Cass. com., 4 février 2004, n° 02-13.374
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Gallien (SA)
Défendeur :
Becton Dickinson France (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Tricot
Rapporteur :
Mme Champalaune
Avocat général :
M. Lafortune
Avocats :
SCP Bachelier, Potier de La Varde, SCP Thomas-Raquin, Benabent
LA COUR: - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 16 janvier 2002), que la société Becton Dickinson France (la société Becton) fabrique et distribue des produits à usage médical; que la société Périmédical, aux droits de laquelle vient la société Gallien, a pour objet la distribution de matériel médical et a assuré la distribution exclusive des produits de la marque Becton dans certaines régions françaises; que deux contrats ont été conclus entre les parties; que l'un, du 27 septembre 1994, prévoyait un terme au 30 septembre 1996, sauf signature d'un nouveau contrat au cours des trois mois précédant la date contractuelle d'expiration; que l'autre du 30 juin 1995, prévoyait un terme au 31 décembre 1996 et sa rupture à l'expiration de la période contractuelle selon lettre recommandée trois mois au moins auparavant; qu'il a été mis fin à ces contrats dans des conditions contestées par la société Périmédical, laquelle a assigné la société Becton en paiement de dommages-intérêts pour rupture brutale des relations commerciales ainsi qu'en paiement d'indemnités contractuelles de préavis qu'elle estimait lui être dues;
Sur le premier moyen: - Attendu que la société Gallien fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré recevable l'appel de la société Becton Dickinson France contre le jugement du tribunal de commerce du 2 avril 1999, alors, selon le moyen, qu'il résulte des dispositions de l'article 901 du nouveau Code de procédure civile, que la déclaration d'appel doit, à peine de nullité, contenir la forme, la dénomination et le siège social de la personne morale intimée en vue d'assurer la bonne identification de cette partie; que la cour d'appel qui, pour déclarer l'appel recevable bien que la déclaration d'appel ait fait mention d'un siège social de l'intimée inexact, s'est fondée sur la seule circonstance inopérante, que la société Gallien n'était pas une personne morale nouvelle du fait de son changement de dénomination et du déplacement de son siège social et n'a pas recherché si comme il était soutenu, les mentions inexactes n'étaient pas de nature à prêter à confusion du fait de l'existence à l'adresse indiquée d'une société portant une dénomination voisine de l'ancienne dénomination de l'intimée, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 901 du nouveau Code de procédure civile;
Mais attendu que la société Gallien qui n'a pas invoqué devant la cour d'appel le risque de confusion entre elle-même et une autre société est irrecevable à le faire pour la première fois devant la Cour de cassation;
Sur le deuxième moyen, pris en ses deux branches: - Attendu que la société Gallien fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande en paiement d'une somme totale de 1 440 000 francs à titre d'indemnités de rupture, alors, selon le moyen: - 1°) que la société Gallien faisait valoir, dans ses conclusions d'appel, que c'était en application, respectivement de l'article 9-3 du contrat concernant la division Vacutainer et de l'article 12-3 du contrat de distribution du matériel médical qui stipulent, en termes identiques, qu'en cas de non-renouvellement ou de résiliation du contrat, "le distributeur privilégié aura le droit d'exécuter toutes les commandes de produits reçues par lui et tous les contrats d'approvisionnement d'une durée égale ou inférieure à douze mois conclus par lui antérieurement à la date de notification de non-renouvellement ou de résiliation du contrat"; que la société Périmédical avait indiqué, dans sa lettre du 9 janvier 1997 par laquelle elle acceptait les deux indemnités de rupture proposées, qu'elle continuerait néanmoins les engagements déjà pris jusqu'au 31 décembre 1997; qu'en retenant, pour dire que les indemnités de 780 000 francs et 660 000 francs n'étaient pas dues, que la société Périmédical avait accepté que les relations contractuelles soient continuées au-delà des termes contractuellement prévus sans répondre à ce moyen duquel il résultait au contraire que cette société prenait acte de la rupture des deux contrats au terme contractuellement prévu sauf à respecter leurs stipulations prévoyant que leur non-renouvellement autorisait néanmoins le distributeur à exécuter les commandes reçues et les contrats conclus antérieurement, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile; - 2°) qu'en tout état de cause selon les propres constatations de l'arrêt, le contrat pour la division des produits Vacutainer subordonnait le versement de l'indemnité de rupture d'un montant équivalent à 8 % du chiffre d'affaires qu'il prévoyait et à laquelle correspondait, selon les termes du courtier de la société Becton Dickinson France du 3 janvier 1997, l'indemnité de 660 000 francs dont celle-ci proposait le versement à l'absence de renouvellement du contrat à l'issue de la période contractuelle et non à l'absence de poursuite de toutes relations contractuelles postérieurement à l'expiration du contrat; qu'en se fondant, pour débouter la société Gallien de sa demande en paiement d'une indemnité de 660 000 francs, sur la circonstance que la société Becton Dickinson France avait, par lettre du 3 janvier 1997, subordonné le paiement de celle-ci à la cessation de toutes relations commerciales et que les relations commerciales s'étaient en réalité poursuivies postérieurement à l'expiration du contrat, la cour d'appel, qui constatait néanmoins par ailleurs que la société Becton Dickinson France avait, par lettre du 24 septembre 1996, manifesté sa volonté de ne pas renouveler le contrat concernant la division des produits Vacutainer à son expiration, ce dont elle aurait dû déduire que l'indemnité de 660 000 francs, à défaut d'être due en vertu de la proposition formulée dans le courrier du 3 janvier 1997, l'était néanmoins en vertu de ce contrat, a violé l'article 1134 du Code civil;
Mais attendu, d'une part, qu'ayant relevé que si la société Becton a rompu le contrat du 30 juin 1995 le 24 septembre 1996 en informant la société Périmédical de sa volonté de ne pas renouveler le contrat à l'issue de la période contractuelle et qu'elle a également rompu le contrat du 27 septembre 1994 par lettre du 27 septembre 1996 en indiquant son intention de ne pas renouveler celui-ci au-delà du 31 décembre 1996, les relations contractuelles se sont continuées de l'accord des parties jusqu'au 31 décembre 1997, ce dont il ressort que cette poursuite allait au-delà de l'exécution des commandes en cours ou des contrats conclus antérieurement à la notification du non-renouvellement des contrats en cause, la cour d'appel a ainsi répondu en les écartant, aux conclusions prétendument omises;
Et attendu, d'autre part, qu'ayant relevé que la société Becton avait proposé, en ce qui concerne le contrat du 30 juin 1995, soit la cessation des relations commerciales au 31 décembre 1996, fin de la période contractuelle, avec versement de l'indemnité prévue, soit le respect d'un préavis d'un an après le 31 décembre 1996 avec versement d'une indemnité réduite, la cour d'appel, qui a condamné la société Becton à payer l'indemnité de 230 000 francs qu'elle avait proposée après avoir constaté que les relations contractuelles s'étaient poursuivies, de l'accord des parties, après le 31 décembre 1996, a statué à bon droit; Qu'il suit de là que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches;
Et sur le troisième moyen, pris en ses trois branches: -Attendu que la société Gallien fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande en paiement d'une indemnité de 5 400 000 francs et d'une autre d'un montant de 1 311 049,98 francs, alors, selon le moyen: - 1°) que le respect, par la partie qui rompt unilatéralement le contrat, des stipulations contractuelles relatives à la rupture de celui-ci n'exclut pas la brutalité de cette rupture; que dès lors, en se fondant, pour dire que la société Becton Dickinson France n'avait pas abusivement rompu les deux contrats conclus avec la société Périmédical, trois mois avant son échéance, pour l'un, et 3 jours avant son terme, pour l'autre sur la circonstance qu'elle avait respecté les stipulations contractuelles de chacun des deux contrats relatives à leur rupture, la cour d'appel, qui a ainsi statué par un motif inopérant, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 36-5 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 devenu l'article L. 442-6-1-4° du Code de commerce; - 2°) que pour établir que la société Becton Dickinson France avait brutalement rompu les deux contrats litigieux, la société Gallien faisait valoir dans ses conclusions d'appel qu'en ne consentant, à l'expiration de ceux-ci de ne poursuivre les relations contractuelles que jusqu'au 31 décembre 1997, cette société avait par-là même interdit à sa partenaire de conclure des marchés pluriannuels et donc d'exercer l'activité pleine et entière qui était la sienne avant la rupture des contrats; qu'en se fondant encore, pour dire que la société Becton Dickinson France n'avait pas abusivement rompu les deux contrats conclus avec la société Périmédical trois mois avant son échéance, pour l'un, et 3 jours avant son terme, pour l'autre, sur la circonstance qu'elle avait proposé à celle-ci, par lettres des 27 septembre et 20 décembre 1996, la poursuite de chaque contrat jusqu'au 31 décembre 1997 sans répondre à ce moyen, pourtant décisif dès lors qu'en vertu de l'article 36-5 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 devenu l'article L. 442-6-1-4° du Code de commerce, commet une faute engageant sa responsabilité le cocontractant qui rompt brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte des relations commerciales antérieures, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile; - 3°) qu'en retenant que la société Becton Dickinson France n'avait pas abusivement rompu ses relations contractuelles avec la société Périmédical en mettant définitivement fin à celle-ci le 31 décembre 1997, sans rechercher si la société Périmédical n'avait pas pu légitimement espérer, compte tenu de la durée de leurs relations contractuelles, que celles-ci se poursuivraient postérieurement au 31 décembre 1997 bien que la société Becton Dickinson France ait proposé, par ses courtiers des 27septembre et 20 décembre 1996, de les poursuivre jusqu'à cette date seulement, ou, à tout le moins, que celle-ci l'indemniserait au titre des commandes qu'elles auraient passées jusque là, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 36-5 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 devenu l'article L. 442-6-14° du Code de commerce;
Mais attendu que l'arrêt constate que le contrat du 27 septembre 1994 a été rompu par lettre du 27 septembre 1996 informant la société Périmédical du non-renouvellement du contrat au- delà du 31 décembre 1996 et que celui du 30 juin 1995 a été rompu par lettre du 24 septembre 1996 informant la société Périmédical du non-renouvellement du contrat au-delà du 31 décembre 1996, mais que les relations contractuelles se sont en réalité poursuivies jusqu'au 31 décembre 1997qu'en décidant en l'état de ces constatations et appréciations, que la rupture prévue de longue date ne saurait être qualifiée ni d'abusive, ni de brusque même si les relations entre les parties se sont poursuivies pendant plus de dix années, la cour d'appel a légalement justifié sa décision, sans être tenue de répondre au moyen invoqué à la deuxième branche ni de procéder à la recherche invoquée à la troisième branche que sa décision rendait inopérants; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches;
Par ces motifs: Rejette le pourvoi.