CA Colmar, 1re ch. civ., 21 mars 1990, n° 1445-87
COLMAR
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Brasserie Météor L. Haag-Metzger & Cie (SA)
Défendeur :
Ribot, Krieg (Epoux)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Wagner-Fournier
Conseillers :
Mme Goyet, M. Moureu
Avocats :
Mes Beckers, Perrad, Zimmermann.
Par acte sous seing privé, du 1er mai 1974, la société Brasserie Météor L. Haag-Metzger et Cie SA (Météor), a conclu avec les époux Maurice Krieg et Liliane Humbert, propriétaires exploitant un fonds de café-restaurant à Rozerieulles, un contrat de fourniture exclusive de bière.
Aux termes de ce contrat, la Brasserie mettait à la disposition des époux Krieg le matériel suivant: un comptoir et arrière-buffet d'une valeur de 26 000 F, 8 tables et 32 chaises d'une valeur de 1 200 F pour la table et de 1 300 F pour les chaises, enfin une installation de tirage de bière avec réfrigération d'une valeur de 2 000 F. il est stipulé dans l'acte qu'en contrepartie de cette prestation les époux Krieg s'engagent à ne débiter pendant toute la durée du contrat que des boissons fournies par la Brasserie Météor en s'approvisionnant auprès de Monsieur Kieffer, laquelle obligation constitue la condition impulsive et déterminante de ladite prestation (§ 1 et § 2 du contrat).
La durée du contrat est fixée au paragraphe 8 à dix années, à partir du 1er juin 1974 "mais pour un minimum de 2 000 hl".
Les époux Krieg ont, par acte authentique du 5 janvier 1981, vendu à Madame Liliane Andrée Ribot le fonds de commerce de café-bar à l'enseigne "Café de la promenade" en imposant à l'acquéreur l'obligation de respecter le contrat de fournitures de bières de la Brasserie Météor en date du 1er mai 1974, lequel contrat est reproduit dans l'acte de vente.
Par lettre du 14 juin 1984, Monsieur Kieffer, entrepositaire des bières Météor a mis Madame Ribot en demeure de commercialiser exclusivement ces produits en exposant que si la durée du contrat était écoulé par contre les obligations découlant du contrat n'étaient pas respectées "étant donné que la quantité de 2 000 hl est loin d'être atteinte".
Par acte introductif d'instance du 19 mars 1985 la SA Brasserie Météor a assigné Madame Liliane Andrée Ribot en restitution des objets mobiliers mis à la disposition des époux Krieg.
Madame Ribot a résisté à la demande et par ailleurs appelé en garantie les époux Krieg.
Par jugement du 11 mars 1987, la Chambre commerciale du Tribunal de grande instance de Strasbourg a débouté la société demanderesse de sa demande et l'a condamnée aux entiers dépens ainsi qu'au paiement d'une somme de 2 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Par déclaration reçue au greffe le 10 avril 1987, la SA Brasserie Météor L. Haag-Metzger et Cie a régulièrement interjeté appel de ce jugement.
Concluant à l'infirmation du jugement entrepris, la société appelante demande à la cour de condamner Madame Ribot à lui restituer les objets mobiliers énumérés dans la convention du 1er mai 1974 et à lui payer à partir du 20 septembre 1984 jusqu'à la restitution effective du matériel revendiqué une indemnité journalière de 20 F ainsi qu'une somme de 1 500 F à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et une somme de 1 500 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile outre les dépens.
La société appelante fait valoir au soutien de son appel que la partie cliente qui a pris librement l'engagement de débiter 2 000 hl de bière est tenue de respecter son engagement lequel ne doit pas être affecté par l'arrivée du terme, que le contrat n'est que partiellement exécuté si après dix années le quota n'est pas atteint, qu'à défaut d'exécution totale le transfert de propriété du matériel fourni en contrepartie de l'engagement de débiter 2 000 hl ne s'est pas opéré, que certes Madame Ribot était en droit de refuser de proroger le contrat arrivé à terme mais elle n'a pas le droit de conserver le matériel dont elle a l'usage à due concurrence des quantités de bière effectivement débitées.
Madame Liliane Ribot, défenderesse et intimée, conclut à la confirmation de la société appelante aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme de 5 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile en répliquant qu'aux termes du contrat la condition déterminante de la prestation concernant les objets mobiliers est uniquement la clause d'approvisionnement exclusif et non celle d'écouler un minimum de 2 000 hl de bière, que les premiers juges ont estimé à bon droit en se fondant sur la loi du 14 octobre 1943 que le contrat de fourniture de bière ne pouvait être supérieur à une durée légale de 10 ans, qu'ils ont respecté leur engagement d'approvisionnement exclusif et que le matériel et le mobilier mis à leur disposition leur est définitivement acquis.
Les époux Krieg, appelés en garantie et intimés, constatant qu'aucune conclusion n'est prise à leur encontre, concluent à la confirmation du jugement entrepris et à la condamnation de l'appelante aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme de 3 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile en faisant observer au surplus que l'article 2 du contrat ne prévoit nullement comme condition déterminante l'obligation d'écouler un minimum de 2 000 hl de bière, que l'objet principal du contrat est uniquement une clause d'approvisionnement exclusif. Ils se réfèrent par ailleurs aux motifs du jugement entrepris.
Vu le dossier de la procédure, les pièces régulièrement versées au dossier et les mémoires des parties auxquels la cour se réfère pour plus ample exposé de leurs moyens:
Attendu que par des motifs que la cour adopte les premiers juges ont fait une exacte appréciation des faits de la clause et des droits des parties en relevant que le contrat de fourniture exclusive a été respecté par les époux Krieg puis par Madame Ribot pendant la durée de dix années et que la défenderesse n'a commercialisé des bières d'autres marques qu'à partir du mois de juin 1984,que selon la commune intention des parties le matériel et le mobilier mis à la disposition des époux Krieg devaient leur être définitivement acquis au terme du contrat de fourniture,qu'une telle convention est conforme aux usages en vigueur et qu'en l'espèce le matériel et le mobilier sont largement amortis,que la clause d'approvisionnement exclusif est l'objet principal du contrat de fourniture de bière,qu'un tel contrat ne peut être conclu pour une durée supérieure à 10 ans aux termes de l'article 1er de la loi du 14 octobre 1943,que la clause de quota minimum n'est opposable au cocontractant de la brasserie que dans la limite de la durée légale de l'engagement sans quoi la clause de quota conduirait à contourner les dispositions d'ordre public de la loi,qu'en conséquence le terme conventionnel fixé de 2 000 hl se trouve ramené par l'effet de la loi du 14 octobre 1943 à la durée de dix années de sorte que la défenderesse est libérée de son obligation d'approvisionnement exclusif et que la propriété du matériel et du mobilier fournis par la Brasserie lui est acquise au terme du contrat;
Attendu que la Brasserie soutient en vain que les stipulations du contrat sont interdépendantes et qu'elles forment un tout indivisible ayant force obligatoire en toutes ses dispositions.
Qu'en effet aux termes du paragraphe 2 du contrat la seule contrepartie de la prestation prévue à l'article 1er constituant "la condition impulsive et déterminante de cette prestation" est l'engagement de fourniture exclusive des bières en provenance de la Brasserie Météor "pendant toute la durée du contrat" laquelle est limitée à dix ans par la loi;
Attendu qu'en dépit de leur amortissement dès lors que le contrat a été exécuté pendant 10 ans, la Brasserie qui ne précise pas la quantité de bière débitée tant par les époux Krieg que par Madame Ribot, ne sollicite pas la rétrocession d'une somme égale au montant des avantages reçus qui auraient éventuellement cessé d'avoir une cause mais la restitution du matériel lequel est acquis à la défenderesse au terme du contrat;
Attendu que l'appel n'est pas soutenu à l'encontre des époux Krieg, intimés;
Attendu qu'il convient de confirmer le jugement entrepris et de condamner la société appelante aux dépens ainsi qu'au paiement à Madame Ribot d'une part, aux époux Krieg d'autre part, d'une somme de 3 000 F chacun au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile en remboursement des frais non répétibles exposés par les intimés et qu'il serait inéquitable de laisser à leur charge;
Par ces motifs et ceux non contraires des premiers juges, LA COUR, Confirme le jugement entrepris, Condamne la société appelante aux dépens de l'instance d'appel, La condamne à payer au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile: - une somme de 3 000 F (trois mille francs) à Madame Ribot, - une somme de 3 000 F (trois mille francs) aux époux Krieg.