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Décisions

CA Toulouse, 3e ch. corr., 14 juin 2001, n° 00-00828

TOULOUSE

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Selmes

Substitut général :

M. Chazotte

Conseillers :

M. Lamant, Mme Baby

Avocats :

Mes Saudemont, Viala

CA Toulouse n° 00-00828

14 juin 2001

Rappel de la procédure :

Le jugement :

Le tribunal, par jugement en date du 11 juillet 2000,

* a relaxé Timoteo S du chef de :

- tromperie sur la nature, la qualité, l'origine ou la quantité d'une marchandise, courant novembre 1999, à Foix, infraction prévue par l'article L. 213-1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 213-1, L. 216-2, L. 216-3 du Code de la consommation,

* a rejeté l'exception de nullité de la procédure.

Sur l'action civile :

- a débouté Cot Vanessa de son action civile,

- a débouté Villard Cyril de son action civile.

Les appels :

Appel a été interjeté par Madame Cot Vanessa, le 20 juillet 2000 contre Monsieur S Timoteo Monsieur Villard Cyril, le 20 juillet 2000 contre Monsieur S Timoteo M. le Procureur de la République, le 20 juillet 2000 contre Monsieur S Timoteo

Décision :

Mlle Vanessa Cot et son ami M. Cyril Villard, qui recherchaient un véhicule Golf Volkswagen d'occasion, pourvu de la climatisation, se sont rendus le 27 novembre 1999 à la concession de la marque gérée par la SA X à Foix, dont M. Timotheo S est le responsable. Aucun véhicule correspondant à leur attente n'était disponible, mais ils ont été informés quelques jours plus tard que la concession allait recevoir un lot de véhicules, parmi lesquels figurait une Golf climatisée. Ils ont signé le 4 décembre 1999 un bon de commande dudit véhicule, dont ils ont pris possession le 7 décembre. S'apercevant le lendemain de ce qu'il était immatriculé dans la Marne, département où les loueurs de voitures notamment immatriculaient alors leur flotte, dans un souci d'économie sur les frais de vignette, Mlle Cot a demandé à X de lui indiquer le nom du précédent propriétaire, ce qui lui a été refusé, au motif d'un prétendu "secret professionnel". Mlle Cot et M. Villard ont fait valoir qu'ils subissaient un préjudice de ce fait. Il leur a été proposé de restituer le véhicule et d'obtenir restitution du prix, ce qu'ils ont refusé car Mlle Cot avait besoin d'une voiture pour aller travailler. Il leur a été proposé d'acquérir un véhicule neuf moyennant un complément de prix de 6 000 F mais lorsqu'ils ont donné leur réponse positive quelques jours plus tard, ce véhicule avait été vendu. C'est alors que Mlle Cot a appris, par l'intermédiaire de son père, qui est gendarme, que le propriétaire précédent était bien une société de location. Elle a alors porté plainte pour tromperie, et la tentative de médiation pénale engagée ensuite a échoué, les acheteurs exigeant que le véhicule leur soit repris à toute époque de leur choix à la valeur du marché.

Le Tribunal correctionnel de Foix, par jugement en date du 11 juillet 2000, a renvoyé M. S des fins de la poursuite du chef de tromperie, déclarant irrecevable la constitution de partie civile de Mlle Cot et M. Villard.

Les parties civiles ont relevé appel de cette décision le 20 juillet 2000, suivies le même jour du Procureur de la République.

M. S se présente devant la cour assisté de son avocat, et rappelle qu'il n'est pas légalement obligatoire de mentionner le nom du précédent propriétaire d'un véhicule d'occasion lors de la vente. Lui-même ne connaissait d'ailleurs pas ce nom avant d'être en possession de la carte grise, arrivée à la concession postérieurement à la signature du bon de commande par les consorts Cot- Villard, en même temps que le véhicule, acquis au sein d'un lot proposé par le constructeur. Il ajoute que les parties civiles, qui entretiennent ledit véhicule dans la concession X, n'ont mentionné aucun incident depuis un an et demi, alors qu'ils ont parcouru plus de 30 000 km.

Le conseil de la partie civile plaide la mauvaise foi du prévenu, qui résulterait de sa réticence à fournir un renseignement qu'il n'y avait pas lieu de cacher : cette réticence dolosive ne s'explique que par la conscience que la révélation de l'origine du véhicule était de nature à faire revenir ses clients sur leur décision d'achat.

Il demande pour ses clients une indemnisation égale au prix d'achat du véhicule, majoré des frais d'assurance et autres exposés depuis son acquisition, ainsi que 20 000 F de dommages intérêts et 11 960 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

M. l'Avocat général, rappelant qu'il s'agit pour la cour de rechercher si la tromperie, délit de droit commun, est constituée, observe qu'il n'y a pas délit en l'espèce sans intention de le commettre, la preuve de l'intention coupable devant être apportée par le ministère publie. En l'espèce, il apparaît que lors de la conclusion de la vente, le vendeur professionnel a fourni le seul renseignement alors en sa possession, à savoir le numéro d'immatriculation du véhicule dans la Marne, et ce sans susciter d'observation particulière de la part des acheteurs. Il requiert donc la confirmation de la relaxe.

Décision

Les appels ont été régularisés dans les forme et délai légaux, ils sont donc recevables en la forme.

Il est reproché au prévenu d'avoir trompé les parties civiles sur l'origine du véhicule d'occasion vendu, en l'espèce d'avoir volontairement caché que le précédent propriétaire était une entreprise de location de véhicules.

Or, il ressort tant des éléments de l'enquête que des pièces produites par les parties que la SA X, dont le prévenu est président, a acquis le véhicule litigieux le 8 novembre 1999, mais ne l'a réceptionné que le 6 ou le 7 décembre suivant, alors que la vente aux consorts Cot-Villard a donné lieu à la signature par les deux parties d'un bon de commande en date du 4 décembre (date à laquelle la vente était parfaite), à une livraison du 7 et à l'émission d'une facture en date du 9 du même mois. Les documents relatifs à l'acquisition par la concession dudit véhicule ne mentionnent à aucun moment en clair l'identité du précédent propriétaire, qui a donc pu n'être connue qu'à la lecture de la carte grise, parvenue à la concession en même temps que le véhicule concerné, et postérieurement à la conclusion de la vente litigieuse. En tout état de cause, le contraire n'est pas démontré.

Par ailleurs, si l'on est certain que l'existence de l'option "climatisation" a été déterminante du choix des acheteurs, ils n'ont à aucun moment prétendu avoir exigé que le véhicule soit "de première main", c'est à dire conduit par une seule et même personne.Il ne saurait à cet égard être reproché au vendeur poursuivi d'avoir volontairement fait usage sur le bon de commande de la mention ambiguë "Premier propriétaire (premier changement de propriétaire)" le bon de commande utilisé est un formulaire établi, conformément aux dispositions légales applicables en la matière, par une organisation de professionnels de l'automobile, aucune mention n'est surchargée ou modifiée par le vendeur et toutes les mentions obligatoires sont exactement renseignées. Le numéro d'immatriculation dans la Marne figure en clair sur ce document contractuel.

Enfin, les textes spécifiques applicables aux ventes de véhicules d'occasion ne mentionnent à aucun moment, au titre des mentions obligatoires, l'indication du nom du précédent propriétaire.

Il apparaît donc qu'il ne peut être reproché au prévenu, lors de la conclusion de la vente, aucun mensonge ou même une simple réticence dolosive susceptibles d'être assimilés à une tromperie sur l'origine du véhicule vendu.

Les réticences constatées ultérieurement, si l'on peut comprendre qu'elles aient été mal perçues par les acquéreurs, ne sont pas pour autant de nature à caractériser l'infraction. Quant aux prétendues anomalies de peinture, qui n'ont jamais été évoquées lors de la livraison du véhicule, malgré leur caractère apparent, ni même pendant l'enquête, il n'y a pas lieu de s'y attarder plus longtemps que ne l'a fait le tribunal, en l'état de la seule production par les parties civiles d'une attestation établie en blanc par un carrossier le 15 mai 2000 seulement, et sur laquelle le nain de Mlle Cot et le numéro du véhicule litigieux ont été ajoutés d'une main différente.

Ainsi, la Cour, comme le tribunal, ne pourra que constater que l'infraction n'est pas établie, et renvoyer M. S des fins de la poursuite.

Mlle Cot et M. Villard seront dès lors déclarés irrecevables en leur constitution de partie civile. En l'espèce, l'équité commande de laisser à leur charge leurs frais irrépétibles ; ils seront par ailleurs condamnés aux dépens.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, En la forme, Reçoit les appels, Au fond, Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré, Condamne les parties civiles aux dépens.