CA Lyon, 3e ch. civ., 15 janvier 2004, n° 02-02117
LYON
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Quincy
Défendeur :
Paulaner Brauerei (Sté), Bernard
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Martin
Conseillers :
MM. Simon, Kerraudren
Avoués :
SCP Junillon-Wicky, SCP Aguiraud-Nouvellet
Avocats :
Mes Heilig, Veber.
LA COUR, (troisième chambre),
Expose de l'affaire :
A la suite de la liquidation judiciaire de la société " Le Vert Galant ", à laquelle elle avait consenti le 11 octobre 1996 un prêt de 100 000 F dans le cadre d'une convention de fourniture de bière, la société Paulaner Brauerei a assigné Mademoiselle Tifenn Quincy et Monsieur Jérôme Bernard, en leur qualité de cautions solidaires, devant le Tribunal de commerce de Lyon qui, par un jugement du 7 décembre 2001, a statué comme suit :
- condamne Mademoiselle Tifenn Quincy et Monsieur Jérôme Bernard, solidairement, à payer à la société Paulaner Brauerei la somme de 66 492,88 F, outre intérêts au taux contractuel à compter du 3 juillet 2000 au taux de 10,5 %
- ordonne la capitalisation des intérêts sur le fondement de l'article 1154 du Code civil,
- dit que Mademoiselle Tifenn Quincy pourra s'acquitter de sa dette en 21 mensualités égales, la première devant intervenir dans le mois suivant signification de la présente décision,
- dit qu'à défaut de règlement à son échéance d'une seule mensualité, la totalité de la somme restant due deviendra immédiatement et de plein droit exigible, sans mise en demeure,
- dit qu'il n'y a pas lieu de prononcer l'exécution provisoire de la décision,
- condamne solidairement Mademoiselle Tifenn Quincy et Monsieur Jérôme Bernard à verser à la société Paulaner Brauerei la somme de 2 500 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- condamne solidairement Mademoiselle Tifenn Quincy et Monsieur Jérôme Bernard aux dépens.
Mademoiselle Quincy a relevé appel de ce jugement. Aux termes de ses dernières écritures, en date du 1re avril 2003, elle prie la cour de réformer ledit jugement, de dire que la société Paulaner Brauerei a commis une faute de nature à engager sa responsabilité à son égard, de la condamner à lui payer 66 492,88 F (10 136,77 euros) à titre de dommages et intérêts, d'ordonner la compensation et de débouter la société Paulaner Brauerei de toutes ses demandes.
Subsidiairement, elle sollicite les plus larges délais de paiement et la réduction du taux d'intérêt au taux légal.
La société Paulaner Brauerei a conclu, en dernier lieu, le 21 mai 2003, à la confirmation de la décision déférée tout en réclamant 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Monsieur Jérôme Bernard a fait l'objet d'un procès-verbal de recherches infructueuses le 6 mars 2003. Il convient de décider qu'il n'y a pas lieu à nouvelle citation on ce qui le concerne. Le présent arrêt sera réputé contradictoire puisque l'un des intimés a comparu.
La cour renvoie, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, à leurs écritures précitées.
Motifs :
Attendu que l'appelante fait valoir que la société Paulaner Brauerei a commis une faute en recueillant son cautionnement alors qu'il existait une disproportion manifeste entre l'ampleur de son engagement et ses revenus ; qu'elle se plaint aussi d'un défaut d'information relatif aux incidents de paiement;
Attendu que l'article L. 313-10 du Code de la consommation n'est pas applicable en l'espèce, comme le soutient à bon droit l'intimée, puisque, en admettant même que la société Paulaner Brauerei soit un " établissement de crédit ", le prêt qu'elle a consenti à la société "Le Vert Galant" ne relève pas lui-même des dispositions dudit Code, ce qui n'est pas discuté;
Attendu que, pour autant, la caution n'est pas privée de la possibilité d'invoquer une faute du préteur de nature à la décharger, au moins partiellement, de son engagement;
Attendu qu'il résulte des pièces versées aux débats que Mademoiselle Quincy aperçu en 1996, un revenu mensuel moyen de 6 100 F ; qu'elle avait un emploi salarié régulier puisqu'elle indique l'avoir conservé malgré sa qualité de gérante de la société emprunteuse;
Attendu que le montant des échéances de remboursement s'élevait à 1 634,40 F par mois ; que ces échéances ont été régulièrement payées jusqu'en août 1999 ce qui signifie que l'activité de la société "Le Vert Galant " pouvait être considérée, lors de la signature de l'engagement de caution, comme susceptible de générer des revenus suffisants de nature à permettre ce remboursement; que, même si Mademoiselle Quincy n'a pas abandonné son emploi salarié, ses revenus lui auraient permis, au besoin, de régler les échéances qui n'auraient représenté que 27 % de ses ressources;
Attendu que, dans l'acte de cautionnement, Mademoiselle Quincy a expressément renoncé à invoquer un motif de discussion ; qu'en toute hypothèse, la société Paulaner Brauerei justifie de ce que sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société " Le Vert Galant " est irrécouvrable, on totalité et définitivement, comme on a attesté le liquidateur judiciaire le 8 novembre 2000;
Attendu qu'en sa qualité de gérante de droit de la société emprunteuse, Mademoiselle Quincy ne pouvait ignorer les conditions de remboursement du prêt et les éventuels incidents qui pouvaient se produire, même si la gestion de fait était assurée par Monsieur Bernard, ainsi qu'elle le prétend, alors qu'elle indique elle-même que celui-ci était son concubin à l'époque;
Attendu, en outre, que les remboursements ont cessé on septembre 1999 et que la société a été mise en redressement judiciaire le 6 mars 2000, ce que savait nécessairement Mademoiselle Quincy; qu'au demeurant, elle n'explique pas le préjudice qu'a pu lui causer le délai écoulé enlie le premier incident de paiement des échéances et sa propre mise en demeure de régler les sommes dues puisque la société Paulaner Brauerei ne réclame pas de pénalités de retard;
Attendu, en définitive, que les moyens soulevés par l'appelante ne sont pas fondés et que le jugement déféré doit être confirmé;
Attendu que l'intimée ne discute pas la demande de délais de paiement; qu'elle sollicite d'ailleurs la confirmation du jugement, celui-ci ayant fait application de l'article 1244-1 du Code civil;
Attendu qu'aucun motif spécial ne justifie la réduction du taux d'intérêt au taux légal; que cette demande sera écartée;
Attendu que le jugement doit donc être intégralement confirmé sauf à préciser que le délai accordé à Mademoiselle Quincy pour s'acquitter de sa dette, aura pour point de départ la signification du présent arrêt;
Attendu enfin qu'il n'y a pas lieu, en équité, à allocation d'une indemnité supplémentaire au profit de la société Paulaner Brauerei pour ses frais irrépétibles de procédure;
Par ces motifs et ceux non contraires du tribunal, LA COUR, Dit n'y avoir lieu à réassignation de Monsieur Jérôme Bernard, Confirme le jugement entrepris, Dit toutefois que la première mensualité devra être acquittée par Mademoiselle Tifenn Quincy dans le mois suivant la signification du présent arrêt, Déboute les parties de toutes demandes contraires ou plus amples, Condamne Mademoiselle Tifenn Quincy aux dépens d'appel avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP Aguiraud Nouvellet, avoués, conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.