Livv
Décisions

Ministre de l’Économie, 31 décembre 2002, n° ECOC0300447Y

MINISTRE DE L’ÉCONOMIE

Lettre

PARTIES

Demandeur :

MINISTRE DE L'ECONOMIE

Défendeur :

Conseil de la société Socpresse

Ministre de l’Économie n° ECOC0300447Y

31 décembre 2002

MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE

Maître,

Par dépôt d'un dossier dont il a été accusé réception le 5 décembre 2002, vous avez notifié le projet d'acquisition de la société Groupe Express-Expansion, filiale de la société Vivendi Universal Publishing, par la société Socpresse. Ce projet a été formalisé par un contrat de cession d'actions signé entre les parties le 16 octobre 2002.

I. - Les parties et l'opération

Le Groupe Express-Expansion, entité cible, est une société anonyme française active dans le secteur de la presse magazine (1). 99,99 % des actions du Groupe Express-Expansion sont actuellement la propriété de la société Vivendi Universal Publishing SA (VUP), société holding dont l'unique actionnaire est la société Vivendi Universal.

Sur l'exercice 2001, le groupe a réalisé un chiffre d'affaires de 274 millions d'euros, dont 251 millions d'euros en France.

Socpresse, acquéreur, est une société anonyme française, dont le capital est détenu à [...]. Elle est principalement active en France dans les secteurs de la presse quotidienne nationale (ci-après " PQN ", avec Le Figaro), de la presse quotidienne régionale (ci-après " PQR ", avec notamment Le Progrès, Le Dauphiné libéré, La Voix du Nord, etc.), de la presse magazine (Le Figaro Magazine, Figaro Madame, Maison Madame Figaro) et de la presse spécialisée consacrée à l'immobilier. A travers sa filiale Roissy-Print, elle est également active dans le secteur de l'imprimerie, de portage pour compte de tiers par sa filiale Promoporte. Elle est en outre présente en amont du secteur des offres d'emploi au travers de l'Organisation recrutement et communication (ci-après " ORC "), agence de communication spécialisée dans le domaine des ressources humaines.

Socpresse a réalisé en 2001 un chiffre d'affaires mondial de 1 154 millions d'euros, dont 1 134 millions d'euros en France.

En vertu du contrat de cession d'actions précité, Socpresse doit acquérir le contrôle exclusif du Groupe Express-Expansion. L'opération constitue donc une concentration économique au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce.

Au regard des chiffres d'affaires des entreprises concernées, il apparaît que l'opération n'entre pas dans le champ d'application du règlement (CEE) n° 4064-89 du Conseil du 21 décembre 1989 relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises, puisque la société Socpresse et le Groupe Express-Expansion réalisent chacune plus des deux tiers de leur chiffre d'affaires communautaire en France. En revanche, les seuils de chiffres d'affaires tels qu'énoncés à l'article L. 430-2 du Code de commerce sont franchis. L'opération projetée entre donc dans le champ d'application des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce.

II. - La définition des marchés

1. Les marchés du lectorat

Les autorités de concurrence communautaires et françaises (2) distinguent cinq grands types de publications dans le secteur de la presse écrite : la presse quotidienne nationale, la presse quotidienne régionale, la presse magazine, la presse spécialisée et la presse gratuite.

Pour la presse magazine, les autorités de la concurrence considèrent qu'appartiennent au même marché les titres comparables sur le plan du type d'informations qu'ils choisissent de mettre en valeur, du style, de la présentation, de la périodicité, de la politique commerciale, du prix et des caractéristiques des lecteurs. Une définition plus fine du marché peut notamment être retenue selon le contenu éditorial, en considérant des marchés distincts pour les hebdomadaires d'actualité politique et générale, les hebdomadaires de télévision, les journaux féminins, les magazines économiques et financiers, les publications spécialisées grand public et les publications spécialisées professionnelles.

Les parties proposent, quant à elles, de distinguer les catégories suivantes au sein de la presse magazine :

les hebdomadaires d'information nationale générale et politique ;

les magazines économiques et financiers ;

les magazines féminins ;

les hebdomadaires de télévision ;

les magazines consacrés à la maison ;

les magazines destinés aux étudiants.

Si l'on adopte la segmentation proposée par les parties, l'opération ne conduirait à des chevauchements que sur les catégories des hebdomadaires d'information nationale générale et politique et des magazines consacrés à la maison.

Les hebdomadaires d'actualité politique et générale

Les parties sont toutes les deux présentes en matière d'hebdomadaires d'information nationale générale et politique au travers, d'une part pour la Socpresse du magazine Le Figaro Magazine, d'autre part pour le Groupe Express-Expansion, du magazine L'Express.

Dans son avis n° 93-A-13 du 6 juillet 1993, le Conseil de la concurrence avait considéré que L'Express, Le Point, Le Nouvel Observateur, L'Evénement du jeudi (titre aujourd'hui disparu mais auquel s'est substitué le magazine Marianne), Télérama et Le Figaro Magazine constituaient des substituts proches et appartenaient au marché des hebdomadaires d'actualité politique et générale.

Les parties proposent de retenir, pour délimiter le marché des hebdomadaires d'information nationale générale et politique, les titres classés par l'OJD dans les catégories " News " et " Actualité générale ", et notamment d'ajouter au marché retenu par le Conseil de la Concurrence les titres suivants : Courrier international, La Vie, Le Journal du dimanche, Marianne, Paris Match, Pèlerin Magazine, Valeurs actuelles et VSD.

Courrier international a un contenu éditorial orienté vers l'étranger et ne peut pas, par conséquent, être considéré comme un substitut proche de magazine dont le contenu éditorial est l'information nationale générale et politique.

Le Journal du dimanche a un format et une maquette qui l'apparente plus à la famille des quotidiens qu'à celle des magazines, et ne peut donc pas être considéré comme un substitut proche de magazines hebdomadaires d'information nationale générale et politique.

Pour les autres magazines retenus par les parties, il apparaît que le contenu éditorial des magazines La Vie et Pèlerin Magazine appartient bien à l'information nationale générale et politique, avec toutefois une orientation religieuse. De même, le contenu éditorial des magazines Paris Match et VSD s'apparente bien à l'information nationale générale et politique, mais avec une forte orientation " people ".

Une estimation des élasticités de substitution intratitres (3) a été menée. Il est apparu que le prix moyen des magazines avait une nette influence sur la consommation ou non de presse magazine d'information nationale générale et politique. En revanche, une variation de prix relatifs entre les titres n'entraîne qu'un report marginal de la demande d'un titre sur un autre. La faible élasticité de substitution entre les titres, que ce soit sur le marché tel que défini par le Conseil de la concurrence ou sur ce marché élargi aux titres Paris Match, VSD, La Vie et Pèlerin Magazine ne permet pas de trancher quant à la délimitation exacte du marché pertinent de produits, les différents titres apparaissant comme des biens différenciés et imparfaitement substituables.

La dimension géographique du segment du marché du lectorat de la presse magazine d'information nationale générale et politique est au plus nationale, compte tenu de l'importance de la langue, des spécificités culturelles et de l'accent mis sur les nouvelles nationales. Toutefois, du fait de la forte différenciation des produits, la question de la dimension géographique de ce marché peut rester ouverte.

La catégorie des magazines consacrés à la maison

La délimitation du marché du lectorat des magazines consacrés à la maison, telle que retenue par les parties (cette catégorie regroupe une trentaine de titres, dont Maison Madame Figaro, Maison française, Maison Magazine, édités par les parties, Elle Décoration, Maisons Côté Est, Maisons Côté Ouest, Maisons Côté Sud, Maisons & Travaux, Le Journal de la Maison...) semble cohérente avec l'homogénéité du contenu éditorial de ces magazines.

Pour les mêmes raisons que celles évoquées précédemment, le marché du lectorat des magazines consacrés à la maison est au plus de dimension nationale.

2. Les marchés de la publicité commerciale

Bien que les annonceurs puissent être amenés à arbitrer entre les différents supports constitués par la presse (43 % des investissements publicitaires), la radio (8 %), la télévision (33,6 %), l'affichage (14,3 %) et le cinéma (1,1 %) (4), il n'en demeure pas moins que chaque média présente des caractéristiques techniques propres et des prix très différents. Les différents supports publicitaires ne sont donc pas substituables (5). Le Conseil de la concurrence a par ailleurs considéré, dans son avis précité, que la presse quotidienne n'est pas substituable à la presse magazine, en raison notamment de contraintes techniques liées à l'utilisation de papiers différents.

Le Conseil de la Concurrence, dans son avis précité, avait estimé que deux hebdomadaires pouvaient être considérés comme concurrents dès lors qu'ils avaient plus de 25 % d'annonceurs en commun. La Commission européenne a adopté la même démarche dans sa décision CEP/Groupe La Cité du 29 novembre 1995. En conséquence, le conseil avait défini un marché de l'achat d'espaces publicitaires spécifique aux supports suivants : L'Express, Le Point, Le Nouvel Observateur, L'Evénement du jeudi (aujourd'hui disparu, mais auquel s'est substitué l'hebdomadaire Marianne), Le Figaro Magazine, Télérama et L'Expansion.

Les parties font cependant valoir que, en 2001, le pourcentage d'annonceurs communs entre Le Figaro Magazine et L'Express est [< 25] %. Elles en concluent que le marché, tel que défini par le Conseil de la concurrence en 1993 a évolué et qu'il y a lieu de considérer que ces deux titres ne sont pas substituables du point de vue des annonceurs et qu'en conséquence l'opération ne donne pas lieu à des chevauchements d'activité entre ces deux titres sur les marchés de la publicité commerciale.

On relève toutefois que, si l'on pondère chaque annonceur par la valeur ou le volume de ses investissements, les annonceurs communs au Figaro Magazine et à L'Express représentent [50-60] % en volume et [50-60] % en valeur ; les annonceurs communs au Figaro Magazine et à L'Expansion représentent [30-40] % en volume et en valeur. Il apparaît en conséquence qu'il n'y a pas lieu, de ce point de vue, de remettre en cause la définition de marché établie par le Conseil de la concurrence dans son avis précité de 1993.

Les parties font cependant valoir que, dans l'hypothèse où le ministre considérerait que Le Figaro Magazine et L'Express appartiennent à un même marché de la publicité commerciale, il conviendrait toutefois d'apprécier ce marché sur une base plus large que celle retenue par le Conseil en 1993. Elles proposent en conséquence, en se fondant sur le périmètre de la catégorie " information nationale générale et politique " identifiée par Sécodip, d'inclure dans le marché pertinent, en sus des titres retenus par le conseil en 1993, Courrier international, L'Equipe Magazine, L'Evénement France-Soir, L'Humanité Hebdo, Paris Match et VSD. Les parties n'excluent pas en outre que puissent être intégrés à ce marché pertinent des titres non pris en compte par la pige Sécodip : La Vie, Le Pèlerin Magazine, Valeurs actuelles et Le Journal du dimanche.

En l'absence de données croisées concernant la proportion d'annonceurs communs à l'ensemble de ces titres, il apparaît difficile, si l'on retient la méthodologie adoptée par le conseil et la commission, de trancher cette question avec un degré suffisant de certitude. Les réponses aux questionnaires adressés dans le cadre de l'instruction de la présente affaire ne permettent pas non plus de dégager un avis très tranché. Aucune des réponses ne mentionne Le Journal du dimanche, L'Evénement France-Soir et L'Humanité Hebdo comme faisant partie du marché pertinent. Il en va de même, de manière à peine moins tranchée, s'agissant du Pèlerin et de La Vie. De même, une seule réponse envisage d'intégrer Valeurs actuelles au marché pertinent ; encore convient-il de souligner que cette réponse porte sur le marché du lectorat et non sur celui de la publicité commerciale. On peut enfin noter que, en dépit de la proportion d'annonceurs communs au Figaro Magazine et à L'Expansion, aucune réponse ne mentionne ce dernier titre comme faisant partie du marché pertinent. En revanche Paris Match et, avec quelques nuances, VSD sont clairement considérés par les opérateurs ayant répondu au questionnaire comme des concurrents des parties sur le marché de la publicité commerciale, en dépit de leur positionnement plus " people ". Les avis sont partagés s'agissant de Courrier international. Il convient toutefois de souligner que Courrier international est inclus dans un accord de couplage (6) avec Télérama, L'Express et L'Equipe Magazine. S'agissant de ce dernier titre, il est plus rarement cité, mais l'accord de couplage précité est un élément qui va dans le sens de son intégration dans le périmètre du marché pertinent.

En tout état de cause, que l'on retienne une délimitation de marché strictement identique à celle établie par le conseil en 1993 ou que l'on admette que les évolutions du marché peuvent conduire à inclure certains autres titres dans le périmètre du marché pertinent, les conclusions de l'analyse demeureront inchangées.

S'agissant des magazines consacrés à la maison, les parties font valoir que si Maison Madame Figaro et Maison française ont [>25] % annonceurs communs, cette proportion n'est que [< 25] % s'agissant des annonceurs communs à Maison Madame Figaro et Maison Magazine. Elles en concluent que Maison Magazine appartient à un marché de la publicité commerciale distinct de celui auquel appartiendrait Maison Madame Figaro et Maison française.

Toutefois, une pondération des annonceurs communs à ces titres par la valeur ou le volume de leurs investissements conduit à identifier [>25] % annonceurs communs à Maison Magazine et Maison Madame Figaro, en volume, et [>25] % valeur. Il apparaît en conséquence que ces trois titres appartiennent au même marché pertinent de la publicité commerciale, dont il n'est par ailleurs pas utile de délimiter avec plus de précision les contours dans la mesure où, quelle que soit la délimitation retenue, les conclusions de l'analyse demeureront inchangées.

Une approche alternative, ou complémentaire, envisagée par le ministre dans la décision Le Monde/La Vie catholique précitée, pourrait consister à diviser le marché en fonction du secteur d'activité des annonceurs (7). Cette approche peut être pertinente dans la mesure où, du point de vue d'un annonceur, la substituabilité des titres dépend du profil sociologique et des centres d'intérêt du lectorat.

Il ne peut enfin être exclu de délimiter un marché de la publicité financière, distinct de celui de la publicité commerciale (8). Il n'apparaît toutefois pas nécessaire de se prononcer sur ce point, dans la mesure où les conclusions de l'analyse demeureront inchangées, que l'on isole ou non un tel marché.

S'agissant de la délimitation géographique des marchés de la publicité commerciale - ou le cas échéant financière - concernée, il apparaît au cas d'espèce, et conformément à la pratique du Conseil et du ministre, que les marchés sont de dimension nationale, dans la mesure où les publications concernées sont diffusées de manière homogène sur le territoire national et où les annonceurs réalisent leurs investissements en fonction d'une stratégie nationale.

3. Les marchés des petites annonces

La Commission européenne a établi que trois marchés sont généralement distingués pour chaque type de presse : le lectorat, l'achat d'espaces publicitaires et les petites annonces (9). Le Conseil de la concurrence a eu l'occasion pour sa part d'identifier un marché des annonces immobilières (10). Dans la même logique, il apparaît pertinent au cas d'espèce d'envisager la délimitation d'un marché des petites annonces d'offres d'emploi, dans la mesure où, dans ses titres de diffusion nationale, le Groupe Express-Expansion ne publie que des annonces relatives à l'emploi.

Les contraintes techniques justifiant une distinction entre presse quotidienne nationale et presse magazine ne sont pas pertinentes s'agissant des petites annonces. De même, il n'est pas certain que le critère de périodicité (quotidien/hebdomadaire/mensuel) soit déterminant dans le choix des annonceurs, qui s'attachent plus à la pertinence du titre, en termes de profil de lectorat ou de zone de diffusion géographique, qu'à sa périodicité. En tout état de cause, que l'on segmente le marché entre PQN, PQR et presse magazine ou que l'on retienne un marché regroupant ces différents types de titres, les conclusions de l'analyse demeureront inchangées.

Une segmentation en fonction du niveau d'emploi proposé (bac + 2, bac + 4, grandes écoles...) peut également être envisagée. Cette question rejoint en grande partie celle relative au profil du lectorat, ainsi qu'à la zone de diffusion : les annonceurs auront tendance à privilégier la presse à diffusion nationale, plus onéreuse, lorsque le type de poste proposé peut " mériter " un déménagement. Ce sera le cas plus généralement pour les annonces visant un public de cadres. En conséquence, s'agissant de la délimitation géographique du marché, on retiendra, au cas d'espèce, une dimension nationale.

III.- Analyse concurrentielle

1. Les marchés du lectorat

Les hebdomadaires d'actualité politique et générale

Compte tenu de la spécificité et de l'hétérogénéité des titres de la presse magazine d'actualité politique et générale, le plus opératoire est de mener l'analyse concurrentielle en procédant à une estimation directe des effets de l'opération sur les prix. Il s'agit d'appréhender l'impact de l'opération sur la concurrence par le biais des effets unilatéraux, en s'intéressant directement au pouvoir de marché de la nouvelle entité après l'opération et à sa capacité à augmenter unilatéralement ses prix. Ce type d'analyse est notamment pertinent sur des marchés sur lesquels les biens ou services sont significativement différenciés, ce qui est le cas en l'espèce. Les effets unilatéraux sont maximisés lorsque les parties à une concentration offrent des biens ou des services constituant des substituts proches et que les autres opérateurs offrent des substituts moins proches.

Au cas d'espèce, les parties commercialisent des titres de magazines hebdomadaires d'actualité politique et générale, donc de contenu éditorial globalement identique, mais répondant à une demande différenciée du lectorat en fonction de critères plutôt personnels (sensibilité politique, affinité avec la ligne éditoriale de la rédaction, etc.).

Il convient de vérifier s'il peut être profitable pour la nouvelle entité, en tenant compte de la réaction des concurrents, d'augmenter unilatéralement ses prix. Si la hausse de prix se traduit par un report de la demande depuis un titre de la nouvelle entité sur un autre titre, elle peut apparaître profitable pour celle-ci.

Les estimations menées montrent que la variation du prix d'un titre se traduit par un report très marginal de l'achat sur l'ensemble des autres titres retenus. L'élasticité-prix globale de la demande en magazines d'information nationale générale et politique n'est pas négligeable, et met en évidence que la décision d'achat d'un titre de la presse magazine relève en partie d'un arbitrage économique. En revanche, l'élasticité de substitution entre les titres ressort comme particulièrement faible, c'est-à-dire qu'une hausse du prix d'un titre n'entraîne qu'un report très faible de la demande sur un titre de la presse d'information nationale générale et politique ; le report de la consommation se fait essentiellement sur des biens en dehors du marché de la presse magazine hebdomadaire d'actualité politique et générale.

Une hausse de prix d'un des titres se traduirait ainsi plutôt par une fuite de la demande de consommation hors du marché des magazines hebdomadaires d'actualité politique et générale, et ne pourrait par conséquent pas être profitable à la nouvelle entité.

L'opération ne sera donc pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur le marché du lectorat des magazines hebdomadaires d'actualité politique et générale tel que défini par le Conseil de la concurrence ou dans la délimitation élargie considérée par les parties.

Les magazines consacrés à la maison

La Socpresse est présente avec Maison Madame Figaro et le Groupe Express-Expansion avec Maison Magazine et Maison française. Si l'on apprécie les parts de marché cumulées au regard des chiffres de la diffusion payée des titres, à l'issue de l'opération, la Socpresse détiendrait une part de marché faible, inférieure à 10 %.

Le marché est en outre caractérisé par un nombre très important de titres, et par l'absence de barrière à l'entrée, comme en témoigne l'arrivée de nouveaux titres au cours des années précédentes.

L'opération n'est donc pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur le marché du lectorat des magazines consacrés à la maison.

2. Les marchés de la publicité commerciale et de la publicité financière

S'agissant de la publicité commerciale, si l'on retient l'approche adoptée par le Conseil de la concurrence dans son avis précité, la part de marché de la nouvelle entité, en valeur, représenterait [40-50] % du marché. Cette proportion serait peu différente, de l'ordre de [40-50] %, si l'on considérait que L'Expansion appartient à un marché pertinent de la publicité commerciale différent. Les principaux concurrents des parties seraient dans cette hypothèse Le Nouvel Observateur, avec environ 26 % du marché, Télérama avec 19 % et Le Point avec 11 %, Marianne se situant loin derrière avec un peu plus de 1 %. Si l'on incluait, conformément aux résultats du test de marché, Paris Match dans le périmètre du marché pertinent, la part de marché de la nouvelle entité serait de [30-40] % avec L'Expansion et de [30-40] % si l'on considère que L'Expansion n'appartient pas au marché pertinent.

Si l'on retient une approche fondée sur la pige Sécodip " hebdomadaires d'information nationale générale et politique ", incluant, en sus des titres identifiés par le Conseil dans son avis de 1993, Courrier international, L'Equipe Magazine, Evénement France-Soir, Humanité Hebdo, Paris Match et VSD, mais n'incluant pas L'Expansion, la part de marché de la nouvelle entité se situerait à environ [20-30] %, et à [30-40] % si l'on inclut L'Expansion. Ce résultat serait peu différent si, ainsi qu'il ressort clairement du test de marché, on excluait du marché Evénement France-Soir et Humanité Hebdo, ces deux titres représentant ensemble moins de 1 % du marché.

Quel que soit le périmètre de marché retenu, la part de la nouvelle entité sur le marché de la publicité commerciale s'établit donc à un niveau relativement élevé, se situant entre 30 et 40 %, avec toutefois des concurrents significatifs qui sont Le Nouvel Observateur, Télérama et Le Point, ainsi que Paris Match (environ 12 % du marché) et L'Equipe Magazine (environ 10 %) si, compte tenu notamment du fait que ces deux titres sont parties respectivement aux accords de couplage " Great News " et " Cadre Hebdo Plus ", on considère qu'ils sont en concurrence avec les titres de la nouvelle entité.

On note également que la pratique généralisée des accords de couplage, qui sont des accords de court terme susceptibles d'être aisément recomposés, peut permettre aux concurrents de la nouvelle entité de se regrouper pour, en dehors de toute opération capitalistique, constituer très rapidement une offre susceptible de rivaliser avec celle de la nouvelle entité. On peut également noter, en accord avec l'avis du Conseil précité, que le lectorat des titres de presse appartenant à un même segment de marché n'étant pas rigoureusement semblable, les annonceurs sont en tout état de cause incités à maintenir une certaine diversification des titres de presse auxquels ils s'adressent, de manière à élargir la diffusion de leurs messages publicitaires.

Enfin, on relève que, d'une part, la demande sur ce marché est relativement concentrée, les cinq principales centrales d'achat représentant généralement plus de 60 % des chiffres d'affaires publicitaires des éditeurs. D'autre part, la presse, et plus particulièrement la PQN et la presse magazine à couverture nationale sont soumises aux variations des investissements publicitaires des " gros " annonceurs, qui ont fait la preuve qu'ils pouvaient faire des arbitrages substantiels au détriment de leurs budgets publicitaires, lesquels sont caractérisés par une certaine volatilité, par exemple en fonction de la conjoncture économique générale.

S'agissant du marché de la publicité commerciale dans les magazines consacrés à la maison, la part de marché de la nouvelle entité sera, à l'issue de l'opération, de l'ordre de [10-20] % en valeur. L'opération n'est donc pas susceptible de porter atteinte à la concurrence sur ce marché.

Si, de manière complémentaire, on retient une approche par catégorie d'annonceurs, on relève que les parties représentent [20-30] % des investissements publicitaires de la catégorie " enseignement-formation ", qui regroupe notamment les annonceurs suivants : universités, écoles, instituts de formation, centres d'enseignement à distance. Cependant, l'apport de Socpresse est limité à [0-10] % et l'opération n'est pas de nature à modifier significativement les conditions de concurrence sur cette catégorie d'annonceurs.

Si l'on retient un marché de la publicité financière (avis financiers, avis d'introduction en bourse, communiqués divers...), on constate que la part de marché de la nouvelle entité serait de [20-30] % (Socpresse : [10-20] % ; Groupe Express-Expansion : [0-10] %). Si, conformément à la pratique décisionnelle du conseil et du ministre (11), on devait segmenter le marché plus finement en distinguant notamment la presse magazine de la presse quotidienne, la part de marché de la nouvelle entité s'établirait à [30-40] %. Cependant, l'apport de Socpresse serait limité à [0-10] % et l'opération ne serait donc pas de nature à modifier significativement les conditions de concurrence sur ce marché.

Il s'en conclut que, quelle que soit l'approche retenue, l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur les marchés de la publicité commerciale et de la publicité financière.

3. Les marchés des petites annonces d'offres d'emploi

Si l'on retient un marché étroit, faisant la distinction entre PQN et presse magazine, on constate tout d'abord que l'opération ne donne lieu à aucun chevauchement d'activité.

Si l'on retient un marché plus large, sans segmenter en fonction du type de support ou de sa périodicité, mais en s'attachant à sa zone de diffusion (nationale/locale), la nouvelle entité représenterait, à l'issue de l'opération [30-40] % de la pagination réservée aux offres d'emploi dans l'ensemble des titres pigés par RPPA (12), Le Figaro représentant [20-30] % des surfaces et L'Express [10-20] %.

Les principaux concurrents de la nouvelle entité sont Le Moniteur ([10-20] %), 01 Informatique ([0-10] %), Le Parisien ([0-10] %), Le Monde ([0-10] %) (13), L'Usine nouvelle ([0-10] %) et Les Echos ([0-10] %). Il convient par ailleurs de souligner que les titres de la presse professionnelle non pigés par RPPA, offrant un ciblage plus fin, peuvent constituer une alternative à l'offre des parties. On peut notamment mentionner Stratégies, CB News, LSA, Le Quotidien du médecin, Le Moniteur des pharmacies, Infirmière Magazine, La Gazette des communes, Logistique Magazine, La Lettre du cadre territorial, Le MOCI, Carrières commerciales, L'Argus de l'assurance, Franchise Magazine, Le Journal du textile, L'Hôtellerie, Transports Actualités...

En outre, il ressort des réponses au test de marché que les parties subiront la pression concurrentielle d'autres modes de recrutement.L'agence nationale pour l'emploi (ANPE) a diffusé 1,8 million d'offres d'emploi en 2001. Aux termes de l'article L. 311-4 du Code du travail, les titres de presse ont l'obligation de transmettre les offres d'emploi qu'ils diffusent à l'ANPE. L'Association pour l'emploi des cadres (APEC) a diffusé 130 000 offres d'emploi dans son hebdomadaire Courrier cadres en 2001.

Les réponses au test de marché soulignent également le développement d'internet, comme alternative ou complément à la presse.De 2000 à 2001, le taux d'utilisation de la presse par les candidats passe de 66 % à 53 %, tandis que le taux d'utilisation d'internet passe de 7 % à 20 %. Les principaux acteurs sur internet sont Emailjob ([...] millions d'euros de chiffre d'affaires), Monster ([...] millions d'euros), Jobpilot ([...] millions d'euros) et Cadremploi ([...] millions d'euros). Le tarif moyen d'une annonce sur l'un de ces sites est de l'ordre de 350 Euro, contre 4 500 Euro pour le tarif moyen de la presse. On peut également mentionner les sites internet de l'ANPE et de l'APEC, qui ont respectivement mis en ligne 150 000 et 10 000 annonces en 2001, ainsi que la rubrique " Carrières " des sites des grandes entreprises (14). Or, dans une conjoncture de récession des annonces d'offres d'emploi (15), il n'est pas exclu que les entreprises tendent à se tourner plus volontiers vers ces alternatives à la presse, plus flexibles et moins coûteuses.

Enfin, cette activité n'est pas soumise à des contraintes de capacité significatives : les titres de presse peuvent, sans coûts fixes, créer ou augmenter le volume de leur pagination consacrée aux offres d'emploi. On note à cet égard que la part de marché du Parisien est passée de 4,5 % en 1999 à 9,5 % en 2001, sans moyens supplémentaires.

Ces différents éléments conduisent à relativiser la part de marché, relativement élevée, de la nouvelle entité.

Cette conclusion ne serait pas modifiée si l'on segmentait le marché en fonction du niveau des offres d'emploi. RPPA identifie cinq niveaux distincts : bac + 2, BTS/DUT, bac + 4, grandes écoles de commerce et grandes écoles techniques.

[object Object]

La nouvelle entité aura une part de marché supérieure à sa part de marché toutes catégories confondues sur les catégories bac + 2 et BTS/DUT.

S'agissant de la catégorie BTS/DUT, les principaux concurrents des parties seront Le Moniteur ([10-20] %), Le Parisien ([10-20] %) et L'Usine nouvelle ([0-10] %). En ce qui concerne la catégorie bac + 2, les principaux concurrents des parties seront Le Parisien ([30-40] %) et Le Moniteur ([10-20] %).

Outre les éléments mentionnés ci-dessus, qui sont de nature à relativiser la portée de la part de marché élevée détenue par les parties, on peut relever que la catégorie BTS/DUT représente 12,3 % de l'ensemble des offres d'emploi dans la presse de diffusion nationale et [10-20] % du volume des annonces relatives à l'emploi de Socpresse. La catégorie bac + 2 représente 8,5 % de l'ensemble des offres d'emploi dans la presse de diffusion nationale et [10-20] % du volume des annonces relatives à l'emploi de Socpresse. La catégorie bac + 4, sur laquelle la nouvelle entité détiendra une part de marché légèrement inférieure à sa part de marché toutes catégories confondues, représente 65,3 % de l'ensemble des offres d'emploi dans la presse de diffusion nationale et [50-60] % du volume des annonces relatives à l'emploi de Socpresse. Or, les principaux clients de la nouvelle entité que sont les agences et cabinets spécialisés interviennent sur l'ensemble des cinq catégories identifiées par la pige RPPA. Dès lors, quand bien même on considérerait que, compte tenu de la part de marché très élevée de la nouvelle entité sur les catégories BTS/DUT et bac + 2, il n'existe pas d'alternative crédible à l'offre des parties - ce qui n'est pas établi - toute stratégie de la part de la nouvelle entité visant à exploiter cette forte position sur ces deux catégories, représentant ensemble [>30] % de ses volumes en matière d'offres d'emploi, pourrait se traduire par une rétorsion de la part de ses clients sur la catégorie bac + 4, qui représente [50-60] % de ses volumes. Dès lors, les gains qui seraient tirés d'une telle stratégie seraient vraisemblablement inférieurs aux pertes qui résulteraient de la réaction de la demande.

Sur le plan vertical, on relève que Socpresse est présent en amont du secteur des offres d'emploi à travers ORC, agence de conseil en communication de ressources humaines. On relève cependant que, en dépit de son appartenance au groupe Socpresse, ORC se situe dans la moyenne des 15 premières agences du marché en termes de taux de préconisation du Figaro. Par ailleurs, bien qu'étant un opérateur significatif occupant la quatrième place dans le secteur du conseil en recrutement, ORC reste confronté à de nombreux concurrents, adossés à des groupes puissants et verticalement intégrés pour certains d'entre eux. Dès lors, l'intégration d'ORC à la nouvelle entité n'est pas susceptible d'avoir un impact significatif sur les marchés des petites annonces d'offres d'emploi, ni sur les marchés amont du conseil en recrutement.

Il se conclut de l'ensemble de ces éléments que, quelle que soit la délimitation de marché retenue, l'opération n'est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence sur les marchés des petites annonces d'offres d'emploi.

En conséquence, la concentration notifiée n'est susceptible de porter atteinte à la concurrence sur aucun des marchés affectés. Je vous informe donc que j'autorise cette opération.

Je vous prie d'agréer, Maître, l'expression de mes sentiments les meilleurs.

Pour le ministre et par délégation :

Le directeur général de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes,

JérômeGallot

Nota. - A la demande des parties notifiantes, des informations relatives au secret des affaires ont été occultées et la part de marché exacte remplacée par une fourchette plus générale.

Ces informations relèvent du " secret des affaires ", en application de l'article 8 du décret n° 2002-689 du 30 avril 2002 fixant les conditions d'application du livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence.

(1) Les principaux titres détenus par le groupe Express-Expansion sont : L'Express, Maison Magazine, Maison française, L'Expansion, L'Entreprise, La Vie financière, Mieux vivre son argent, La Lettre de l'Expansion, Les Cahiers du Management, Résumés, Lire, Classica, L'Etudiant, L'Etudiant pratique.

(2) Avis n° 93-A-13 du 6 juillet 1993 relatif à la prise de participation de la Société générale occidentale dans le capital de la société d'exploitation de l'hebdomadaire Le Point.

Lettre du ministre de l'économie, Le Monde/La Vie catholique, en date du 14 octobre 2002.

Décision de la commission IV/M.665 - CEP/Groupe de la cité du 29 novembre 1995.

(3) Ces élasticités ont été évaluées à partir du calcul de deux coefficients issus de deux estimations économétriques successives :

d'une part une régression économétrique sur un panel, constitué par les séries temporelles des parts de marché du lectorat et des prix pour chaque titre retenu, est menée. L'évolution des parts de marché est modélisée en distinguant l'effet de l'évolution des prix (" effet commun ") et les " effets fixes ", c'est-à-dire l'influence des facteurs spécifiques à chaque titre. Le coefficient du déterminant " prix " est nécessaire pour mener le calcul des élasticités-prix intratitres ;

d'autre part, l'élasticité-prix globale de la demande en magazines d'information générale a été évaluée grâce à une estimation temporelle expliquant la consommation de magazine d'information générale par la consommation globale et l'évolution du prix relatif des magazines d'information générale par rapport au prix de la consommation globale.

(4) Source UDA - Les chiffres clés des annonceurs 2000. D'autres sources avancent des chiffres légèrement différents (cf. décision Le Monde/La Vie catholique), mais les ordres de grandeur demeurent comparables.

(5) Lettre du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie du 13 août 1999 aux conseils de la société Decaux SA relative à une concentration dans le secteur de l'affichage publicitaire, BOCCRF n° 16 du 26 septembre 1999.

Avis n° 93-A-13 du 6 juillet 1993 relatif à la prise de participation de la Société générale occidentale dans le capital de la société d'exploitation de l'hebdomadaire Le Point.

Lettre du ministre de l'économie en date du 14 octobre 2002 autorisant la concentration entre Le Monde et La Vie catholique (en instance de publication).

(6) " Cadre Hebdo Plus ". Le Figaro Magazine, Le Nouvel Observateur, Le Point et Paris Match sont également liés par un accord de couplage (" Great News ").

(7) Source : " pige " SECODIP.

(8) Voir décision Le Monde/La Vie catholique, précitée.

(9) Décision de la commission IV/M.665 - CEP/Groupe de la cité, précitée.

(10) Décision n° 89-D-05 relative à des pratiques mises en ouvre par le journal Nice-Matin, BOCCRF n° 2 du 9 février 1989, page 21.

(11) Voir avis n° 93-A-13 précité et décision Le Monde/La Vie catholique, précitée.

(12) La pige RPPA (Régie publicitaire des petites annonces) regroupe les titres suivants : 01 Informatique, Informatiques Magazine, La Tribune, Le Figaro, Le Monde, Le Monde informatique, Le Moniteur, Le Parisien, Le Point, L'Equipe, Les Echos, L'Express, Libération, L'Usine nouvelle, Le Nouvel Observateur.

(13) Le Monde pourrait rejoindre par ailleurs le couplage " Atouts Cadres ", qui associe Le Point (1,7 %) et Le Nouvel Observateur (1,7 %).

(14) 95 % des entreprises du CAC 40 possèdent une rubrique " Carrières " sur leur site Internet et 85 % d'entre elles acceptent les candidatures en ligne (source iLogos Research - 2002).

(15) Socpresse indique ainsi avoir subi une baisse [très significative] de la publication d'annonces relatives à l'emploi de janvier à septembre 2002.