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Décisions

CA Rennes, ch. corr., 3 juillet 1990, n° 1042-90

RENNES

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Casorla

Substitut :

général: M. Abrial

Conseillers :

Mme Riboulleau, M. Le Corre

Avocat :

Me Dizier.

TGI Rennes, ch. corr., du 11 janv. 1990

11 janvier 1990

Statuant sur les appels interjetés le 22 janvier 1990 par le prévenu et le 23 janvier 1990 par le Procureur de la République de Rennes d'un jugement contradictoire du Tribunal correctionnel de Rennes en date du 11 janvier 1990 qui a rejeté une exception de nullité, a déclaré Maurice G coupable de tentative de tromperie et l'a condamné à 10 000 F d'amende;

Considérant qu'il est fait grief au prévenu d'avoir à Rennes, le 17 janvier 1989, en tout cas depuis temps n'emportant pas prescription de l'action publique, étant ou non partie au contrat, tenté de tromper le contractant, soit sur la nature, l'espèce ou l'origine, les qualités substantielles, la composition et la teneur en principes utiles de la marchandise, soit sur la quantité des choses livrées ou leur identité par la livraison d'une marchandise autre que la chose déterminée qui a fait l'objet du contrat, soit sur l'aptitude à l'emploi, les risques inhérents à l'utilisation du produit, les contrôles effectués, les modes d'emplois ou les précautions à prendre, en l'espèce en proposant à la vente du matériel téléphonique non agréé par l'administration des PTT, notamment un téléphone de marque "X", deux répondeurs téléphoniques de marque "Y", un téléphone "W", un téléphone de marque "T", un téléphone "Z", ladite tentative, manifestée par un commencement d'exécution, n'ayant manqué son effet que par suite de circonstances indépendantes de la volonté de son auteur;

Faits prévus et réprimés par l'article 1 de la loi du 1er août 1905, 2-3 du Code pénal;

Sur la procédure:

Considérant qu'in limine litis comme devant les premiers juges, le prévenu soulève la nullité de la citation au motif que le décret du 11 juillet 1985 n'est pas visé par celle-ci dans les textes auxquels elle fait référence;

Considérant qu'en application de l'article 565 du Code de procédure pénale la nullité d'un exploit ne peut être prononcée que lorsqu'elle a eu pour effet de porter atteinte aux intérêts de la personne qu'elle concerne; qu'il apparaît clairement de la citation que Maurice G est poursuivi du chef du délit de tentative de tromperie prévu et réprimé par les articles 2 et 3 du Code pénal ainsi que l'article 1er de la loi du 1er août 1905, qu'aucune poursuite n'a été diligentée sur le fondement du décret du 11 juillet 1985 par le Ministère public qui a toute liberté dans les limites de la loi de qualifier les faits dans l'acte de poursuite; que c'est à juste titre que les premiers juges ont rejeté l'exception de nullité, aucun doute n'étant possible sur l'objet et la portée de l'acte;

Considérant qu'il est également sollicité le sursis à statuer aux fins de saisir la Cour de justice des Communautés européennes d'une question préjudicielle tendant à apprécier la conformité de l'article 6 du décret du 11 juillet 1985 relatif à la conformité de matériels de télécommunication, avec l'article 6 de la directive du 16 mai 1988 de la Commission des Communautés européennes;

Considérant que si en application de l'article 177 du traité de Rome, l'interprétation des textes communautaires est en principe réservée à la Cour de justice des Communautés européennes, il n'y a pas lieu pour la juridiction répressive nationale à surseoir à statuer devant une exception manifestement extérieure aux débats; qu'en effet, en l'espèce le délit de tentative de tromperie reproché à G Maurice ne concerne en rien l'application du décret du 11 juillet 1985, s'agissant d'une tentative de tromperie reprochée par la non-information du contrevenant sur al nature, les qualités substantielles, l'aptitude à l'emploi, les règles inhérentes à l'utilisation des produits ou encore les modes d'emploi ou précautions à prendre; qu'il n'y a donc pas lieu à surseoir à statuer;

Sur le fond:

Considérant qu'il résulte du dossier et des débats les éléments suivants:

Le 17 janvier 1989, les fonctionnaires de la Concurrence et des fraudes se présentaient successivement aux magasins U et V à rennes, tous deux tenus par G Maurice et constataient la présence de matériels téléphoniques à la vente, plusieurs d'entre eux n'étant pas agréés par les PTT, dans les vitrines les postes incriminés étaient mélangés à d'autres, conformes, sans que rien ne les distingue, certains appareils portant cependant une étiquette collée sous l'appareil attestant de leur conformité;

Les enquêteurs notaient que l'entreprise qui avait livré aux deux établissements de G Maurice les matériels téléphoniques avait expressément mentionné sur leurs factures "appareils non homologués P et T, réservés à l'exportation";

Se refusant à toutes déclarations lors de l'enquête, G Maurice indiquait aux premiers juges, selon notes d'audience, qu'il ignorait que les postes n'étaient pas agréés, et tout en ne contestant pas la matérialité des faits, il admettait ne pas avoir alerté sa clientèle sur les caractéristiques des postes;

Considérant que si les faits ne sont pas contestés, il est cependant conclu à la relaxe par absence d'élément légal de l'infraction;

Considérant que le délit est établi et constitué en tous ses éléments, que le fait de proposer à la vente des appareils non homologués, mélangés à d'autres conformes, sans en avertir la clientèle alors que le prévenu, professionnel de la vente de matériels téléphoniques, était informé par les spécifications précises apportées par son propre vendeur sur les factures, constitue bien le délit de tentative de tromperie prévu à l'article 1er de la loi du 1er août 1905; que le tribunal sera donc confirmé sur la culpabilité ainsi que sur l'application de la peine, exactement appréciée;

Par ces motifs: Statuant publiquement et contradictoirement; En la forme, Reçoit le prévenu et le Ministère public en leurs appels; Rejette les exceptions de nullité et de sursis à statuer; Confirme le jugement en toutes ses dispositions; Condamne G Maurice aux dépens de première instance et d'appel liquidés à la somme de huit cent trente sept francs dix-neuf centimes (837,19 F); En ce compris le droit fixe du présent arrêt, le droit de poste et non compris les frais postérieurs éventuels; Le tout en application des articles 1er de la loi du 1er août 1905, 2 et 3 du Code pénal, 473 du Code de procédure pénale.