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Décisions

CA Besançon, ch. corr., 22 mai 1990, n° 385

BESANÇON

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Defer

Conseillers :

MM. Waultier, Bougon

Avocats :

Mes Buliard, Saiah, Belzung.

CA Besançon n° 385

22 mai 1990

LA COUR,

Par déclarations des 24 et 26 janvier 1990, Mario Pereira, partie civile, Gérard S, prévenu puis le Ministère public ont interjeté appel du jugement rendu le 19 janvier 1990 par le Tribunal correctionnel de Belfort qui :

Sur l'action publique

- a déclaré Gérard S coupable de tromperie, l'a condamné è la peine de 20 000 F d'amende et a ordonné la publication de la décision dans les journaux l'Est Républicain et le Pays de Franche- Comté ;

Sur l'action civile

- a alloué à Mario Pereira les sommes de 15 784,87 F à titre de dommages et intérêts et de 870 F au titre des frais irrépétibles et à l'Union Fédérale des Consommateurs les sommes de 1 F à titre de dommages et intérêts et de 870 F au titre des frais irrépétibles.

La cause a été appelée à l'audience publique du vingt-quatre avril mille neuf cent quatre-vingt-dix,

Les appels sont réguliers.

Mario Pereira sollicite la réformation de la décision sur l'action civile, l'allocation de la somme de 62 316,41 F en réparation du préjudice subi et la somme de 3 000 F au titre des frais irrépétibles.

Gérard S sollicite au principal sa relaxe et subsidiairement l'organisation d'une expertise technique contradictoire.

Le Ministère public requiert la confirmation de la décision.

L'Union Fédérale des Consommateurs, demande la confirmation de la décision et l'allocation des sommes de 10 000 F à titre de dommages et intérêts et de 3 000 F au titre des frais irrépétibles. Gérard S est prévenu d'avoir à Belfort (90), le 19 novembre 87 trompé le contractant sur la nature, l'espèce ou l'origine, les qualités substantielles la composition et la teneur en principes utiles de la marchandise vendue, en l'espèce omission de la mention du véhicule accidenté et réparation imparfaite au préjudice de M. Pereira,

Fait prévu et réprimé par les articles 1, 6 et 7 de la loi du 1er août 1905.

I - Exposé des faits

Le 14 novembre 1988, M. Pereira informait le service de la Concurrence de la Consommation et de la Répression des Fraudes que le véhicule Ford Escort immatriculé 3238 FM 90 acheté le 19 novembre 1987 à la SA Garage X Concessionnaire Ford à Belfort avait mal été réparé suite à un accident antérieur, était réputé dangereux et dont la gravité n'avait pas été signalée lors de l'achat.

L'enquête effectuée révélait que ce véhicule acquis neuf en 1985 par Jean Paquet avait été sinistré le 27 avril 1987 ayant parcouru 10 399 kms et repris par le garage Ford le 28 avril 1987 pour la somme de 44 000 F à valoir sur l'acquisition d'un véhicule neuf.

Le véhicule, après expertise effectuée le 5 juin 1987 par le cabinet Bossart et en accord avec la compagnie d'assurances devait faire l'objet d'une remise en ligne du bloc avant sur marche, du contrôle du train avant, de la remise en forme de la porte avant droite, du changement de nombreuses pièces notamment la toue d'aile gauche, réparations représentant un montant de 28 739,35 F réglé par la Matmut après présentation d'une facture par le garage.

Le véhicule entrait le 5 mai 1987 dans le stock des véhicules d'occasion du garage, était vendu le 14 novembre 1987 au prix de 52 645 F à Mario Pereira qui en prenait possession le 19 novembre 1987, date à laquelle il recevait la facture et signait une décharge de responsabilité du garage.

Mario Pereira déclarait ne pas avoir reçu le double d'un document intitulé décharge de responsabilité et prétendait que l'additif "je sais que le véhicule a été accidenté côté avant gauche" avait été rajouté ultérieurement.

Constatant une usure anormale des pneumatiques avant et une tenue de route précaire, Mario Pereira faisait contrôler le train avant par le garage X le 19 septembre 1988 dernier jour de la garantie et en payait le réglage.

En l'absence d'amélioration, Maria Pereira faisait expertiser le véhicule le 27 octobre 1988 par le cabinet Bossart qui confirmait l'accident antérieur, relevait que le passage de la joue d'aile gauche avait été réparé grossièrement et enduite d'une couche importante de matière insonorisante et concluait à un déséquerrage du bloc avant et à une utilisation dangereuse du véhicule.

Un contrôle effectue le 2 novembre 1988 par le centre d'expertise automobiles confirmait que le train avant du véhicule était faussé, les angles de chasse et de carrossage étant hors cote constructeur.

Afin de vérifier si le véhicule avait fait l'objet d'une remise en ligne sur marbre Blackwart, un contrôle effectué le 15 mars 1989 sur bloc métrique démontrait que cette opération n'avait pas été effectuée.

Gérard S ne pouvait produire une attestation de la société Blackwart confirmant son intervention, ni la copie des fiches d'atelier afférant à la nature des réparations réellement effectuées sur le véhicule.

Il - Sur l'action publique

Attendu que le document dit "décharge de responsabilité" remis en copie porte la mention de la révélation d'un accident antérieur qui apparaissait avoir été rajouté ultérieurement ; qu'en tout état de cause ce document remis le jour de la prise de possession du véhicule soit cinq jours après la conclusion du contrat de vente ne saurait dégager Gérard S professionnel de l'automobile de sa responsabilité.

Attendu que compte tenu du prix d'achat du véhicule à Jean Paquet, du prix de vente du véhicule à Mario Pereira et du montant des réparations facturées à la compagnie d'assurances La Matmut, il apparaît peu vraisemblable que les réparations aient été effectuées dans leur intégralité sauf à vendre le véhicule avec une perte importante.

Attendu par ailleurs que les divers contrôles techniques et expertises réalisés démontrent que les réparations n'ont pas été effectuées selon les règles de l'art, Gérard S ne produisant d'ailleurs aucun document probant pouvant contredire ces constatations.

Attendu que les imperfections techniques résultent de trois examens concordants, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de contre-expertise.

Ainsi Gérard S, garagiste professionnel a procédé à la mise en vente d'un véhicule dont il ne pouvait méconnaître les graves imperfections techniques, qualités substantielles de l'objet vendu qui n'ont pas été portées à la connaissance de l'acquéreur; qu'en effet la considération d'un accident antérieur affectant le véhicule constitue un élément substantiel du consentement de l'acquéreur alors d'une part qu'il n'est pas établi que l'accident ait été révélé lors de la transaction par le vendeur et d'autre part que les dégâts n'ont pas été normalement réparés.

Attendu qu'il convient dès lors de confirmer le jugement entre- pris tant sur la culpabilité que sur la peine qui apparaît parfaitement adaptée ; qu'il convient cependant de préciser que le coût de chaque publication aux frais du prévenu ne pourra excéder la somme de 5 000 F.

III - Sur l'action civile

Attendu que l'Union Fédérale des Consommateurs, n'étant pas appelante, ne peut solliciter l'allocation de dommages et intérêts supérieurs à ceux alloués en première instance ; qu'il convient de confirmer la décision entreprise la concernant et d'y ajouter la somme de 1 000 F au titre des frais irrépétibles engagés en appel.

Attendu que le préjudice subi par Mario Pereira était attesté par les documents produits et s'élevant à la somme de 50 000 F toutes causes confondues, il convient de réformer la décision en ce sens ; qu'étant inéquitable de laisser à la charge de Mario Pereira les frais engagés en appel, il lui sera alloué de ce chef la somme de 2 000 F.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant contradictoirement, Déclare les appels recevables, Sur l'action publique Dit n'y avoir lieu à l'organisation d'une mesure d'expertise, Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, Dit que le coût de chacune des deux publications ne pourra excéder la somme de cinq mille F (5 000 F), Sur l'action civile Déboute l'Union Fédérale des Consommateurs de sa demande de dommages et intérêts complémentaire, Confirme les dispositions civiles concernant l'Union Fédérale des Consommateurs, Y ajoutant condamne Gérard S à lui verser la somme de mille F (1 000 F) au titre des frais irrépétibles, Réforme le jugement sur les dispositions civiles concernant Mario Pereira, Condamne Gérard S à payer à Mario Pereira les sommes de cinquante mille F (50 000 F) en réparation du préjudice subi toutes causes confondues et de deux mille F (2 000 F) au titre des frais irrépétibles engagés en appel, Condamne Gérard S aux frais envers l'Etat et aux dépens de l'action civile.