CA Toulouse, 10 mai 1994, n° 823-93
TOULOUSE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Gaec de Sainte-Marguerite
Défendeur :
Irrivert (Sté), Fabre (ès qual.), Marion (ès qual.)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Lebreuil (faisant fonction)
Conseillers :
MM. Bensoussan, Milhet
Avoués :
SCP Boyer Lescat, Me De Lamy
Avocats :
Me Barthet, SCP Larrat Guerot St-Geniest.
LA COUR,
Statuant sur l'appel, dont la régularité n'est pas contestée, interjeté par le Gaec de Sainte-Marguerite de deux jugements en date des 14 mai et 10 décembre 1992 par lesquels le Tribunal de grande instance de Montauban l'a débouté de toutes ses demandes à l'encontre de la société Irrivert et l'a condamnée à lui payer la somme de 51 751,51 F avec intérêts au taux légal à compter du 27 mars 1992 ;
Attendu que trois des travées du pivot d'arrosage acheté en 1987 par le Gaec de Sainte-Marguerite à la société Irrivert se sont effondrées au mois de mai 1999 et que l'acquéreur a fait assigner son co-contractant en résolution de la vente ;
Attendu que les premiers juges l'ont débouté de toutes ses demandes aux motifs d'une part que l'expert Chastang, désigné en référé n'avait pas retenu l'existence d'un vice caché et que d'autre part la sté Irrivert n'avait pas manqué à son obligation de conseil en n'avertissant pas le Gaec, au moment de la vente, que la trop forte salinité de l'eau risquait à terme d'endommager l'installation ;
Attendu que l'appelant fait grief au premier juge de s'être ainsi prononcé et de l'avoir condamné reconventionnellement à payer à la société Irrivert la somme de 51 751,51 F restant due sur le prix de l'installation alors pourtant que l'effondrement d'une partie de la rampe résultait d'un vice caché et que l'oxydation de la tuyauterie n'était pas due à la salinité de l'eau mais au fait que le matériel vendu n'était pas adapté à l'usage auquel il était destiné en fonction du milieu dans lequel il devait être implanté ; que de toute façon le vendeur avait manqué à son obligation de conseil en n'attirant pas l'attention de son client sur les dégâts que l'eau utilisée pourrait causer à l'installation ;
Attendu que, faisant de surcroît état des défectuosités de l'arrosage dont l'intensité varierait de 300 % d'un point à l'autre de la rampe, il conclut à la résolution de la vente, à la restitution du prix, au rejet des demandes d'Irrivert et à sa condamnation au paiement des sommes de 5 000 F à titre de dommages-intérêts et 5 000 F également au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que la société Irrivert, M. Marion, représentant des créanciers de cette société, et M. Fabre son administrateur judiciaire concluent au contraire à la confirmation du jugement dont appel en faisant essentiellement valoir que l'action en résolution de la vente pour vices cachés est irrecevable pour n'avoir pas été intentée à bref délai et qu'elle est de toute façon mal fondée ; que l'effondrement du pivot n'était que la conséquence d'une réparation inadéquate effectuée par l'utilisateur lui-mêne à la suite d'une fausse manœuvre dont il était seul responsable et que l'oxydation de la tuyauterie ne pouvait engager la responsabilité du vendeur puisque sa garantie avait été contractuellement exclue en cas de corrosion due à l'eau ;
Attendu qu'elle réclame 30 000 F à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et 15 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Sur quoi
I) Attendu que l'action en résolution de la vente pour vices cachés a été introduite par assignation du 24 septembre 1991 alors que le vice allégué avait été analysé par l'expert Chastang dans son rapport déposé le 22 novembre 1999 ; qu'elle est donc irrecevable par application de l'article 1648 du Code civil pour avoir été intentée vingt mois après la survenance des désordres qui affecteraient le pivot litigieux et prés d'un an après que ces désordres aient été expertisés ;
Attendu qu'elle est surabondamment mal fondée dès qu'il résulte sans aucune ambiguïté du rapport d'expertise que l'effondrement du pivot n'était que la conséquence d'une réparation effectuée par l'appelant lui-même à la suite d'une fausse manœuvre, et que le matériel n'était atteint d'aucun vice de conception ou de fabrication ;
Attendu que le Gaec de Sainte-Marguerite ne fournit aucun élément de nature à contredire l'avis de l'expert judiciaire, et que les difficultés rencontrées par d'autres exploitants avec des pivots du même type ne sauraient suffire à faire la preuve d'un vice caché ;
II) Attendu que s'agissant de l'oxydation, l'appelant fonde ses demandes sur le défaut de conformité et le manquement du vendeur à son obligation de conseil ;
Mais attendu que cette oxydation est due selon Chastang à une trop forte salinité de l'eau et qu'il était expressément prévu aux conditions générales de vente de la société Irrivert que celle-ci n'était pas tenue d'analyser la composition chimique du sol et des eaux et qu'elle ne pourrait encourir aucune responsabilité directe ou indirecte en cas de corrosion due à l'un quelconque de ces facteurs ;
Que cette clause est opposable au Gaec de Sainte-Marguerite puisqu'il a déclaré, immédiatement après avoir signé le bon de commande, qu'il avait pris connaissance des conditions générales de vente figurant au verso et qu'il les acceptait ;
Que le Gaec de Sainte-Marguerite, groupement d'agriculteurs non spécialisés dans les opérations d'irrigations, peut être considéré, dans le cas d'espèce, comme un simple consommateur mais qu'il n'est pour autant fondé à soutenir que la clause en litige est une clause abusive au sens de l'article 35 de la loi du 10 janvier 1978 car elle ne lui a pas été imposé par un abus de puissance économique de la société Irrivert et elle n'était pas de nature à conférer à cette dernière un avantage excessif ;
Qu'il appartenait à l'appelant de prendre toutes les précautions indispensables pour le cas échéant se prémunir contre la salinité de l'eau, et qu'il ne peut être reproché à l'intimée d'avoir manqué à son devoir de conseil ; qu'il résulte au demeurant des conclusions du rapport d'expertise que l'installation est actuellement en état de fonctionner normalement et que la corrosion, dans l'immédiat, ne compromet pas la solidité de l'ensemble ;
III) Attendu qu'il est aussi soutenu par le Gaec de Sainte-Marguerite que le pivot en litige délivrerait un arrosage défectueux ;
Mais attendu qu'aucune preuve sérieuse n'est apportée de cette défectuosité, ni surtout de son origine, et qu'il peut s'agir d'un défaut d'entretien ;
IV) Attendu qu'il convient par conséquent de confirmer la décision déférée en toutes ses dispositions le montant des sommes restant dues par l'appelant n'étant pas discuté ;
Attendu que le droit d'agir ou de se défendre en justice ne peut donner lieu au paiement de dommages-intérêts que s'il est exercé dans l'intention exclusive de nuire à autrui, autrement dit s'il dégénère en abus de droit ;
Que tel n'est pas le cas en l'espèce et que la société Irrivert doit être déboutée de sa demande en paiement de la somme de 30 000 F à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ;
Attendu que le Gaec de Sainte-Marguerite, qui succombe en toutes ses prétentions doit être condamné aux dépens d'appel ainsi qu'à payer à la société Irrivert la somme de 50 000 F par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Par ces motifs, LA COUR, Reçoit l'appel jugé régulier ; Le déclare mal fondé ; Confirme la décision déférée en toutes ses dispositions ; Déclare la société Irrivert mal fondée en sa demande en paiement de la somme de 30 000 F (trente mille francs) à titre de dommages-intérêts ; l'en déboute ; Condamne le Gaec de Sainte-Marguerite aux dépens d'appel et autorise Me De Lamy, Avoué à recouvrer directement contre lui ceux des dépens dont il aurait fait l'avance sans avoir reçu provision suffisante ; Le condamna en outre à payer à la sté Irrivert la somme de 5 000 F (cinq milles francs) par application de l'article 700 modifié du nouveau Code de procédure civile.