Cass. com., 21 janvier 2004, n° 02-11.543
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
L'Elect développement (SA)
Défendeur :
Lopez (consorts), Cat-Lo (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Tricot
Rapporteurs :
Mme Champalaune, M. Métivet
Avocat général :
M. Viricelle
Avocats :
Mes Haas, Le Prado.
LA COUR: - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par acte du 25 juillet 1996, M. Jean-Pierre Lopez, agissant en qualité de président directeur général de la société L'Elect, a fait promesse et s'est porté fort pour Mme Rose-Marie Lopez, son épouse, et M. Olivier Lopez, son fils, de céder les parts du capital social de la société L'Elect, ayant pour activité l'installation électrique, à M. Gimenez, lequel s'est ultérieurement substitué la société Elect développement (société Elect); que cet acte contenait une clause aux termes de laquelle le promettant s'est interdit expressément la faculté d'exploiter, diriger, directement ou indirectement, aucun fonds de commerce similaire en tout ou partie à celui vendu, de s'intéresser, même à titre d'associé ou de commanditaire, à un fonds de commerce de même nature, et ce pendant une durée de cinq ans et dans une zone géographique déterminée; que se prévalant notamment de la violation de cette clause par les consorts Lopez à raison de leur activité dans la société Cat-Lo, la société Elect les a assignés en réparation de son préjudice;
Sur le moyen unique, pris en ses première et troisième branches: - Attendu que la société Elect fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté l'action en responsabilité qu'elle a engagée à l'encontre de M. Jean-Pierre Lopez, Mme Rose-Marie Lopez et M. Olivier Lopez en raison de la violation par eux de la clause de non-concurrence, alors, selon le moyen: 1°) que celui qui viole une clause de non-concurrence insérée dans un acte de cession d'actions s'oblige à réparation; qu'en l'espèce, il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que, par acte du 25 juillet 1996, M. Jean-Pierre Lopez, ainsi que son épouse, Mme Rose-Marie Lopez et leur fils, Olivier Lopez, pour lesquels il s'était porté fort, se sont engagés à l'égard de la société Elect développement par une clause de non-concurrence en "s'interdisant expressément la faculté d'exploiter, diriger, directement ou indirectement, aucun fonds de commerce similaire en tout ou partie à celui vendu, de s'intéresser même à titre d'associé ou de commanditaire, à un fonds de commerce de même nature"; qu'il est constant que, bien que la société Elect développement ait pour objet social les travaux d'électricité, la société Cat-Lo dont le capital était détenu jusqu'en 1999 par Mme Rose-Marie Lopez (120 parts) et ses enfants, Monsieur Olivier Lopez (250) et Mlle Catherine Lopez (130), puis, à partir de 1999, par M. Olivier Lopez (251) et sa compagne, Célia Giraud (249) a étendu son activité au domaine des travaux d'électricité; qu'il résulte des constatations souveraines de l'arrêt attaqué que Mme Rose-Marie Lopez, M. Jean-Pierre Lopez et M. Olivier Lopez sont tous trois employés par la SARL Cat-Lo; qu'il en résulte qu'en contravention aux dispositions de l'acte du 25 juillet 1996, ceux-ci "s'intéressent" nécessairement à la SARL Cat-Lo, quand bien même le gérant en titre serait Mme Claude Giraud, la belle-mère de M. Olivier Lopez; qu'en considérant cependant qu'il n'existait pas "d'actes personnels de concurrence proscrits par l'acte du 25 juillet 1996", la cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil; 2°) que celui qui viole une clause de non-concurrence insérée dans un acte de cession d'actions s'oblige à réparation; qu'en l'espèce, il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que par acte du 25 juillet 1996, Mme Rose-Marie Lopez s'est engagée à l'égard de la société Elect développement par une clause de non-concurrence en "s'interdisant expressément la faculté d'exploiter, diriger, directement ou indirectement, aucun fonds de commerce similaire en tout ou partie à celui vendu, de s'intéresser même à titre d'associé ou de commanditaire, à un fonds de commerce de même nature"; que pour rejeter l'action en responsabilité contractuelle engagée par la société Elect développement dirigée contre Mme Rose-Marie Lopez, la cour d'appel s'est bornée à relever que "même à supposer que Mme Lopez reste sur les lieux de son travail plus longtemps que ne le stipule son contrat, cela n'en fait pas pour autant une dirigeante de fait de la SARL Cat-Lo"; qu'en se contentant de constater que Mme Lopez n'était pas dirigeante de fait de la SARL Cat-Lo, sans rechercher si l'attitude de Mme Lopez ne démontrait pas qu'elle exploitait, directement ou indirectement, le fonds de la SARL ou qu'à tout le moins elle s'y intéressait, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1147 du Code civil; 3°) que toute décision de justice devant se suffire à elle-même, il ne peut être suppléé au défaut ou à l'insuffisance de motifs par le seul visa de documents ne faisant l'objet d'aucune analyse; que pour considérer que MM. Jean-Pierre Lopez et Olivier Lopez n'avaient pas violé leurs engagements contenus dans l'acte de cession d'actions du 25 juillet 1996, la cour d'appel a relevé simplement que "leurs faits et gestes", "tels qu'ils sont relatés par les attestations produites par la société l'Elect développement, ne permettent pas d'en tirer la conclusion d'actes personnels de concurrence proscrits par l'acte du 25 juillet 1996"; qu'en statuant ainsi, sans aucune analyse du contenu desdites attestations permettant à la Cour de cassation d'exercer son contrôle, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile;
Mais attendu qu'aux termes de la clause litigieuse, les vendeurs s'interdisaient d'exploiter, diriger, directement ou indirectement, aucun fonds de commerce similaire en tout ou partie à celui vendu, de s'intéresser, même à titre d'associé ou de commanditaire, à un fonds de commerce de même nature;qu'en décidant, après avoir estimé que le fait que Mme Lopez reste sur les lieux de son travail plus longtemps que ne le stipule son contrat, n'en faisait pas une dirigeante de fait de la SARL Cat-Lo, et que les faits et gestes de M. Jean-Pierre Lopez et de son fils Olivier, lesquels sont employés par la SARL Cat-Lo, tels qu'ils sont relatés par les attestations produites par la société Elect, ne permettent pas d'en tirer la conclusion d'actes personnels de concurrence proscrits par l'acte du 25 juillet 1996,que l'activité des consorts Lapez en qualité de salariés dans un fonds concurrent était en soi insuffisante pour caractériser un manquement à leur obligation, la cour d'appel, qui a procédé à la recherche invoquée à la troisième branche du moyen, et a souverainement apprécié les éléments de preuve qui lui étaient offerts, a pu statuer comme elle a fait et a motivé sa décision;que le moyen n'est pas fondé;
Mais sur le moyen, pris en sa deuxième branche: - Vu les articles 1134 et 1147 du Code civil; - Attendu que pour rejeter l'action dirigée contre M. Olivier Lapez, l'arrêt retient que les faits et gestes de M. Olivier Lopez, lequel est employé par la SARL Cat-Lo, tels qu'ils sont relatés par les attestations produites par l'appelante, ne permettent pas d'en tirer la conclusion d'actes personnels de concurrence proscrits par l'acte du 25 juillet 1996;
Attendu qu'en se déterminant par ces seuls motifs, sans examiner si la circonstance invoquée dans les conclusions d'appel de la société Elect que M. Olivier Lopez était l'associé majoritaire de la société Cat-Lo, ne méconnaissait pas directement la clause lui interdisant de s'intéresser même à titre d'associé ou de commanditaire, à un fonds de commerce de même nature, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision;
Par ces motifs : casse et annule, l'arrêt rendu entre les parties par la Cour d'appel de Grenoble le 25 octobre 2000 et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Lyon;