TA Rennes, 1re ch., 8 janvier 2004, n° 99-2653
RENNES
Jugement
PARTIES
Demandeur :
Giraudy (Sté)
Défendeur :
Maire de Saint-Malo
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Gazio (faisant fonction)
Commissaire du gouvernement :
M. Rémy.
LE TRIBUNAL,
Vu la requête, enregistrée le 12 octobre 1999 au greffe du tribunal, présentée par la société Giraudy, dont le siège est 17 rue de Marignan à Paris (75008); la société Giraudy demande au tribunal :
- d'annuler l'arrêté du maire de Saint-Malo du 2 avril 1996 et, par conséquent, l'arrêté du 14 septembre 1999 par lequel le maire de Saint-Malo l'a mise en demeure de déposer, dans les quinze jours, sous peine d'astreinte, trois panneaux publicitaires;
Vu la mise en demeure adressée le 14 avril 2000 à Me Coudray, en application de l'article R. 612-3 du Code de justice administrative et l'avis de réception de cette mise en demeure; - Vu le mémoire, enregistré le 29 août 2000, le mémoire présenté pour la commune de Saint-Malo, régulièrement représentée par son maire en exercice; la commune conclut au rejet de la requête, ainsi qu'à la condamnation de la société Giraudy à lui verser une somme de 10 000 F au titre de l'article L. 8-1 du Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel; - Vu le mémoire, enregistré le 12 septembre 2000, présenté par le préfet d'Ille-et-Vilaine; le préfet d'Ille-et-Vilaine conclut au rejet de la requête; - Vu le mémoire, enregistré le 6 décembre 2000, présenté par la société Giraudy; la société Giraudy conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens;
En application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du Code de justice administrative la clôture d'instruction a été fixée au 10 novembre 2003. En conséquence, les mémoires produits après cette date n'ont pas été examinés par le tribunal;
Vu le mémoire, enregistré le 4 novembre 2003, présenté pour la commune de Saint-Malo; la commune conclut au rejet de la requête; - Vu la décision attaquée; - Vu les autres pièces du dossier; - Vu l'ordonnance n° 99-2654 du 16 novembre 1999 du vice-président délégué du tribunal; - Vu la décision du 5 janvier 2004 du président du tribunal; - Vu l'empêchement du Président du tribunal, Président de la 1re chambre; - Vu la loi n° 79-1150 du 29 janvier 1979 modifiée relative à la publicité, aux enseignes et préenseignes; - Vu l'arrêté du 2 avril 1996 du maire de Saint-malo portant réglementation spéciale de la publicité; - Vu le Code général des collectivités territoriales; - Vu le Code de justice administrative;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 janvier 2004:
- le rapport de M. Gazio, Président-rapporteur;
- les observations de:
- Me Collet pour la commune de Saint-Malo,
- et les conclusions de M. Rémy, commissaire du Gouvernement;
Sur l'indication des voies et délais de recours:
Considérant que le défaut d'indication des voies et délais de recours est sans influence sur la légalité d'une décision; qu'ainsi, et en tout état de cause, le moyen ne peut qu'être écarté;
Sur la compétence de l'auteur de l'acte:
Considérant qu'aux termes de l'article L. 2122-18 du Code général des collectivités territoriales: "Le maire est seul chargé de l'administration, mais il peut, sous sa surveillance et sa responsabilité, déléguer par arrêté une partie de ses fonctions à un ou plusieurs de ses adjoints... "; que la possibilité de délégation ainsi reconnue au maire, et qui concerne ses fonctions, s'étend à la partie de celles-ci qu'il exerce au nom de l'Etat;
Considérant que l'arrêté attaqué a été signé pour le maire de Saint-Malo par M. J. Sauvée, adjoint délégué; qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 23 juin 1995 du maire de Saint-Malo, déléguant une partie de ses fonctions, comme l'y autorise l'article L. 2122-18 précité du Code général des collectivités territoriales, à M. J. Sauvée, en ce qui concerne notamment la police administrative, a été transmis le 23 juin 1995 à la sous-préfecture de Saint- Malo et publié au recueil des actes administratifs de Saint-Malo n° 19 du mois de juin 1995, diffusé le 21 septembre 1995; qu'ainsi le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté attaqué manque en fait;
Sur la constatation des faits:
Considérant qu'aux termes de l'article 24 de la loi du 29 décembre 1979 susvisée: " Dés la constatation d'une publicité, d'une enseigne ou d'une préenseigne irrégulière au regard des dispositions de la présente loi ou des textes réglementaires pris pour son application... le maire ou le préfet prend un arrêté ordonnant soit la suppression, soit la mise en conformité avec ces dispositions, des publicités, enseignes ou préenseigne en cause, ainsi que, le cas échéant, la remise en état des lieux"; qu'aux termes de l'article 36 de la même loi: "Pour l'application des articles 24, 29 et 34, sont habilités à procéder à toutes constatations, outre les officiers de police judiciaire: - les agents de police judiciaire mentionnés aux articles 20 et 21 du Code de procédure pénale; - les fonctionnaires et agents habilités à constater les infractions aux lois du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques et du 2 mai 1930 relative à la protection des monuments naturels et des sites; - les fonctionnaires et agents habilités à constater les infractions aux dispositions de l'ordonnance n° 58-1351 du 27 décembre 1958 relative à la conservation du domaine public routier; - les fonctionnaires et agents de l'Etat et des collectivités publiques habilités à constater les infractions au Code de l'urbanisme; - les ingénieurs des ponts et chaussées, les ingénieurs des travaux publics de l'Etat et les agents des services des ports maritimes commissionnés à cet effet; - les agents habilités par les collectivités locales à constater les infractions du Code de la route en matière d'arrêt et de stationnement des véhicules automobiles en vertu de l'article L. 24 dudit Code. Les agents et fonctionnaires ci-dessus habilités pour constater les infractions transmettent leurs procès-verbaux de constatation au Procureur de la République au maire et au préfet. "; qu'il résulte de la combinaison de ces deux articles que d'une part l'arrêté pris en vertu de l'article 24 précité doit être précédé d'une constatation, d'autre part cette constatation doit être faite par un agent habilité au titre des dispositions de l'article 36 précité;
Considérant que, par arrêtés du 14 septembre 1999 attaqués, le maire de Saint-Malo a, en application des dispositions précitées de l'article 24 de la loi du 29 décembre 1979 susvisée, mis en demeure la société Giraudy d'une part, de mettre les dispositifs qui étaient désignés en annexe, en conformité avec le règlement local de publicité, d'autre part de déposer certains autres dispositifs; qu'il ressort des pièces du dossier que la constatation des irrégularités justifiant les mises en demeure a été opérée par des agents de police municipale, agents de police judiciaire, les 21 octobre 1998 et 29 janvier 1999; que la circonstance que les constatations aient été retranscrites sur des documents qualifiés de note d'information est sans influence sur l'existence et la validité des constatations ainsi opérées au regard des dispositions de la loi du 29 décembre 1979 susvisée;
Sur l'exception d'illégalité de l'arrêté municipal du 2 avril 1996:
Sur la zone de publicité élargie:
Considérant que les arrêtés attaqués ne concernent que des dispositifs publicitaires situés en zone de protection restreinte et non en zone de publicité élargie; qu'ainsi et alors, au surplus que par un jugement du 16 février 2000, le tribunal de céans a annulé l'arrêté municipal du 2 avril 1996, en tant qu'il institue une zone de publicité élargie, le moyen tiré, à l'encontre de l'arrêté municipal, de l'illégalité de la zone de publicité élargie, est inopérant;
Sur les dispositions transitoires:
Considérant que si la société Giraudy fait valoir que les prescriptions de l'article III-1-4 du règlement municipal seraient contraires aux dispositions de l'article 40 de la loi du 29 décembre 1979 susvisée en ce qu'il prévoirait un délai de mise en conformité supérieur à 2 ans, il ressort du même règlement que l'article III-1-4, à supposer même qu'il ait le sens que lui attribue la société requérante, ne concerne que la zone de publicité élargie dans laquelle les dispositifs en cause ne se situent pas, et qui a, en tout état de cause, été annulée par jugement du 16 février 2000 comme il est dit ci-dessus;
Sur la discrimination:
Considérant que l'article 10 de la loi du 29 décembre 1979 susvisée confère, en vue de la protection du cadre de vie, aux autorités locales compétentes un large pouvoir de réglementation de l'affichage en leur permettant notamment de déterminer dans quelles conditions et sur quels emplacements la publicité est seulement admise et même d'interdire la publicité ou des catégories de publicité définies en fonction des procédés et des dispositifs utilisés; que la réglementation de la zone de publicité restreinte n° 3 instituée par l'arrêté du 2 avril 1996 n'interdit pas la publicité en dehors du mobilier urbain mais la subordonne à des règles de hauteur, de surface maximale et de densité, ainsi qu'à des règles d'intervalle; qu'en spécifiant que la publicité supportée par le mobilier urbain est autorisée aux conditions fixées par les articles 20 à 24 du décret du 21 novembre 1980 et en le soumettant à une règle de densité spéciale, le maire de Saint-Malo n'a, en tout état de cause, pas institué une discrimination illégale entre les entreprises et les modes d'affichage; qu'il résulte de ce qui précède, que la société Giraudy ne peut davantage soutenir, et alors qu'elle ne le démontre pas, que la société Decaux, dont il n'appartient pas au tribunal d'apprécier les conditions dans lesquelles elle a contracté avec la commune de Saint-Malo, aurait été illégalement placée par le règlement du 2 avril 1996, d'une part en position dominante, d'autre part en situation d'abuser de celle-ci; qu'ainsi elle n'établit pas que l'arrêté du 2 avril 1996 serait en lui-même contraire au principe de liberté du commerce et de l'industrie ou porterait atteinte aux règles de la libre-concurrence.
Considérant, et alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le règlement de publicité du 2 avril 1996, soit entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, notamment au regard des buts assignés par la loi du 29 décembre 1979, que l'exception d'illégalité invoquée par la société Giraudy doit être écartée;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la requête de la société Giraudy doit être rejetée;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative:
Considérant que les arrêtés du maire de Saint-Malo ont été pris au nom de l'Etat; que, par suite, la commune de Saint-Malo n'est pas partie à l'instance et les conclusions qu'elle a présentées au titre des frais irrépétibles sont irrecevables; qu'elles doivent, dès lors, être rejetées;
Décide:
Article 1er : La requête de la société Giraudy est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Saint-Malo tendant à la condamnation de la société Giraudy au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens sont rejetées.
Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la société Giraudy, au ministre de l'Intérieur, au ministre de l'Equipement et à la commune de Saint-Malo.