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Décisions

CA Dijon, 1re ch. sect. 2, 9 octobre 1992, n° 01700-91

DIJON

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Marcel Micault (SA)

Défendeur :

Dalvai (Epoux)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Martin

Conseillers :

Mme Arnaud, M. Vignes

Avoués :

SCP Andre-Gillis, SCP Avril-Hanssen

Avocats :

Mes Mélison, Baum.

T. com. Saint-Dizier, du 7 juin 1991

7 juin 1991

Exposé du litige:

La société Marcel Micault, grossiste en boissons, s'est portée caution à concurrence de 30 % d'un prêt souscrit auprès de la BNP de Saint-Dizier par les époux Dalvai pour financer l'achat d'un fonds de commerce de café-bar-débit de boissons à l'enseigne "Embassy Bar", à Saint-Dizier, suivant acte notarié passé courant 1987, sans autre précision de date.

En contrepartie un contrat d'achat exclusif de bière pour une durée de 10 ans ainsi qu'un contrat d'achat exclusif de boissons pour une durée de 5 ans, ont été souscrits le 1er avril 1987 par les époux Dalvai auprès de la société Micault.

Le 12 janvier 1990 les époux Dalvai ont revendu le fonds de commerce à Monsieur Serge Pierret sans lui imposer la continuation des contrats.

Se prévalant de la clause contractuelle qui les y obligeait, stipulée entre les parties, la société Micault leur a adressé le 30 mars 1990 une mise en demeure de lui verser la somme de 241 522,85 F à titre de pénalité prévue à l'article 7 du contrat et, faute d'exécution, les a assignés en paiement devant le Tribunal de commerce de Saint-Dizier, suivant acte en date du 5 septembre 1990.

Par jugement du 7 juin 1991, les établissements Micault ont été déboutés de l'ensemble de leurs prétentions relatives à l'application de la clause pénale et condamnés à payer aux époux Dalvai la somme de 3 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, au motif que s'agissant d'obligations réciproques, la disparition de l'une, consécutive au remboursement anticipé du prêt, entraînait la disparition de l'autre.

La société Micault a interjeté appel de ce jugement et a fait grief aux premiers juges d'avoir statué ainsi alors que la contrepartie du cautionnement consenti consistait en l'approvisionnement exclusif pour une durée déterminée sanctionné en cas d'inexécution, suivant l'article 7 du contrat, par le versement d'une indemnité égale à 20 % du chiffre d'affaires réalisé jusqu'au terme du contrat.

Elle conclut à la réformation du jugement et à la condamnation des époux Dalvai à titre principal au paiement de la somme de 241 522,85 F, ainsi que de celle de 10 000 F à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive.

Subsidiairement elle sollicite l'indemnisation du risque supporté du fait du cautionnement qu'elle évalue à 174 420 F.

Les époux Dalvai répliquent que l'obligation d'achat exclusif de boissons n'ayant plus de contrepartie, en raison du remboursement du prêt, doit être réputée non écrite et concluent, à titre principal, à la confirmation du jugement entrepris ainsi qu'à la condamnation de l'appelante à leur verser une somme de 5 000 F à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et de 5 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Subsidiairement ils sollicitent la suppression de la clause pénale ou sa réduction à la valeur du préjudice réellement subi.

Motifs de la décision

Attendu que les contrats de fourniture de bière et de boissons souscrits tous deux le 1er avril 1987 par les époux Dalvai rappellent en leur article 1er l'engagement de caution donné par la société Micault afin de garantir l'octroi d'un prêt relatif à l'acquisition d'un fonds de commerce de café-bar et soulignant que sans cet avantage "la réalisation de la cession au profit des époux Dalvai n'aurait pu avoir lieu".

Que selon une copie du procès-verbal de délibération du conseil d'administration de la société Micault du 10 février 1987 l'autorisation de consentir le cautionnement a été donnée en raison de l'intérêt commercial que l'opération présentait et sous réserve de la signature du contrat de prêt et du contrat de fournitures habituel par les époux Dalvai;

que d'autre part la durée d'exécution des contrats de fourniture de bières et de boissons signés le 1er avril 1987, a été fixée respectivement à 10 ans et 5 ans;

Attendu qu'il résulte de l'articulation de ces contrats que la cause de l'engagement de la société Micault résidait dans l'acceptation par les époux Dalvai de se fournir auprès d'elle pendant le temps où ces derniers exploiteraient leur fonds de commerce et dans les limites ci-dessus rappelées, et non pas jusqu'au parfait remboursement du prêt;

Attendu en outre qu'il a été stipulé à l'article 7 du contrat d'exclusivité le paiement d'une indemnité forfaitaire de 20 % du chiffre d'affaires à réaliser jusqu'au terme normal du contrat et que l'article 8 a prévu qu'en cas de vente du fonds le revendeur devrait aviser le fournisseur 15 jours avant la mutation, par lettre recommandée avec avis de réception et s'engageait à la reprise par son successeur de l'exécution du contrat et à défaut supporterait la charge de la clause pénale prévue à l'article 7;

Attendu qu'en admettant que l'obligation de la société Micault avait disparu du fait du remboursement par les époux Dalvai de l'emprunt pour lequel elle s'était portée caution, les premiers juges ont fait une application erronée des contrats susvisés et que le jugement entrepris doit être infirmé;

Attendu cependant qu'il résulte des éléments de la cause que la peine convenue entre les parties est manifestement excessive au regard du manquement aux obligations contractuelles constaté et qu'il convient de la réduire à la somme de 20 000 F en application de l'article 1152 du Code civil;

Attendu que dans la mesure où la société Micault s'est trouvée engagée en qualité de caution durant un court délai, soit trois années durant lesquelles les contrats de fourniture exclusive ont reçu application, il n'y a pas lieu de lui allouer les dommages-intérêts réclamés au titre des risques encourus et que sa demande, d'ailleurs formée pour la première fois en cause d'appel, sera rejetée;

Attendu qu'il en sera de même en ce qui concerne les dommages-intérêts réclamés en raison de la résistance au paiement opposée par les intimés, dont le caractère abusif n'est pas démontré;

Par ces motifs, LA COUR, - Reçoit la SA Marcel Micault en son appel; - Au fond, infirme le jugement du Tribunal de commerce de Saint-Dizier en date du 7 juin 1991; - Statuant à nouveau, condamne les époux Dalvai à payer solidairement à la SA Marcel Micault la somme de 20 000 F (vingt mille francs) au titre de la clause pénale prévue par l'article 7 des contrats d'achat exclusif conclus le 1er avril 1987: - Déboute la SA Marcel Micault du surplus de ses demandes; - Condamne les époux Dalvai aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de la SCP Andre-Gillis, avoués, en application de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.