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Décisions

CCE, 29 novembre 2000, n° 2001-247

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

Aide appliqué par l'Espagne en faveur de la compagnie maritime Ferries Golfo de Vizcaya

Comm. CE, du 7 juin 1995

7 juin 1995

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

Vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 88, paragraphe 2, premier alinéa, vu l'accord sur l'Espace économique européen, et notamment son article 62, paragraphe 1, point a), après avoir mis les intéressés en demeure de présenter leurs observations, conformément aux articles précités (1), et compte tenu desdites observations, considérant ce qui suit:

I. PROCÉDURE

(1) À la suite d'une plainte déposée le 21 septembre 1992, la Commission a été informée que l'Espagne avait instauré un régime d'aide en faveur de la compagnie maritime Ferries Golfo de Vizcaya (déclaration d'intention du 9 juillet 1992). Les 16 mars, 13 avril et 19 avril 1993, trois autres plaintes ont été déposées. Par courrier du 1er avril 1993, l'Espagne a fait parvenir des informations complémentaires à la Commission.

(2) Par courrier du 13 octobre 1993, la Commission a notifié à l'Espagne sa décision d'engager la procédure prévue à l'article 93 (aujourd'hui article 88), paragraphe 2, du traité concernant cette aide (affaire C-32-93). Le 10 novembre 1993, l'Espagne a indiqué que l'aide serait suspendue. La décision de la Commission d'engager la procédure a été publiée au Journal officiel des Communautés européennes (2). La Commission a invité les parties intéressées à présenter leurs observations concernant l'aide en question. La Commission a reçu les observations formulées par les intéressés. Les autorités espagnoles ont exposé leurs arguments par courrier du 25 janvier 1994.

(3) Le 27 mars 1995, les avocats de Ferries Golfo de Vizcaya ont informé la Commission que le régime d'aide avait été modifié le 7 mars 1995. Le 7 juin 1995, la Commission, parvenue à la conclusion que le régime ne constituait pas une aide, a décidé de clôturer la procédure et informé le Gouvernement espagnol de sa décision par courrier du 11 juillet 1995 (3).

(4) Par l'arrêt du 28 janvier 1999 rendu dans l'affaire T-14-96: Bretagne, Angleterre, Irlande (BAI) contre Commission (4), le Tribunal de première instance des Communautés européennes a annulé la décision de la Commission du 7 juin 1995.

(5) À la lumière de l'arrêt du Tribunal, la Commission a décidé, le 26 mai 1999, d'étendre la procédure engagée en 1993 concernant l'accord du 9 juillet 1992 (premier accord) afin d'y inclure également l'accord conclu entre le Conseil provincial de Biscaye et Ferries Golfo de Vizcaya le 7 mars 1995 (second accord). La Commission a informé l'Espagne de sa décision par courrier du 16 juin 1999.

(6) Cette décision a été publiée au Journal officiel des Communautés européennes (5). La Commission a invité les parties intéressées à lui présenter leurs observations concernant l'aide en question. La Commission a reçu les observations formulées par les intéressés et les a transmises aux autorités espagnoles pour leur permettre de faire leurs commentaires.

(7) Les autorités espagnoles ont exposé leurs arguments par courrier du 21 octobre 1999 et formulé des observations complémentaires le 8 février 2000 et le 6 juin 2000.

II. DESCRIPTION DÉTAILLÉE DE L'AIDE

(8) L'accord initial conclu le 9 juillet 1992 entre, d'une part, le Conseil provincial de Biscaye et le ministère du Commerce, de la Consommation et du Tourisme du Gouvernement basque et, d'autre part, la société Ferries Golfo de Vizcaya a été suspendu et remplacé par l'accord passé le 7 mars 1995 entre le Conseil provincial de Biscaye et la société Ferries Golfo de Vizcaya.

II.1. Accord initial (déclaration d'intention du 9 juillet 1992) conclu entre, d'une part, le Conseil provincial de Biscaye et le ministère du Commerce, de la Consommation et du Tourisme du Gouvernement basque et, d'autre part, la société Ferries Golfo de Vizcaya

(9) L'accord conclu en 1992 par les autorités autonomes basques et la compagnie maritime Ferries Golfo de Vizcaya (6) stipulait que cette dernière assurerait une liaison régulière aller et retour entre Bilbao et Portsmouth deux fois par semaine (sauf pendant trois semaines en basse saison) et veillerait, en ce qui concerne la composition de l'équipage et la fourniture des services de restauration à bord du navire, à donner la préférence à des personnes et entreprises de la province de Biscaye et de la Communauté autonome basque. L'accord stipulait aussi que Ferries Golfo de Vizcaya installerait des bureaux de tourisme dans tous les ports desservis.

(10) L'accord prévoyait également que le Conseil provincial de Biscaye et le Gouvernement basque s'engageraient à acquérir un certain nombre de bons de voyage auprès de la compagnie entre 1993 et 1996. Les autorités basques comptaient distribuer ces bons, qui pouvaient être échangés dans le mois contre des titres de voyage, à des personnes issues de catégories défavorisées dans le cadre d'une politique culturelle et sociale. Entre mars 1993 et mars 1996, les autorités autonomes basques ont acquis 26 000 bons de voyage représentant une somme totale de 911 800 000 pesetas espagnoles. Les autorités autonomes basques se sont engagées à payer les bons même si les voyages n'étaient pas effectués pour des raisons indépendantes de la volonté de la compagnie Ferries Golfo de Vizcaya.

(11) L'accord précisait en outre que, au cas où les résultats d'exploitation du service seraient positifs, le montant des recettes serait déduit des versements mensuels effectués par les autorités autonomes basques. En revanche, au cas où les résultats seraient négatifs, lesdites autorités s'engageaient à payer à Ferries Golfo de Vizcaya la différence entre le montant des versements partiels effectués et le montant de la somme totale convenue.

(12) Du fait de la procédure engagée, l'accord initial a été suspendu et il a été demandé à Ferries Golfo de Vizcaya de constituer une provision à partir des sommes perçues, intérêts compris. Le 7 mars 1995, le Conseil provincial de Biscaye a conclu un nouvel accord avec Ferries Golfo de Vizcaya.

II.2. Accord conclu le 7 mars 1995 entre le Conseil provincial de Biscaye et la société Ferries Golfo de Vizcaya

(13) Le second accord, qui portait sur une période de quatre ans (de janvier 1995 à décembre 1998), stipulait que l'entreprise Ferries Golfo de Vizcaya assurerait et promouvrait une liaison régulière aller et retour entre Bilbao et Portsmouth deux fois par semaine (sauf pendant trois semaines en basse saison) en faisant appel à un équipage mixte britannique-espagnol et à des fournisseurs de biens et services britanniques et espagnols.

(14) Il était également prévu que le Conseil provincial de Biscaye acquerrait auprès de l'entreprise un certain nombre de bons de voyage et les distribueraient à des personnes des catégories les plus défavorisées afin de leur donner la possibilité d'effectuer des voyages à l'étranger. Les bons seraient échangeables contre des titres de voyage pouvant être utilisés même en dehors de la période initialement prévue, pour autant que ce fût en basse saison et qu'il y eût des places. Les autorités autonomes basques se sont engagées à acquérir un total de 46 500 bons entre janvier 1995 et décembre 1998 pour une valeur de 985 500 000 pesetas. Le prix a été calculé à partir du tarif commercial prévu en basse saison pour les années en question, auquel a été appliquée une remise tenant compte de l'engagement d'acquisition à long terme pris par le Conseil provincial de Biscaye.

II.3. Motifs justifiant d'engager la procédure

(15) Le 29 septembre 1993, la Commission a estimé que le premier accord constituait une aide puisque la compagnie maritime était financée par les autorités autonomes basques selon des modalités inhabituelles sur le marché et que l'élément de risque commercial était éliminé au bénéfice de Ferries Golfo de Vizcaya. Ont été avancés les quatre arguments suivants:

a) le fait que les autorités autonomes soient convenues d'acquérir un certain nombre de bons de voyage pour une période de trois ans au lieu de les acquérir en fonction des besoins;

b) le fait qu'elles garantissent un prix d'achat des bons supérieurs au tarif commercial convenu;

c) le fait que les autorités autonomes se soient engagées à payer ces bons même si les voyages n'étaient pas effectués ou s'ils étaient détournés vers d'autres ports pour des raisons indépendantes de la volonté de Ferries Golfo de Vizcaya et

d) le fait qu'elles se soient engagées à résorber les pertes de la compagnie.

(16) La Commission a également estimé que le régime d'aide ne remplissait pas les conditions pour bénéficier d'une des dérogations prévues à l'article 92 (aujourd'hui article 87), paragraphes 2 et 3, du traité.

(17) En ce qui concerne le second accord, à la lumière de l'arrêt du Tribunal de première instance rendu le 28 janvier 1999, la Commission a estimé, dans sa décision du 26 mai 1999 visant à étendre la procédure, que ledit accord semblait également entrer dans le champ d'application de l'article 92 (aujourd'hui article 87), paragraphe 1, du traité.

(18) La Commission a indiqué que les autorités autonomes basques n'avaient pas démontré qu'elles nécessitaient davantage de bons de voyage dans le cadre du second accord que dans celui du premier (46 500 au lieu de 26 000). Elle a supposé que le nombre de bons avait été artificiellement augmenté pour compenser la baisse du prix des bons, dans le but de maintenir l'aide financière publique au niveau initialement convenu, et elle est parvenue à la conclusion que l'accord ne constituait pas une transaction commerciale normale. Elle a également souligné que le nombre de bons effectivement distribués par les autorités ne correspondait pas, loin s'en faut, au nombre de bons préalablement acquis. Elle a ajouté que le fait d'autoriser la compagnie Ferries Golfo de Vizcaya à conserver la somme reçue conformément au premier accord jusqu'à l'entrée en vigueur du second est un autre élément qui corrobore le caractère anticommercial de l'accord.

(19) En outre, la Commission a établi que l'aide accordée par les autorités autonomes basques à Ferries Golfo de Vizcaya pouvait avoir des conséquences sur le commerce entre États membres et fausser la concurrence car l'entreprise fournissait des services entre deux États membres et était en concurrence avec d'autres opérateurs communautaires. Enfin, elle a indiqué que, à son avis, le régime ne pouvait, en principe, donner lieu à aucune des dérogations prévues à l'article 92 (aujourd'hui article 87), paragraphes 2 et 3, du traité.

III. OBSERVATIONS DES INTÉRESSÉS

(20) Une fois la procédure engagée, la Commission a reçu de la part de Ferries Golfo de Vizcaya, entreprise bénéficiaire de l'aide, des observations favorables aux deux accords, et de la part de Brittany Ferries, entreprise concurrente qui exploite une ligne maritime entre Plymouth et Santander, des observations hostiles auxdits accords. L'Association des pensionnés de la guerre civile ainsi que "Automobile association services" ont manifesté leur soutien au premier accord.

(21) Ci-après sont exposées les observations formulées à propos du second accord.

Brittany Ferries

(22) Brittany Ferries a avancé que l'accord de 1995 ne constituait pas une transaction commerciale normale et que l'aide affectait les échanges entre États membres.

(23) En plus de soutenir l'analyse de la Commission effectuée à l'ouverture de la procédure, la compagnie a souligné les particularités de l'accord qui démontrent clairement que celui-ci ne constitue pas une transaction commerciale normale:

a) le nombre variable, d'un mois et d'une année à l'autre, de bons acquis;

b) la clause selon laquelle les tarifs seraient revus en cas de changement de navire de la part de Ferries Golfo de Vizcaya;

c) le fait que les autorités autonomes basques ne soient pas tenues d'échanger les bons de voyage acquis en titres de voyage;

d) les conditions relatives à la nationalité des membres de l'équipage et à la régularité de la liaison.

(24) Brittany Ferries a également fait valoir que l'aide ne pouvait donner lieu à aucune des dérogations prévues à l'article 92 (aujourd'hui article 87) du traité.

Ferries Golfo de Vizcaya

(25) À l'inverse, Ferries Golfo de Vizcaya prétendait que l'accord de 1995 avait un caractère commercial et ne constituait pas une aide. Elle a soutenu que l'acquisition anticipée par le Conseil provincial de Biscaye d'un grand nombre de billets avec une remise de prix justifiée par la quantité ne différait en rien de la pratique des opérateurs commerciaux grands consommateurs de billets touristiques. Elle a expliqué l'augmentation du nombre de bons par les motifs suivants:

a) la remise consentie sur le prix;

b) les prévisions du Conseil provincial établies à partir de l'expérience tirée de sa participation au programme Inserso mis en œuvre à l'échelle nationale et

c) le fait que son budget ait déjà été affecté.

Concernant le fait que tous les bons n'aient pas été échangés, la compagnie maritime a précisé que l'opération n'était pas encore terminée et qu'elle serait poursuivie (l'accord stipule que les bons peuvent être échangés en dehors de la période couverte par l'accord).

(26) Par ailleurs, Ferries Golfo de Vizcaya a fait valoir que la conservation des sommes remboursables après l'annulation de l'accord de 1992 n'avait généré aucun profit puisqu'elles avaient été remboursées avec intérêts.

(27) Ferries Golfo de Vizcaya a également fait valoir que, même si la Commission estimait que l'accord de 1995 ne constituait pas une véritable transaction commerciale mais une aide d'État, celle-ci devait néanmoins être approuvée.

(28) En ce qui concerne l'article 87, paragraphe 2, point a), du traité (aides à caractère social), Ferries Golfo de Vizcaya avance que, d'après les informations en sa possession, le Conseil provincial de Biscaye s'était adressé à d'autres opérateurs de transport international afin de savoir quel intérêt suscitait l'exploitation de la ligne en question.

(29) En ce qui concerne l'article 87, paragraphe 3, point c), du traité, Ferries Golfo de Vizcaya indique que l'aide devrait être approuvée parce qu'elle vise à promouvoir le développement de la Biscaye sans altérer les conditions de la concurrence. La compagnie fait valoir que "l'exploitation de la ligne par Ferries Golfo de Vizcaya a permis de doubler la taille du marché des services de transport entre l'Espagne et le Royaume-Uni sans aucun effet négatif pour Brittany Ferries".

(30) Enfin, Ferries Golfo de Vizcaya a fait valoir que, même si la Commission estimait que l'accord de 1995 constituait une aide d'État ne pouvant être approuvée, la Commission ne devait pas ordonner sa restitution puisque, à l'époque, l'aide avait été accordée légalement. Elle déclare que l'accord de 1995 a été notifié à la Commission en temps voulu et que l'aide n'a été accordée que lorsque la Commission eut pris une décision favorable le 7 juin 1995.

IV. COMMENTAIRES DES AUTORITÉS ESPAGNOLES

(31) Les autorités autonomes basques ont mis en avant que, lorsqu'elles ont conclu l'accord de 1992 avec Ferries Golfo de Vizcaya (le premier accord, qui a été annulé), elles poursuivaient deux objectifs. D'une part, elles ont agi comme un investisseur privé qui met des fonds à la disposition d'une entreprise et attend un bénéfice de son investissement. Elles indiquaient qu'elles avaient choisi une société solvable et que l'accord passé avec Ferries Golfo de Vizcaya comportait une clause en vertu de laquelle elles étaient en droit d'exiger dix pour cent des bénéfices réalisés par la compagnie au bout de trois ans d'exploitation. D'autre part, elles visaient à promouvoir les échanges et le tourisme et à contribuer au développement régional du Pays basque. À leur avis, le fait que les autorités basques fussent parties prenantes à l'accord n'entrait pas dans le champ d'application de l'article 92 (aujourd'hui article 87), paragraphe 1, du traité. Elles faisaient valoir en outre que, quand bien même on estimait que l'accord relevait de l'article 92 (aujourd'hui article 87), paragraphe 1, l'aide pouvait donner lieu à l'une des dérogations prévues à l'article 92 (aujourd'hui article 87), paragraphe 3, du traité.

(32) Les autorités autonomes basques ont également indiqué qu'il n'existait aucun élément d'aide dans l'accord de 1995 passé avec Ferries Golfo de Vizcaya, lequel visait à répondre au besoin légitime de fournir des voyages subventionnés à des Biscaïens du troisième âge et de faciliter l'accès au transport de personnes et d'institutions en Biscaye.

(33) En ce qui concerne le premier point, elles ont précisé que le Conseil provincial de Biscaye participait depuis 1988 au programme national de voyages subventionnés appelé Inserso, mais qu'elles ont décidé de résilier leur accord avec l'Inserso en 1993/1995 dans la pratique - eu égard aux problèmes rencontrés dans la mise en œuvre du programme. Les autorités autonomes basques ont expliqué qu'elles avaient mis fin à l'accord avec l'Inserso à cause de la façon dont étaient réparties les places et du nombre limité de destinations. En remplacement du programme Inserso, le Conseil provincial de Biscaye a créé son propre programme de voyages "Adineko" en 1996. Le Conseil provincial de Biscaye a déclaré que le nombre de bons nécessaires avait été estimé à partir des données du programme Inserso et précisé que le succès limité d'Adineko n'influait en rien sur la nécessité de conclure l'accord. Le Conseil provincial de Biscaye a également souligné qu'il continuerait à appliquer l'accord, au-delà de son terme, puisque la période d'échange des bons était illimitée.

(34) En ce qui concerne le second point, les autorités autonomes ont fait valoir qu'elles avaient l'obligation d'aider les personnes qui, pour des raisons imputables à leur situation économique ou sociale, devaient bénéficier de conditions particulières pour voyager. Dans la pratique, les bons de voyage ont été distribués à toutes sortes de personnes et d'institutions (par exemple, des autorités locales, des associations, des écoles professionnelles et des universités).

(35) De même, les autorités autonomes basques ont fait valoir que, même si la Commission estimait que l'accord de 1995 constituait une aide d'État, celle-ci devait être approuvée parce que l'accord en question facilitait le développement économique de la Biscaye conformément à l'article 87, paragraphe 3, point c), du traité, ou parce qu'il poursuivait des objectifs sociaux conformément au paragraphe 2, point a), dudit article, ou encore pour les deux raisons à la fois.

(36) En avançant leur premier argument, les autorités autonomes basques ont expliqué que, au début des années quatre-vingt-dix, la Biscaye traversait de sérieux problèmes économiques. Le Conseil provincial a décidé de promouvoir un service de transport entre Bilbao et Portsmouth afin d'encourager les secteurs économiques biscaïens liés au tourisme. Le Conseil provincial confia à KPMG la réalisation d'une étude de rentabilité et décida d'acquérir des bons de voyage comme moyen d'obtenir un service combiné régulier et de grande qualité.

(37) Les autorités autonomes basques ont fait valoir que leur contribution s'apparentait à une aide à l'investissement et ne constituait pas une aide au fonctionnement. Elles ont précisé qu'elles voulaient apporter une contribution minime aux coûts d'investissement initial de l'entreprise Ferries Golfo de Vizcaya et que, lorsque le système de bons de 1992 a été annulé, le Conseil provincial a envisagé de conclure un nouvel accord avec Ferries Golfo de Vizcaya pour respecter son engagement de participer aux coûts d'investissement initial du service de transport. Elles ont également indiqué que l'aide n'était pas liée aux coûts annuels de l'entreprise Ferries Golfo de Vizcaya et que la ligne était rentable.

(38) Les autorités autonomes basques en ont conclu que tout élément éventuel d'aide d'État que la Commission pourrait relever dans l'accord de 1995 devait être considéré comme une aide d'État à l'investissement en Biscaye, de caractère spécifique (7) accordée (...) en tant qu'élément fondamental de la politique du Conseil provincial de Biscaye en faveur du développement de l'économie biscaïenne. À leur avis, l'"aide" remplit les conditions prévues à l'article 87, paragraphe 3, point c), du traité car:

a) elle est nettement inférieure au niveau maximal d'aide d'État autorisé en Biscaye en 1995 (la somme versée par le Conseil provincial équivaut environ à 6,7 % des coûts d'investissement de l'entreprise Ferries Golfo de Vizcaya concernant le service);

b) l'aide contribuait au développement économique de la Biscaye (elles ont fait valoir que, jusqu'à maintenant, le service avait donné lieu à la création de 706 emplois en Biscaye et au Pays basque);

c) l'aide présentait un intérêt pour la Communauté (la Commission encourage le transport maritime à courte distance et cofinance des projets de transport dans la cadre de sa politique régionale) et

d) le régime n'avait pas d'effet négatif sur les échanges ni la concurrence (le Conseil provincial s'est adressé à tous les opérateurs pouvant être intéressés par le service; les autorités autonomes basques ont fait valoir que la liaison Bilbao-Portsmouth n'avait pas provoqué de diminution de l'activité sur la ligne Santander/Plymouth exploitée par Brittany Ferries).

(39) En ce qui concerne le second argument, les autorités autonomes basques ont indiqué que l'article 87, paragraphe 2, point a), du traité (aides à caractère social) fournit une autre base juridique permettant de justifier tout élément d'aide d'État que la Commission pourrait éventuellement relever dans l'accord de 1995. Elles ont déclaré que les bons acquis ont été distribués à des personnes qui en avaient fait la demande dans le cadre de programmes sociaux spécifiques gérés par le Conseil provincial. De plus, elles ont précisé que l'accord n'impliquait aucune discrimination à l'égard d'autres opérateurs de transport puisqu'aucun autre opérateur n'avait manifesté d'intérêt pour l'exploitation de la ligne Bilbao-Portsmouth. Elles ont également indiqué que l'étude de rentabilité de KPMG avait été envoyée à tous les opérateurs pouvant être intéressés par l'établissement de la liaison et qu'elles étaient restées en contact avec eux entre 1989 et 1991.

(40) Enfin, les autorités autonomes basques ont fait valoir que, au cas où la Commission estimerait, en dépit des arguments avancés, que l'accord de 1995 constituait une aide d'État ne pouvant être approuvée, la Commission ne devait pas ordonner sa restitution car cela irait à l'encontre des principes de sécurité juridique et de confiance réciproque. Elles ont insisté sur le fait que l'accord de 1995 avait, à l'époque, été appliqué légalement.

V. ÉVALUATION DE L'AIDE

V.1. Base juridique de l'évaluation

(41) Le seul accord qui a été appliqué intégralement - le second, conclu le 7 mars 1995 - couvrait la période comprise entre 1995 et 1998. Il a été passé alors qu'étaient en vigueur les orientations pour l'évaluation des aides d'État en faveur des compagnies de transport maritime communautaires du 3 août 1989 (8). Ces orientations ont fait l'objet d'un réexamen en 1997 à la suite de la publication des orientations communautaires sur les aides d'État au transport maritime du 5 juillet 1997 (9).

V.2. Existence et compatibilité de l'aide

V.2.1. Existence de l'aide

(42) L'article 92 (aujourd'hui article 87), paragraphe 1, du traité interdit les aides accordées au moyen de ressources d'État, qui faussent ou menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises, et qui affectent les échanges commerciaux entre États membres.

(43) Le premier accord conclu entre les autorités autonomes basques et Ferries Golfo de Vizcaya a été suspendu et les sommes perçues par Ferries Golfo de Vizcaya ont été remboursées. De ce fait, l'affaire n'avait plus d'objet.

(44) En ce qui concerne le second accord, la Commission estime qu'il entre dans le champ d'application de l'article 92 (aujourd'hui article 87), paragraphe 1, du traité.

(45) Il faut commencer par rappeler que, dans son arrêt du 28 janvier 1999 concernant cette affaire, le Tribunal de première instance a affirmé que "une mesure étatique en faveur d'une entreprise qui revêt la forme d'une convention d'achat de bons de voyage ne saurait, du seul fait que les parties s'engagent à des prestations réciproques, être exclue a priori de la notion d'aide d'État visée à l'article 92 du traité" (considérant 71). Afin d'établir si l'accord de 1995 entre dans le champ d'application de l'article 92 (aujourd'hui article 87), paragraphe 1, du traité, il faut déterminer s'il constitue une "transaction commerciale normale" (par exemple le considérant 75 de l'arrêt du Tribunal de première instance).

(46) Les autorités autonomes basques ont fait valoir que le nombre de bons de voyage fixé dans l'accord (15 000 en 1995 et en 1996, 9 000 en 1997 et 7 500 en 1998) avait été calculé à partir du nombre annuel de bénéficiaires du programme Inserso en Biscaye (à savoir quelque 15 000 personnes), c'est-à-dire du programme qu'elles comptaient supprimer et remplacer par le leur propre (programme Adineko).

(47) Sur la base des données à sa disposition, la Commission estime que le nombre total de bons de voyage acquis par le Conseil provincial de Biscaye n'a pas été fixé en fonction de ses besoins réels, et que le second accord ne constitue pas une transaction commerciale normale mais qu'il a été conclu afin de maintenir à son niveau initial l'aide contenue dans le premier accord, comme il est démontré ci-après.

V.2.1.1. Voyages subventionnés

(48) Il est impossible de soutenir que les besoins du Conseil provincial de Biscaye ont été calculés à l'aide des chiffres de l'Inserso (quelque 15 000 bénéficiaires annuels en Biscaye), comme le montre ce qui suit.

(49) Le Conseil provincial de Biscaye a décidé d'acquérir 15 000 bons de voyage auprès de Ferries Golfo de Vizcaya en 1995, alors qu'il participait encore au programme Inserso qui, en 1995, était censé bénéficier à quelque 15 000 personnes en Biscaye. Les autorités autonomes basques n'ont pas expliqué pourquoi les besoins en Biscaye ont doublé cette année-là. Elles n'ont pas indiqué non plus pourquoi seulement 9 000 et 7 500 bons de voyage (au lieu de 15 000) ont été distribués dans le cadre du programme en 1997 et 1998. Lorsque le Conseil provincial de Biscaye a décidé de s'engager à acquérir ce nombre de bons de voyage, il ignorait que le programme de l'Inserso continuerait à bénéficier aux habitants de la région (10) et que son programme ne serait pas mené à terme. Les autorités autonomes basques n'ont pas expliqué non plus pourquoi le nombre de bons de voyage acquis variait tant d'un mois à l'autre (par exemple, en janvier 1995, 750 bons ont été acquis contre 3000 en février de la même année).

(50) Le programme du Conseil provincial de Biscaye, appelé Adineko, n'a été approuvé qu'en 1996, soit après la conclusion de l'accord de 1995. Par ailleurs, il ressort des informations fournies par les autorités autonomes basques que ce programme - qui devait remplacer celui de l'Inserso et utiliser les bons de voyage acquis par le Conseil provincial de Biscaye - ne proposait qu'un nombre limité de voyages vers l'Angleterre: 2 132 en 1996 (soit 14 % du total des bons acquis dans l'année), 1 000 en 1997 (11 %), 400 en 1998 (5 %) : 3 532 au total.

V.2.1.2. Accès au transport des personnes et institutions en Biscaye

(51) Les autorités autonomes basques n'ont pas indiqué comment avaient été calculés les besoins pour l'autre volet du programme (celui censé faciliter l'accès au transport des personnes et institutions en Biscaye, distinct du volet relatif aux forfaits-vacances sur mesure accordés dans le cadre d'Inserso ou d'Adineko). Concrètement, d'après lesdites autorités, 12 520 bons de voyage ont été distribués entre 1995 et 1998 en vertu de ce programme.

(52) Par ailleurs, l'accord comporte plusieurs dispositions anormales dans un accord commercial normal d'acquisition de bons de voyage, comme par exemple:

a) l'accord précise le nombre hebdomadaire et annuel de voyages que Ferries Golfo de Vizcaya doit assurer, et indique les jours où les navires doivent naviguer (article 3 b, de l'accord) (11); l'accord stipule également que le consentement du Conseil provincial de Biscaye sera nécessaire au cas où Ferries Golfo de Vizcaya voudrait changer le navire qui assure le service (article 1er - l'article 3 a précise les activités de loisir qui doivent être proposées à bord);

b) l'article 3 a de l'accord fixe des conditions précises, comme la nationalité des membres de l'équipage, ou l'origine des biens et des services.

(53) La Commission conclut de ce qui précède que l'acquisition de bons de voyage auprès de Ferries Golfo de Vizcaya en vertu du second accord ne répondait pas aux véritables impératifs d'ordre social invoqués par les autorités autonomes basques, et ne constitue pas une transaction commerciale normale mais plutôt une aide en faveur de la compagnie maritime. Le fait que les sommes octroyées en vertu du premier accord et du second accord soient très proches (12) ne fait que corroborer cette opinion. Les autorités autonomes ont fabriqué un second programme permettant à la compagnie maritime de conserver le niveau d'aide promis en 1992.

(54) Enfin, les sommes accordées par le Conseil provincial de Biscaye à Ferries Golfo de Vizcaya affectaient de toute évidence les échanges commerciaux entre États membres et faussaient la concurrence puisque la compagnie opère entre deux États membres (le Royaume-Uni et l'Espagne) et est en concurrence avec d'autres opérateurs communautaires. Les services internationaux de transport maritime sont libéralisés depuis longtemps [voir en particulier, le règlement (CEE) n° 4055-86 du Conseil du 22 décembre 1986 portant application du principe de la libre prestation des services aux transport maritimes entre États membres et entre États membres et pays tiers (13)]. La compagnie Ferries Golfo de Vizcaya est en concurrence directe avec au moins une autre compagnie, Brittany Ferries, qui assure la liaison entre Plymouth, au Royaume-Uni, et Santander, en Espagne. Par ailleurs, il convient de signaler que la société mère de Ferries Golfo de Vizcaya, P & O, opère et est en concurrence avec d'autres opérateurs communautaires sur plusieurs autres lignes intracommunautaires. Le fait que l'activité de transport de passagers de Brittany Ferries ait augmenté pendant la période qui nous intéresse ne signifie pas que les aides n'ont pas faussé la concurrence, car cette augmentation d'activité aurait pu être plus importante si les aides n'avaient pas existé.

(55) Comme le dispose le Tribunal de première instance dans son arrêt du 28 janvier 1999 "Dans la mesure où les bons de voyage acquis par les autorités espagnoles ne peuvent être utilisés que pendant la basse saison, la prestation accrue fournie par l'entreprise ne lui impose pas, en principe, des coûts supplémentaires significatifs et, par conséquent, les effets du nouvel accord sur la concurrence et les échanges entre États membres sont les mêmes que ceux qui pouvaient être imputés à l'accord de 1992. Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l'importance relativement faible d'une aide ou la taille relativement modeste de l'entreprise bénéficiaire n'excluent pas a priori l'éventualité que les échanges entre États membres soient affectés" (considérants 76 et 77).

V.2.2. Article 92 (aujourd'hui article 87), paragraphes 2 et 3, du traité CE

(56) Par dérogation aux dispositions de l'article 92 (aujourd'hui article 87), paragraphe 1, du traité, et en vertu des paragraphes 2 et 3 du même article, certains types d'aides sont compatibles ou peuvent être considérés comme compatibles avec le Marché commun. La Commission estime que, dans l'affaire qui nous intéresse, on ne peut invoquer aucune des dérogations visées auxdits paragraphes.

(57) Les points b) et c) de l'article 92 (aujourd'hui article 87), paragraphe 2, du traité qui concernent les catastrophes naturelles et la République fédérale d'Allemagne sont, de toute évidence, inapplicables dans le cas présent.

(58) Le point a) de l'article 92 (aujourd'hui article 87), paragraphe 2, du traité dispose que sont compatibles avec le Marché commun "les aides à caractère social octroyées aux consommateurs individuels, à condition qu'elles soient accordées sans discrimination liée à l'origine des produits". Les aides octroyées par les autorités autonomes basques sont accordées à des consommateurs individuels ayant des besoins spécifiques et peuvent donc être considérées comme des "aides à caractère social octroyées aux consommateurs individuels". Toutefois, la condition fixée par le traité (sans discrimination liée à l'origine des produits) n'est pas remplie dans le cas présent. Il y a seulement eu acquisition de bons de voyage auprès de Ferries Golfo de Vizcaya, et les autorités autonomes basques n'ont pu démontrer que l'entreprise a été sélectionnée de façon transparente.

(59) Les autorités autonomes basques font valoir que le programme n'a aucun caractère discriminatoire. Cependant, les preuves apportées sont minces : les autorités affirment avoir transmis une étude de rentabilité réalisée par KPMG à tous les opérateurs éventuels et être restées en contact avec eux entre 1989 et 1991 pour savoir si l'un d'entre eux était intéressé par l'établissement d'une liaison régulière entre Bilbao et Portsmouth. Toutefois, elles n'ont jamais prétendu ni démontré qu'elles avaient pris contact avec des compagnies autres que Ferries Golfo de Vizcaya lorsqu'elles ont décidé en 1995 d'acquérir des bons de voyage dans le cadre de leur programme social. Pour toutes ces raisons, il faut admettre que les aides favorisaient Ferries Golfo de Vizcaya.

(60) Par ailleurs, il convient de signaler que d'autres compagnies auraient pu être intéressées par le transport de ces passagers vers le Royaume-Uni par une autre route. Les autorités autonomes basques auraient pu atteindre les mêmes objectifs à caractère social grâce à des offres de voyages diversifiées (par exemple, en faveur d'autres régions d'Espagne ou - si le programme devait avoir une dimension internationale - vers d'autres pays voisins comme la France ou le Portugal).

(61) Pour cette raison, les aides ne peuvent relever des dispositions de l'article 92 (aujourd'hui article 87), paragraphe 2, point a), du traité.

(62) L'article 92 (aujourd'hui article 87), paragraphe 3 du traité, dispose que d'autres types d'aides peuvent être considérés comme compatibles avec le Marché commun. Les points a), b), d) et e) ne peuvent s'appliquer au cas présent.

(63) Le point c) prévoit que "les aides destinées à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques, quand elles n'altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun" peuvent être considérées comme compatibles avec le Marché commun.

(64) Pour les raisons exposées plus haut, la Commission estime que les aides octroyées par les autorités autonomes basques à Ferries Golfo de Vizcaya ne peuvent être considérées comme des aides à caractère régional ou sectoriel compatibles avec le Marché commun car il s'agit d'aides au fonctionnement (14) dépourvues, en outre, d'effet incitatif, puisqu'elles ont été accordées bien après que les services ont commencé à être opérationnels (15).

(65) Du point de vue de la politique régionale, les autorités autonomes basques et Ferries Golfo de Vizcaya a fait valoir que les aides pouvaient être approuvées étant donné qu'elles favorisaient le développement économique de la Biscaye sans effet de distorsion de la concurrence sur les liaisons maritimes britannico-espagnoles.

(66) La Commission est d'avis que les aides octroyées à une entreprise précise ne peuvent être considérées comme des aides régionales accordées à la Biscaye en dépit des effets qu'elles aient produits sur l'économie de ladite région (16). Toute activité exercée dans une région influe sur l'économie de la région en question. Et toute aide octroyée à une entreprise d'une région déterminée a forcément un effet quelconque mais cela n'en fait pas une véritable aide régionale.

(67) Les chiffres fournis par les autorités espagnoles illustrent les effets du nouveau service de transbordeurs sur l'économie, mais les aides qui nous intéressent ont été octroyées entre 1995 et 1998, bien après que les services de Ferries Golfo de Vizcaya ont commencé à être opérationnels. Les autorités autonomes basques n'indiquent pas quelle répercussion a pu avoir l'aide ni si les effets de ces services sur l'économie auraient été très différents en l'absence d'aide. Pour toutes ces raisons, il est difficile de soutenir que l'aide a servi à promouvoir le développement de la région.

(68) En tout cas, même si les aides avaient eu un caractère régional, elles n'auraient pas pu être considérées comme compatibles avec le Marché commun car ce sont des aides au fonctionnement et non des aides à l'investissement comme le soutenaient les autorités autonomes basques.

(69) Les aides n'étaient liées à aucun investissement précis effectué par la compagnie. On ne peut pas non plus prétendre que les autorités autonomes basques ont contribué, au moyen des aides de 1995, aux investissements effectués par Ferries Golfo de Vizcaya en 1992, quand les services ont commencé à être opérationnels. Les autorités autonomes ont simplement augmenté les revenus de la compagnie par l'acquisition de billets. Par conséquent, l'aide est incontestablement une aide au fonctionnement.

(70) Du point de vue de la politique sectorielle, la Commission estime que les aides ne peuvent pas être considérées comme compatibles avec le Marché commun car "destinées à faciliter le développement de certaines activités" pour autant qu'elles "n'altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun".

(71) Les aides ne répondent pas aux critères établis par la Commission dans ses orientations pour l'évaluation des aides d'État en faveur des compagnies de transport maritime communautaires du 3 août 1989 et ses orientations communautaires sur les aides d'État au transport maritime du 5 juillet 1997 visées au considérant 41.

(72) Les orientations de 1989 disposaient que, même si certains types d'aides qui y figurent (comme la fiscalité spéciale concernant des activités maritimes déterminées) pourraient être considérés comme compatibles avec le Marché commun, "tout autre type d'aide au fonctionnement (...) est en principe incompatible avec le Marché commun". Dans les orientations de 1997, le principe de base reste valable. Le type d'aide octroyée à Ferries Golfo de Vizcaya ne correspond pas à celles autorisées dans les orientations (allégements fiscaux et réduction des charges sociales en faveur des compagnies et des marins).

(73) Le fait que le service ait été rentable ou que les aides n'aient pas été liées aux coûts ou pertes annuelles de Ferries Golfo de Vizcaya n'a aucune incidence sur les présentes conclusions.

V.3. Restitution de l'aide

(74) Les autorités autonomes basques et Ferries Golfo de Vizcaya ont fait valoir que, même si la Commission concluait que l'accord de 1995 constituait une aide d'État ne pouvant être approuvée, la Commission ne devait pas réclamer son remboursement car cela trahirait leur confiance légitime. La Commission ne peut partager cet avis. Comme l'a déclaré la Cour de justice dans son arrêt du 14 janvier 1997, dans l'affaire C-169-95 : Espagne contre Commission (17), "compte tenu du caractère impératif du contrôle des aides étatiques opéré par la Commission au titre de l'article 93 du traité, les entreprises bénéficiaires d'une aide ne sauraient avoir, en principe, une confiance légitime dans la régularité de l'aide que si celle-ci a été accordée dans le respect de la procédure prévue par ledit article. En effet, un opérateur économique diligent doit normalement être en mesure de s'assurer que cette procédure a été respectée. Or, il n'est pas contesté que les aides litigieuses ont, contrairement aux obligations imposées aux États membres par l'article 93, paragraphe 3, du traité, été octroyées sans avoir été préalablement notifiées. La circonstance que la Commission a initialement décidé de ne pas soulever d'objections aux aides litigieuses ne peut pas être considérée comme susceptible d'avoir fait naître une confiance légitime de l'entreprise bénéficiaire dès lors que cette décision a été contestée dans les délais de recours contentieux, puis annulée par la Cour. Pour regrettable qu'elle soit, l'erreur ainsi commise par la Commission ne saurait effacer les conséquences du comportement illégal du Royaume d'Espagne. Dans ces conditions, la décision attaquée ne peut, ni en tant qu'elle prescrit le remboursement des aides litigieuses ni en tant qu'elle prescrit également le versement d'intérêts, être regardée comme portant atteinte à la confiance légitime de l'entreprise bénéficiaire desdites aides" (considérants 51 à 54).

(75) D'une façon générale, pour que l'octroi d'une aide soit conforme aux dispositions de l'article 93 (aujourd'hui article 88), paragraphe 3, du traité, l'aide doit être notifiée à la Commission par l'État membre et ne doit pas être mise à exécution avant que la Commission n'ait pris une décision définitive. Ces conditions ne sont pas remplies dans le cas présent.

(76) La décision adoptée par la Commission en 1995 concernant Ferries Golfo de Vizcaya a été contestée dans les délais prévus devant le Tribunal de première instance qui l'a annulée par la suite. Selon une jurisprudence constante, l'annulation de l'autorisation prive l'aide de tout fondement juridique conforme au droit communautaire, la rendant en principe illégale à l'origine.

(77) En tout état de cause, il convient d'établir que, même si les sommes ont été versées à Ferries Golfo de Vizcaya après la décision favorable de la Commission du 7 juin 1995, l'accord, qui prévoyait la réalisation des versements à partir de janvier 1995, a été conclu le 7 mars 1995, à savoir plusieurs mois avant que la Commission n'ait pris sa décision. Les aides ont par conséquent été mises à exécution avant que n'ait abouti la procédure de décision de la Commission (18). En vertu de l'arrêt du 14 janvier 1997 susmentionné, l'erreur commise par la Commission ne saurait effacer les conséquences du comportement illégal des autorités autonomes basques.

(78) La Commission relève également que l'aide n'a pas été notifiée officiellement. Le guide des procédures applicables en matière d'aides d'État et le règlement (CE) n° 659-1999 du Conseil du 22 mars 1999 portant modalités d'application de l'article 93 du traité CE (19) disposent clairement qu'il appartient aux États membres (au niveau du Gouvernement central, même si les aides sont accordées par des autorités régionales) de procéder aux notifications. La Commission estime que l'accord de 1995 n'a pas été officiellement notifié puisqu'il a été communiqué à la Commission par les avocats du bénéficiaire de l'aide le 27 mars 1995.

VI. CONCLUSIONS

(79) La Commission estime que l'Espagne a mis illégalement à exécution les aides en faveur de Ferries Golfo de Vizcaya en violation de l'article 93 (aujourd'hui article 88), paragraphe 3, du traité. Ces aides, d'un montant total de 985 500 000 pesetas espagnoles, devront être restituées par leur bénéficiaire,

A arrêté la présente décision :

Article premier

L'aide d'État instituée par l'Espagne en faveur de Ferries Golfo de Vizcaya, d'un montant de 985 500 000 pesetas espagnoles, est incompatible avec le Marché commun.

Article 2

1. L'Espagne prend toutes les mesures nécessaires pour obtenir du bénéficiaire la restitution de l'aide visée à l'article 1er, laquelle a été illégalement mise à disposition.

2. La restitution a lieu sans délai conformément aux procédures du droit national, pour autant qu'elles permettent l'exécution immédiate et effective de la présente décision. Aux aides à restituer s'ajoutent les intérêts produits entre la date à laquelle les aides ont été mises à la disposition du bénéficiaire et la date de leur restitution. Les intérêts sont calculés sur la base du taux de référence utilisé pour le calcul de l'équivalent-subvention dans le cadre des aides à finalité régionale.

Article 3

L'Espagne informe la Commission, dans un délai de deux mois à compter de la date de la notification de la présente décision, des mesures qu'elle a prises pour s'y conformer.

Article 4

Le Royaume d'Espagne est destinataire de la présente décision.

(1) JO C 70 du 8.3.1994, p. 5 et JO C 233 du 14.8.1999, p. 22.

(2) Voir note 1 de bas de page, première partie.

(3) JO C 321 du 1.12.1995, p. 4.

(4) Recueil 1999, p. II-139.

(5) Voir note 1 de bas de page, seconde partie.

(6) Ferries Golfo de Vizcaya était une filiale de la société britannique P & O European Ferries Ltd et de la société espagnole Vapores Suardiaz SA. Depuis 1994, Ferries Golfo de Vizcaya est détenue à 100 % par P & O European Ferries.

(7) Était invoqué l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 14 septembre 1994 dans les affaires C-278-92, C-279-92 et C-280-92, Espagne contre Commission (Recueil 1994, p. I-4103).

(8) Annexe 1 des mesures financières et fiscales relatives à l'exploitation des navires immatriculés dans la Communauté, SEC (89) 921 final.

(9) JO C 205 du 5.7.1997, p. 5.

(10) Bien que le Conseil provincial de Biscaye ait cessé de participer au programme.

(11) La compagnie Ferries Golfo de Vizcaya peut modifier la planification de ses services pour des raisons commerciales uniquement après en avoir informé le Conseil provincial de Biscaye.

(12) 911 800 000 pesetas espagnoles en venu du premier accord et 985 500 000 pesetas espagnoles en vertu du second.

(13) JO L 378 du 31.12.1986, p. 1.

(14) Arrêt du Tribunal de première instance du 8 juin 1995 dans l'affaire T-459-93: Siemens contre Commission, Recueil 1995, p. II-1675.

(15) Arrêt de la Cour de justice du 17 septembre 1980 dans l'affaire 730-79; Philip Morris Holland BV contre Commission, Recueil 1980, p. 2671.

(16) Point 2 des lignes directrices concernant les aides d'État à finalité régionale (JO C 74 du 10.3.1998, p. 9).

(17) Recueil 1997, p. I-0135.

(18) Ce point a été développé par la Commission dans sa lettre aux États membres du 27 avril 1989 [réf. SG (89) D-5521].

(19) JO L 83 du 27.3.1999, p. 1.