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Décisions

Conseil Conc., 20 février 2004, n° 04-D-04

CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Décision

Secteur des travaux d'électrification rurale réalisés dans le département de la Charente-Maritime

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré, sur le rapport oral de Mme Bleys, par Mme Pasturel, vice-présidente, Mme Behar-Touchais, ainsi que MM. Flichy, Piot, Ripotot, membres.

Conseil Conc. n° 04-D-04

20 février 2004

Le Conseil de la concurrence (section IV),

Vu la lettre enregistrée le 28 août 1996, sous le numéro F 899, par laquelle le ministre délégué aux Finances et au Commerce extérieur a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques de concertation entre des sociétés soumissionnaires de marchés publics, mises en œuvre dans le secteur des travaux d'électrification rurale réalisés dans le département de la Charente-Maritime. Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié, fixant les conditions d'application de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 et le décret n° 2002-689 du 3 avril 2002 fixant les conditions d'application du livre IV du Code de commerce; Vu les observations présentées par le commissaire du Gouvernement et par les sociétés Spie- Trindel, Allez et Cie, Rivet, Entreprise Industrielle, Lacombe Réseaux, Charentaise d'équipement Electrique (CEE), Robin, Union Electrique Industrielle et Rurale (UEIR), Sobeca et Electro Entreprise Charentaise (EEC); Vu les autres pièces du dossier; La rapporteure, la rapporteure générale adjointe, le commissaire du Gouvernement, les sociétés Spie-Trindel SA, Allez, Exploitation des établissements Rivet SA, Entreprise Industrielle Réseaux Ouest SA, Lacombe Réseaux SA, Charentaise d'équipement Electrique, Robin SA, SA Union Electrique Industrielle et Rurale (UEIR), Sobeca SA, 2EC (Electro Entreprise Charentaise), EI Réseaux Ouest SA, ainsi que la SARL Charentaise d'Equipement Electrique (CEE) entendus au cours de la séance du 16 décembre 2003;

Adopte la décision suivante:

I. - Constatations

A. - LES MARCHÉS ET LES ENTREPRISES

1. Le Syndicat départemental d'électrification et d'équipement rural (SDEER) de Charente-Maritime organise depuis 1986 le service d'entretien de l'éclairage public et, dans ce cadre, procède tous les trois ans à un appel d'offres pour la réalisation des travaux de modernisation, d'extension et d'entretien des réseaux d'éclairage public. A l'époque des faits examinés, le SDEER assurait également la maîtrise d'ouvrage pour les travaux de génie civil du réseau téléphonique, uniquement en ce qui concerne la mise en souterrain des réseaux.

2. Le calendrier du lancement du marché passé pour la période 1993-1995 était le suivant:

- appel d'offres publié dans le bulletin officiel des annonces des marchés publics du 3 juillet 1993;

- date limite de réception des offres fixée au 2 août 1993;

- réunion de la commission d'ouverture des plis, le 4 août 1993.

3. Les propositions de prix devaient prendre la forme d'un rabais ou d'une majoration s'appliquant aux prix des prestations décrites dans le bordereau de prix unitaires (BPU) figurant dans le dossier d'appel d'offres. Les travaux faisant l'objet de l'appel d'offres étaient répartis en neuf lots et les entreprises avaient la possibilité de soumissionner pour plusieurs lots, à condition de faire des offres distinctes. Le montant total estimatif annuel des travaux se situait dans une fourchette allant de 25 800 000 F HT à 49 900 000 F HT. Trente deux entreprises ont présenté des offres, individuellement ou en groupement.

4. La commission d'examen des offres a attribué "les lots 1, 2, 3, 4, 5, 7, 8, 9, 10 aux entreprises ayant proposé le coefficient le plus faible, ces entreprises ayant déjà donné toute satisfaction dans l'exécution de chantiers de même nature", à savoir:

Lot 1: Spie Trindel - Entreprise Industrielle (EI)

Lot 2: Entreprise Allez

Lot 3: Rivet Et Entreprise Industrielle

Lot 4: Lacombe Réseaux

Lot 5: Sobeca

Lot 7: Charentaise d'Équipement Électrique (CEE)

Lot 8: CEE Et Electro Entreprise Charentaise (2EC)

Lot 9: Entreprise Robin

Lot 10: Union Electrique Industrielle Et Rurale (UEIR).

Les lots 6 et 11, réservés à des sociétés coopératives ouvrières de production, étaient exclus de l'appel d'offres.

B. - LES PRATIQUES RELEVÉES

1. - Avant le lancement de l'appel d'offres

L'élaboration d'un nouveau bordereau de prix unitaires (BPU) (période de septembre 1992 à juin 1993)

5. Dix entreprises, déjà titulaires de marchés d'électrification, les sociétés Spie-Trindel, Allez, Rivet, Entreprise Industrielle dont la dénomination actuelle est EI Réseaux Ouest, Lacombe Réseaux, Charentaise d'équipement Electrique, Robin, Union Electrique Industrielle et Rurale, Electro Entreprise Charentaise (EEC) dont la dénomination actuelle est SA 2EC et Sobeca, constatant le décalage existant entre, d'une part, l'évolution des conditions techniques et économiques de réalisation de travaux pour le SDEER de la Charente-Maritime et, d'autre part, la rémunération des entreprises, résultant de l'application du BPU en vigueur pour les marchés des années 1990, ont proposé au SDEER de procéder à l'actualisation du bordereau de prix unitaires existant.

6. L'examen des agendas des responsables des dix entreprises citées au paragraphe ci-dessus a permis de dénombrer dix réunions figurant sous la mention "SERCE", antérieures au 3 juillet 1993, date de la publication de l'avis de consultation pour l'attribution des lots. D'une façon générale, l'objet exact de ces réunions n'a pas été mentionné si ce n'est d'une manière succincte, mais plusieurs responsables d'entreprises ont indiqué que le sigle "SERCE", figurant dans les agendas, ne désigne pas le syndicat professionnel (Syndicat des Entreprises de Réseaux et de Constructions Electriques) mais la tenue de réunions professionnelles, malgré son impropriété: "S'agissant des réunions consacrées à cette étude de bordereau, le sigle "SERCE" est utilisé de manière impropre. Il s'agit d'un abus de langage des entreprises qui désignent de cette façon les réunions à caractère professionnel" (cote 291 des annexes du rapport). Ces réunions ont eu lieu à Rochefort, les 5 et 14 octobre 1992, 11 janvier 1993, 4, 10 et 16 février 1993, 9 et 22 mars 1993, 8 et 16 juin 1993.

7. Les entreprises, après avoir défini des bases de calculs communes, se sont réparties en deux groupes d'étude, l'un spécialisé dans les travaux aériens, l'autre dans les travaux souterrains.

8. Les déclarations des chefs d'entreprise recueillies au cours de l'enquête, de même que les documents suivants figurant au dossier, ont confirmé l'existence et l'objet de ces réunions:

- Une convocation, datée du 18 septembre 1992, pour la réunion "SERCE" du 5 octobre 1992, adressée par la société Allez aux entreprises SPIE, Robin, EI, Rivet, EEC, UEIR, CEE, Sobeca et Lacombe, ayant pour objet: "Travail sur bordereau 93." (cote 286 des annexes du rapport).

- Une note manuscrite en date du 5 octobre 1992, prélevée dans les locaux de la société Spie-Trindel, qui mentionne la participation des dix entreprises précitées, ainsi que le nom de leur représentant présent et la composition des deux groupes de travail, en charge respectivement des travaux aériens et des travaux souterrains:

"Aérien: Lacombe, EUIR, EI, EEC, Allez.

Souterrain: Sobeca, CEE, SPIE, Robin, Rivet" (cote 147 des annexes du rapport)

- un extrait du projet de bordereau établi, selon le responsable du centre de Périgny de la société Spie-Trindel, "par le groupe d'étude travaux souterrains"

- un extrait d'étude adressé par la société Sobeca à la société Spie-Trindel, le 6 novembre 1992 (cote 143)

- une note ayant pour objet: "Bordereau ER 93" adressée à l'entreprise Rivet, le 3 novembre 1992, par la société Spie-Trindel:

"Veuillez trouver ci-joint les sous-détails de prix pour les chapitres suivants.

"Art. 150103 à 150217 Poste de transformation et Equipement Electrique (4 pages)

Art. 180301 à 180304 Fourreaux (1 page)

Art. 180815 à 180903 Raccordement électrique (2 pages). Les sous-détails des articles 180405 à 180813 vous seront envoyés par Sobeca.

Art. 190001 à 190009 Hors bordereau (1 page). Compte tenu de notre étude et des prix récents calculés par M. X au mois de juillet 92, nous vous proposons de les garder en l'état.

Nota: Pour tous ces articles, ne plus prendre en compte ceux qui vous ont été donnés lors de notre dernière réunion" (cote 341).

9. Les résultats de ces études communes ont été communiqués au SDEER, comme l'indique son directeur dans une déclaration du 31 janvier 1996: "A l'issue de leurs études, les entreprises m'ont présenté leurs propositions qui ont fait l'objet d'une étude de ma part, notamment sur l'introduction d'articles nouveaux et d'explications réciproques au cours de la réunion du 16 juin 1993. Il s'agit de la seule réunion que j'ai eue avec l'ensemble des entreprises sur ce point" (cote 429).

2. - Après le lancement de l'appel d'offres du 3 juillet 1993

L'analyse du BPU définitif

10. Il ressort des déclarations ci-après que, lors du lancement de l'appel d'offres du 3 juillet 1993, le BPU définitif retenu par le SDEER, sensiblement différent de celui proposé par les entreprises et figurant dans le dossier d'appels d'offres communiqué à des dernières, a suscité des réactions de mécontentement de la part de leurs responsables:

- "Ce travail a demandé un temps important, tant en études personnelles qu'en réunions. Le résultat, c'est à dire le bordereau définitivement adopté par le SDEER, n'a pas été à la hauteur de l'effort que nous avons fourni." (société Allez, (cote 288),

- "Je vous précise tout de suite qu'il (le SDEER) n'a pris en compte les résultats de notre étude que pour une part mineure" (société Rivet, cote 352),

- "Je vous précise que le bordereau des prix finalement adopté par le SDEER n'a pratiquement tenu aucun compte de n° propositions, en dehors de l'évolution normale des prix" (société CEE, cote 389),

- "Le bordereau des prix unitaires finalement établis par M. X nous est apparu très éloigné et en dessous de n° calculs. Un point positif: la rémunération des études" (société Lacombe, cote 360).

11. Il ressort, par ailleurs, de l'examen des agendas des responsables des entreprises en cause qu'au cours du mois de juillet 1993, c'est-à-dire dans la période comprise entre la date de publication de l'avis de consultation et la date limite de réception des offres par le SDEER, plusieurs réunions, auxquelles ont participé la société Entreprise Industrielle, la société Rivet et la société CEE, ont été organisées:

- La réunion du 16 juillet 1993, au sujet de laquelle le gérant de la Sarl Rivet a indiqué, dans le procès-verbal de déclaration du 16 mai 1995 (cote 356), qu'il s'agissait d'une "réunion des entreprises pour l'étude du BPU définitif établi par le SDEER". L'objet de cette réunion a été confirmé par le responsable de la société CEE (cote 394).

- Les réunions des 21, 28 et 30 juillet 1993, à propos desquelles les responsables des sociétés Rivet et CEE ont déclaré qu'elles avaient toutes le même objet que la précédente (cotes 356 et 394).

12. De même, la déclaration du directeur d'agence de la société Allez confirme la participation de cette entreprise aux réunions du mois de juillet 1993, ainsi que leur objet: "Il résulte de l'analyse critique du bordereau définitif du SDEER à laquelle nous avons procédé au cours de(s) réunions de juillet 93 que ce document a gommé en partie les décalages techniques précédemment constatés et représente une évolution d'environ + 6 % à + 7 % par rapport à l'ancien bordereau" (cote 288).

13. Les autres chefs d'entreprise n'ont pas mentionné ces réunions dans leurs agendas.

3. - La répartition des marchés

Les tableaux de répartition

14. Un tableau manuscrit, saisi dans les locaux de la société Rivet, (cote 299), fait mention, pour toutes les entreprises mises en cause, de montants concernant 10 lots. Le gérant de la société Rivet a déclaré: "Il s'agit de notes que j'ai prises au cours de la réunion du 4 février 1993 concernant des montants de travaux facturés au titre des programmes ER (électrification rurale) 91 et 92 pour chaque entreprise attributaire. Ce tableau a été réalisé à titre indicatif afin de mesurer le volume d'activité de chaque entreprise au regard d'une moyenne théorique, ce qui aurait pu permettre éventuellement à une société en surcharge de travail momentanée de sous-traiter une part de son activité. J'affirme que la société Rivet n'a pas reçu à la suite de cette réunion de travail en sous-traitance d'une autre entreprise. Ce n'était d'ailleurs pas l'objet de la réunion" (cote 357).

15. Les responsables des sociétés CEE et Allez ont confirmé ces propos et des documents semblables ont été saisis dans les locaux de leurs entreprises. Le directeur de l'agence de Saint-Jean-d'Angely de la société EI a déclaré qu'au cours de la réunion du 4 février 1993, "il s'agissait a priori de faire le point entre les différents titulaires de marchés SDEER des programmes réalisés par chacun" (cote 253). A la date du 4 février 1993, figurent également dans les agendas des responsables des sociétés Sobeca, Entreprise Industrielle, Rivet et CEE, les mentions: "Partage SDEER", "RV Hôtel Paris Pour répartition", "Prog 91 prog 92 Récapitulatif", "Réunion listing partage SDEER" (cotes 211, 298, 369, 378).

16. Un autre tableau, intitulé "Réunion EP-ER (éclairage public-électrification rurale)", saisi dans les locaux de la société Rivet (cote 305), totalise pour chaque entreprise les travaux réalisés, ensuite comparés à une part théorique pour aboutir à un solde. Il est suivi d'un second tableau, intitulé "Donne-Reçoit" (cote 306), qui répartit les excédents déterminés par le premier tableau entre les entreprises déficitaires au regard de la part théorique qui leur a été attribuée. Le gérant de la société Rivet a déclaré avoir établi ces tableaux en février 1995 et cette datation est confirmée, notamment par les deux rendez-vous notés en bas de page du tableau figurant à la cote 306 des annexes du rapport, pour le jeudi 16-02 et le lundi 27-02, qui correspondent au calendrier de 1995. Le gérant de la société Rivet a déclaré que ce tableau avait pour objet "de faire le point des facturations 1994 des différentes entreprises présentes en ER. La moyenne théorique indiquée pour chaque entreprise n'a donné suite à aucune sous-traitance puisqu'il s'agissait d'une simple simulation pour mon usage personnel" (cote 358).

Les résultats de l'appel d'offres

17. Il est observé:

- que les neuf lots ayant fait l'objet d'un appel d'offres en 1990 n'ont pas changé d'attributaire en 1993:

- que les entreprises attributaires ont remis une offre sur plusieurs lots, mais que leurs propositions ne se sont révélées moins disantes que pour le lot dont elles étaient antérieurement attributaires:

EMPLACEMENT TABLEAU

18. Les entreprises ont fourni les explications suivantes:

EMPLACEMENT TABLEAU

Entreprise Spie Trindel (offres: lots n° 1, 2 et 9 - attributaire: lot 1), à propos de l'étude annexée à la cote 208: "Ce calcul ne concerne que le lot n° 1, seul lot pour lequel nous avions des éléments de comparaison [...]. Les éléments de réflexion concernant les lots 2 et 9 ont fait l'objet d'une étude succincte" (procès-verbal de déclaration du chef du département "Réseau" en date du 20 septembre 1995, cote 205). Celui-ci a également précisé que l'agence de Périgny n'était pas en mesure d'assurer seule les travaux aériens du lot n° 2 et aurait dû faire appel à une autre agence ou à la sous traitance.

Entreprise Industrielle (offres: lots n° 1, 2, 3, 7, 8, 9 - attributaire du lot n° 2): Un responsable, chef de service "lignes et réseaux" de cette entreprise a indiqué ne pas avoir estimé le lot n° 2 suffisamment porteur pour reconduire le groupement antérieur avec l'entreprise Allez. En revanche, considérant que le lot n° 1 "constitue l'un des lots les plus porteurs", l'entreprise EI a constitué un groupement avec la société Spie-Trindel, ancienne titulaire (cote 258). Cette société est orientée vers les travaux souterrains alors que la société EI est plus qualifiée pour les travaux aériens.

Entreprise Allez (offres pour la totalité des lots - attributaire du lot n° 2): Le directeur de l'agence de Rochefort a déclaré: "J'ai déposé une offre sur la totalité des lots pour affirmer la capacité de l'agence à être présente sur l'ensemble du territoire SDEER. L'établissement de ces offres n'a pas donné lieu à une étude formalisée sur un document propre à chaque lot" (cote 292). S'agissant du lot n° 2, l'entreprise Allez a rétrocédé la partie aérienne de son lot à l'entreprise EI.

Entreprise Rivet (offres: lots n° 2, 3, 7, 10 - attributaire du lot n° 3): "J'ai répondu sur les lots 2, 7 et 10 afin d'être présent sur ces lots en cas de défection éventuelle d'autres entreprises" (procès-verbal de déclaration du gérant, cote 355).

Entreprise Lacombe Réseaux (offres : totalité des lots - attributaire du lot n° 4): "Le coefficient proposé pour le lot 4 a été déterminé au tout dernier moment [...]. Je n'ai pas conservé mes documents d'étude" (procès-verbal de déclaration du président de la société, cote 363).

Entreprise Sobeca (offres: lots n° 2, 3, 4, 5, 7, 8, 10 - attributaire du lot n° 5): Le directeur régional a indiqué que les offres avaient été établies à partir de "la connaissance du terrain, du volume des travaux et de la stratégie commerciale de l'agence" (cote 372).

Entreprise CEE (offres: lots n° 2, 3, 4, 7, 8, 9 - attributaire du lot n° 7): Pour le chef d'agence, les propositions de prix faites au SDEER résultent de la seule décision de la direction du groupe et le choix des rabais "résulte moins de considérations techniques que des critères de politique commerciale" (cote 392).

Entreprise EEC (offres: lots n° 1, 2, 7, 8 - attributaire du lot n° 8 avec CEE): Le responsable interrogé a déclaré ne pas être en mesure de dire comment les offres avaient été établies ni de fournir les notes de calculs (cote 401).

Entreprise Robin (offres: la totalité des lots - attributaire du lot n° 9): Les offres "relèvent avant tout d'une volonté d'être commercialement présente sur l'ensemble du département" (cote 408).

Entreprise UEIR (offres: lots n° 1, 2, 3, 4, 5 10 - attributaire: lot n° 10): Cette entreprise ne possède plus les éléments qui ont permis de chiffrer les offres de prix, selon les déclarations de son chef d'agence à Chaniers (cote 421).

4. - Les offres des sociétés Charentaise d'Equipement Electrique (CEE) et Union Electrique Industrielle et Rurale (UEIR)

19. Le chef de l'agence CEE de Charente Maritime a indiqué (procès-verbal d'audition du 22 juin 1995): "La Sarl Charentaise d'Equipement Electrique (CEE) appartient au groupe Bonmort qui a été racheté en début d'année 1995 par GTMH. Le gérant de CEE est désormais M. Y, lequel dirige le groupe Bonmort dans son ensemble" (cote 389).

20. De même, le chef de l'agence UEIR de Chaniers a précisé (procès-verbal d'audition du 21 juin 1995): "L'agence UEIR de Chaniers est rattachée au groupe Bonmort désormais dirigé par M. Y" (cote 420).

21. Il ressort des extraits K-bis du 6 janvier 2002 que M. Jean François Y est Président du conseil d'administration de la SA UEIR ainsi que de la société Bonmort et qu'il a été nommé gérant de la Sarl CEE en remplacement de Mme Z, le 24 juin 1996.

22. Les documents suivants font apparaître qu'à la date de l'appel d'offres, ces deux sociétés exerçaient déjà leur activité dans le cadre du groupe Bonmort:

- Une lettre, en date du 14 mai 1993, adressée par Bonmort SA, dont le siège est à Bonneuil de Verrines, au centre AFPA de l'Isle Jourdain, recueillie dans les locaux de la société CEE, relative à la formation professionnelle de monteurs, qui concerne indistinctement diverses sociétés du groupe parmi lesquelles CEE et UEIR (cote 381).

- Un calendrier de passage d'un responsable du groupe dans les différentes "agences", sur lequel figurent les sociétés CEE et UEIR (cote 382).

- S'agissant des offres présentées par les sociétés CEE et UEIR, lors de l'appel d'offres lancé par le SDEER de Charente-Maritime, la société CEE a présenté une offre pour les lots n° 2, 3, 4, 7, 9 et 8 (CEE étant groupée avec EEC pour ce dernier lot) et la société UEIR a présenté des offres pour les lots n° 1, 2, 3, 4, 5 et 10. Les offres ont été signées par M. André Z, directeur, pour CEE et par Mme Line Z, président directeur général, pour UEIR.

23. Le chef d'agence de l'entreprise CEE a indiqué (procès-verbal d'audition du 22 juin 1995): "le montant des rabais et le choix des lots pour lesquels CEE a présenté une proposition ont relevé de la seule décision de la direction du groupe Bonmort à Bonneuil de Verrines, à savoir M. André Z" (cote 391), tandis que le chef d'agence de l'entreprise UEIR a, de son côté, déclaré (procès-verbal d'audition du 21 juin 1995): "Les éléments précités dont je n'ai pas conservé de copie, ont été transmis à ma direction de Bonneuil de Verrines (siège de Bonmort SA). Les montant des rabais proposés et le choix des lots pour lesquels une offre a été présentée résultent de décisions prises par M. André Z" (cote 422).

5. - Les griefs notifiés

24. Sur la base des constatations qui précèdent, il a été fait grief aux sociétés:

- Spie Trindel

- Allez

- Rivet

- Entreprise Industrielle (EI) (maintenant dénommée EI Réseaux Ouest)

- Lacombe Réseaux

- Sobeca

- Charentaise D'equipement Electrique (CEE)

- Electro Entreprise Charentaise (EEC) (maintenant dénommée SA 2 E C)

- Robin

- Union Electrique Industrielle Et Rurale (UEIR),

Sur le fondement de l'article L. 420-1 du Code de commerce,

- d'avoir participé antérieurement à la remise des offres à une concertation, en vue de réviser le bordereau de prix unitaires, qui s'est traduite par un échange d'informations sur des éléments fondamentaux de formation des prix qui a eu pour objet et pour effet de réduire l'indépendance de leurs offres, lors de l'appel d'offres du 3 juillet 1993 pour le marché de travaux d'électrification du département de la Charente Maritime

- d'avoir participé à une concertation, préalablement au dépôt de leurs soumissions, qui a eu pour objet et pour effet de coordonner leurs offres en vue de maintenir la répartition des marchés au bénéfice des titulaires antérieurs et d'empêcher ainsi la remise en cause du partage par des offres extérieures compétitives.

25. Il a également été fait grief aux sociétés:

- Charentaise D'equipement Electrique (CEE)

- Union Electrique Industrielle Et Rurale (UEIR).

d'avoir trompé le maître d'œuvre sur la réalité de la concurrence entre leurs offres. Cette pratique, qui a eu pour effet de restreindre la concurrence, étant contraire aux dispositions de l'article L. 420.1 du Code de commerce.

II. - Discussion

A. - LES MOYENS DE PROCÉDURE

1. - En ce qui concerne la recevabilité de la saisine au regard de la délégation de pouvoirs à M. Yves A, opérée par un décret n° 95-1248 du 28 novembre 1995

26. Les sociétés Charentaise d'Equipement Electrique, EI Réseaux Ouest et Union électrique industrielle et rurale soutiennent que la saisine du Conseil de la concurrence par M. Yves A, ministre délégué aux Finances et au Commerce extérieur, est irrecevable pour défaut de qualité à agir de son auteur, aux motifs que:

- Le décret n° 95-1248 du 28 novembre 1995, relatif aux attributions du ministre délégué aux Finances et au Commerce extérieur, n'a pu valablement déléguer à M. A le pouvoir de saisir le Conseil de la concurrence dès lors qu'en vertu de l'article L. 462-5 du Code de commerce, ce pouvoir a été attribué par la loi au ministre chargé de l'Economie et qu'une délégation de compétence ne peut être autorisée que par un texte adéquat et doit résulter d'une habilitation ayant au moins rang égal à ceux des textes auxquels elle se rapporte, si bien qu'un simple décret ne pouvait modifier les dispositions de la loi.

- La liste des personnes compétentes à l'effet de saisir le Conseil de la concurrence présente un caractère limitatif, ainsi que le Conseil de la concurrence l'a confirmé dans sa décision n° 98-D-18 du 10 mars 1998 l'énumération limitative faite par la loi excluant la possibilité pour les autorités concernées de déléguer leur pouvoir de saisine (CE. ass. 30 juin 1961, Procureur général Cour des comptes CE 28 février 1964, Fédération de l'éducation nationale).

- Les délégations de compétence imprécises sont irrégulières le décret du 28 novembre 1995 ne prévoit aucunement que le ministre délégué est habilité à saisir le Conseil de la concurrence.

27. Aux termes de l'article L. 462-5 du Code de commerce: "Le Conseil de la concurrence peut être saisi par le ministre chargé de l'Economie de toute pratique mentionnée aux articles L. 420-1, L. 420-2 et L. 420-5".Par ailleurs, le décret n° 95-1248 du 28 novembre 1995, relatif aux attributions du ministre délégué aux Finances et au Commerce extérieur, prévoit que: "Article 1: M. Yves A, ministre délégué aux Finances et au Commerce extérieur, exerce les attributions qui lui sont confiées par le ministre chargé de l'Economie et des Finances, relatives à la Consommation, à la Concurrence, aux Marchés publics et au commerce extérieur. (...). Article 3: Le ministre délégué aux Finances et au Commerce extérieur reçoit délégation du ministre de l'Economie et des Finances pour signer, en son nom, tous actes, arrêtés et décisions dans la limite de ses attributions, sous réserve des dispositions de l'article 4 ci-après. Il contresigne conjointement avec le ministre de l'Economie et des Finances les décrets relevant de ses attributions. Article 4: Les décisions relatives au personnel, à l'organisation et au fonctionnement de l'administration centrale et des services déconcentrés des directions et services énumérés à l'article 2 (...) sont prises conjointement par le ministre de l'Economie et des Finances et le ministre délégué aux Finances et au Commerce extérieur".

28. Il résulte en premier lieu de l'article 21 de la Constitution que le Premier ministre peut déléguer certains de ses pouvoirs aux ministres et du décret n° 47-233 du 23 janvier 1947 modifié que les ministres peuvent donner délégation à l'effet de signer tous actes individuels ou réglementaires à l'exception des décrets. Dès lors, le décret du 28 novembre 1995 pris par le Président de la République, contresigné par le Premier ministre et par le ministre de l'Economie et des Finances, a légalement pu prévoir que M. Yves A, ministre délégué aux Finances et au Commerce extérieur, reçoit délégation du ministre de l'Economie et des Finances à l'effet de signer en son nom tous actes et décisions dans la limite des attributions qui lui sont confiées par le ministre des Finances, au nombre desquelles figure la concurrence. Ainsi, la circonstance que certaines attributions particulières aient été confiées au ministre par la loi ne fait pas obstacle à ce que ces attributions puissent, par décret, faire l'objet d'une délégation au ministre délégué. Dans un arrêt n° 129 du 11 janvier 2000, la Cour de cassation, alors qu'était soulevé devant elle le moyen tiré de ce que, la loi ayant confié en propre au ministre chargé de l'Economie la faculté de déclencher une enquête, un simple décret, tel celui du 28 novembre 1995, ne pouvait légalement attribuer ce pouvoir à une autre autorité, a jugé "qu'il n'est pas interdit au ministre de déléguer ses attributions conformément aux lois et règlements". De même, le Conseil d'Etat a considéré que le ministre délégué était compétent, sur le fondement du décret du 28 novembre 1995, pour prendre un arrêté dans une matière où la loi attribue compétence au ministre (CE n° 184557 du 27 avril 1998, M. Cornette de Saint-Cyr).

29. Si, en second lieu, dans sa décision n° 98-D-18 du 10 mars 1998, le Conseil de la concurrence a retenu qu'il ne pouvait être saisi que par les autorités ou organismes énumérés par les dispositions combinées du 1er alinéa de l'article 11 et du 2e alinéa de l'article 5 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et que cette liste présentait un caractère limitatif, cette décision ne s'est pas prononcée sur la possibilité pour le ministre chargé de l'Economie de déléguer sa signature au ministre délégué chargé des Finances à l'effet de saisir le Conseil de la concurrence. Par ailleurs, la solution de l'arrêt précité du 30 juin 1961, par lequel le Conseil d'Etat a considéré que l'énumération limitative faite par la loi des autorités habilitées à saisir la Cour de discipline budgétaire excluait toute possibilité de délégation de ce pouvoir de saisine, ne peut être transposée au cas d'espèce, car cette décision a été rendue au vu de dispositions législatives particulières relatives à la saisine de cette Cour, prévoyant expressément qu'"ont seuls qualité pour saisir la Cour, par l'organe du ministère public, le Président de l'Assemblée nationale, le président du Conseil de la République, le ministre des Finances", les dispositions précitées devant "être regardées, compte tenu du caractère de particulière gravité que présentent les poursuites devant cette haute juridiction, comme ayant entendu exclure, pour les autorités dont s'agit, la possibilité de déléguer leur signature pour décider la saisine de ladite Cour".

30. En troisième lieu, il ressort des dispositions combinées de l'article 1 et de l'article 3 du décret du 28 novembre 1995 que M. Yves A a reçu compétence à l'effet de signer, au nom du ministre, toutes décisions dans la limite des attributions qui lui sont confiées, au nombre desquelles figure la concurrence. Or, la saisine du Conseil de la concurrence constitue une décision relative à la concurrence si bien que, ainsi que la Cour d'appel de Paris en a décidé dans une autre espèce: "M. Yves A était donc habilité par l'effet de ce seul texte à saisir le Conseil de la concurrence" (Sté Masterfood, 7 mai 2002). Dès lors, les sociétés Charentaise d'Equipement électrique, EI Réseaux Ouest et Union électrique industrielle et rurale ne sont pas fondées à soutenir que la délégation consentie à M. A n'est pas suffisamment précise pour l'habiliter à saisir le Conseil.

31. Il s'ensuit que le moyen d'irrecevabilité mis en œuvre par les sociétés CEE, EI Réseaux Ouest et UEIR doit être écarté.

2. - En ce qui concerne la prescription

32. Plusieurs sociétés soutiennent que la convocation du directeur du SDEER pour audition, qui lui a été adressée par un rapporteur le 29 juin 1999, n'avait d'autre justification que la volonté d'interrompre le délai de prescription de trois ans, ce que confirmerait le fait que les questions posées au directeur du SDEER auraient porté sur des éléments depuis longtemps connus et qui figuraient tous déjà dans le rapport d'enquête. Ces sociétés considèrent, dès lors, qu'il s'agit d'un procédé artificiel constitutif d'un détournement de procédure et qu'en conséquence, l'audition en cause n'a pu valablement interrompre la prescription

33. Il apparaît, cependant, à la lecture des pièces de l'enquête administrative, qu'il subsistait une importante contradiction entre la thèse du directeur du SDEER qui soutenait (cote 431) avoir effectué plusieurs simulations de prix à partir des propositions reçues mais insistait sur le fait "qu'il n'y a(vait) pas eu négociation avec les entreprises ni présentation de contre-proposition" et la déclaration d'un dirigeant d'entreprise selon laquelle le directeur du SDEER avait formulé deux contre-propositions (procès-verbal de déclaration du directeur de la société Allez, cote 291), affirmation étayée par la production d'une télécopie de la même société (cote 264)

34. L'audition dont l'utilité est contestée a permis d'obtenir des précisions sur le point en cause, le directeur du SDEER ayant déclaré que "Il s'agissait là d'une demande unilatérale et exclusive des entreprises.A aucun moment, le Syndicat n'est intervenu de façon active dans leur travail de préparation d'un projet de BPU. De mémoire, il y a sans doute eu de la part des entreprises une sollicitation du Syndicat afin d'apprécier les résultats de leur travail sur le BPU. En revanche, le Syndicat a effectué un travail de simulation des prix lui permettant de fixer le niveau de prix du bordereau soumis à l'appel d'offres".

35. Le moyen tenant à l'acquisition de la prescription doit donc être rejeté.

B. - SUR LE FOND ET SANS QU'IL SOIT BESOIN DE STATUER SUR LE MOYEN TIRE DE LA DUREE DE LA PROCÉDURE.

1. - En ce qui concerne le premier grief

36. Il est reproché aux dix entreprises en cause d'avoir participé, antérieurement à la remise des offres, à une concertation en vue de réviser le BPU, qui s'est traduite par un échange d'informations sur des éléments fondamentaux de formation des prix et qui a eu pour objet et pour effet de réduire l'indépendance des offres, lors de l'appel d'offres du 3 juillet 1993.

37. En premier lieu, cependant, la Cour d'appel de Paris, dans une affaire où des entreprises étaient poursuivies pour s'être entendues avec d'autres entreprises ainsi qu'avec le syndicat professionnel local, à l'occasion de la définition du bordereau de prix unitaires (BPU) utilisé pour les marchés en cause par le maître d'œuvre, a considéré, dans un arrêt du 9 janvier 2001 Sociétés SEE, Alsthom et autres, "qu'outre celle du maître d'œuvre, l'indépendance ou l'autonomie de décision des entreprises a également été préservée, aucune pièce du dossier ne démontrant d'une manière concrète l'existence entre ces entreprises d'un échange d'informations et d'une concertation illicite sur les rabais ou majorations de prix susceptibles d'être ultérieurement proposés, lors de la divulgation des éléments du nouveau BPU avec les appels d'offres. Considérant en définitive que, dès lors que la seule concertation incriminée, relative à la fixation des prix du nouveau bordereau, a eu pour origine une demande du maître d'œuvre de l'opération d'actualisation et ne procède pas d'une initiative ou de l'action délibérée des entreprises concernées, il n'y a pas lieu à sanction "

38. En l'espèce, s'il est exact que ce n'est pas le maître d'œuvre qui a pris l'initiative de faire participer les entreprises aux travaux de révision du BPU, mais que ce sont les entreprises elles-mêmes qui s'y sont décidées, celles-ci ont, cependant, informé le SDEER de leurs travaux collectifs et en ont discuté les résultats avec son directeur au cours de la réunion du 16 juin 1993. Dès lors, la solution de l'arrêt du 9 janvier 2001 est transposable au cas d'espèce.

39. En second lieu, il n'existe pas au dossier d'indices permettant de présumer que les entreprises auraient outrepassé la tâche dont elles s'étaient chargées, avec l'accord du maître d'œuvre, en procédant à des échanges portant sur leurs propres coûts ou sur les rabais ou majorations qu'elles envisageaient de proposer dans le cadre de l'appel d'offres qui était imminent. L'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 12 février 2002, société entreprise industrielle, rappelle qu'un BPU contient, en général, au regard de chacun des articles qu'il énumère, l'indication d'un prix censé correspondre au prix moyen du marché déterminé par le maître d'œuvre à partir de données générales connues des professionnels concernés, sans prise en considération de situations individuelles, qu'il s'agisse des coûts de fournitures, du temps de travail ou des salaires horaires moyens dans la profession. Il n'apparaît pas des éléments recueillis en l'espèce que, sous couvert de révision du BPU, les sociétés en cause dans la présente procédure se seraient mutuellement communiqué des informations propres à chacune d'elles et susceptibles d'être utilisées à l'occasion du futur marché.

40. En conséquence, le grief est écarté, à défaut d'éléments propres à en établir le bien-fondé.

2. - En ce qui concerne le deuxième grief

41. Il est reproché aux dix entreprises en cause d'avoir participé à une concertation, lors des réunions de juillet 1993 portant sur l'étude du bordereau définitif, en vue de maintenir la répartition des marchés au bénéfice des titulaires antérieurs et d'empêcher ainsi la remise en cause du partage par des offres extérieures compétitives.

42. Cependant, la simple reconduction des mêmes titulaires sur les lots précédemment obtenus par eux ne saurait, à elle seule, démontrer l'existence d'une concertation. En l'espèce, des explications précises tenant aux économies réalisables sur les frais d'étude, eu égard à la connaissance du terrain acquise par les entreprises déjà attributaires, ainsi qu'aux économies sur les coûts en personnel et en matériel tenant à la distance des lieux d'intervention par rapport aux sièges des entreprises, ont été fournies et peuvent justifier objectivement la situation dénoncée.

43. S'agissant, par ailleurs, de la réunion du 4 février 1993, mentionnée sur les agendas des responsables de quatre des sociétés mises en cause comme ayant pour objet "partage SDEER Prog 91 prog 92 Récapitulatif" (société Entreprise Industrielle), "RV Hotel Paris Pour répartition" (société Rivet), "SERCE" (société Sobeca), "Réunion listing partage SDEER" (société CEE) et du tableau élaboré à cette occasion, décrit au paragraphe 14 ci-dessus et portant sur une comparaison annuelle des travaux d'électrification réalisés par chacune des dix entreprises, les responsables concernés expliquent que cette réunion, antérieure à l'appel d'offres du 3 juillet 1993, avait pour objet "de faire le point entre les différents titulaires de marchés SDEER des programmes réalisés par chacun" afin d'évaluer d'éventuelles surcharges de travail et d'y remédier (cotes 253, 293, 355, 392). Il n'y a pas au dossier d'indications permettant d'accréditer la thèse contraire.

44. Par ailleurs, aucun élément ne laisse présumer que les entreprises auraient, au cours des réunions du mois de juillet 1993, mis au point et ajusté leurs projets de soumission respectifs afin que les titulaires sortants conservent les mêmes lots.

45. En outre, la présence des entreprises aux réunions litigieuses n'est établie que pour quatre d'entre elles. Elles n'étaient donc pas en nombre suffisant pour pouvoir procéder à un partage de marchés efficace alors, surtout, que 32 sociétés ont, en définitive, présenté des offres.

46. Quant aux tableaux intitulés "Réunion EP-ER" et "Donne-Reçoit", décrits au paragraphe 16 ci-dessus, le gérant de la société Rivet déclare les avoir établis en février 1995 et les éléments rappelés au même paragraphe confirment cette date. Selon le même dirigeant, les tableaux dont il s'agit avaient pour objet de "faire le point des facturations 1994 des différentes entreprises présentes en ER", et ils n'ont donné lieu à aucune sous-traitance. L'existence de ces tableaux ne suffit pas à établir que les entreprises mentionnées auraient procédé à une répartition entre elles des marchés de travaux et se seraient ensuite concertées pour remettre, lors des appels d'offres ultérieurs, des offres non indépendantes, conçues pour permettre la répartition ainsi négociée.

47. En conséquence, le deuxième grief doit également être écarté, à défaut d'éléments de nature à en établir le bien fondé.

3. - En ce qui concerne le troisième grief

48. Il est enfin reproché aux sociétés CEE et UEIR d'avoir trompé le maître d'œuvre sur la réalité de la concurrence entre les offres qu'elles ont présentées.

49. Au soutien de ses observations en défense, la société CEE produit une attestation établie par le directeur du SDEER de Charente-Maritime, en date du 13 mai 2002, ainsi libellée: "Je n'ai pas souvenir que le rapprochement financier (adhésion à un même groupe) de CEE et de l'UEIR se soit effectué dans la confidentialité et en dehors de toute information des services du Syndicat Départemental d'Electrification et d'Equipement rural de la Charente-Maritime. Si ce rapprochement était effectif en 1993, j'en étais probablement informé. Dans cette hypothèse, il était évident que CEE et UEIR ne pouvaient être considérées comme des concurrents".

50. Selon une jurisprudence constante tant communautaire que nationale, il est loisible à des entreprises ayant entre elles des liens juridiques ou financiers, mais disposant d'une autonomie commerciale, de présenter des offres distinctes et concurrentes, à la condition de ne pas se concerter avant le dépôt de ces offres. En revanche, si ces offres multiples ont été établies en concertation, ou après que les entreprises ont communiqué entre elles, ces offres ne sont plus indépendantes. Dès lors, les présenter comme telles trompe le responsable du marché sur la nature, la portée, l'étendue ou l'intensité de la concurrence. Il est sans incidence sur la qualification de cette pratique que le responsable du marché ait connu les liens juridiques unissant les sociétés concernées, dès lors que l'existence de tels liens n'implique pas nécessairement la concertation ou l'échange d'informations.

51. Cependant, au cas d'espèce, le grief repose sur les seules déclarations des chefs d'agence de la société CEE et de la société UEIR qui ont indiqué que les offres avaient été élaborées toutes deux par M. Z, contrairement à ce qu'indiquaient les signatures dont ces offres étaient revêtues. Mais, ni Monsieur ni Madame Z ne se sont expliqués sur ces témoignages qui, dès lors, ne peuvent suffire à emporter la conviction.

52. A défaut d'éléments suffisamment probants, le troisième grief ne peut, en conséquence, qu'être rejeté.

DÉCISION

Article unique : Il n'est pas établi que les sociétés Spie Trindel SA, Allez, Exploitation des établissements Rivet SA, Entreprise Industrielle Réseaux Ouest SA, Lacombe Réseaux SA, Sobeca SA, SARL Charentaise d'Equipement Electrique (CEE), SA 2 EC (Electro Entreprise Charentaise), Robin SA, Union Electrique Industrielle et Rurale (UEIR), aient enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce.