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Décisions

Cass. crim., 14 octobre 1992, n° 91-84.710

COUR DE CASSATION

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

Syndicat National des Producteurs de Plants de Pommes de Terre Germés et Fractionnés (SNPPPTGF)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Le Gunehec

Rapporteur :

M. Carlioz

Avocat général :

M. Libouban

Avocats :

SCP Waquet, Farge, Hazan, Me Copper-Royer.

Riom, ch. corr., du 3 juill. 1991

3 juillet 1991

LA COUR: - Statuant sur les pourvois formés par B Pierre, Le Syndicat National des Producteurs de Plants de Pommes de Terre Germés et Fractionnés (SNPPPTGF), partie civile, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Riom, chambre correctionnelle, du 3 juillet 1991, qui, pour tromperie sur les qualités substantielles de la marchandise vendue, l'a condamné à une amende de 150 000 francs, a ordonné la publication de la décision par voie de presse et a prononcé sur les réparations civiles; - Joignant les pourvois en raison de la connexité - I. Sur le pourvoi de Pierre B - Vu le mémoire produit; - Sur le moyen: unique de cassation pris de la violation des articles 1er et suivants de la loi du 1er août 1905, 10, 11, 12, 13, 14 et suivants du décret du 19 avril 1972 modifiant le décret du 22 janvier 1919, et 593 du Code de procédure pénale, ensemble violation des droits de la défense, défaut de motifs et manque de base légale;

"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité du procès-verbal du 12 mars 1988 dressé par le service national de répression des fraudes à l'encontre de B;

"aux motifs que le fait pour un contrôleur des fraudes d'examiner dans son emballage des plants de pommes de terre afin de vérifier s'ils sont conformes à l'étiquetage et de contrôler leur calibre en les faisant passer au travers d'une grille de calibreur et de les replacer dans leur emballage ne constitue pas un prélèvement d'échantillon et que l'éventuelle nullité de procédure des prélèvements d'échantillons de plants auquel aurait procédé le même jour M. Mazet du GNIS ne peut qu'être écartée, aucun procès-verbal du GNIS ne fondant les poursuites devant le tribunal correctionnel;

"alors que le décret du 19 avril 1972 pris en application des dispositions de la loi du 1er août 1905 détermine minutieusement les conditions dans lesquelles doit être opéré le déroulement des procédures de prélèvements réalisés lors de contrôles effectués dans le cadre de la répression des fraudes, dans le but de permettre la mise en œuvre ultérieure d'une mesure d'expertise contradictoire indispensable pour assurer le respect des droits de la défense; qu'en l'espèce, la preuve de la tromperie tant sur le calibre des plants de pommes de terre que sur leur variété et leur provenance, fondant la déclaration de culpabilité, implique nécessairement que des prélèvements ont été effectués tant par l'inspecteur de la répression des fraudes en vue de procéder à un contrôle technique de calibrage, que par le représentant du CNIS qui a admis avoir fait procéder sur les échantillons prélevés à des analyses en vue de déterminer la carte d'identité variétale des plants; .qu'il est constant que ces prélèvements ont été effectués en dehors des formalités prévues à peine de nullité par le décret susvisé; qu'ainsi, l'arrêt attaqué, en refusant de constater la nullité de ces prélèvements et celle de la procédure subséquente, dont ils sont le fondement, a méconnu les textes visés et violé les droits de la défense";

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Pierre B a été poursuivi pour avoir trompé le contractant sur l'origine et les qualités substantielles des marchandises livrées en vendant des plants de pommes de terre de semence dont les conditionnements comportaient une différence moyenne de calibre, par rapport à celui mentionné sur l'étiquetage, de 25 % pour les sacs et de 10 à 25 % pour les clayettes, et dont la composition des lots n'était pas davantage conforme à l'étiquetage quant à la variété et à la provenance des produits;

Attendu que, pour rejeter l'exception tirée de la nullité du procès-verbal, base des poursuites, régulièrement soulevée par le prévenu, et condamner celui-ci, la cour d'appel relève que la nullité éventuelle des prélèvements d'échantillons opérés par un inspecteur du groupement national interprofessionnel des semences et plants (GNIS) dans le cadre d'une procédure administrative parallèle, totalement distincte de la procédure judiciaire, est inopérante, "aucun procès-verbal émanant du GNIS ne fondant les poursuites" exercées contre le prévenu; que les juges ajoutent que "le fait, pour un contrôleur des fraudes, d'examiner dans son emballage la marchandise, en l'espèce des plants de pommes de terre, en vue de vérifier s'ils sont conformes à la législation et à l'étiquetage, et de contrôler leur calibre en les faisant passer au travers d'une grille de calibreur, et de les replacer immédiatement dans leur emballage, ne saurait constituer un prélèvement d'échantillons réglementé par le décret du 19 avril 1972 qui n'a pas à trouver application dans cette procédure de constatation directe effectuée par le fonctionnaire dans l'établissement du prévenu et sous son contrôle";

Attendu qu'en cet état, la cour d'appel a donné une base légale à sa décision; qu'en effet, les formalités prévues par les articles 11 et suivants du décret modifié du 22 janvier 1919 pris pour l'application de la loi du 1er août 1905 ne concernent que les procès-verbaux établis, soit dans le cas où les agents verbalisateurs ont été témoins d'un flagrant délit de falsification, de fraude ou de la mise en vente de produits corrompus ou toxiques et ont ainsi saisi ces produits, soit dans le cas où des prélèvements d'échantillons ont été effectués; que cette procédure est inapplicable lorsque, comme en l'espèce, les agents verbalisateurs n'ont fait que procéder, sur les lieux de l'infraction, conformément aux dispositions de l'article 5 bis du décret précité du 22 janvier 1919, à des contrôles élémentaires, tel un contrôle de calibrage, dans le but d'identifier les marchandises ou de déceler une éventuelle non-conformité aux caractéristiques qu'elles doivent posséder, sans qu'il soit nécessaire d'opérer des prélèvements ou d'effectuer des saisies; d'où il suit que le moyen doit être écarté;

II. Sur le pourvoi du SNPPPTGF - Vu les mémoires produits en demande et en défense; - Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 1er de la loi du 1er août 1905, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale;

"en ce que l'arrêt attaqué, après avoir reçu le SNPPPTGF dans sa constitution de partie civile, a limité à 10 000 francs la réparation de "l'atteinte à la notoriété de la profession, et (à ses) intérêts commerciaux", causée directement par le délit commis par B;

"aux motifs des premiers juges qu'il "n'est pas contestable que les agissements du prévenu ont contribué à saper la confiance des acheteurs et des consommateurs dans la profession, sa fiabilité et son honnêteté; "(que) toutefois il n'est pas démontré que la "baisse du chiffre d'affaires de la profession soit la conséquence directe des seules fraudes imputables à B, alors que ce secteur est soumis à toutes sortes de fluctuations conjoncturelles, si bien que les frais de promotion engagés et les augmentations de cotisations ne peuvent être considérés comme la conséquence directe du délit retenu; "l'atteinte à la notoriété de la profession, et partant à ses intérêts commerciaux, causée directement par le délit, sera justement réparée par l'allocation de 10 000 francs de dommages intérêts" (jugement p. 6 § 9 et 10);

"et aux motifs propres que "si le syndicat... justifie des efforts importants, à hauteur d'environ un million de F, qu'il a dû consentir pour relancer en 1988, 1989 et 1990 la vente de ses produits, il n'établit pas que la baisse du chiffre d'affaires soit directement imputable aux seules infractions commises par Pierre B; que la somme de 10 000 francs allouée par le premier juge pour l'atteinte à la notoriété de la profession et aux intérêts commerciaux constitue une juste réparation des conséquences dommageables du délit";

"alors que, d'une part, dans ses conclusions d'appel, le SNPPPTGF faisait valoir que du fait des agissements de B, la "commercialisation a... brusquement chuté de près de 5 000 tonnes, pour retomber au niveau qui était le sien 15 ans auparavant, sans qu'aucune fluctuation conjoncturelle.:., permette d'expliquer un tel phénomène; qu'il est clair en revanche, et confirmé par les déclarations des destinataires recueillies au cours de l'enquête, que seule la perte de confiance dans la profession, sa fiabilité et son honnêteté... a(vait) pu... provoquer une telle chute des ventes"; qu'en ne s'expliquant pas sur les déclarations des destinataires ainsi invoquées par le syndicat de nature à apporter la preuve que la chute des ventes n'était explicable que par la perte de confiance dans la profession, la cour d'appel n'a pas suffisamment motivé sa décision;

"alors que, d'autre part, le syndicat faisait également valoir que "de par ses manœuvres délictueuses, B (s'était) en outre livré à une concurrence particulièrement déloyale qui lui (avait) permis de conquérir d'importantes parts de marché... en contraignant ses concurrents, qui respectaient scrupuleusement leurs obligations, à baisser leurs propres prix et à annihiler la rentabilité de leurs investissements"; qu'en ne s'expliquant pas sur ce chef de préjudice, la Cour a, de nouveau, privé sa décision de motifs";

Attendu que le moyen tend à remettre en discussion devant la Cour de cassation l'appréciation souveraine des éléments de preuve soumis au débat contradictoire, au vu desquels la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre la partie civile dans le détail de son argumentation, a fixé l'indemnité propre à réparer le dommage résultant directement de l'infraction dont Pierre B a été déclaré coupable; qu'un tel moyen ne saurait être admis;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme: Rejette les pourvois.