrage du premier véhicule et encore plus subsidiairement assortir toute sanction d'un sursis.
Motifs de la décision
La culpabilité, dans les termes de la prévention, ne fait pas l'objet de discussion pertinente ni de la part de Céline M, propriétaire-vendeur ni de la part de Patrick A qui a effectué toutes les démarches matérielles des ventes avec son plein accord.
Il est constant qu'un kilométrage non garanti de 87 000 est porté sur l'estimation de reprise du premier véhicule en date du 17/03/1997 revêtu de 4 signatures et qu'aucune mention de kilométrage ne figure sur l'acte de cession du 2ème véhicule du 1er juin 1997.
La tromperie peut, en droit, résulter d'un défaut de renseignement indépendamment de tout préjudice elle est caractérisée lorsque le vendeur qui connaît le kilométrage réel d'un véhicule d'occasion très supérieur au kilométrage inscrit au compteur, ne le signale pas à l'acquéreur ou se borne à mentionner que celui-ci est non garanti.
Cette situation se retrouve dans les deux ventes, chacun des véhicules Renault 19 ayant subi un changement de compteur avec pour effet direct de faire baisser le kilométrage affiché de plus de 51 000 (de 139 306 à 88 202) pour la Renault 19 immatriculée 7463 YZ 31 et de plus de 46 000 (de 113 944 à 67 360) pour la Renault 19 camionnette immatriculée 8231 ZJ 31, sans que ce fait n'ait jamais été porté à la connaissance de l'acquéreur; et peu importe à cet égard les modalités de la transaction que le prix soit payé en argent ou en nature dans le cadre d'une reprise, dès lors qu'il s'agit dans les deux cas d'opérations à titre onéreux.
Aux dires mêmes des deux prévenus elle trouve son origine dans un changement de compteur.
Mais ce dernier n'a jamais été mentionné sur aucun des documents établis à l'occasion de l'une ou l'autre des ventes.
Or une telle information revêt une grande importance en matière de véhicule automobile d'occasion dès lors qu'elle est relative au kilométrage qui s'analyse en une qualité substantielle.
Ni Céline M ni Patrick A n'ont donné aux acquéreurs les renseignements qui leur incombaient sur cette particularité de chacun des véhicules, alors qu'ils en avaient tous deux connaissance, ainsi qu'ils l'ont admis dans leurs dépositions auprès des enquêteurs le 23/11/1998.
La déclaration de Mlle Gigez le 14 octobre 1998 ainsi libellé "Céline M m'avait prêté occasionnellement ce véhicule... Le kilométrage inscrit au compteur était environ 69 000 kms et je n'ai posé aucune question à la vendeuse pour savoir si le kilométrage était réel ou non. Vous m'informez que le véhicule avait 113 944 kms au compteur le 20 mars 1997 et que je devrais avertir le futur acquéreur de cette différence" ne permet pas d'en déduire qu'elle avait été avisée de l'importance du kilométrage occulte et connaissait celui atteint par la voiture avant le changement de compteur dont la date n'a, au demeurant, jamais été précisée.
L'intention frauduleuse ressort suffisamment de l'absence de production des factures d'achat des deux compteurs, de l'absence de toute déclaration de sinistre ou de dépôt de plainte lors des actes de vandalisme affectant le second véhicule à l'origine du changement de compteur, et du renouvellement de l'opération sur deux voitures distinctes à quelques mois d'intervalle, alors que lors de sa première audition Céline Martin avait affirmé qu'il n'avait été procédé au changement de compteur que sur une seule voiture.
Ainsi, l'infraction reprochée tant à l'encontre de Céline M que de Patrick A est, caractérisée dans tous ses éléments constitutifs.
Le bulletin n° 1 du casier judiciaire de chacun des prévenus ne porte mention d'aucune condamnation.
Au vu de cette donnée, de la nature des faits et de leur degré de gravité, il apparaît qu'en prononçant une peine d'amende de 1 524,49 euro le tribunal a fait une exacte appréciation de la loi aux faits reprochés, proportionnée aux circonstances de l'infraction et à la personnalité de leur auteur, sous réserve de l'application de la loi n° 2002-1062 du 6 août 2002 portant amnistie.
Le jugement sera donc confirmé tant sur la culpabilité que sur la peine.
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement par arrêt contradictoire, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi. Déclare l'appel recevable Confirme le jugement du Tribunal correctionnel de Toulouse rendu le 22 octobre 2001 tant sur la déclaration de culpabilité que sur la peine prononcée à l'encontre de Céline M et de Patrick A. Rappelle que la présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 120 euro dont est redevable chaque condamné; Prononce la contrainte par corps, s'il y a lieu de l'exercer, conformément aux dispositions de l'article 750 du Code de procédure pénale; Le tout en vertu des textes susvisés;