CA Nîmes, ch. corr., 21 novembre 2002, n° 1224-02
NÎMES
Arrêt
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Goedert
Substitut :
de M. le procureur général: M. Tailhardat
Conseillers :
MM. Nicolai, De Guardia
Avocats :
SCP Beraud, Me Cuer d'Aulan.
LA COUR,
Vu le jugement rendu par le Tribunal correctionnel de Privas, le 7 février 2001, qui statuant contradictoirement, sur intérêts civils après condamnation pénale:
Déclare P et V responsables du préjudice subi par Monsieur Chardes Alain.
Condamne solidairement P et V à payer à Monsieur Chardes Alain la somme de 5 000 F à titre de dommages et intérêts.
Condamne solidairement P et V à verser à Alain Chardes, au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, la somme de 2 500 F.
Vu les appels interjetés par:
Monsieur Chardes Alain le 16-02-2001
Monsieur P Alain Jacques le 19-02-2001;
Vu les citations données aux parties les 16 et 22 mai 2002, en vue de comparaître à l'audience du 27 juin 2002 pour voir statuer sur lesdits appels;
Sur ce,
En la forme
Les appels interjetés dans les forme et délai légaux sont réguliers et recevables;
Au fond
Dans le dernier état de la procédure initiée suite aux faits de publicité mensongère et de tromperie sur l'origine de la jument Osiris commis dans le cadre de la cession de ladite jument conclue le 21 mars 1996 à Sillans-La-Cascade (83) et des conséquences dommageables duquel Alain P a été déclaré partiellement responsable, M. Alain Chardes, partie civile, et l'ex-prévenu, ont interjeté appel au jugement susvisé.
La partie civile demande qu'il soit constaté qu'Alain P a commis les faits de tromperie sur l'origine de la marchandise et en conséquence que ce dernier soit condamné à lui payer la somme de 12 195,92 euros en réparation du préjudice par elle subi.
Elle demande en outre que l'ex-prévenu soit condamné à lui payer celle de 3 048,98 euros en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.
Alain P demande quant à lui que M. Alain Chardes soit déclaré irrecevable et mal fondé dans son appel.
Il conclut également à la réformation du jugement entrepris en ce qu'il l'a condamné à payer à la partie civile la somme indemnitaire de 762,25 euros, en réparation du préjudice résultant de l'infraction d'usage d'une fausse attestation, retenue à son encontre;
Sur ce
Sur les faits de tromperie
Attendu à titre préliminaire qu'il convient de rappeler que la faculté d'appeler appartient à la partie civile, quant à ses intérêts civils seulement;
Que ce droit d'appel de la partie civile est spécifique, général et absolu;
Que cependant, il convient également d'observer qu'Alain Chardes a cantonné son appel aux seuls intérêts civils relatifs à l'infraction de tromperie sur l'origine de la jument Osiris (cf son acte d'appel);
Attendu que ce même droit appartient à l'ex-prévenu;
Qu'en l'espèce, il y a lieu de noter qu'Alain P, quant à lui, a uniquement relevé appel incident des dispositions civiles du jugement entrepris;
Attendu au surplus que si les juges du second degré, saisis de l'appel de la partie civile, ne peuvent prononcer aucune peine contre le prévenu définitivement relaxé, ils n'en sont pas moins tenus de rechercher si les faits qui leur sont déférés constituent une infraction pénale et de se prononcer en conséquence sur la demande en réparation de la partie civile
Que dès lors, il échet de constater que la cour, valablement saisie, est à même de statuer tant sur la demande en réparation du dommage causé par la tromperie sur l'origine de la jument Osiris formulée par Alain Chardes, que sur les demandes d'Alain P;
Attendu qu'Alain Chardes fait valoir que l'article L. 213-1 (1°) du Code de la consommation, qui énumère les attributs sur lesquels le mensonge est punissable, englobe celui de l'origine dans les qualités substantielles de la marchandise;
Qu'au terme des négociations portant sur l'achat de la jument Osiris, les parties ont spécialement attribué à l'objet de leur contrat la qualité substantielle tenant à l'origine du cheval;
Que, par suite, en mentant sur la lignée " pur égyptien " de la jument, l'ex-prévenu conférait à l'animal une qualité et une valeur qu'il n'avait pas;
Qu'en agissant ainsi, Alain P commettait une tromperie sur les qualités substantielles de la jument Osiris;
Attendu toutefois qu'il apparaît au terme de l'enquête et de l'instruction qu'il n'existe pas de définition d'une lignée "pur égyptien";
Qu'il résulte de l'audition de M. Dominique Willaume, Directeur de l'Ecole Nationale des Haras, " qu'en matière équine, l'appellation lignée "pur égyptien" est une appellation commerciale " correspondant à une mode;
Que cet homme de l'art, précise " qu'il n'y a pas dans ce terme la valeur d'un label ou d'une appellation contrôlée et que le terme professionnel légal est, dans le cas d'espèce, "Race Arabe" , sous laquelle d'ailleurs la jument était enregistrée dans le Stud Book Français;
Qu'en outre, M. Dominique Willaume précise que cette mention "pur égyptien" n'apporte ni ne retire de valeur particulière à la jument;
Attendu que s'il est constant que certains documents relatifs à la proposition de vente de la jument en cause parlent d'une lignée "pur égyptien", il est également constant que cette qualification n'est jamais inscrite dans le contrat de vente conclu entre Alain P et Alain Chardes, et qu'à l'inverse, est mentionné à plusieurs reprises dans ce contrat, et parfois en caractères majuscules, que la cession porte sur un cheval "Pur Sang Arabe"
Qu'il échet en particulier de souligner que le seul qualificatif relatif à l'origine de la jument est précisément libellé dans le contrat selon les termes suivants: "Race Pur Sang Arabe"
Attendu que seul un initié peut voir dans la mention de la lignée un moyen supplémentaire de satisfaction quant à l'acquisition d'un tel animal et ce uniquement pour des "raisons culturelles ou sentimentales" comme l'a déclaré le spécialiste équin, M. Dominique Willaume;
Qu'en effet, les qualités spécifiques de ce type de chevaux sont rattachées par un non-professionnel au seul qualificatif de 'Pur Sang Arabe";
Que d'ailleurs, l'ex-prévenu verse aux débats un courrier de M. Xavier Guibert, Directeur du SIRE - Institut du cheval - organisme relevant du ministère de l'Agriculture et de la Pêche, qui confirme qu'il n'existe pas de définition du mot " pure lignée égyptienne, autre que celle du bon sens " et que cette information signifie que le cheval est issu d'ascendants nés en Egypte;
Que tel est le cas de la jument Osiris comme en témoignent les récépissés de dépôt du certificat d'origine des parents de ladite jument;
Que dès lors, du regard des éléments objectifs susvisés, il échet de constater que l'ex-prévenu pouvait donc prétendre que l'animal était issu d'une lignée égyptienne sans tromper l'acquéreur sur l'origine ou les qualités de celui-ci;
Attendu en conséquence qu'en l'absence d'agissements frauduleux de la part de l'ex-prévenu, il y a lieu de relever que la partie civile n'a subi aucun préjudice;
Sur l'usage d'une fausse attestation
Attendu que comme l'a relevé le premier juge, il ressort des propres déclarations de M. Fabrice V que celui-ci n'a pas assisté à la vente de la jument Osiris intervenue le 8 avril 1996 entre M. Alain Chardes et Alain P;
Que par suite, il y a lieu de constater que M. Fabrice V ne pouvait certifier qu'aucune somme en numéraire n'avait été versée par la partie civile à l'ex-prévenu;
Que d'ailleurs, M. Fabrice V a ensuite déclaré qu'il avait agi pour rendre service à Alain P et que les faits décrits dans son attestation lui avaient été rapportés par ce dernier;
Attendu à l'inverse, que l'ex-prévenu savait pertinemment que M. Fabrice V n'avait pas assisté à ladite transaction;
Que dès lors, en versant aux débats l'attestation rédigée par M. Fabrice V, l'ex-prévenu connaissait parfaitement le caractère mensonger du contenu de ce document;
Qu'en conséquence, il convient de confirmer la somme de 762,25 euros justement allouée par le premier juge à la partie civile en réparation du préjudice par elle subi en raison de l'infraction d'usage d'une fausse attestation par Alain P;
Attendu enfin que ni les éléments de la cause, ni l'équité ne justifient de faire droit à la demande de la partie civile au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale
Par ces motifs, LA COUR, Statuant contradictoirement, En la forme dit les appels recevables. Confirme le jugement en tant que déféré en toutes ses dispositions. Dit n'y avoir lieu à application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale au profit de M. Alain Chardes. Ainsi jugé et prononcé en audience publique les jour, mois et an susdits.