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Décisions

CA Toulouse, 3e ch. corr., 1 mars 2001, n° 00-00811

TOULOUSE

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Selmes

Substitut général :

M. Chazottes

Conseillers :

M. Lamant, Mme Baby

Avocat :

Me Gaillard

CA Toulouse n° 00-00811

1 mars 2001

Rappel de la procédure :

Le jugement :

Le tribunal, par jugement en date du 11 septembre 2000, a déclaré Stéphanie B coupable de :

* tromperie sur la nature, la qualité, l'origine ou la quantité d'une marchandise, le 26 octobre 1998, à Colomiers, infraction prévue par l'article L. 213-1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 213-1, L. 216-2, L. 216-3 du Code de la consommation

Et, en application de ces articles, l'a condamnée à :

* 10 000 F d'amende, publication dans la Dépêche du Midi, édition de Toulouse, La Montagne, édition de Brive (coût maximum 3 000 F chacune).

Sur l'action civile :

* a alloué à L'organisation Générale des Consommateurs, 2 000 F à titre de dommages intérêts et 800 F au titre de l'article 475-1 du CFP

* a alloué à l'UFC de Colomiers Ouest 31, 2 000 F à titre de dommages intérêts et 800 F au litre de l'article 475-1 du CPP

* a alloué à L'union Fédérale des Consommateurs de Toulouse - Que Choisir?, 2 000 F à titre de dommages intérêts et 800 F au titre de l'article 475-1 du CPP

Les appels :

Appel a été interjeté par Mademoiselle B Stéphanie, le 18 septembre 2000 M. le Procureur de la République, le 25 septembre 2000 contre Mademoiselle B Stéphanie

Décision :

Le 26 octobre 1998, un contrôle effectué par la Direction régionale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes au rayon boucherie-charcuterie du magasin X de Colomiers a permis de constater une pratique de reconditionnement des produits vendus en barquette, viande et abats. C'est ainsi qu'un total de 25,296 kg de produits avaient été réemballés, opération qui avait eu pour conséquence de munir les nouveaux emballages d'une étiquette faisant apparaître une date limite de consommation postérieure à la date figurant sur l'emballage initial, qui, dans certains cas, était déjà atteinte, voire dépassée.

Le chef de rayon était absent ce jour-là pour cause de congés, et la manipulation avait été réalisée par un subordonné. Il est apparu que la machine à étiqueter indiquait systématiquement une date limite de consommation postérieure de cinq jours à la date d'emballage : en cas de réemballage, il fallait effectuer une manipulation particulière pour mentionner une date limite de consommation plus proche, et seule une employée du rayon, occupée ce jour-là à mettre en place la marchandise, connaissait cette manipulation. M. Lecellier, chef de rayon, ignorait lui-même quelle était cette manipulation.

Poursuivi en même temps que Mlle B, gérante de la société exploitant le rayon, M. Lecellier a été renvoyé des fins de la poursuite par jugement du Tribunal correctionnel de Toulouse en date du 11 septembre 2000. Mlle B a été condamnée à 10 000 F d'amende pour tromperie sur la nature, la qualité, l'origine ou la quantité d'une marchandise, la publication de la décision étant ordonnée dans l'édition de Toulouse de La Dépêche du Midi et dans celle de Brive du journal La Montagne. Les associations de consommateurs qui s'étaient constituées parties civiles ont obtenu chacune 2 000F de dommages intérêts et 800 F au titre de l'indemnisation de leurs frais irrépétibles.

Mlle B a relevé appel de cette décision le 19 septembre 2000, suivie le 25 septembre du Procureur de la République.

Elle se présente devant la cour assistée de son avocat, qui fait valoir qu'en présence d'une délégation de pouvoirs conforme aux exigences de la jurisprudence de la Cour de cassation, seul M. Lecellier pouvait être condamné, et la relaxe de sa cliente s'impose.

Les associations de consommateurs font valoir que les faits, qui touchent à la sécurité alimentaire, sont graves, et elles demandent la confirmation de la décision déférée, en particulier des mesures de publication, qui informent les consommateurs.

M. l'Avocat général observe que la tromperie porte bien sur une qualité substantielle du produit, mais qu'en raison de l'intervention de l'administration, il n'y a eu que tentative. Celle-ci étant punissable, il requiert la confirmation de la décision déférée.

Décision

Les appels ont été régularisés dans les forme et délai légaux, ils sont donc recevables en la forme.

Les faits poursuivis, en ce qu'ils ont pour effet de tromper les consommateurs quant à la durée de vie du produit qui leur est proposé, sont parfaitement établis et reconnus par les différents intervenants de la société X entendus dans le cadre de l'enquête. Il n'est pas discuté non plus que de tels faits tombent sous le coup de l'article L. 213-1 du Code de la consommation. L'intervention des services de l'administration ayant conduit à écarter les produits concernés de la vente, seule la tentative de tromperie apparaît constituée.

Seule demeure discutée l'imputabilité des faits poursuivis à la gérante de la société, la relaxe étant définitivement acquise en ce qui concerne M. Lecellier.

Mlle B invoque la délégation de pouvoirs consentie au chef de rayon, et dont l'existence n'est pas contestée par celui-ci.

La cour observe cependant que cette délégation générale, si elle reprend à plusieurs reprises et de manière quasi-incantatoire les critères de validité des délégations tels qu'ils sont aujourd'hui fixés (compétence, autorité et moyens dont dispose le délégataire), est particulièrement succincte en ce qui concerne la réglementation économique, présentement en cause : il est simplement indiqué que le délégataire "veillera à ce que la législation issue du droit économique soit dûment respectée. Cette obligation concerne notamment la nature ou la qualité des marchandises vendues". La production de ce document par la prévenue n'est accompagnée d'aucun élément complémentaire tendant à justifier la réalité des compétences du délégataire, simple agent de maîtrise, ni celle des consignes qui lui étaient données par sa hiérarchie pour l'exploitation du rayon, y compris en cas d'absence de sa part.

Or, il ressort des déclarations de M. Lecellier que celui-ci a suivi "un stage d'une journée à Brive en ce qui concerne l'hygiène générale d'un rayon boucherie", tandis que son subordonné n'avait reçu aucune formation particulière.

Seule une subordonnée, dont personne ne prétend qu'elle assumait une responsabilité quelconque dans le rayon, connaissait complètement le fonctionnement de la peseuse : le chef de rayon lui-même ignorait comment programmer la machine pour que la date limite de consommation soit postérieure de moins de cinq jours à la date de réemballage. Il précise même que personne ne lui a indiqué quel était le nombre de jours qui pouvait séparer l'emballage de la date limite de consommation, et qu'il pratique un délai de 5 jours "par habitude". Le courrier que lui a adressé l'administration le 20 mai 1997 montre que ce sont les fonctionnaires chargés du contrôle qui lui ont eux-mêmes apporté les informations nécessaires à l'exécution de son travail. L'administration a également relevé qu'il n'existait aucune procédure globale permettant d'assurer une bonne traçabilité des produits, alors que la pratique consistant à reconditionner la viande apparaît comme systématique M. Lecellier prétend qu'elle n'intervient que lorsque des emballages initiaux sont souillés ou déchirés, mais il apparaît difficile d'admettre que tel avait été le cas pour la totalité des emballages contenant les 25 kg de viande et d'abats litigieux. Lorsqu'elle apparaît ainsi comme une pratique courante, ou qu'elle est associée à l'apposition d'une étiquette "offre spéciale", habituellement accompagnée d'un prix attractif, la pratique du réemballage présente les caractères d'une politique d'entreprise, mise en place à l'initiative de la direction dans le souci d'écouler au mieux les stocks.

Il résulte de ces observations que la délégation de pouvoirs, certes régulière sur le plan formel, ne permet pas d'exonérer la gérante de l'entreprise, qui ne justifie pas avoir dispensé à son délégataire la formation le mettant en mesure d'exercer en connaissance de cause les responsabilités qui lui sont transférées, ni avoir mis en place dans l'établissement dont elle lui confiait la responsabilité les procédures adaptées et impératives garantissant le respect d'une réglementation édictée dans le souci de la protection de la Santé publique, y compris au détriment de la rentabilisation immédiate du point de vente.

La déclaration de culpabilité sera donc confirmée, étant rappelé qu'elle concerne une tentative de tromperie.

Il en sera de même de la peine, qui apparaît de nature à convaincre la prévenue, dont le casier judiciaire ne porte la trace d'aucune condamnation antérieure, des exigences de la sécurité alimentaire, dans le domaine particulièrement sensible de la viande et des abats. La publication de la décision, dans un souci d'information de consommateurs rendus attentifs à la qualité de ce type de produits par les difficultés actuelles des différentes filières de production de viande, s'impose et sera également confirmée.

Enfin, les dispositions civiles du jugement ne sont pas spécialement critiquées, le conseil de Mlle B s'élevant simplement contre la présence aux débats de trois associations ayant un même objet, ce qui, en soi, ne saurait les priver d'agir concurremment pour la défense des intérêts collectifs d'adhérents distincts. Les parties civiles non appelantes demandent la confirmation de ces dispositions, qui seront donc confirmées.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, En la forme, Reçoit les appels, Au fond, Confirme dans toutes ses dispositions le jugement déféré, étant précisé que les faits commis par Mlle B constituent une tentative de tromperie, La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 800 Francs dont chaque condamné est redevable. Fixe la contrainte par corps, s'il y a lieu, conformément aux dispositions de l'Article 750 du Code de procédure pénale;