CA Paris, 13e ch. B, 22 mars 2002, n° 01-03821
PARIS
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Barbarin
Avocat général :
M. Laudet
Conseillers :
M. Nivose, Mme Geraud-Charvet
Avocats :
Mes Faivre, Bosson, Mignon.
Rappel de la procédure:
La prévention:
A Annie est poursuivi pour avoir à Paris, le 27 octobre 1998, en tout cas depuis temps non prescrit, trompé Mlle Audrey Menil, co-contractante, sur les qualités substantielles du véhicule Renault Clio en ne l'informant pas que le véhicule avait été gravement accidenté, ce qu'elle ne pouvait ignorer en tant que vendeur professionnel de véhicule automobile.
Le jugement:
Le tribunal, par jugement contradictoire, a déclaré A Annie coupable de tromperie sur la nature, la qualité, l'origine ou la quantité d'une marchandise, le 27/10/1998, à Paris, infraction prévue par l'article L. 213-1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 213-1, L. 216-2, L. 216-3 du Code de la consommation et, en application de ces articles, l'a condamnée à 4 mois d'emprisonnement avec sursis.
Sur l'action civile le tribunal a reçu Menil Audrey en sa constitution de partie civile et a condamné A Annie à lui payer la somme de 50 000 F toutes causes de préjudice confondues à titre de dommages-intérêts et celle de 5 000 F en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.
Les appels:
Appel a été interjeté par:
Mme A Annie, le 12 novembre 2001, contre Madame Menil Audrey
M. le Procureur de la République, le 12 novembre 2001, contre Madame A Annie,
Décision:
Rendue contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,
Statuant sur les appels régulièrement interjetés par le prévenu et le Ministère public à l'encontre du jugement déféré;
A l'audience du 22 février 2002 la prévenue, assistée de son conseil, demande à la cour, par voie de conclusions, de la relaxer.
Elle fait valoir que l'infraction ne peut être constituée que si le prévenu a gardé sciemment le silence sur les défauts de la chose jugée, qu'en l'espèce Mme Klei a délibérément caché l'accident dont avait souffert le véhicule et les réparations dont il avait fait l'objet, que le rapport technique n'a signalé aucun défaut, et qu'elle ne pouvait donc savoir qu'il avait été accidenté. Que, d'autre part, Mlle Menil a parcouru sans encombre plus de 8 000 kms. Elle soutient également qu'aucune intention frauduleuse ne peut lui être reprochée, puisque l'accident lui avait été caché.
Sur ce, LA COUR,
I - Sur l'action publique
1°) Rappel des faits
Le 3 juillet 2000, un inspecteur des services déconcentrés de la DGCCRF dressait procès-verbal à l'encontre d'Annie A divorcée H, gérante de la SARL "X", pour tromperie sur les qualités substantielles d'une marchandise, à savoir un véhicule Renault Clio.
Il exposait que, par courrier du 17 mars 1999, Mlle Audrey Menil l'avait informé qu'elle avait acquis le 27 octobre 1998, auprès de la société X <adresse>un véhicule Renault Clio, après avoir relevé une publicité dans le journal "Boom-Boom "; qu'elle s'était aperçu tardivement, n'étant titulaire du permis de conduire que depuis 2 mois, que la voiture avait une mauvaise tenue de route au delà de 110 km/h, que les premières vérifications faites par son père avaient révélé que le véhicule avait été accidenté, des traces de pinces ayant été relevées sur le bas de caisse côté droit, ainsi que des traces de chauffe sur le longeron avant droit.
Après avoir fait effectuer un contrôle technique qui relevait des anomalies, Mlle Menil adressait à l'inspecteur, le 17 juin 1999, un rapport établi le 1er juin par le Cabinet Langnier. Le rapport d'expertise mentionnait:
- à l'essai, il a été remarqué l'instabilité de la tenue de route à faible vitesse;
- à l'examen, il a été relevé un choc avant droit ayant nécessité le remplacement de la face, de la traverse inférieure avant et de la partie avant de la joue d'aile droite;
- le bloc avant a été "vériné";
- le longeron droit a été redressé;
- des réparations mal exécutées qui auraient pu être sans conséquence, si elles avaient été bien faites;
- la présence d'une mauvaise liaison entre la traverse avant et les longerons avec des traces de corrosion et un léger décollement du passage de roue avant droit au niveau du support d'amortisseur;
- le berceau avant est complètement desserré du côté droit au niveau du support d'amortisseur;
- les silentblocs des deux triangles de suspension avant sont morts et décollés, leur état ne relève pas d'une usure normale au vu du kilométrage parcouru.
L'expert concluait que ce véhicule était dangereux en l'état et qu'il faudrait faire effectuer des contrôles sur marbre du bloc avant et procéder à la réfection des points mal réparés ainsi qu'au remplacement des triangles avant et des pneus.
Mlle Menil n'avait pas donné suite à la proposition qui lui avait été faite par X de reprendre le véhicule pour le prix de 23 000 F, puisqu'elle l'avait acheté 32 900 F.
Le 13 avril 1999, l'inspecteur se rendait au garage et apprenait que le véhicule avait été acheté le 28 septembre 1998 au Garage Girardin Saint-Maur pour le prix de 18 000 F et revendu en l'état.
Le Garage Girardin avait lui-même acquis cette voiture auprès de Mme Klein, qui avait eu une collision le 30 décembre 1996. Les réparations prises en charge par son assureur pour une somme de 26 025,19 F confirmaient la réalité d'un accident.
Une enquête était également diligentée par la SARL Centre AutoBilan Montreuil qui avait procédé au contrôle technique de la voiture pour le compte du garage X; en effet le rapport remis à Mlle Menil ne mentionnait pas d'anomalies. M. Jean Karras était alors gérant de droit de cette société et c'était M. Kostic, qui avait effectué le contrôle. Il résultait de cette enquête que chaque contrôleur pouvait avoir en charge 26 véhicules par jour et que les contrôles demandés par les garages étaient plus rapides. L'inspecteur concluait que le véhicule avait bien fait l'objet de chocs avant et arrière ayant nécessité des travaux pour la somme de 26 025,91 F qui montrent que la structure avait été atteinte. Que, dès lors, l'état antérieur du véhicule et les interventions subséquentes à l'accident auraient du avoir été portés à la connaissance de l'acquéreur.
Mme Annie A, gérante de la société venderesse, a indiqué que ce véhicule avait été acheté à un autre garage et revendu en l'état après une simple vérification d'usage, que le garage Girardin ne lui avait pas signalé que la voiture avait été accidentée.
2°) Discussion
Considérant qu'il est constant, et qu'il n'est contesté que Mlle Menil n'a pas été informée par le garage X que le véhicule qu'elle leur avait acheté avait été accidenté; que les anomalies constatées par l'expert, qui rendaient l'usage de la voiture dangereux, provenaient directement de cet accident, qui avait gravement endommagé sa structure.
Considérant que le garage X avait principalement pour objet la revente de véhicules d'occasions, mais s'occupait également de réparations mécaniques, et disposait des installations nécessaires. Qu'il résulte des déclarations de M. Rodrigue, Chef d'atelier, qu'il a été procédé à une simple révision mécanique sur la voiture Renault Clio revendue à Mlle Menil (vidange, allumage, contrôle des niveaux et freinage) et que le véhicule a été revendu "en l'état" pour presque le double du coût d'achat. Que, cependant, un examen plus approfondi aurait permis de déceler des traces de réparation qui, selon l'expertise réalisée par le Cabinet Langnier, étaient parfaitement visibles. Qu'il appartenait au garage X, professionnel de l'automobile, de procéder à ces vérifications.
Considérant que Mlle A, en tant que gérante de droit de la SARL venderesse, était tenue à cette obligation de contrôle et ne saurait s'exonérer de sa responsabilité au motif que le Garage Girardin ne lui avait pas signalé d'accident antérieur. Que le défaut de vérification de l'état du véhicule manifeste d'autant plus la volonté de tromper le co-contractant sur ses qualités substantielles que Mlle A a refusé d'annuler la vente lorsqu'elle a eu connaissance des anomalies.
Qu'il convient, dès lors, de confirmer le jugement sur la déclaration de culpabilité de la prévenue.
Considérant que, Mlle A n'ayant jamais été condamnée jusqu'à présent, il convient de lui faire application d'une amende assortie du sursis, ainsi qu'indiqué au dispositif.
Il - Sur l'action civile
Considérant que Mlle Menil, partie civile, a subi un préjudice résultant directement de l'infraction, puisque son véhicule, invendable en l'état, est toujours immobilisé dans le garage de son père. Que compte-tenu des préjudices matériels (coût du contrôle technique et de l'expertise, valeur du véhicule, immobilisation) et de préjudice moral subis, le tribunal a fait une exacte appréciation du préjudice subi.
Considérant qu'il convient également de confirmer le jugement en ce qu'il a alloué à la partie civile la somme de 5 000 F en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale et, y ajoutant, de condamner Mlle A à payer à Mlle Menil la somme de 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Reçoit les appels de la prévenue et du Ministère public, Confirme le jugement déféré sur la déclaration de culpabilité, Le réformant en répression: Condamne Annie A à une amende de 3 000 euros avec sursis, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions civiles, Y ajoutant: Condamne Annie A à payer à Audrey Menil, partie civile, la somme supplémentaire de 500 euros en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale. La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure de 120 euros dont est redevable la condamnée.