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Décisions

CA Rennes, 3e ch., 20 février 2003, n° 02-01221

RENNES

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chauvin

Avocat général :

Mme Fiasella-Le Braz

Conseillers :

Mme Antoine, M. Lourdelle

Avocat :

Me Beauvois.

TGI Lorient, ch. corr., du 4 mars 2002

4 mars 2002

Rappel de la procédure:

Le jugement:

Le Tribunal correctionnel de Lorient par jugement contradictoire en date du 4 mars 2002, pour:

Tromperie sur la nature, la qualité, l'origine ou la quantité d'une marchandise a condamné G Georges à la peine de 5 000 euros d'amende

Les appels:

Appel a été interjeté par:

Monsieur G Georges, le 5 mars 2002

M. le Procureur de la République, le 5 mars 2002 contre Monsieur G Georges

La prévention:

Considérant qu'il est fait grief à Georges G:

- d'avoir à Lorient, Chateaulin, Carraix en tout cas sur le territoire national de septembre 1995 à juin 1996, en qualité de Président Directeur Général de la SA X, trompé ou tenté de tromper l'acheteur ou contractant sur la nature, la teneur en principe utile de la marchandise, la composition, les qualités substantielles d'une marchandise, en l'espèce en commercialisant des brisures de noix de saint-jacques falsifiées par addition d'eau aboutissant à des rapports entre l'humidité du produit et le poids de protéines de 5, 6 à 7 pour un poids total d'environ 15 tonnes,

infraction prévue par l'article L. 213-1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 213-1, L. 216-2, L. 216-3 du Code de la consommation;

En la forme:

Considérant que les appels sont réguliers et recevables en la forme;

Au fond:

Rappel des faits

La société X, alors dirigée par M. Georges G a importé du Canada en 1995 une quantité de 15 241 Kg de brisures de noix de pétoncles congelées en bloc revendues ensuite sur le territoire français.

Des analyses effectuées sur divers échantillons soit chez des clients de X en novembre 1995, soit dans les entrepôts (en juillet 1996) où un reliquat de produits était encore détenu à son nom ont relevé, selon les analyses pratiquées par les laboratoires de la DGCCRF, un rapport d'humidité/protéines (H/P) supérieur à la limite maximale admise telle qu'elle résulte du lavage pour assurer leur nettoyage après décoquillage.

Selon la DGCCRF ce taux d'humidité excessif traduit une pratique de trempage, la chair de ces produits ayant la caractéristique de retenir l'eau en proportions notables en pareil cas.

Le tribunal a estimé le délit constitué.

Prétentions des parties devant la cour:

M. G appelant conclut à sa relaxe et subsidiairement au prononcé d'une amende symbolique en considération de sa situation de retraité.

Il fait valoir à cette fin les éléments suivants:

- la durée déraisonnable du procès alors que le dossier était simple et qu'entre temps la société X a été mise en liquidation judiciaire par jugement du 10 janvier 1997 ce qui l'a privé d'accès aux archives de l'entreprise pour démontrer sa correction et ses habitudes de contrôles systématiques en matière d'importation de coquilles saint-jacques,

- le reproche qui lui est fait repose sur une note de service datée du 23 août 1988 faisant référence à un protocole d'accord entre Administration et syndicats professionnels sur les examens, échantillonnages et les procédures pour poser des limites au rapport teneur en eau sur protéine, tous documents non versés aux débats ce qui ne lui permet pas d'assurer sa défense et ce qui prive les poursuites de leur élément légal,

- les poursuites ne sont pas fondées sur l'article L. 212-1 du Code de la consommation qui impose à tout importateur de vérifier la conformité du produit mis sur le marché avec les prescriptions en vigueur, de sorte qu'il ne peut être tiré de son absence d'analyse la preuve de sa mauvaise foi, alors qu'il procédait normalement à toutes les analyses, étant observé que pour le cas d'espèce ses observations sont apparues non dénuées de pertinence au service de la Répression des Fraudes,

- il est actuellement retraité et ses ressources ont singulièrement diminué,

Sur quoi, LA COUR:

Il est constant que M. G a été avisé personnellement par lettre du 1er octobre 1996 des résultats des analyses et des déclarations de l'un de ses collaborateurs quant à l'absence d'analyses préalables de contrôle avant la commercialisation des produits importés.

II a d'ailleurs répondu le 31 octobre 1996 en reconnaissant l'absence d'analyse au motif qu'il s'agissait de blocs congelés et que la méthode d'analyse de I'Ifremer (Hang Ching) ne permettait pas de déterminer le taux de trempage.

S'il est vrai que la procédure a subi ensuite un retard peu compréhensible entre la transmission des procès-verbaux de la DGCCRF en novembre 1996 et février 1997 au parquet de Quimper et la réquisition au SRPJ de Brest le 28 juin 1999, le dossier ayant entre temps été apparemment égaré, ce retard d'une part n'a pas pour effet de faire disparaître l'infraction et d'autre part n'a pas privé M. G d'éléments de défense puisqu'il avait connaissance des éléments sur lesquels se fonde la poursuite dès octobre 1996, soit avant la liquidation judiciaire de son entreprise le 10 janvier 1997,

Il est ensuite constant que M. G qui l'a reconnu dès l'origine n'a pas fait pratiquer les contrôles préalables que lui impose l'article L. 212-1 du Code de la consommation de sorte qu'il ne peut invoquer sa bonne foi, quant bien même procéderait-il ordinairement à de telles analyses préalables.

Il a invoqué à cette fin une note de I'Ifremer selon laquelle une méthode dite de Hang Ching ne permettait pas de déterminer l'eau ajoutée par trempage.

Cette argumentation est inopérante, puisque l'analyse en cause est destinée à d'autres recherches et qu'il existe une méthode couramment adoptée par les laboratoires pour rechercher la teneur humidité/protéines,

Ce contrôle de la teneur en eau repose sur la constatation que les noix de pétoncles ou de coquilles saint-jacques ont la particularité, après décoquillage et éviscération, d'absorber jusqu'à 30 % de leur poids en eau par inhibition.

Le trempage permettant une telle absorption est une pratique illicite aux exigences de l'article L. 213-1 du Code de la consommation puisqu'elle trompe l'acquéreur sur la composition, la teneur en principes utiles et la quantité et la qualité réelles de la marchandise, qu'elle peut permettre l'abaissement artificiel du prix de vente, modifie les règles de la concurrence au détriment de ceux qui respectent la loi.

Une note de service du 23 août 1988 a retenu pour éviter toutes contestations un rapport d'humidité/protéine (de valeur 5 dans l'échelle retenue) au-delà duquel le produit sera reconnu comme falsifié.

S'il ne s'agit pas d'une valeur légale, comme le souligne non sans pertinence le prévenu, il s'agit d'une teneur tolérée en deçà de laquelle il est admis par les administrations de contrôle que le produit ne contrevient pas aux exigences de l'article L. 213-1 du code précité;

En l'espèce la teneur étant supérieure à cette tolérance dans toutes les analyses d'échantillons et M. G n'ayant fait aucun contrôle avant la mise sur le marché, le délit est bien constitué dans tous ses éléments constitutifs de la part d'un professionnel averti qui indique avoir été le premier importateur français de ce type de produits.

Sur la peine, eu égard à la modification des ressources du prévenu, arrivant à l'âge de la retraite, la cour modérera l'amende prononcée.

Par ces motifs, LA COUR, Après en avoir délibéré conformément à la loi, Statuant publiquement, par arrêt contradictoire à l'égard de G Georges; En la forme, Reçoit les appels; Au fond, Confirme le jugement sur la qualification et la déclaration de culpabilité; Réforme partiellement sur la peine; Condamne Georges G à 3 000 euros d'amende; Prononce la contrainte par corps; La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 120 euros dont est redevable le condamné; Le tout par application des articles susvisés, 800-1, 749 et 750 du Code de procédure pénale.