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Décisions

CA Toulouse, 3e ch., 13 juin 2002, n° 00-00198

TOULOUSE

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Selmes

Avocat général :

M. Gaubert

Conseillers :

M. Lamant, Mme Charras

Avocats :

Mes Azam, de Masquard de Laval, Dumaine.

TGI Toulouse, 3e ch. corr., du 10 janv. …

10 janvier 2000

Rappel de la procédure:

Le jugement:

Le tribunal, par jugement en date du 10 janvier 2000, a déclaré:

- D Philippe André coupable de tromperie sur la nature, la qualité, l'origine ou la quantité d'une marchandise, le 17 janvier 1997, à Muret, infraction prévue par l'article L. 213-1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 213-1, L. 216-2, L. 216-3 du Code de la consommation

- L Jean-Marc coupable de tromperie sur la nature la qualité, l'origine ou la quantité d'une marchandise, le 17 janvier 1997, à Muret, infraction prévue par l'article L. 213-1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 213-1, L. 216-2, L. 216-3 du Code de la consommation

Et par application de ces articles, a condamné:

* D Philippe André à 4 000 F d'amende,

* L Jean-Marc à 4 000 F d'amende.

Sur l'action civile:

- a alloué à la Confédération Syndicale des Familles 2 000 F à titre de dommages-intérêts et 1 500 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale,

- a alloué à l'organisation Générale des Consommateurs 2 000 F à titre de dommages-intérêts et 500 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

Les appels:

Appel a été interjeté par:

Monsieur L Jean-Marc, le 11 janvier 2000

Monsieur D Philippe, le 12 janvier 2000

M. le Procureur de la République, le 13 janvier 2000 contre Monsieur L Jean-Marc, Monsieur D Philippe

Décision:

Le 17 janvier 1997, M. Toulouse a acquis, auprès de la SA Gam - concessionnaires Citroën à Muret - un véhicule d'occasion Rover.

Des incidents mécaniques se sont manifestés à plusieurs reprises et ils ont été réparés, les réparations ayant été prises en charge par le garage vendeur au titre de la garantie contractuelle.

En décembre 1997, M. Toulouse a fait examiner ce véhicule par le Cabinet Tallier lequel a conclu, dans un rapport non contradictoire, que le véhicule avait été accidenté et réparé, sans respecter les normes du constructeur, et qu'il présentait des anomalies pouvant perturber les conditions d'utilisation.

M. Toulouse a fait établir un devis de travaux, en 1998;

La SA Gam a proposé la remise en état du véhicule, M. Toulouse a refusé et demandé sa reprise à la valeur au moment de la vente; aucun accord n'est alors intervenu.

M. Toulouse a déposé plainte.

Parallèlement, le garage Gam a fait désigner un expert, en référé, au contradictoire de M. Toulouse; l'expert commis a déposé un premier rapport en février 1999.

Au vu des conclusions de l'expert judiciaire, le garage Gam et M. Toulouse ont transigé; ultérieurement, les opérations d'expertise ont été étendues à M. L et à M. Mehessy et l'expert a déposé un second rapport en février 2001.

La plainte déposée par M. Toulouse a été instruite, la gendarmerie de Muret ayant diligenté une enquête préliminaire.

Il a été établi que le véhicule Rover avait été repris le 6 décembre 1996 par la SA Gam à M. Jean Marc L, qui achetait une voiture neuve.

Il a été établi qu'avant la cession de décembre 1996, le véhicule avait été accidenté, en juin 1996 et réparé par le garage BI-Meca exploité par M. Mehessy; à l'occasion des travaux de réparation, la voiture avait été passée au marbre.

C'est dans ces circonstances que, l'enquête ayant été clôturée, M. Dallard, Directeur de la société Gam, a été cité devant le tribunal correctionnel pour avoir trompé M. Toulouse sur les qualités substantielles du véhicule Rover, en l'espèce sur la survenance d'un accident ayant nécessité un passage au marbre, et que M. L a été pareillement cité à la même audience pour la même infraction.

M. Toulouse, avisé en qualité de victime, a fait savoir que la société Gam lui avait repris le véhicule et il a retiré sa plainte.

Le tribunal a statué par jugement correctionnel du 10 janvier 2000.

Il a déclaré les deux prévenus coupables des faits reprochés et les a condamnés à une amende délictuelle d'un montant, pour chacun, de 4 000 F.

Sur l'action civile la Confédération Syndicale des Familles et l'Organisation générale des Consommateurs ont été déclarées recevables dans leur constitution de partie civile et MM. D et L ont été condamnés solidairement à payer à chaque association la somme de 2 000 F à titre de dommages-intérêts outre des frais irrépétibles respectivement de 1 500 F et de 500 F.

M. L et M. D ont relevé appel des dispositions pénales et civiles du jugement, le Procureur de la République a relevé appel des dispositions pénales.

A l'audience du 28 mai 2002, devant la cour:

- la Confédération Syndicale des Familles - CSF - représentée, a, par conclusions déposées à l'audience, demandé la confirmation du jugement et l'allocation de la somme complémentaire de 380 euros par application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale,

- l'Organisation Générale des Consommateurs - ORGECO - représentée a demandé, oralement, la confirmation du jugement et l'allocation de 150 euros en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale,

- l'Avocat général a fait observer que, si M. L avait parlé de l'accident, il l'avait sous-estimé et que M. D n'avait pas été attentif de façon suffisante, surtout pour un professionnel; il a requis la confirmation du jugement,

- M. D, comparant et assisté a, oralement et par conclusions, demandé la relaxe.

Il soutient qu'il n'y a pas de tromperie; il expose en effet que M. L a volontairement minimisé, pour mieux les occulter, la gravité et les conséquences de l'accident pour négocier un prix de reprise maximum; il affirme que, lors de la reprise, la société Gam a procédé aux vérifications d'usage et que, d'ailleurs, en mai 1997, ni le garage Rover de Pinsaguel ni les Ets Dac Auto Bilan de Muret n'ont révélé l'existence d'un passage au marbre du véhicule.

Il ajoute qu'il a été révélé, au cours des opérations d'expertise judiciaire, que M. Toulouse avait été, lui-même, victime d'un accident - un choc sur le soubassement - qu'il avait dissimulé et que l'expert avait passé sous silence, cet accident ayant une incidence sur l'approche du dossier et sur l'appréciation des responsabilités, introduisant le doute et justifiant la relaxe.

Il considère que les traces de prise de mordaches relevées par l'expert judiciaire - qui n'a pas été commis dans le cadre d'une expertise pénale - ont pu passer inaperçues malgré les contrôles parce que très peu visibles et que donc l'élément intentionnel n'est pas caractérisé.

- M. L, comparant et assisté a fait valoir que la société Gam avait caché pendant l'enquête de gendarmerie, mais remis à l'expert, un document qui l'innocente, la fiche signalétique dans laquelle il a indiqué qu'un accident s'était produit.

Il ajoute qu'il est impossible que le garage Gam n'ait pas vu les traces, l'expert judiciaire ayant bien relevé que les traces de griffes subsistaient sur le bas de caisse et qu'elles étaient visibles par un contrôle visuel.

Il sollicite sa relaxe.

Il verse à la procédure les deux rapports d'expertise rédigés par l'expert judiciaire dans le cadre de l'instance civile, contradictoires.

Sur la responsabilité pénale de M. L

Les parties produisent une attestation signalétique du véhicule signée par M. L sous la mention lu et approuvé; elle mentionne:

"LE VEHICULE A-T-IL FAIT L'OBJET D'UN ACCIDENT: oui

Si oui, en préciser la nature et l'importance: pas grave"

Alors que M. L a reconnu à l'audience devant la cour "qu'il y avait quelque chose d'enfoncé sur la carrosserie", cette indication d'un accident "pas grave" ne renvoie pas à l'accident intervenu six mois plus tôt, ayant nécessité des travaux pour un premier montant de 23 680,27 F (outre des additifs) avec passage au marbre; il a d'ailleurs admis, lors de son audition, qu'il n'avait pas "dramatisé" l'état de sa voiture, pour obtenir une bonne reprise, ainsi que l'ont relevé les premiers juges.

La cour considère, comme le tribunal, que, bien que n'étant pas un professionnel de la vente d'automobile, il ne pouvait ignorer les conséquences graves de l'accident survenu avant la vente et sur lesquelles il ne s'est pas expliqué.

Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il l'a déclaré coupable des faits reprochés et condamné à une amende délictuelle de 600 euros (4 000 F) adaptée aux circonstances de l'infraction.

- Sur la responsabilité de M. D

Ce dernier a bien reconnu, devant le tribunal, qu'il n'avait pas informé son acquéreur, M. Toulouse, de l'existence d'un accident.

Il est constant que le véhicule litigieux présentait des traces révélatrices, pour un professionnel, de son passage au marbre.

L'expert consulté par M. Toulouse les a relevées en décembre 1997, l'expert judiciaire les a relevées ultérieurement.

S'il est exact que M. Toulouse a eu, postérieurement à l'acquisition du véhicule, un accrochage, cet incident se manifeste par l'enfoncement du carter inférieur sans altération de son étanchéité et de son fonctionnement, par l'existence de rayures sur la traverse centrale du berceau (cf rapport d'expertise judiciaire de février 2001, p. 16-26).

Pour un professionnel, de telles traces ne peuvent être confondues avec les traces de griffes subsistantes sur le bas de caisse, consécutives au passage au marbre et qui pouvaient être appréhendées par un simple contrôle visuel.

Ainsi la cour retient, comme le tribunal dont elle adopte les motifs que M. D responsable du garage Gam, professionnel de la vente des véhicules automobiles, n'a pas donné à son acquéreur les informations nécessaires sur les qualités substantielles du véhicule litigieux.

Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il l'a déclaré coupable des faits reprochés et condamné à une amende délictuelle de 600 euros (4 000 F) adaptée aux circonstances de l'infraction.

- Sur l'action civile:

Il convient de confirmer le jugement déféré dans toutes ses dispositions et, y ajoutant, de condamner solidairement MM. L et D aux dépens de l'action civile et au paiement de la somme complémentaire de 75 euros à chacune des deux parties civiles au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, En la forme, Déclare les appels recevables, Au fond, Confirme le jugement du Tribunal correctionnel de Toulouse du 10 janvier 2000 en toutes ses dispositions tant sur l'action publique que sur l'action civile, Rappelle que la présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 120 euros dont est redevable chaque condamne Prononce la contrainte par corps, s'il y a lieu de l'exercer, conformément aux dispositions de l'article 750 du Code de procédure pénale Condamne solidairement MM. L et D aux dépens de l'action civile ainsi qu'au paiement complémentaire de la somme de 75 euros à chacune des parties civiles en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale. Le tout en vertu des textes susvisés.