CA Nîmes, 3e ch. corr., 4 avril 2003, n° 04-00445
NÎMES
Arrêt
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Trille
Substitut :
général: M. Lapierre
Conseillers :
MM. Goedert, Fabre
Avocat :
Me Anceau.
Vu le jugement rendu par le Tribunal correctionnel de Privas le 6 février 2002 qui, statuant par décision contradictoire, déclare la prévenue coupable d'avoir à Saint-Vincent de Barres le 29 août 2000, et depuis temps non prescrit, en qualité de gérante d'un camping classé en catégorie tourisme, 2 étoiles, offert à la clientèle des prestations ne satisfaisant pas aux normes de classement applicables fixées par arrêté du 11 janvier 1993,
et, en répression, la condamne à la peine de 750 euros d'amende,
le tout par application de:
tromperie sur la nature, la qualité ou l'origine d'une prestation de services, infraction prévue par les articles L. 213-1, L. 216-1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 213-1, L. 216-3 du Code de la consommation et des articles 473 et suivants du Code de procédure pénale;
Vu les appels interjetés par A Chérifa et M. le Procureur de la République, le 12 février 2002;
Sur quoi
En la forme,
Attendu que les appels interjetés dans les forme et délai légaux sont réguliers et recevables;
Sur les exceptions de nullité:
Attendu que les conclusions, recevables en la forme pour avoir été déposées avant le rapport du Conseiller rapporteur, ne sont pas en revanche fondées;
Attendu en effet d'une part que, si la liste exhaustive de l'article 213-4 du Code de la consommation énumérant les lieux qui peuvent faire l'objet d'une inspection ou d'un contrôle de la DGCCRF ne mentionne pas expressément les campings, ces derniers entrent cependant, ainsi que l'a à juste titre rappelé le tribunal, dans le champ d'application de cette liste en tant que lieux où s'exercent les activités sur les biens ou les services qu'elle vise;
Attendu d'autre part, que la violation de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ne saurait être invoquée eu égard au caractère préliminaire des constatations effectuées par les agents de la DGCCRF qui n'imposaient pas la nécessité de la présence de la gérante, par ailleurs représentée en l'espèce par l'un de ses employés;
Que dès lors, ces nullités seront rejetées;
Au fond
Attendu qu'à la suite d'une réclamation déposée auprès de la Préfecture de l'Ardèche par cinq familles qui se plaignaient de l'état général du camping X à Saint-Vincent de Barres (07) où elles avaient séjourné, les agents de la DGCCRF de l'Ardèche se sont rendus sur les lieux le 29-08-2000 pour procéder au contrôle de l'établissement où ils ont été reçus par M. R, salarié chargé de l'accueil de la clientèle du camping;
Dans leur procès-verbal du 9 avril 2001, les agents de la DGCCRF ont relevé que l'aspect général de ce camping municipal classé en catégorie deux étoiles et exploité, en vertu d'une convention du 23 mai 1998, par la SARL Y dont est gérante Chérifa A, ne correspondait pas au niveau exigé pour un tel classement, présentant de nombreuses anomalies recensées par l'administration et numérotées par la cour ainsi qu'il suit:
1- un point d'eau situé près du bâtiment à côté du snack ne fonctionnait pas,
2- une borne électrique était cassée près des emplacements 48, 47, 46,
3- plusieurs bornes électriques étaient fixées sur des arbres à la hauteur des emplacements n° 41, 12, 33, 38 et 39, compte tenu qu'il n'y avait pas de numéros à cet endroit,
4- au milieu du terrain, un petit local fermé par une grille à moitié arrachée abritant des poubelles qui n'avaient pas été évacuées depuis longtemps, présentait un aspect négligé,
5- deux cabines de douches étaient fermées mais n'avaient pas fonctionné durant l'été,
6- un point d'eau situé près du sanitaire ne fonctionnait pas,
7- une borne à incendie était arrachée,
8- un point d'eau situé près de la salle de réunion n'avait pas d'évacuation,
9- éclairage de terrain: les lampadaires étaient en panne,
10- il n'y avait plus d'aire de jeux pour les enfants, (équipement obligatoire pour les terrains classés en catégorie deux étoiles),
11- un trou près du mur de clôture d'environ 1,50 m de circonférence, profond de 80 cm d'où sortaient divers câbles et gaines enchevêtrés, laissés en l'état après le déplacement de la cabine téléphonique qui a été installée à l'extérieur du camping présentait un danger de chute pour les campeurs, ce trou existant, selon le gardien, depuis le début de la saison.
12- le terrain de tennis présentait un aspect général très négligé: repousse d'arbustes, d'herbe, grillage décollé et mal tenu;
Attendu que Chérifa A, prévenue appelante, conclut à la réformation du jugement qui l'a déclarée coupable en ce qu'il a retenu 10 des 12 points relevés par les inspecteurs, alors qu'elle soutient pour sa part que chacune de ces constatations résulte d'une interprétation erronée des faits;
Qu'elle prétend également que:
- l'administration ayant attribué la qualité deux étoiles à son camping et les équipements de celui-ci étant conformes aux dispositions de l'arrêté du 11 janvier 1993, elle n'a pas pu commettre de tromperie, les éléments, légal et intentionnel, n'étant donc pas constitués,
- les appréciations qualitatives émanant de M. Loir, personne à l'origine de la plainte initiale, ne peuvent fonder une poursuite, l'arrêté susvisé étant purement objectif pour ne comporter aucune référence sur la qualité des prestations servies,
- ces appréciations, animées d'ailleurs par le désir de vengeance de M. Loir, sont contredites par d'autres, élogieuses, versées aux débats;
Attendu qu'il convient de constater que la convention déjà citée du 23 mai 1998 qui répartit les charges entre la commune et la SARL Y prévoit en son article 9 que la première assure tous les travaux de gros entretien et les grosses réparations et en son article 8 que la seconde doit s'occuper de tout ce qui relève du nettoyage et de l'entretien courant des installations, équipements et matériels nécessaires à l'accomplissement du service et au fonctionnement du camping municipal;
Que ce dernier article énonce notamment que la SARL Y a à sa charge l'entretien des adductions d'eau, d'électricité, de téléphone, des extincteurs, les réparations des dégâts causés aux robinets et appareils, ainsi que les dégorgements des canalisations d'évacuation desservant les biens délégués;
Qu'eu égard à l'ensemble de ces obligations, il apparaît nécessaire de constater à titre préliminaire que les insuffisances relevées par la DGCCRF, excepté cependant pour le point 8 concernant l'évacuation qui appartient au gros œuvre, entrent dans le champ d'application de la gérance du camping pour résulter soit du défaut d'entretien courant, soit de lacunes quant aux réparations;
Attendu en outre que Chérifa A ne peut arguer d'une mauvaise interprétation des autres faits dès lors que, s'agissant des points d'eau, elle reconnaît la coupure d'eau sans apporter aucune précision chronologique sur cette action, laissant seulement sous-entendre qu'elle est récente et justifiée par la présence d'un seul client;
Que cependant, rien ne permet d'établir le caractère ponctuel et approprié de cette coupure;
Attendu que si elle admet les dégâts subis par la borne d'éclairage, elle ne se prévaut que de sa bonne volonté future de réparer;
Que s'agissant des bornes électriques, si la fourniture de factures prouve la réalisation de leur mise en place par un professionnel, elle ne justifie en rien leur fixation sur les arbres, au demeurant contestable, ni le manque de numéros pour certains emplacements ainsi que constaté par la DGCCRF, ces derniers éléments tendant à démontrer les défaillances dans l'entretien électrique courant qui relevait de la charge de la gérante;
Attendu que celle-ci, qui reste très évasive quant à l'éclairage observé défectueux par les agents de la DGCCRF se contente d'affirmer leur bon fonctionnement en usant d'arguments dilatoires sur les constats réalisés ce jour;
Attendu également qu'il convient de rappeler, concernant le matériel incendie, dont l'existence est attestée dans l'état des lieux versé au dossier sous la mention "lance incendie + tuyau" que l'objectif de cet équipement est d'être en bon état et facile d'accès afin de se trouver disponible à tout moment en cas de sinistre;
Qu'ainsi, le simple fait pour la prévenue de préciser que le tuyau n'était pas arraché mais négligemment posé sur le sol dans l'attente de servir à déboucher les canalisations, suffit à démontrer le laisser aller dans l'entretien de ce matériel de secours, qui se trouvait par ailleurs au nombre des reproches de la réclamation initiale;
Attendu que s'agissant de l'absence d'aire de jeu, ce point ne résulte pas non plus d'une fausse perception de la situation, puisqu'il est corroboré tant par les cinq familles à l'origine de la plainte que par les détails donnés par la prévenue lorsqu'elle affirme que l'aire de jeux terrestre est constituée de tables, de bancs et d'un portique qui a été retiré; que la seule présence de tables et de bancs ne peut être assimilée à une aire de jeux;
Attendu qu'il convient de constater que si, eu égard aux explications de la prévenue, le tribunal n'a, à juste titre, pas conservé les points 4 et 5 au titre de l'incrimination, il ne s'est en revanche pas prononcé sur les points 11 et 12, lesquels seront retenus par la cour;
Qu'il convient en effet de relever, s'agissant du terrain de tennis, que la défaillance de la commune quant au changement des grillages dont cette dernière a la charge, n'exonère en aucun cas Chérifa A de l'entretien courant des terrains, à savoir le nettoyage des sols et le désherbage qui lui incombaient et dont la carence est flagrante au regard des clichés pris par les agents de la DGCCRF;
Attendu par ailleurs, concernant le trou à l'entrée du camping, que la prévenue ne saurait se dégager de sa responsabilité en invoquant de simples appels téléphoniques auprès de la Mairie pour que celle-ci agisse dès lors que ce trou, présent depuis le début de la saison et dont il n'est pas contesté qu'il présentait un danger pour les clients du camping, n'a fait l'objet d'aucune autre mesure de prévention de la part de la gérante du camping;
Attendu que les éléments dénoncés par M. Loir, confortés au demeurant par quatre autres familles et majoritairement constatés par la DGCCRF ne sauraient en conséquence être réduits à de seules appréciations subjectives nourries par une quelconque intention malveillante;
Attendu en outre que Chérifa A ne peut contester la véracité des différents points énumérés par la DGCCRF sans se voir opposer ses propres déclarations lors de sa première audition devant les enquêteurs et dans lesquelles elle exposait que les faits dénoncés par les clients étaient exacts, ajoutant qu'elle avait toujours eu des problèmes quant à l'entretien de ce camping (état du tennis, piscine, bâtiments, bornes électrique, snack etc. ...), précisant même qu'elle était consciente, en début de saison, que ce dernier n'était pas aux normes d'une catégorie deux étoiles;
Qu'il y a lieu de remarquer également que Chérifa A, qui est gérante d'un autre camping classé trois étoiles qu'elle assure entretenir pour qu'il reste aux normes, n'a manifestement pas mis en œuvre tous les moyens qui lui incombaient pour agir de même à l'égard de celui litigieux;
Attendu qu'il convient en conséquence de relever, eu égard à l'ensemble de ces éléments et des pièces du dossier de la procédure, que si chaque point, pris séparément, ne peut à lui seul constituer le délit reproché, il n'en est pas de même de leur accumulation qui permet, à l'exception des points 4, 5 et 8, d'établir que Chérifa A a fourni des prestations de service en 'sachant qu'elles ne répondaient pas aux normes de classement de sécurité exigées pour un camping classé deux étoiles;
Qu'il y a lieu dès lors, à l'exception du point 8, de confirmer le jugement qui l'a retenue dans les liens de la prévention;
Attendu que la peine infligée constitue une sanction proportionnée aux circonstances des faits de la cause et adaptée à la personnalité ainsi qu'à la situation de la prévenue;
Par ces motifs : LA COUR Statuant contradictoirement, En la forme, Déclare les appels recevables; Au fond, Rejette les nullités soulevées; Ajoute aux points déjà exclus par le tribunal le point 8 concernant l'absence d'évacuation; Confirme pour le surplus le jugement, tant sur la culpabilité que sur la peine. La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 120 euros dont est redevable le prévenu, en application de l'article 1018-A du Code général des impôts; Dit que la contrainte par corps s'il échet, s'exercera conformément aux dispositions des articles 749 et 750 du Code de procédure pénale;