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Décisions

CA Bordeaux, 3e ch. corr., 12 janvier 1993, n° 689-92

BORDEAUX

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Grellier

Substitut général :

M. Daupfy

Conseillers :

Mme Edoux de Lafont, M. Esperben

Avocats :

Mes Dana, Leclerc, Fourgoux Belaud Perret

CA Bordeaux n° 689-92

12 janvier 1993

Faits : Par actes en date du 22, 28, 30 janvier et 10 février 1992 reçus au secrétariat greffe du Tribunal de grande instance de Bergerac, les prévenus, le Ministère public et le CDAFAL ont relevé appel d'un jugement contradictoire rendu par ledit tribunal le 21 janvier 1992 à l'encontre de :

L André, poursuivi comme prévenu d' :

- avoir à Mourenx (64), et en tout cas sur le territoire national, courant décembre 1987 et courant 1988, par temps non couvert par la prescription, trompé ou tenté de tromper le contractant par quelque moyen ou procédé que ce soit, sur la nature, l'espèce, l'origine, les qualités substantielles, la composition ou la teneur en principes utiles de marchandises, en l'espèce 43 202 boîtes de semi-conserves commercialisées sous la dénomination " bloc de foie gras ",

- avoir à Mourenx (64), et en tout cas sur le territoire national, courant décembre 1987, commis des faux en écriture privée, en apposant sur 43 202 boites de semi-conserves, un faux code d'identification de fabricant et fait usage desdits faux ;

- D Alain, poursuivi comme prévenu d'avoir à Castelnau d'Auzan (32), et en tout cas sur le territoire national, courant décembre 1987 et courant 1988, en tout cas par temps non couvert par la prescription, trompé ou tenté de tromper le contractant par quelque moyen ou procédé que ce soit sur la nature, l'espèce, l'origine, les qualités substantielles, la composition ou la teneur en principes utiles de marchandises, en l'espèce 43 202 boîtes de semi-conserves commercialisées sous la dénomination "bloc de foie gras" ;

Faits prévus et réprimés par les articles 1 de la loi du 1er août 1905, 147, 150 et 151 du Code pénal ;

Le tribunal a rejeté le moyen de nullité ;

A déclaré L André coupable d'avoir :

- à Mourenx (64), et en tout cas sur le territoire national, courant décembre 1987 et courant 1988, par temps non couvert par la prescription, étant lui-même ou non partie au contrat, trompé ou tenté de tromper le contractant par quelque moyen ou procédé que ce soit sur la nature, l'espèce, l'origine, les qualités substantielles, la composition ou la teneur en principes utiles de marchandises, en l'espèce 43 202 boîtes de semi-conserves commercialisées sous la dénomination " bloc de foie gras " ;

- à Mourenx (64), et en tout cas sur le territoire national, courant décembre 1987, commis des faux en écriture privée, en apposant sur 43 202 boites de semi-conserves un faux code d'identification de fabricant et fait usage desdits faux;

A déclaré D Alain coupable d' avoir à Castelnau d'Auzan (32), et en tout cas sur le territoire national, courant décembre 1987 et courant 1988, en tout cas par temps non couvert par la prescription, étant lui-même ou non partie au contrat, trompé ou tenté de tromper le contractant par quelque moyen ou procédé que ce soit sur la nature, l'espèce, l'origine, les qualités substantielles, la composition ou la teneur en principes utiles de marchandises, en l'espèce 43 202 boîtes de semi-conserves commercialisées sous la dénomination "bloc de foie gras",

En répression, a condamné :

- L André à une peine d'un an d'emprisonnement et 200 000 F d'amende,

- D Alain à un an d'emprisonnement et 150 000 F d'amende;

A dit qu'il sera sursis à l'exécution des peines privatives de liberté prononcées à leur encontre.

A ordonné en outre la publication du présent jugement par extraits :

- dans le journal Sud Ouest éditions Dordogne, Gers et Pyrénées Atlantiques,

- dans la publication "Libre Service Actualités" (LSA 06 rue Marius Aufan à Levallois Perret (92300) aux frais des prévenus à concurrence de 6 000 F chacun ;

A reçu les parties civiles en leur constitution ;

A condamné (solidairement avec Malaurie Jean- Paul) L André et D Alain à payer chacun 1 F à titre de dommages et intérêts à la CSC et à la CFC

Les a condamnés en outre chacun à payer à ces parties civiles 2 500 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;

Les a condamnés solidairement à payer au CDAFA la somme de 20 000 F à titre de dommages et intérêts et 2 500 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;

Les a condamnés, chacun pour sa part, aux dépens de l'instance ;

Sur quoi,

La cour a mis l'affaire en délibéré pour rendre son arrêt publiquement à l'audience du 8 décembre 1992;

A l'audience du 8 décembre 1992, la Cour d'appel de céans a prorogé son délibéré à l'audience du 15 décembre 1992, puis à celle du 12 janvier 1993 ;

Et, à l'audience de ce jour, Monsieur le Président a donné lecture de la décision suivante :

En la forme:

Les appels des prévenus L et D, du Ministère public et du Conseil Départemental des Associations Familiales Laïques, interjetés dans les forme et délai prescrits, sont réguliers et recevables.

Au fond

Le prévenu L est appelant, tout comme D, d'un jugement du 21 janvier 1992 du Tribunal de grande instance de Bergerac qui, des chefs de fraude sur les qualités substantielles d'un produit alimentaire, en l'espèce 43 202 boîtes de semi-conserves commercialisées sous la dénomination " bloc de foie gras" et de faux et usage, par l'apposition sur ces 43 202 boîtes de semi-conserves d'un faux code d'identification de fabricant, l'a condamné à un an d'emprisonnement avec sursis et 200 000F d'amende. Cette même décision a en outre ordonné la publication du jugement par extraits dans le journal "Sud Ouest" éditions des départements de la Dordogne, du Gers et des Pyrénées Atlantiques, et a reçu en leur constitution de partie civile la Confédération Française de la Cuisine, la Chambre Syndicale des Industries de la Conserve et le Conseil Départemental des Associations Familiales et Laïques, a condamné les prévenus L, M et D à payer chacun 1 F à titre de dommages et intérêts aux deux premières parties civiles susvisées , 20 000 F à la 3ème partie civile sus mentionnée ainsi que 2 500 F à chaque partie civile sur le fondement de l'article 475-1 du CPP.

Monsieur André L sollicite principalement la nullité de la procédure pour violation des dispositions de la loi du 1er août 1905 et du décret du 22 janvier 1919 et subsidiairement sa relaxe des fins de la poursuite. Il fait plaider que l'absence d'expertise contradictoire, règle essentielle prévue par la loi du 1er août 1905, entraîne la nullité des actes de poursuites, aucune présomption ne pouvant suppléer le défaut d'expertise; c'est donc à tort, selon le Conseil de L, que le Tribunal s'est fondé sur des constatations matérielles, des témoignages, des constats, des dénonciations ou des aveux, des résultats d'analyses, en tout état de cause inopérants dès lors que n'a pas été instituée une expertise contradictoire.

Concernant le faux, L fait observer que l'indication du Code 798-20, destinée, selon lui, à savoir à qui pourrait être destiné ce lot, ne constitue pas une infraction punissable dans le cas d'espèce puisqu'il ne s'agit que d'une contravention, au demeurant prescrite, aux dispositions du décret du 7 décembre 1984 ou de celui du 3 mars 1981.

En tout cas, L affirme n'avoir eu aucun intérêt à vouloir escroquer les magasins Intermarché revendeurs aux consommateurs du produit incriminé.

Le Ministère public requiert la confirmation, en toutes ses dispositions de la décision déférée dans la mesure où les infractions ont été non seulement analysées par les services de la Concurrence mais aussi et surtout reconnues à l'audience du Tribunal de Bergerac.

Le prévenu D fait plaider les moyens de droit, déjà invoqués in limine litis devant les premiers juges.

Il observe que le défaut d'expertise contradictoire empêche le juge-----de recourir à d'autres moyens ou éléments de preuves, en l'espèce à tort accueillis par le Tribunal de Bergerac.

Il réitère que la jonction de deux procédures concernant deux fraudes distinctes, en l'absence d'un lien de connexité absolue, porte atteinte aux droits de la défense; qu'il en découle l'annulation du jugement.

Subsidiairement il invoque le défaut d'intention coupable et, en conséquence, sollicite sa relaxe.

Les parties civiles soit intimées soit appelante concluent à la confirmation du jugement déféré, sollicitant toutefois, chacune, une indemnité supplémentaire fondée sur l'article 475-1 du CPP.

Sur la nullité de la procédure pour absence d'expertise contradictoire

La preuve des infractions en matière de fraudes peut être établie par toutes les voies de droit commun; le principe en est posé par l'article 1er du décret du 19 janvier 1919. Il est de principe que la preuve peut résulter de constatations faites par les inspecteurs de la Répression des Fraudes.

Rien ne permet en conséquence d'affirmer que l'absence d'expertise contradictoire entraîne la nullité de la poursuite ; son absence pourrait, au demeurant, entraîner non la nullité mais la relaxe, faute d'administration de la preuve de l'infraction selon les modalités organisées par le législateur pour déterminer les qualités substantielles d'un produit destiné à la consommation.

En l'espèce c'est donc à juste titre que le tribunal a rejeté la demande de nullité de la poursuite pour défaut d'expertise contradictoire.

Sur les effets de la jonction :

Les deux procédures ont été jointes, les faits étant connexes". Ce lien de connexité n'est pas sérieusement contesté par D qui, dans ses écritures, relève l'absence de connexité " absolue ". De fait les deux procédures concernent des agissements analogues. C'est donc, là encore, à juste titre que le tribunal a ordonné la jonction des procédures.

Sur le fond:

En des énonciations particulièrement pertinentes et justifiées, relatant très exactement les rapports juridiques entre les différentes sociétés en cause, soit fabricant soit distributrices soit revendeurs des produits litigieux ainsi que le rôle, notamment commercial1 de chacun des prévenus, le tribunal a parfaitement analysé, décrit, et qualifié les agissements reprochés à chaque prévenu.

D prétend qu'une phrase le concernant du jugement serait incompréhensible. Il convient sur ce point d'observer que la phrase dont il s'agit est directement reliée à la précédente par la locution d'autre part ". La portée de la phrase que D estime incompréhensible devient dès lors parfaitement intelligible, dans la mesure où elle n'est pas détachée de son contexte.

Il convient, en conséquence, de confirmer, en adoptant ses motifs, le jugement du Tribunal de grande instance de Bergerac.

Sur l'action civile

Il convient également de confirmer les dispositions civiles du jugement déféré, observation étant faite que le tribunal a pris soin de préciser en quoi les intérêts qu'elles défendent ont pu être lésés.

Il y a lieu enfin de condamner chaque prévenu à payer à chacune des parties civiles une indemnité complémentaire de l'article 475-1 du CPP.

Par ces motifs, LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, prévenus, Déclare recevables en la forme les appels des du Ministère public et du CDAFAL. Rejette les demandes de nullité de procédure. Confirme en toutes ses dispositions civiles et pénales le jugement entrepris "étant observé que les frais de publication mis à la charge des prévenus seront d'un coût maximum de 6 000 F par prévenu et par journal" (selon arrêt rectificatif du 14 mai 1996). Y ajoutant, Condamne les prévenus à payer à chaque partie civile une somme complémentaire de 2 000 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale. Constate que l'avertissement prévu par l'article 737 du Code de procédure pénale n'a pu être donné au prévenu L André absent lors du prononcé de l'arrêt. Constate que l'avertissement prévu par l'article 737 du Code de procédure pénale n'a pu être donné au prévenu D Alain absent lors du prononcé de l'arrêt. Condamne L André et D Alain aux entiers dépens, dont ceux dus au Trésor Public, liquidés a la somme de 1 212,78 F, le tout en application des articles 749 et 750 du Code de procédure pénale.