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Décisions

CA Rennes, 1re ch. B, 31 mars 2000, n° 99-02428

RENNES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Compagnie Financière du Crédit Mutuel de Bretagne (SA)

Défendeur :

Fédération logement consommation et environnement d'Ille-et-Vilaine

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Thévenot

Conseillers :

Mme Sabatier, M. Bohuon

Avoués :

SCP Bazille & Génicon, SCP Cadiou Nicolle & Guillou

Avocats :

Mes Daugan-Gillard, Desaunay.

Rennes, du 12 mars 1999

12 mars 1999

La société "Compagnie Financière du Crédit Mutuel de Bretagne" a créé un site internet comportant:

en première page la mention générale "groupe Crédit Mutuel de Bretagne",

- en deuxième page, un choix comprenant la rubrique "crédit",

- en troisième page sous la rubrique "les crédits", un choix d'orientation dont la sous rubrique "crédit à la consommation, exemples de financement"

- en quatrième page, le développement: "exemples de financement: crédit préférence. Pour 10 000 F de crédit utilisé, cela ne vous coûte au total que 1 709,42 F. Vous remboursez 400 F pendant 29 mois et 109,42 F le 30e mois tout simplement. TEG annuel hors assurances facultatives 12,90 % TEG mensuel (hors haf) l,075 %. Coût total assurances facultatives: ADIT (décès incapacité permanente incapacité temporaire) 0,64 % l'an sur le capital restant dû. APE (perte d'emploi) 0,96 % sur le capital restant dû. Carte préférence Crédit Mutuel de Bretagne: cotisation annuelle révisable 50 F si vous détenez déjà une carte au CMB sinon 100 F".

- en cinquième page le texte "Carte Crédit Mutuel, la réserve d'énergie de votre budget; gérez facilement votre budget, quels que soient les imprévus! Bien gérer son budget peut sembler compliqué. Heureusement, la carte préférence Crédit Mutuel est là pour vous permettre de faire face à toutes les situations ! Votre carte préférence Crédit Mutuel en poche, vous disposez d'une réserve de crédit utilisable au rythme de vos besoins, sans formalité et le plus discrètement du monde sur le lieu de la vente, vous réglez directement vos achats comme avec votre carte de paiement classique".

Par constat d'huissier dressé à la requête de l'association "Fédération logement consommation et environnement d'Ille-et-Vilaine", ce texte a été relevé sur le site internet du CMB le 7 janvier 1999, à l'exception de la cinquième page qui figure uniquement sur un tirage fait par la banque.

L'association "Fédération logement consommation et environnement d'Ille-et-Vilaine" a obtenu le 12 mars 1999 une ordonnance de référé du Président du Tribunal d'instance de Rennes ordonnant la suppression immédiate de la diffusion de la publicité diffusée sur le site internet www.cmb.fr du Crédit Mutuel de Bretagne intitulée "exemples de financement: Crédit Préférence", sous astreinte de 25 000 F par infraction constatée, passé un délai de 7 jours à compter de la signification de l'ordonnance, ordonnant l'insertion sur le même site internet, au lieu exact de la page publicitaire incriminée, en caractère corps 18 minimum, le texte suivant: "le juge des référés du Tribunal d'instance de Rennes, par ordonnance du 12 mars 1999 a ordonné la suppression immédiate de la publicité relative à la carte de crédit "préférence" compte tenu de l'absence de certaines mentions exigées par la loi pour l'information du consommateur", cette insertion devant être réalisée à compter du septième jour suivant la notification de l'ordonnance, sous astreinte de 10 000 F par jour manquant, et condamnant la société "Compagnie Financière du Crédit Mutuel de Bretagne" à payer à l'association "Fédération logement consommation et environnement d'Ille-et-Vilaine" la somme de 5 000 F par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La société "Compagnie Financière du Crédit Mutuel de Bretagne" a interjeté appel de cette décision dans des conditions de recevabilité formelle qui ne suscitent aucune contestation entre les parties.

La société "Compagnie Financière du Crédit Mutuel de Bretagne" sollicite l'infirmation de l'ordonnance dont appel pour voir débouter l'association "Fédération logement consommation et environnement d'Ille-et-Vilaine" de ses demandes, la voir condamner à lui payer la somme de 1 F à titre de dommages et intérêts et la somme de 7 000 F par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Elle soutient que le juge des référés n'était pas compétent pour statuer comme il l'a fait en raison de ce que la demande se heurte à des difficultés sérieuses consistant dans:

- le fait qu'un site internet ne constitue pas un support de publicité; l'utilisateur du site doit effectuer des manœuvres volontaires de consultation des documents du site, ce qui distingue la situation de celle de la personne qui reçoit involontairement la communication publicitaire; le site du Crédit Mutuel de Bretagne est consulté par les personnes qui s'intéressent à cette banque; il délivre des informations sur le groupe, et n'a pas vocation à promouvoir ses produits bancaires; ces informations ne sont donc pas soumises à l'article L. 311-4 du Code de la consommation,

- les mentions exigées par l'article L. 311-4 du Code de la consommation figurent bien sur le texte du site; il précise suffisamment l'identité du prêteur, les caisses du Crédit Mutuel de Bretagne dont la liste complète est accessible dans une rubrique spéciale; la nature et l'objet de l'opération sont suffisamment définies, comme étant la constitution d'une réserve de crédit, utilisable avec une carte; la durée de l'opération est suffisamment annoncée avec la période effective de 30 mois pour laquelle les prêts sont consentis, sans qu'il soit nécessaire de faire mention de leur durée légale théorique d'un an.

L'association "Fédération logement consommation et environnement d'Ille-et-Vilaine" sollicite la confirmation de l'ordonnance dont appel et la condamnation de la société "Compagnie Financière du Crédit Mutuel de Bretagne" à lui payer la somme de 7 000 F par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

L'article L. 311-4 du Code de la consommation dispose que toute publicité faite, reçue ou perçue en France qui, quel que soit le support porte sur une des opérations de crédit visées à l'article L. 311-2, doit préciser l'identité du prêteur, la nature, l'objet et la durée de l'opération proposée ainsi que le coût total et, s'il y a lieu, le taux effectif global mensuel et annuel du crédit et les perceptions forfaitaires.

Un site internet est susceptible de constituer un support publicitaire : il permet la communication au public de textes et d'images, destinés éventuellement à présenter au public le consultant des marques des services et des marchandises et à inciter à la conclusion de contrats avec les consommateurs potentiels. Le fait que le site ne puisse être consulté qu'après abonnement, et choix du site par l'usager d'internet ne change en rien le caractère publicitaire des annonces qui peuvent y être faites. La situation est exactement identique à celle de l'acheteur d'un journal contenant des publicités, ou à toute personne recevant des annonces à diffusion restreintes, soit par le mode de diffusion, soit par la limitation de l'accès au lieu de diffusion. La démarche volontaire de celui qui va consulter volontairement un message publicitaire accessible au public d'une manière ou d'une autre, ne fait pas disparaître le caractère publicitaire de l'information qui lui est délivrée.

Le critère essentiel du support de publicité réside dans le fait qu'il puisse véhiculer un message commercial, quelle qu'en soit la forme. Un message publicitaire est une communication qui, outre la présentation informative d'un produit, vise à provoquer à sa consommation.

La société "Compagnie Financière du Crédit Mutuel de Bretagne" ne peut donc sérieusement contester que le site internet qu'elle a créé constitue un support publicitaire, puisqu'il vise tant par son existence même que par son contenu, à favoriser son action commerciale. Elle ne peut pas plus sérieusement contester que la présentation, qu'elle fait sous un jour attirant, de contrats de crédit qu'elle offre à la souscription ne constitue pas une publicité.

Elle peut certes affirmer que ces publicités énoncent correctement l'identité du prêteur: il s'agit du Crédit Mutuel de Bretagne dont l'enseigne permet d'identifier certainement les caisses locales qui offrent les crédits en cause à la signature du public.

Par contre, l'objet de l'opération n'est pas clairement défini, non plus que sa nature. Une lecture attentive du texte de l'annonce par un profane en matière de crédit ne permet pas de comprendre directement qu'il s'agit d'un prêt consenti par ouverture de crédit permanent sur un compte bancaire, et autorise une confusion avec un crédit classique qui serait accordé pour un montant déterminé. Les mentions supplémentaires que la société "Compagnie Financière du Crédit Mutuel de Bretagne" dit faire figurer sur la page suivante ne sont pas suffisantes pour éclairer le lecteur sur le caractère reconstituable du montant prêté.

En outre, c'est à tort que la société "Compagnie Financière du Crédit Mutuel de Bretagne" affirme que la durée du crédit offert figure suffisamment sur son annonce. Elle y est mentionnée pour 30 mois, alors qu'à l'achèvement de chaque année, le prêteur doit la renouveler et proposer les conditions de renouvellement, la poursuite des relations contractuelles n'ayant aucun caractère certain de constance et de permanence.

Le premier juge pouvait donc à juste titre considérer que ces non-conformités aux prescriptions légales constituaient un trouble manifestement illicite, qu'il importait de faire cesser. L'ordonnance dont appel doit être confirmée, observation étant faite qu'elle comporte les dispositions utiles et strictement nécessaires pour parvenir à la cessation du trouble.

En conséquence, la demande de dommages et intérêts présentée par la société "Compagnie Financière du Crédit Mutuel de Bretagne" doit être rejetée.

Il apparaît équitable de laisser supporter à la société "Compagnie Financière du Crédit Mutuel de Bretagne" une part limitée à la somme de 3 000 F, des frais irrépétibles du procès d'appel exposés par la partie adverse.

Par ces motifs, LA COUR, - déclare l'appel recevable en la forme, - au fond, confirme la décision entreprise dans toutes ses dispositions, - rejette la demande de dommages et intérêts présentée par la société "Compagnie Financière du Crédit Mutuel de Bretagne", - condamne la société "Compagnie Financière du Crédit Mutuel de Bretagne" à payer à l'association "Fédération logement consommation et environnement d'Ille-et-Vilaine" la somme de 3 000 F par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile - condamne la société "Compagnie Financière du Crédit Mutuel de Bretagne" aux dépens d'appel, qui seront recouvrés contre la partie condamnée dans les conditions prescrites par l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.