Conseil Conc., 30 décembre 2003, n° 03-DA-01
CONSEIL DE LA CONCURRENCE
Avis
Conséquences de la privatisation de la société ASF sur les règles du droit de la concurrence applicables à la passation de ses marchés de travaux
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Délibéré, sur le rapport oral de M. Debrock, par Mme Hagelsteen, présidente, MM. Jenny, Nasse, vice-présidents.
Le Conseil de la concurrence (commission permanente)
Vu la lettre du 22 août 2003 enregistrée sous le numéro 03-0054A par laquelle la commune de La Fare-les-Oliviers a saisi le Conseil d'une demande d'avis en application de l'article L. 462-1 du Code de commerce; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et le décret n° 2002-689 du 30 avril 2002 fixant les conditions de son application; Vu le Code général des collectivités territoriales. Le rapporteur, le rapporteur général et le commissaire du Gouvernement entendus lors de la séance du 3 décembre 2003; Adopte la décision suivante
1. Le maire de la commune de La Fare-les-Oliviers (Bouches-du-Rhône) a saisi pour avis le Conseil de la concurrence sur la nature des règles de concurrence à appliquer aux marchés de construction passés par la société Autoroutes du Sud de la France (ASF) dans l'hypothèse de la privatisation de cette société annoncée par le gouvernement.
2. La société ASF détient un tiers du réseau autoroutier français concédé, concession venant à échéance en 2032. Actuellement, ASF a le statut de société d'économie mixte concessionnaire d'autoroutes, 49 % de son capital ayant fait l'objet d'une offre publique de vente en mars 2002. La part du capital détenue par les personnes publiques, légèrement supérieure à 50 %, se partage entre l'Etat (directement et via l'établissement public Autoroutes de France), 35 collectivités territoriales et 7 chambres de commerce. Le gouvernement a annoncé en 2002 l'intention de l'Etat de se désengager à moyen terme de cette société.
3. Les règles du droit de la concurrence applicables aux marchés de construction passés par ASF sont aujourd'hui doubles, tenant à son statut de SEM et à sa nature de concessionnaire. L'article 48 de la loi du 29janvier 1991 dite "loi Sapin" soumet les marchés de travaux des SEM conclus pour la réalisation de leur mission de service public aux dispositions de publicité et de mise en concurrence du Code des marchés publics. Par ailleurs, l'article 11 de la loi du 3 janvier 1991 impose aux sociétés concessionnaires de la construction et de l'exploitation d'un ouvrage public, une publicité préalable à l'échelle européenne pour leurs marchés de travaux supérieurs à 5 M d'euros.
4. Selon le saisissant, la privatisation de la société ASF aurait pour conséquence que les marchés de travaux de cette entreprise ne seraient plus assujettis qu'à la seule formalité de publicité préalable dès lors qu'ils excéderaient 5 M d'euros et non plus également à l'obligation de procéder à des appels d'offres pour leur attribution.
5. Cette situation juridique potentielle est au centre de la demande d'avis de la commune de La Fare-les-Oliviers, qui s'interroge sur ses possibles répercussions en matière de coût des travaux, de prix des péages pour les usagers et d'accès aux marchés de construction pour les entreprises de travaux publics qui ne seraient pas actionnaires d'ASF, ainsi que sur les moyens susceptibles d'assurer le maintien d'un libre jeu de la concurrence sur ces marchés.
6. Aux termes de l'article L. 462-1 du Code de commerce, le Conseil de la concurrence "donne son avis sur toute question de concurrence à la demande du gouvernement. Il peut également donner son avis sur les mêmes questions à la demande des collectivités territoriales, (...), en ce qui concerne les intérêts dont elles ont la charge".
7. L'article L. 1111-2 du Code général des collectivités territoriales dispose que "Les communes, les départements et les régions règlent par leurs délibérations les affaires de leur compétence", et l'article L. 2121-29 que "Le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune. Il donne son avis toutes les fois que cet avis est requis par les lois et règlements, ou qu'il est demandé par le représentant de l'Etat dans le département. (..). Le conseil municipal émet des voeux sur tous les objets d'intérêt local.".
8. Il en résulte que, si les affaires de la commune ne sont pas énumérées par la loi dans une liste limitative, elles doivent néanmoins correspondre à un intérêt public local et que le conseil municipal ou le maire ne doivent pas, par leur action, porter atteinte aux attributions du législateur, de l'Etat ou des autres collectivités territoriales.
9. En l'espèce, la réglementation des autoroutes incombe à l'Etat aux termes de l'article L. 121-1 du Code de la voirie qui dispose que: "Les voies du domaine public routier national sont: (1) Les autoroutes; (2) Les routes nationales".
10. Appelé à se prononcer sur la légalité d'un référendum organisé par une commune sur le passage d'une autoroute sur son territoire, le Conseil d'Etat a rappelé l'incompétence de la collectivité "Considérant que la question que la délibération attaquée a décidé de soumettre aux électeurs d'Avrillé, invitait ceux-ci non à émettre un avis sur une décision que les autorités municipales seraient amenées à prendre pour régler les affaires de la compétence de la commune mais à se prononcer, implicitement mais nécessairement, sur l'opportunité d'un projet d'autoroute ne relevant pas de sa compétence; que la circonstance qu'un tel projet puisse avoir des conséquences sur des affaires relevant de la compétence de la commune n'est pas de nature à faire regarder la consultation organisée par la délibération attaquée comme entrant dans le champ d'application de l'article L. 125-1 du Code des communes" (commune d'Avrillé, 1994).
11. Ainsi, les questions soulevées dans la saisine de la commune de La Fare-les-Oliviers n'entrent pas dans le champ des intérêts dont cette collectivité a la charge; elles ne sont donc pas susceptibles, aux termes de l'article L. 462-1 du Code de commerce, de faire l'objet d'une demande d'avis de sa part devant le Conseil de la concurrence.Il y a lieu, en conséquence, de déclarer cette demande irrecevable.
Décision
Article unique: La demande d'avis de la commune de La Fare-les-Oliviers est déclarée irrecevable.