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Décisions

CCE, 27 novembre 2002, n° 2004-165

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

Aide mis à exécution par l'Allemagne - "Programme visant à la consolidation des entreprises du Land de Thuringe"

CCE n° 2004-165

27 novembre 2002

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

Vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 88, paragraphe 2, premier alinéa, vu l'accord sur l'Espace économique européen, et notamment son article 62, paragraphe 1, point a), après avoir invité les intéressés à présenter leurs observations conformément à l'article 88, paragraphe 2, du traité CE, considérant ce qui suit:

1. PROCÉDURE

(1) Le 20 juillet 1993 est entré en vigueur le régime relatif au programme visant à la consolidation des entreprises du Land de Thuringe (ci-après dénommé: "le régime d'aide") (1). Les autorités du Land ayant considéré que ce régime était conforme à la règle de minimis instaurée par l'encadrement communautaire des aides d'État aux petites et moyennes entreprises (2) de 1992 (l'encadrement PME), elles ne l'ont pas notifié au titre de l'article 88, paragraphe 3, du traité CE.

(2) Le 16 janvier 1996, le régime a été remplacé par le programme de prêts du Land de Thuringe en faveur des PME.

(3) Par lettre SG (99) D-580 du 26 janvier 1999, la Commission a fait part à l'Allemagne de sa décision d'ouvrir, au sujet du régime d'aide, la procédure prévue à l'article 88, paragraphe 2, du traité CE.

(4) La décision de la Commission d'ouvrir la procédure a été publiée au Journal officiel des Communautés européennes (3). La Commission a invité toutes les autres parties intéressées à lui présenter leurs observations sur la mesure en cause, mais elle n'a pas reçu d'observations. Par lettre du 2 mars 1999, l'Allemagne a sollicité une prorogation du délai de présentation des observations et la Commission a accédé à cette demande par lettre du 11 mars 1999. L'Allemagne a présenté ses observations par lettres des 29 mars, 19 août et 26 août 1999.

(5) L'Allemagne a présenté ses dernières observations par lettre du 26 novembre 2001.

2. DESCRIPTION DE L'AIDE

2.1. Titre et base juridique

(6) Les concours sont octroyés par la Thüringer Aufbaubank pour le compte du ministère de l'Economie et des Transports de Thuringe sur la base des articles 23, 44 et 44 a) du règlement budgétaire du Land de Thuringe, au titre du programme visant à la consolidation des entreprises du Land de Thuringe.

2.2. Bénéficiaires de l'aide

(7) Le régime d'aide s'adresse aux petites et moyennes entreprises (PME) définies par les critères "chiffre d'affaires" et "effectifs", mais pas par le critère "indépendance" de l'encadrement PME (1992) (4), y compris les entreprises gérées par la Treuhandanstalt. À son paragraphe 3 ("Bénéficiaires de l'aide"), il prévoit expressément l'éligibilité de l'industrie agroalimentaire, mais sans exclure pour autant les autres secteurs sensibles (sidérurgie, construction navale, fibres synthétiques, industrie automobile, agriculture, pêche, transports et industrie charbonnière). Dans des cas exceptionnels (sur décision du ministre compétent), l'aide peut également être octroyée en faveur d'entreprises dont le chiffre d'affaires et les effectifs dépassent les seuils indiqués dans l'encadrement PME.

2.3. Durée

(8) Entré en vigueur le 20 juillet 1993 pour une durée indéterminée, le régime d'aide visant à la consolidation des entreprises du Land de Thuringe a été remplacé le 16 janvier 1996 par le programme de prêts du Land de Thuringe en faveur des PME.

2.4. Objectif

(9) L'aide est octroyée sous forme de prêts bonifiés que la Thüringer Aufbaubank verse aux bénéficiaires par l'intermédiaire et au risque initial de leur banque habituelle. Cette banque peut bénéficier d'une garantie à concurrence de 60 % du montant du prêt (le régime d'aide ne prévoit pas le versement d'une prime de garantie). La Thüringer Aufbaubank et la banque habituelle de l'entreprise peuvent percevoir des frais de dossier s'élevant à 0,1 % du prêt.

(10) Le régime d'aide s'adresse aux entreprises qui ont des problèmes de trésorerie et de rentabilité et doit permettre le rééchelonnement des dettes à moins d'un an, à des taux d'intérêt bonifiés. Le rééchelonnement aux frais de la Thüringer Aufbaubank est exclu.

(11) L'octroi des prêts de ce volet est subordonné à la présentation par l'entreprise d'un plan de restructuration global cohérent qui permette, compte tenu du prêt de refinancement, de rétablir durablement la viabilité de l'entreprise. Ce plan doit exposer les besoins de l'entreprise, ses problèmes de trésorerie et de rentabilité ainsi que la contribution du bénéficiaire et de sa banque habituelle.

(12) Les prêts sont consentis à un taux d'intérêt situé dans une fourchette de 5 à 8 %, pour une durée de trois à douze ans, dont deux ou trois ans en franchise de remboursement. Le ministre compétent peut autoriser une dérogation à ces conditions.

2.5. Intensité d'aide

(13) Le paragraphe 5 du régime d'aide ("Nature, limite et montant de l'aide") indique expressément qu'il s'agit d'aides de minimis.

(14) D'après le texte du régime d'aide, le calcul du montant d'aide résultant des taux bonifiés est effectué sur la base de la différence entre le taux d'intérêt réel et un taux de référence et ne tient compte ni de l'élément d'aide résultant de la garantie ni des risques particuliers qui caractérisent les entreprises bénéficiaires. Bien que le montant du prêt ne soit pas directement plafonné, le montant d'aide octroyé à l'entreprise (seulement l'élément d'aide résultant de la bonification d'intérêt) ne doit pas dépasser le seuil fixé par la règle de minimis de l'encadrement PME.

(15) D'après une lettre de l'Allemagne du 7 décembre 1998, il a été octroyé de 1993 à 1996 un total de 741 prêts représentant un montant de 312,4 millions de marks allemands (DEM), dont 80 prêts consentis à l'industrie agroalimentaire.

2.6. Cumul d'aides

(16) Les aides publiques qui ont déjà été octroyées au demandeur doivent être signalées lors du dépôt de la demande.

2.7. Motifs d'ouverture de la procédure

(17) Les motifs d'ouverture de la procédure résident dans le fait que le régime d'aide était également destiné aux entreprises en difficulté et qu'il n'a pas tenu compte, lors de l'application de la règle de minimis, du calcul du montant d'aide résultant de la garantie et des risques particuliers des entreprises bénéficiaires. La Commission estime que, dans la mesure où le régime s'adressait aussi à des entreprises en difficulté et où les seuils de minimis ont été dépassés, les dispositions des encadrements communautaires correspondants devaient être appliquées.

(18) Par ailleurs, le régime d'aide n'excluait pas les secteurs sensibles, alors que la règle de minimis ne s'applique pas à ces secteurs puisqu'ils font l'objet de règles spécifiques.

(19) Pour tous ces motifs, la Commission a considéré que le régime d'aide ainsi que les cas d'application dans lesquels les seuils de minimis ou les domaines d'application de la règle de minimis ont été franchis constituaient des aides d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE (ancien article 92, paragraphe 1, du traité CE) qui ont été exécutées ou octroyées illégalement.

(20) Ainsi qu'il ressort des objectifs et du libellé du régime d'aide, celui-ci était conçu pour les entreprises en difficulté. Contestant cette interprétation, l'Allemagne a déclaré que les prêts avaient été versés par les banques habituelles et à leur risque initial et que, une fois déduite la garantie de 60 %, celles-ci supportaient de toute façon un risque de 40 %. Elle a ajouté que ce risque résiduel ne pouvait être garanti par un autre cautionnement. Normalement, d'après les autorités allemandes, il n'y a guère de chances qu'une banque consente un prêt à une entreprise en difficulté si elle n'obtient pas des garanties bancaires suffisantes.

(21) Cet argument n'est pas valable aux yeux de la Commission pour les raisons suivantes:

a) les entreprises en difficulté ne sont pas exclues du programme de prêts. Dans un cas analogue à conditions identiques (programme de prêts du Land de Thuringe en faveur des PME), il s'est avéré que des entreprises en difficulté avaient aussi bénéficié de ces aides;

b) le régime permet un rééchelonnement des dettes d'entreprises en difficulté auprès de leur banque habituelle ou d'autres établissements financiers. La Commission estime qu'avec le rééchelonnement de la dette des entreprises en difficulté, le régime était susceptible, dans certains cas, de réduire considérablement les risques auxquels les banques étaient initialement exposées.

(22) C'est pourquoi la Commission considère que le régime d'aide était destiné aux entreprises en difficulté et devait être examiné au regard des dispositions correspondantes.

(23) En ce qui concerne le sauvetage d'entreprises en difficulté (une possibilité qui n'est pas formellement exclue du régime, mais paraît relativement irréaliste), il faut observer que la pratique établie jusque-là dans ce domaine posait comme condition pour la compatibilité avec le Marché commun que les aides au sauvetage fussent limitées aux formes d'aide du prêt public aux conditions du marché ou de la garantie d'État pour les crédits privés. Cette condition n'a pas été remplie en l'espèce, puisque les prêts étaient bonifiés.

(24) Dans la mesure où il existait une possibilité d'octroi d'aides au sauvetage, la Commission a eu des doutes quant à la compatibilité du régime avec le Marché commun.

(25) Dans la mesure où le régime était destiné à la restructuration d'entreprises en difficulté, la pratique constante de la Commission en matière de compatibilité montre que, pour l'essentiel, les conditions suivantes doivent être remplies:

a) présentation et exécution d'un plan de restructuration permettant de rétablir la viabilité à long terme de l'entreprise;

b) limitation du montant d'aide au strict minimum nécessaire;

c) contribution appropriée de l'entreprise bénéficiaire et de ses associés;

d) respect des règles spécifiques d'application aux secteurs sensibles, y compris, en principe, la notification individuelle;

e) notification individuelle des aides en faveur des grandes entreprises;

f) sauf cas exceptionnels imprévisibles et dont l'entreprise ne peut être rendue responsable, les aides à la restructuration ne peuvent être octroyées qu'une seule fois.

(26) Le régime ne prévoyait ni la notification individuelle des aides en faveur des grandes entreprises ni l'interdiction de l'octroi répété d'aides à la restructuration, pas plus que des règles spécifiques pour les secteurs sensibles ou la limitation du montant de l'aide au strict minimum nécessaire pour atteindre l'objectif visé.

(27) En ce qui concerne l'octroi d'aides à la restructuration, la Commission a nourri des doutes quant à la compatibilité du régime avec le Marché commun.

3. OBSERVATIONS DE L'ALLEMAGNE

(28) Contrairement à ce qui est indiqué dans la décision d'ouverture de la procédure, l'Allemagne évalue à 485 le nombre des prêts de consolidation consentis de 1993 à 1995, pour un total de 112,2 millions d'euros. Elle ajoute que le chiffre de 741 prêts indiqué dans la décision d'ouverture de la procédure contient 248 prêts supplémentaires qui ont été octroyés en 1996 dans le cadre du programme de prêts du Land de Thuringe en faveur des PME, lequel fait l'objet de la procédure C 87-98 (ex NN 137-98).

(29) Confirmant l'exposé de la Commission, l'Allemagne déclare que la bonification d'intérêts a effectivement été le seul élément d'aide pris en compte dans le calcul du montant d'aide, parce que "de 1993 jusqu'au début de 1996, les autorités allemandes ignoraient que, dans le cas des entreprises en difficulté, il fallait prendre en compte l'élément d'aide de la garantie".

(30) Dans la mesure où des secteurs sensibles ont été concernés par l'octroi des prêts de consolidation, l'Allemagne considère que les prêts relevant du régime en cause ont été octroyés en conformité avec l'encadrement PME en vigueur à cette époque. Selon elle, les dispositions spécifiques de l'encadrement des aides d'État relatives aux investissements dans le secteur de la transformation et de la commercialisation de produits agricoles (5) de 1996 ne s'appliquent que depuis 1998. En vertu de la décision 1999-183-CE de la Commission du 20 mai 1998 relative aux aides d'État dans le secteur de la transformation et de la commercialisation de produits agricoles qui pourraient être octroyées en Allemagne sur la base de régimes d'aide existants à finalité régionale (6), l'encadrement ne serait entré en vigueur qu'en 1998, de sorte qu'il n'existait pas de règles spécifiques pour les aides dans le secteur des produits alimentaires et des produits d'agrément durant la période 1993-1995 et que ce secteur sensible n'était donc pas à prendre en considération lors de l'octroi de prêts.

(31) L'Allemagne conteste la thèse de la Commission, selon laquelle le rééchelonnement des dettes d'entreprises en difficulté peut réduire le risque propre des banques habituelles. Au contraire, le risque de 40 % assumé par la banque habituelle constituait un véritable risque propre. Si le prêt dont la banque habituelle assumait le risque initial avait été transmis par celle-ci à une autre banque privée, le rééchelonnement des engagements de crédit existants de la banque habituelle par la Thüringer Aufbaubank n'aurait été possible que si cette dernière ne participait pas au risque, mais aurait été exclu avec une participation de la Thüringer Aufbaubank au risque.

(32) Dans ses observations, l'Allemagne concède que le programme de prêts visant à la consolidation des entreprises du Land de Thuringe s'adressait aussi bien aux entreprises saines qu'aux entreprises en difficulté, mais tant que le montant d'aide d'un prêt, y compris d'autres aides de minimis éventuelles, restait en deçà du seuil de la règle de minimis, le régime d'aide était conforme à la règle de minimis.

(33) Par lettres des 26 août 1999 et 26 novembre 2001, l'Allemagne a communiqué à la Commission les listes des prêts de consolidation octroyés de 1993 à 1995. Il ressort de ces listes que trois prêts ont été consentis à des entreprises en difficulté en 1994, et neuf en 1995. En outre, ces listes montrent que seulement deux prêts ont été octroyés à des entreprises du secteur sensible de l'agriculture en 1994, et deux en 1995, bien que, d'après la lettre de l'Allemagne du 7 décembre 1998, quelque 80 prêts eussent été octroyés à des entreprises de l'industrie alimentaire. Les documents communiqués par l'Allemagne ne permettent pas de savoir selon quels critères le secteur sensible de l'agriculture et les entreprises en difficulté ont été définis.

4. APPRÉCIATION DE L'AIDE

4.1. Existence d'une aide d'État

(34) Même si un concours financier octroyé à une entreprise modifie les conditions de concurrence dans une certaine mesure, toutes les aides n'ont pas pour autant des effets sensibles sur les échanges et sur la concurrence entre États membres. Dans ce contexte sont exclues de l'obligation de notification en vertu de l'article 88, paragraphe 3, du traité CE les aides qui n'excèdent pas un montant maximal absolu et qui, en qualité d'aides de minimis, n'entrent pas dans le champ d'application de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE.

(35) C'est dans l'encadrement PME de 1992 (7) qu'a été établie pour la première fois une définition de ce qu'il faut entendre, selon la Commission, par aides de minimis. Le paragraphe 3.2 fixe le champ d'application de la règle de minimis à un montant d'aide de 50 000 euros par entreprise sur une période de trois ans pour une certaine grande catégorie de dépenses (investissements, formation.). De ce fait, les aides uniques à hauteur de 50 000 euros pour une catégorie donnée de dépenses, ainsi que les régimes d'aide au titre desquels les aides versées aux entreprises pour une catégorie donnée de dépenses sur une période de trois ans étaient limitées à ce montant, n'étaient plus soumis à la notification préalable prévue à l'article 88, paragraphe 3 (ancien article 93, paragraphe 3), du traité CE. Il y avait cependant une condition, à savoir que la notification individuelle ou le régime d'aide devait comporter une condition expresse prévoyant qu'une aide supplémentaire accordée à la même entreprise éventuellement pour le même type de dépense provenant d'autres sources ou au titre d'autres régimes ne devait pas dépasser 50 000 euros. Le paragraphe 3.2 précise que la règle de minimis ne s'applique pas aux secteurs sensibles (sidérurgie, construction navale, fibres synthétiques, industrie automobile, agriculture, pêche, transports et industrie charbonnière).

(36) La communication de la Commission de 1996 relative aux aides de minimis (8) a modifié la règle de minimis de l'encadrement PME de 1992. Le montant maximal total d'aide de minimis était porté à 100 000 euros sur une période de trois ans débutant au moment de la première aide de minimis. Ce montant couvrait toute aide publique octroyée à titre d'aide de minimis et n'affectait pas la possibilité pour le bénéficiaire d'obtenir d'autres aides sur la base de régimes approuvés par la Commission.

(37) Cette règle ne s'appliquait pas aux secteurs couverts par le traité CECA, à la construction navale, au secteur des transports et aux aides octroyées pour les dépenses relatives au secteur agricole ou à la pêche.

(38) L'article 1er du règlement (CE) n° 69-2001 de la Commission du 12 janvier 2001 concernant l'application des articles 87 et 88 du traité CE aux aides de minimis (9) étend le champ d'application de la règle de minimis à tous les secteurs, à l'exception du secteur des transports et des activités concernant la production, la transformation ou la commercialisation des produits énumérés à l'annexe I du traité, des aides en faveur d'activités liées à l'exportation, c'est-à-dire les aides directement liées aux quantités exportées, à la mise en place et au fonctionnement d'un réseau de distribution ou à d'autres dépenses courantes liées à l'activité d'exportation, et des aides subordonnées à l'utilisation de produits nationaux de préférence aux produits importés.

(39) En vertu de l'article 2 du règlement précité, le montant total des aides de minimis octroyées à une même entreprise ne peut excéder 100 000 euros sur une période de trois ans. Ce plafond s'applique quels que soient la forme et l'objectif des aides.

(40) Étant donné que le règlement (CE) n° 69-2001 n'est entré en vigueur que le 2 février 2001 - alors que le régime en cause a été en vigueur du 20 juillet 1993 au 16 janvier 1996 -, la question se pose de savoir si, pour sa décision, la Commission peut appliquer ledit règlement rétroactivement aux concours financiers octroyés avant son entrée en vigueur ou si elle doit appliquer la règle de minimis de l'encadrement PME de 1992 en vigueur durant la période en cause (consecutio legis).

(41) Le règlement (CE) n° 69-2001 de la Commission ne précise pas s'il s'applique à l'appréciation des aides octroyées avant son entrée en vigueur. En revanche, il n'exclut pas son application à des cas antérieurs qui sont soumis au mécanisme de contrôle prévu à son article 3. La Commission estime que, faute d'un autre texte explicite, c'est le règlement (CE) n° 69-2001 qui doit être appliqué aux aides de minimis octroyées avant son entrée en vigueur. D'un côté, dans la mesure où ledit règlement exempte une certaine catégorie de mesures de l'obligation de notification, il constitue une règle de droit procédural et devrait donc être applicable directement aux procédures en cours. D'un autre côté, l'application directe du règlement (CE) n° 69-2001 concorde avec ses objectifs fondamentaux de simplification des procédures et de décentralisation. Ce n'est que pour les aides qui ne relèvent pas dudit règlement et ne peuvent donc être exemptées à ce titre que la Commission aura recours aux règles qui étaient en vigueur au moment de l'octroi de l'aide. Comme le règlement (CE) n° 69-2001 est fondamentalement plus généreux que les règles de minimis qui l'ont précédé et comme ces règles sont de toute façon applicables dans la mesure où l'aide n'est pas exemptée en vertu du règlement, il est raisonnablement tenu compte du principe juridique général de la confiance légitime et du principe de la sécurité juridique. Du point de vue économique, la Commission estime qu'un concours financier qui, en vertu du règlement (CE) n° 69-2001 en vigueur aujourd'hui, ne peut être qualifié d'"aide" au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE sur un marché intégré, n'aurait pu constituer dans le passé une "aide" sur un marché moins intégré. Par conséquent, elle poursuivra l'examen des concours financiers au regard du règlement (CE) n° 69-2001, ce qui n'interdit pas d'appliquer les règles qui étaient en vigueur au moment de l'exécution des aides, dès lors que celles-ci ne sont pas exemptées en vertu dudit règlement.

(42) Par conséquent, l'ouverture de la procédure porte aussi bien sur le régime d'aide que sur les cas d'application qui n'entrent pas dans le champ d'application du règlement (CE) n° 69-2001 ou de l'autre règle de minimis pertinente, ou sur les cas qui entrent dans le champ d'application du règlement (CE) n° 69-2001 ou de l'autre règle de minimis pertinente, mais qui dépassent le seuil de minimis en raison du cumul avec d'autres aides.

(43) Les aides destinées au secteur des transports ainsi qu'aux activités concernant la fabrication, la transformation et la commercialisation de produits indiqués à l'annexe I du traité CE sont écartées d'emblée du champ d'application du règlement (CE) n° 69-2001 et de la règle de minimis antérieure.

(44) Dès lors, la Commission estime que tous les prêts de consolidation consentis à des entreprises de l'industrie alimentaire sortent du champ d'application du règlement (CE) n° 69- 2001 et de l'autre règle de minimis lorsqu'ils ont pour objet la fabrication de produits de l'annexe I du traité CE car, dans ce cas, ils sont à affecter au secteur sensible de l'agriculture.

(45) L'argument de l'Allemagne, selon lequel les dispositions de l'encadrement des aides d'État relatives aux investissements dans le secteur de la transformation et de la commercialisation de produits agricoles de 1996 n'ont pris effet qu'en 1998, est dénué d'importance en l'espèce, car cette législation particulière n'a pas influé sur-le-champ d'application de la règle de minimis (10).

(46) La Commission estime que le champ d'application restant du règlement (CE) n° 69-2001 ou de la règle de minimis antérieure pertinente a pu être franchi du fait que le seuil fixé dans ces textes pouvait être franchi en raison de la non-prise en compte de l'élément d'aide de la garantie lors de l'octroi des prêts. Le régime d'aide ne garantit nullement que le seuil de minimis de 100 000 euros sur une période de trois ans en vertu de l'article 2, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 69-2001 ou de la règle de minimis antérieure ait été respecté dans chaque cas, notamment lorsqu'il s'adresse aux entreprises en difficulté avec le risque élevé de défaillance qui s'y rattache.

(47) En ce qui concerne les bénéficiaires du régime d'aide, la Commission considère qu'il s'agit exclusivement ou en tout cas majoritairement d'entreprises en difficulté.

(48) Pour pouvoir distinguer une entreprise en difficulté d'une entreprise saine, la Commission a introduit au paragraphe 2.1 des lignes directrices communautaires pour les aides d'État au sauvetage et à la restructuration des entreprises en difficulté (11) de 1994 (ci-après dénommées: les "lignes directrices de 1994") une explication de la notion d'entreprise en difficulté. Cette définition d'une entreprise en difficulté est confirmée, pour l'essentiel, par la pratique décisionnelle constante de la Commission, telle qu'elle figure dans le huitième rapport de la Commission des Communautés européennes sur la politique de concurrence de 1979 (paragraphes 227 à 229) (12).

(49) La notion d'entreprise en difficulté, à laquelle la Commission se réfère en substance dans la présente décision, est décrite dans les lignes directrices de 1994 comme une entreprise "incapable d'assurer son redressement avec ses propres ressources ou avec des fonds obtenus auprès de ses actionnaires ou par l'emprunt. Les signes habituels de cette situation sont la baisse de rentabilité ou le niveau croissant des pertes, la diminution du chiffre d'affaires, le gonflement des stocks, la surcapacité, la diminution de la marge brute d'autofinancement, l'endettement croissant, la progression des charges financières ainsi que la faible valeur de l'actif net. Dans les cas les plus graves, l'entreprise peut même être devenue insolvable ou se trouver en liquidation."

(50) D'après le texte du paragraphe 1 ("Objet de l'aide") du régime d'aide, celui-ci s'adresse aux entreprises qui ont des problèmes de trésorerie et de rentabilité en raison de leur rendement et de leur situation financière souvent difficiles. La Commission interprète cette formulation comme indiquant qu'il peut donc s'agir aussi d'entreprises ayant besoin d'être redressées et qui répondent à la définition des entreprises en difficulté.

(51) L'Allemagne a affirmé qu'en cas de constitution d'une garantie, le risque de la banque habituelle était de 40 % et qu'il était exclu que ce risque pût faire l'objet d'une garantie d'une origine publique différente. Aux yeux du prêteur, le risque propre de la banque habituelle de l'entreprise présentait un certain intérêt en ce qu'il permettait de vérifier convenablement la solvabilité de l'emprunteur afin de diminuer le risque de défaillance.

(52) Cet argument ne constitue pas une preuve convaincante de la non-application du programme de consolidation aux entreprises en difficulté. En effet, d'après sa formulation, le régime d'aide avait précisément pour objet d'accorder des prêts de consolidation et des garanties de prêts à des entreprises connaissant des difficultés financières. Même si la probabilité que le bénéficiaire fût effectivement une entreprise en difficulté a été réduite par le risque restant à la charge de la banque habituelle, il n'en demeure pas moins que le texte du régime d'aide n'exclut nullement l'application de celui-ci aux entreprises en difficulté.

(53) Par ailleurs, la Commission estime qu'il a pu être avantageux pour la banque habituelle de l'entreprise, notamment dans le cas d'entreprises en difficulté, de participer à l'octroi de prêts du régime, car le versement des prêts de consolidation a permis d'améliorer globalement la trésorerie des entreprises bénéficiaires et donc de réduire le risque de défaillance pour des prêts consentis antérieurement par cette banque. En effet, il peut être financièrement intéressant pour une banque de réduire un risque élevé de défaillance sur des prêts anciens, grâce à l'apport à l'entreprise de nouveaux fonds pour sa restructuration. Cela s'applique notamment lorsque le risque est partiellement assumé par l'État.

(54) Enfin, les listes fournies par l'Allemagne qui détaillent les aides confirmées ou versées au titre du régime d'aide prouvent que des entreprises en difficulté en ont été les bénéficiaires. Du reste, l'Allemagne a admis dans ses observations que le programme visant à la consolidation des entreprises du Land de Thuringe s'adressait aussi bien aux entreprises saines qu'aux entreprises en difficulté.

(55) L'élément d'aide que constitue la garantie aurait dû être pris en considération dans le calcul du montant d'aide des prêts, compte tenu surtout des risques de défaillance que présentent les entreprises en difficulté.

(56) Le fait que, dans ses observations, l'Allemagne fasse remarquer que les autorités allemandes ignoraient de 1993 à début 1996 que le calcul du montant de l'aide devait prendre en compte l'élément d'aide attaché à la garantie et aux risques particuliers de l'octroi de prêts à des entreprises en difficulté ne change rien à cette appréciation.

(57) En effet, la Commission ne peut accepter cette remarque puisque, dès 1989, elle avait envoyé une lettre aux États membres pour leur indiquer qu'à son avis, toutes les garanties assumées par l'État entraient dans le champ d'application de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE (13). Lors de la constitution de garanties pour des entreprises ayant des problèmes de trésorerie, les autorités allemandes auraient au moins dû se douter du caractère d'aide des concours relevant du régime et l'Allemagne aurait dû notifier ces concours en temps utile à la Commission, afin que celle-ci pût donner son avis à leur sujet.

(58) En vertu de la communication de la Commission sur l'application des articles 87 et 88 du traité CE aux aides d'État sous forme de garanties (14), l'équivalent subvention d'une garantie de prêt pour une année donnée peut:

a) être calculé de la même façon que celui d'un prêt à taux privilégié, la bonification d'intérêt étant égale à la différence entre le taux du marché et le taux obtenu grâce à la garantie de l'État après déduction des primes éventuellement versées;

b) être considéré comme égal à la différence entre: a) le montant garanti non encore remboursé, multiplié par le facteur de risque (probabilité d'une défaillance), et b) la prime payée, soit (somme garantie x risque) - prime;

c) être calculé par toute autre méthode objectivement justifiable et généralement admise.

(59) La Commission confirme donc la thèse qu'elle défend de longue date, à savoir que si la probabilité de l'insolvabilité de l'emprunteur est manifestement très forte au moment de la décision d'octroi du prêt, le montant de l'aide peut atteindre celui de la somme effectivement couverte par la garantie.

(60) Du reste, l'élément d'aide que constitue la garantie peut entraîner un dépassement du seuil de minimis même dans le cas d'entreprises saines.

(61) La Commission estime que le régime d'aide et les cas où il a été appliqué constituent des aides au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE, lorsqu'ils ne relèvent pas du règlement (CE) n° 69-2001, ou lorsqu'ils en relèvent mais franchissent le seuil prévu à l'article 2, paragraphe 2. Cela vaut également pour les autres règles de minimis qui étaient en vigueur au moment où les aides ont été exécutées.

(62) Dans la mesure où il s'adressait à des entreprises en difficulté, le régime d'aide a permis aux entreprises bénéficiaires d'obtenir des moyens financiers d'une banque privée, alors que leur situation financière ne leur aurait plus donné accès au soutien d'établissements financiers privés aux conditions de crédit usuelles de ceux-ci. Ces moyens financiers ont permis aux entreprises bénéficiaires d'éviter d'être éliminées du marché. En cas d'élimination de l'entreprise du marché, soit les surcapacités existantes seraient réduites, soit les parts de marché ainsi libérées seraient reprises par des concurrents qui, dans les deux cas, pourraient améliorer leur rentabilité. Les prêts de consolidation n'excluent pas l'octroi de prêts à des entreprises fabriquant des produits ou fournissant des services qui font l'objet d'échanges intracommunautaires. Dès lors, force est de constater que les concours financiers concernés par la présente procédure sont susceptibles d'affecter les échanges entre États membres.

(63) Même les entreprises saines n'auraient pas obtenu de banques privées ces moyens financiers aux conditions proposées et elles ont donc pu, grâce à leurs fonds de roulement étoffés, améliorer leur position de marché à l'intérieur du Marché commun par rapport à leurs concurrents. Cela concerne particulièrement les entreprises saines qui poursuivaient des activités dans des secteurs sensibles. En effet, comme les marchés de ces secteurs sont caractérisés par des capacités excédentaires au niveau communautaire, l'avantage financier que les prêts de consolidation ont procuré à ces entreprises spécifiques a pour effet de renforcer leur position vis-à-vis de leurs concurrents, ce qui a pu entraîner une altération des échanges entre États membres.

(64) Dès lors, le régime d'aide peut fausser ou menacer de fausser la concurrence.

(65) C'est pourquoi la Commission conclut que le régime et son application constituent des aides au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE au profit d'entreprises qui participent aux échanges intracommunautaires.

(66) Au vu des observations des autorités allemandes, la Commission estime que la banque privée, en sa qualité de prêteur, n'a pas profité de l'octroi des prêts de consolidation d'une manière susceptible de fausser la concurrence.

(67) Dans sa communication sur l'application des articles 87 et 88 du traité CE aux aides d'État sous forme de garanties, la Commission considère que, si une garantie de l'État est accordée ex post en ce qui concerne un prêt ou une autre obligation financière déjà contractés sans que les modalités de ce prêt ou de cette autre obligation financière ne soient adaptées, ou si un prêt garanti est utilisé pour rembourser un autre prêt, qui lui n'est pas garanti, à la même institution de crédit, il est alors possible que le prêteur bénéficie aussi d'une aide, dans la mesure où le prêt devient plus sûr.

(68) Bien que, d'après la formulation du régime d'aide (paragraphe 1), les problèmes de trésorerie des entreprises doivent être résolus par un rééchelonnement des dettes à moins d'un an en prêts à taux bonifiés, l'Allemagne a indiqué dans ses observations qu'un rééchelonnement des engagements de crédit en cours de la banque habituelle par la Thüringer Aufbaubank n'était possible que sans la garantie de celle-ci. Autrement dit, la Thüringer Aufbaubank ne pouvait constituer après coup une garantie pour un crédit déjà accordé ou un autre engagement financier déjà souscrit, ou bien un prêt assorti d'une garantie ne pouvait pas servir à rembourser au même établissement de crédit un prêt sans garantie.

(69) Étant donné qu'il a été exclu que les engagements de crédit en cours de la banque habituelle de l'entreprise puissent être rééchelonnés avec la garantie de la Thüringer Aufbaubank, aucune aide en faveur du prêteur ne peut être décelée dans le régime d'aide. Le fait que la stabilisation d'une entreprise en difficulté profite à tous les créanciers de celle-ci est une conséquence reconnue des aides et ne constitue pas en soi une aide au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE en faveur de ces créanciers.

4.2. Légalité de l'aide

(70) La Commission déplore que l'Allemagne ait octroyé les aides en infraction aux dispositions de l'article 88, paragraphe 3, du traité CE.

4.3. Compatibilité de l'aide avec le Marché commun en cas de sortie du champ d'application du règlement (CE) n° 69-2001 ou, le cas échéant, de l'autre règle de minimis pertinente

(71) La Commission a examiné le régime d'aide en partant de l'hypothèse qu'il s'adressait aussi bien aux entreprises saines qu'aux entreprises en difficulté.

(72) Lorsque les aides ont été octroyées à des entreprises en difficulté, il s'agissait d'aides d'accompagnement/d'aides à la restructuration ou d'aides au sauvetage au sens du huitième rapport de la Commission des Communautés européennes sur la politique de concurrence de 1979 et des lignes directrices de 1994 (15), lesquelles ont été confirmées par les lignes directrices de 1999 (16).

(73) Lorsque les aides ont été octroyées à des entreprises saines, il s'agissait d'aides au fonctionnement au sens de la communication de la Commission sur les régimes d'aide à finalité régionale (17) de 1979 et au sens de la communication de la Commission sur la méthode pour l'application de l'article 92, paragraphe 3, points a) et c), aux aides régionales (18) de 1988. Ces communications ont été confirmées par les lignes directrices concernant les aides d'État à finalité régionale (19) de 1998.

(74) La suite de la présente décision examine la compatibilité au regard des dispositions applicables dans chaque cas (20).

(75) Lorsqu'il s'agit de la restructuration d'entreprises en difficulté, force est de constater que la pratique de la Commission et les lignes directrices de 1994 subordonnaient la compatibilité de l'aide avec le Marché commun au respect des critères suivants:

a) présentation et exécution d'un plan de restructuration permettant de rétablir la viabilité à long terme de l'entreprise;

b) contribution appropriée de l'entreprise bénéficiaire et de ses associés;

c) limitation du montant de l'aide au strict minimum nécessaire;

d) respect des règles spécifiques d'application concernant les secteurs sensibles, ce qui inclut normalement la notification individuelle des aides;

e) notification individuelle des aides en faveur de grandes entreprises;

f) sauf situations exceptionnelles imprévisibles dont l'entreprise ne peut être rendue responsable, les aides à la restructuration ne peuvent être octroyées qu'une seule fois.

(76) D'après le régime d'aide, l'octroi des concours financiers était subordonné à la présentation par l'entreprise d'un plan global de restructuration cohérent qui, en tenant compte du prêt de refinancement, permettait de tabler sur un rétablissement durable de la viabilité de l'entreprise. Ce plan devait indiquer les besoins de l'entreprise, les problèmes de trésorerie et de rentabilité existants ainsi que la contribution du bénéficiaire et de sa banque habituelle. Si le plan répondait aux conditions indiquées, le régime d'aide satisfaisait aux deux premiers critères indiqués.

(77) Le texte du régime d'aide ne souffle mot de l'interdiction d'octroi répété d'aides à la restructuration ni de la limitation du montant de l'aide au strict minimum nécessaire. L'Allemagne n'a pas indiqué s'il a été tenu compte de ces critères lors de l'octroi des concours financiers.

(78) Le régime d'aide ne prévoyait pas la notification individuelle des aides en faveur des grandes entreprises ni la prise en considération des règles spécifiques pour les secteurs sensibles.

(79) C'est pourquoi la Commission estime que, dans la mesure où le régime d'aide prévoit des aides à la restructuration en faveur d'entreprises en difficulté, ces aides ne sont pas compatibles avec le Marché commun.

(80) Lorsqu'il s'agit du sauvetage d'entreprises en difficulté, force est de constater que la politique établie dans ce domaine imposait comme condition de compatibilité avec le Marché commun que les aides au sauvetage fussent limitées aux formes d'aide du prêt public aux conditions du marché ou de la garantie d'État pour les crédits privés. Cette condition n'a pas été remplie en l'espèce, puisque les prêts étaient bonifiés.

(81) Dans la mesure où des aides au sauvetage ont été octroyées au titre du régime en cause, elles ne sont pas compatibles avec le Marché commun.

(82) Si des prêts ont été consentis en faveur d'entreprises financièrement saines, ils constituent des aides au fonctionnement que la Commission doit examiner au regard des dispositions relatives aux aides régionales et applicables au régime d'aide.

(83) Le Land de Thuringe est une région assistée au sens de l'article 87, paragraphe 3, point a), [ancien article 92, paragraphe 3, point a)] du traité CE. Les communications de la Commission sur les régimes d'aide à finalité régionale de 1979 et 1988 (21) prévoyaient que, compte tenu des difficultés particulières de ces régions assistées, la Commission pouvait exceptionnellement autoriser certaines aides au fonctionnement, sous réserve que les conditions suivantes fussent remplies:

a) l'aide devait être limitée dans le temps et permettre de surmonter les handicaps structurels des entreprises des régions visées à l'article 92, paragraphe 3, point a), du traité CE;

b) l'aide devait contribuer à un développement économique durable et équilibré et ne pas entraîner des surcapacités sectorielles au niveau communautaire, afin d'éviter que les problèmes sectoriels au niveau communautaire ne fussent plus graves que les difficultés régionales initiales; dans ce contexte, il fallait une démarche sectorielle tenant compte des règles et lignes directrices communautaires pour certains secteurs d'activité de l'industrie (sidérurgie, construction navale, fibres synthétiques, textiles et habillement) et de l'agriculture ainsi que des dispositions relatives aux entreprises artisanales transformant des produits agricoles. Ces règles et lignes directrices communautaires s'opposent à l'octroi d'aides au fonctionnement dans les secteurs concernés;

c) les aides devaient être octroyées dans le respect des règles applicables aux aides aux entreprises en difficulté; d) par ailleurs, dans les années 1990, la Commission a élaboré une pratique en vertu de laquelle les aides doivent être dégressives.

(84) La durée du régime d'aide n'était pas limitée dans le temps. Le régime a été remplacé le 16 janvier 1996 par le programme de prêts du Land de Thuringe, qui est lui-même arrivé à expiration le 1er juin 1999 (22). La Commission en conclut que le régime d'aide en cause a pris fin le 31 mai 1999.

(85) L'objet du régime consistait à faciliter aux entreprises déjà privatisées ou à celles qui étaient créées dans les nouvelles conditions de l'économie de marché la pleine participation au marché intérieur dans une région caractérisée par de sérieux retards de développement. Toutefois, la pratique de la Commission exigeait que l'aide contribuât à un développement économique équilibré et n'entraînât pas des surcapacités sectorielles. En outre, les secteurs sensibles étaient exclus de l'octroi d'aides au fonctionnement.

(86) Bien que le régime ne prévoie aucune dégressivité des aides, cela n'entraîne pas l'incompatibilité des mesures, car cette obligation ne portait pas encore tous ses effets durant la période de validité du régime et, dans les premières années qui ont suivi la réunification allemande, la Commission, dans sa pratique décisionnelle concernant l'est de l'Allemagne, s'est souvent abstenue d'insister sur le respect de la dégressivité, en raison de la situation incertaine du développement.

(87) Dans la mesure où le régime d'aide a permis l'octroi d'aides à des entreprises saines de secteurs non sensibles, ces aides au fonctionnement correspondaient à la pratique de la Commission durant la période de validité et sont compatibles avec le Marché commun.

(88) Dans la mesure où les aides constituent des aides au fonctionnement octroyées à des entreprises saines des secteurs sensibles, elles ne sont pas compatibles avec le Marché commun, car les règles et lignes directrices communautaires concernant les secteurs sensibles interdisent l'octroi d'aides au fonctionnement à des entreprises saines.

(89) La Commission estime que les dérogations de l'article 87, paragraphe 2, du traité CE ne s'appliquent pas à la présente espèce, puisque le régime d'aide ne poursuit aucun des objectifs qui y sont énoncés. Du reste, l'Allemagne n'a pas revendiqué le bénéfice de ces dérogations (23).

(90) La Commission conclut que, hormis les lignes directrices pour les aides d'État au sauvetage et à la restructuration des entreprises en difficulté, aucune des règles régissant l'appréciation des aides d'État à finalité horizontale conformément à l'article 87, paragraphe 3, point c), du traité CE n'est applicable au régime d'aide, car celui-ci ne poursuit aucune de leurs finalités spécifiques et l'Allemagne n'a pas affirmé que tel était le cas.

(91) La Commission estime que les aides ne sont pas non plus destinées à promouvoir la réalisation d'un projet important d'intérêt européen commun ou à remédier à une perturbation grave de l'économie d'un État membre, pas plus qu'elles ne sont destinées à promouvoir la culture et la conservation du patrimoine. Dès lors, la Commission conclut que ni l'article 87, paragraphe 3, point b), ni l'article 87, paragraphe 3, point d), du traité CE ne s'appliquent au régime d'aide en cause.

(92) Quelques cas d'application du régime en cause ont éventuellement fait l'objet d'une autre procédure formelle d'examen conformément à l'article 88, paragraphe 2, du traité CE, mais la présente décision ne les concerne pas.

5. CONCLUSIONS

(93) Le régime d'aide est illégal. Les aides qui sortent du champ d'application du règlement (CE) n° 69-2001 ou qui, si elles ne relèvent pas de ce règlement, sortent du champ d'application de l'autre règle de minimis en vigueur au moment où le régime a été exécuté ont été octroyées illégalement.

(94) Le régime d'aide est incompatible avec le Marché commun dès lors qu'il autorise, dans sa partie "non de minimis" les aides au sauvetage sous forme de prêts bonifiés, qu'il permet les aides à la restructuration sans les limiter au strict minimum nécessaire, qu'il n'exclut pas l'octroi répété d'aides à la restructuration, qu'il ne prévoit pas l'obligation de notification des aides à la restructuration en faveur de grandes entreprises en difficulté, qu'il n'impose pas l'obligation de notification individuelle pour les secteurs sensibles et qu'il n'exclut pas les aides en faveur d'entreprises saines de secteurs sensibles.

(95) En conséquence, est incompatible avec le Marché commun l'application du régime en dehors du champ d'application du règlement (CE) n° 69-2001 ou de l'autre règle de minimis pertinente en faveur d'entreprises en difficulté et concernant les aides au fonctionnement octroyées à des entreprises saines des secteurs sensibles.

(96) Le régime d'aide est compatible avec le Marché commun dans la mesure où il permet le versement d'aides au fonctionnement à des entreprises saines qui ne sont pas présentes dans les secteurs sensibles.

(97) En vertu de la pratique décisionnelle constante de la Commission, les aides octroyées illégalement et incompatibles au regard de l'article 87, du traité CE doivent être récupérées auprès de leurs bénéficiaires, dans la mesure où elles ne sont pas couvertes par des règles de minimis. Cette pratique a été confirmée par l'article 14 du règlement (CE) n° 659-1999 du Conseil du 22 mars 1999 portant modalités d'application de l'article 92 du traité CE (24), aux termes duquel l'État membre concerné prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer l'aide auprès de son bénéficiaire. Pour tirer définitivement au clair le nombre de cas concernés par la récupération, la Commission estime que l'Allemagne doit dresser la liste de toutes les entreprises qui sortent du champ d'application du règlement (CE) n° 69-2001,

A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:

Article premier

Le régime d'aide relatif au programme visant à la consolidation des entreprises du Land de Thuringe (ci-après dénommé: "le régime d'aide") constitue une aide d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE. Le régime ne constitue pas une aide d'État si les concours financiers relèvent du règlement (CE) n° 69-2001 ou, dans la négative, s'ils relèvent des règles de minimis qui étaient en vigueur au moment de l'exécution de l'aide et que, cumulés avec d'autres aides de minimis, ils ne franchissent pas le seuil de minimis correspondant du règlement (CE) n° 69-2001 ou de l'autre règle de minimis pertinente. Le régime ne constitue pas une aide au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE, dans la mesure où des concours financiers ont été octroyés en faveur d'entreprises qui ne participent pas aux échanges entre États membres avec la fabrication de produits ou la fourniture de services. Dans la mesure où le régime relève de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE, les aides octroyées sont illégales.

Article 2

Dans la mesure où le régime d'aide prévoit des aides au fonctionnement en faveur d'entreprises saines en dehors des secteurs sensibles, il est compatible avec le Marché commun.

Article 3

Dans la mesure où le régime d'aide octroie des aides au fonctionnement en faveur d'entreprises des secteurs sensibles, il est incompatible avec le Marché commun s'il entre dans le champ d'application de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE.

Article 4

Dans la mesure où le régime octroie des aides au sauvetage et à la restructuration en faveur d'entreprises en difficulté, il est incompatible avec le Marché commun s'il entre dans le champ d'application de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE.

Article 5

La présente décision ne concerne pas les cas d'application du régime qui ont déjà fait l'objet d'une autre procédure formelle d'examen ou d'une décision finale de la Commission. L'Allemagne dresse la liste des entreprises concernées.

Article 6

L'Allemagne prend toutes les mesures qui s'imposent pour exiger des bénéficiaires qu'ils restituent les aides décrites aux articles 3 et 4 qui leur ont été accordées illégalement. Le recouvrement de l'aide intervient immédiatement, conformément aux procédures nationales, dans la mesure où elles permettent l'exécution effective et immédiate de la décision. Les sommes à recouvrer comprennent les intérêts à compter de la date à laquelle le bénéficiaire a perçu l'aide illégale jusqu'à la date de son remboursement effectif. Ces intérêts sont calculés sur la base du taux de référence applicable au calcul de l'équivalent subvention des aides à finalité régionale.

Article 7

Dans le cadre de l'exécution de la présente décision, l'Allemagne dresse la liste des entreprises qui sont exclues du champ d'application sectoriel du règlement (CE) n° 69-2001 ou qui, en intégrant l'élément d'aide de la garantie et les autres aides de minimis octroyées durant la période en cause, franchissent le seuil prévu par le règlement (CE) n° 69-2001. Dans le cadre de l'exécution de la présente décision, l'Allemagne dresse la liste de toutes les entreprises en difficulté qui ne relèvent pas du règlement (CE) n° 69-2001 et ont bénéficié du régime en cause et elle précise les critères en vertu desquels une entreprise a été jugée en difficulté. Dans ce contexte, l'Allemagne élabore une méthode de détermination de l'élément d'aide de la garantie. Dans le cadre de l'exécution de la présente décision, l'Allemagne dresse la liste des entreprises qui ne relèvent pas du règlement (CE) n° 69-2001 et ont bénéficié du régime en cause, mais qui ne fabriquent pas de produits et ne fournissent pas de services faisant l'objet d'échanges intracommunautaires, et elle indique ses critères.

Article 8

L'Allemagne informe la Commission, dans les deux mois suivant la notification de la présente décision, des mesures qu'elle a prises pour s'y conformer.

Article 9

La République fédérale d'Allemagne est destinataire de la présente décision.

NOTES

(1) Thüringer Staatsanzeiger n° 33-1993, p. 1414.

(2) JO C 213 du 19.8.1992, p. 2.

(3) JO C 108 du 17.4.1999, p. 26.

(4) Voir la note 2 de bas de page.

(5) JO C 29 du 2.2.1996, p. 4.

(6) JO L 60 du 9.3.1999, p. 61.

(7) Voir note 2 de bas de page.

(8) JO C 68 du 6.3.1996, p. 9.

(9) JO 10 du 13.1.2001, p. 30.

(10) Du reste, cet encadrement communautaire est entré en vigueur avec sa publication au Journal officiel des Communautés européennes. Par la décision 1999-183-CE, la Commission a établi que les régimes d'aide allemands sont incompatibles avec le Marché commun au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE dans la mesure où ils ne respectent pas l'encadrement et les mesures utiles concernant les aides d'État relatives aux investissements dans le secteur de la transformation et de la commercialisation de produits agricoles qui ont été communiqués à l'Allemagne par lettre SG (95) D-13086 du 20 octobre 1995.

(11) JO C 368 du 23.12. 1994, p. 12.

(12) En ce qui concerne les aides non notifiées, le paragraphe 101, point b), des lignes directrices communautaires pour les aides d'État au sauvetage et à la restructuration des entreprises en difficulté de 1999 (JO C 288 du 9.10.1999, p. 2) établit que la Commission examine la compatibilité avec le Marché commun de toute aide destinée au sauvetage et à la restructuration qui est octroyée sans l'autorisation de la Commission et donc en contravention de l'article 88, paragraphe 3, du traité CE sur la base des lignes directrices en vigueur au moment de l'octroi de l'aide. C'est pourquoi la Commission a examiné le régime d'aide sur la base de la pratique décisionnelle contenue dans le huitième rapport de la Commission des Communautés européennes sur la politique de concurrence de 1979 et sur la base des lignes directrices de 1994.

(13) Lettre de la Commission aux États membres SG(89) D-4328 du 5 avril 1989.

(14) JO C 71 du 11.3.2000, p. 15.

(15) En vertu du paragraphe 2.2 des lignes directrices de 1994, ces lignes directrices n'étaient applicables que dans la mesure où elles étaient compatibles avec les règles spécifiques applicables aux secteurs sensibles. À l'époque en cause, il existait des dispositions particulières pour les aides d'État dans les secteurs de l'agriculture, de la pêche, de la sidérurgie, de la construction navale, de l'industrie textile et de l'habillement, des fibres synthétiques, de l'industrie automobile, des transports et de l'industrie charbonnière. Dans le secteur agricole, les États membres pouvaient, s'ils le souhaitaient, à titre d'alternative à ces lignes directrices, continuer à appliquer aux bénéficiaires individuels les règles spéciales prévues par la Commission pour les aides d'État au sauvetage et à la restructuration.

(16) Voir note 101 de ces lignes directrices.

(17) JO C 31 du 3.2.1979, p. 9.

(18) JO C 212 du 12.8.1988, p. 2.

(19) JO C 74 du 10.3.1998, p. 9.

(20) JO C 119 du 22.5.2002, p. 22. (Pour la délimitation des définitions, la Commission renvoie aux textes cités. La Commission a examiné les aides aux entreprises saines au regard de sa communication de 1988 sur la méthode pour l'application de l'article 92, paragraphe 3, points a) et c), aux aides régionales. L'appréciation ne serait pas modifiée par l'application des lignes directrices concernant les aides d'État à finalité régionale de 1998).

(21) Voir notes 16 et 17 de bas de page.

(22) Le programme a été remplacé par un nouveau programme de prêts de minimis du Land de Thuringe qui, de prime abord, semble être conforme aux conditions de la règle de minimis applicable.

(23) Pour l'application de la dérogation énoncée à l'article 87, paragraphe 2, point c), du traité CE, la Commission renvoie aux explications de la Cour de justice des Communautés européennes relatives à l'article 52, paragraphe 8, de la loi allemande concernant l'impôt sur le revenu; voir arrêt du 19 septembre 2000 dans l'affaire C-156-98, Allemagne/Commission (non publié à ce jour).

(24) JO L 83 du 27.3.1999, p. 1.